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E/CN.4/1994/7
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E
NATIONS UNIES
CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL
Distr.
GENERALE
E/CN.4/1994/7
7 décembre 1993
FRANCAIS
Original : ANGLAIS
GE.93-85810
(F)
COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquantième session
Point 12 de l'ordre du jour provisoire
QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME
ET DES LIBERTES FONDAMENTALES OU QU'ELLE SE PRODUISE
DANS LE MONDE, EN PARTICULIER DANS LES PAYS
ET TERRITOIRES COLONIAUX ET DEPENDANTS
Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
Rapport présenté par M. Bacre Waly Ndiaye, rapporteur spécial,
conformément à la résolution 1993/71 de la Commission des droits de
l'homme
[Extraits]
E/CN.4/1994/7
TABLE DES MATIERES
Introduction
..................................
1 - 4
4
Le Mandat .............................
5 - 12
6
A.
Textes de référence ...............
6 - 8
6
B.
Exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires ....................
9 - 12
10
13 - 67
15
17 - 21
16
Allégations transmises par le Rapporteur
spécial aux gouvernements intéressés
22 - 29
20
C.
Réponses émanant des gouvernements
30 - 31
25
D.
Suite donnée ......................
32 - 63
26
E.
Visites ...........................
64 - 65
42
F.
Coopération avec d'autres mécanismes
de l'Organisation des Nations Unies 66 - 67
Chapitres
I.
II.
Méthodes de travail ...................
A.
B.
Allégations communiquées au
Rapporteur spécial ................
Chapitres
II.
III.
43
Activités .............................
68 - 100
44
A.
Consultations .....................
69 - 70
45
B.
Communications ....................
71 - 86
45
C.
Visites ...........................
87 - 91
52
D.
Coopération avec d'autres services
des Nations Unies .................
92 - 97
53
E/CN.4/1994/7
E.
IV.
VI.
Autres activités visant à mieux faire
connaître le mandat du Rapporteur
spécial ........................... 98 - 100
55
Situations ............................ 101 - 664
57
A.
Généralités ....................... 101 - 104
57
B.
Situation dans les pays mis en cause105 - 664
59
[…]Burundi ........................ 166 - 173
[…]Rwanda ......................... 512 - 517
[…]Zaïre .......................... 653 - 662
59
62
65
Conclusions et recommandations ........ 671 - 730
70
A.
Peine capitale .................... 673 - 687
71
B.
Impunité .......................... 688 - 699
79
C.
Allégations parvenues au Rapporteur
spécial et interventions consécutives700 - 711
86
Questions auxquelles le Rapporteur
spécial attache un intérêt
particulier ....................... 712 - 723
94
E.
Aspects d'ordre procédural ........ 724 - 728
102
F.
Prévention ........................ 729 - 730
105
D.
E/CN.4/1994/7
Introduction
1.
Le
présent
rapport
est
présenté
en
application
de
la
résolution 1993/71 de la Commission des droits de l'homme, en date du
10 mars 1993, intitulée "Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires".
2.
C'est le deuxième rapport présenté à la Commission des droits de
l'homme par M. Bacre Waly Ndiaye en qualité de Rapporteur spécial et,
au total, le onzième depuis que le Conseil économique et social a
défini, dans sa résolution 1982/35 en date du 7 mai 1982, le mandat du
Rapporteur spécial.
3.
Au chapitre I du présent rapport, le Rapporteur spécial se réfère
aux différentes résolutions à la base du mandat dont il devait
s'acquitter,
conformément
à
la
résolution
susmentionnée,
et
à
l'attention particulière que la Commission des droits de l'homme, dans
d'autres résolutions, l'a prié de porter à un certains nombres de
questions relatives aux violations du droit à la vie. On trouve
également dans ce chapitre un aperçu du cadre juridique dans lequel
s'inscrit ce mandat. Le chapitre II contient des observations sur les
méthodes de travail que le Rapporteur spécial a appliquées en 1993 et,
plus précisément, sur l'évolution de ces méthodes depuis qu'il a pris
ses fonctions en 1992. Au chapitre III, le Rapporteur spécial indique
les activités entreprises depuis l'achèvement du rapport qu'il a
présenté à la Commission des droits de l'homme à sa quarante-neuvième
session. Le chapitre IV expose la situation dans les pays où il est
intervenu dans l'exercice de ses fonctions : on y trouvera une analyse
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générale des allégations de violations du droit à la vie dont il a été
informé ainsi qu'un résumé de sa correspondance avec les gouvernements
au sujet de celles qui lui ont été communiquées depuis 1992. Le
Rapporteur spécial formule aussi, le cas échéant, des observations sur
des questions qui présentent un intérêt particulier au regard de son
mandat. Le chapitre V est consacré aux violations du droit à la vie
dans l'ancienne Yougoslavie. Enfin au chapitre VI, le Rapporteur
spécial
fait
connaître
ses
conclusions
et
termine
par
des
recommandations visant à garantir plus efficacement à l'avenir le
respect des normes et instruments internationaux ayant un rapport avec
son mandat.
4.
On
trouvera
dans
deux additifs
au
présent
rapport
(E/CN.4/1993/7/Add.1 et Add.2) l'exposé des constatations et des
inquiétudes dont fait état le Rapporteur spécial, à la suite de visites
sur le terrain en 1993, en ce qui concerne la situation au Rwanda et au
Pérou pour ce qui est du droit à la vie. Ces rapports de mission
contiennent
aussi
recommandations.
des
observations,
des
conclusions
et
des
E/CN.4/1994/7
I.
LE MANDAT
5.
Dans le présent chapitre, le Rapporteur spécial rappellera d'abord
les textes de référence concernant l'exécution de son mandat, énoncés
dans un certain nombre de résolutions de la Commission des droits de
l'homme. Ces résolutions précisent le cadre dans lequel doivent être
examinées les questions dont il est chargé et surtout certains domaines
spécialement préoccupants, ainsi que les procédures à suivre pour ce
faire.
A.
Textes de référence
6.
Dans sa résolution 1993/71, la Commission des droits de l'homme
priait le Rapporteur spécial "de continuer à examiner les situations
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires" (par. 5). Dans
la même résolution, elle le priait aussi "d'accorder une attention
particulière aux exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
d'enfants et aux allégations concernant les violations du droit à la
vie dans le cadre de la violence exercée à l'encontre des participants
à des manifestations et autres démonstrations publiques pacifiques"
(par. 6) et "de continuer à surveiller l'application des normes
internationales en vigueur sur les garanties et restrictions concernant
l'imposition de la peine capitale" (par. 9).
7.
En outre, dans plusieurs autres résolutions de la Commission des
droits de l'homme, les rapporteurs spéciaux étaient priés d'accorder
une attention particulière à un certain nombre de questions relevant de
leur mandat; en particulier :
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a)
Dans la résolution 1993/39, intitulée "Fonctionnaires de
l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées en
détention", il est demandé au Rapporteur spécial d'examiner les cas de
violations du droit à la vie des fonctionnaires des organismes des
Nations Unies et des membres de leur famille, des experts, des
rapporteurs spéciaux et des consultants et de communiquer les passages
pertinents de son rapport au Secrétaire général afin qu'ils figurent
dans le rapport que ce dernier présentera à la Commission des droits de
l'homme;
b)
Dans la résolution 1993/40, intitulée "Torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants", le Rapporteur
spécial est invité "à prêter une attention particulière aux questions
relatives à une protection efficace des droits de l'homme dans
l'administration de la justice (...) et à formuler, le cas échéant, des
recommandations précises à cet égard";
c)
Dans sa résolution 1993/45, intitulée "Droit à la liberté
d'opinion et d'expression", la Commission invite les rapporteurs
spéciaux à se pencher, dans le cadre de leur mandat, sur la situation
des personnes détenues, soumises à la violence, maltraitées ou victimes
de discrimination pour avoir exercé le droit à la liberté d'opinion et
d'expression;
d)
Dans sa résolution 1993/46, intitulée "Intégration des droits
des femmes dans les mécanismes de l'Organisation des Nations Unies
s'occupant
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des droits de l'homme", elle demande à tous les rapporteurs spéciaux,
"dans l'exercice de leur mandat, de faire état régulièrement et
systématiquement dans leurs rapports des renseignements disponibles sur
les violations des droits de la personne humaine dont sont victimes les
femmes";
e)
Dans sa résolution 1993/47, intitulée "Les droits de l'homme
et les procédures thématiques", elle prie notamment les rapporteurs
spéciaux chargés de questions thématiques "d'inclure dans leur rapport
des données ventilées par sexe ainsi que des observations sur les
problèmes de non-réponse aux lettres et sur les résultats des analyses,
le cas échéant, afin de s'acquitter avec plus d'efficacité encore de
leur mandat";
f)
Dans sa résolution 1993/48, intitulée "Conséquences pour la
jouissance des droits de l'homme des actes de violence perpétrés par
des groupes armés qui sèment la terreur au sein de la population et par
des trafiquants de drogue", elle prie tous les rapporteurs spéciaux de
continuer de porter une attention particulière aux conséquences
néfastes, pour la jouissance des droits de l'homme, de tels actes de
violence perpétrés par des groupes armés, de quelque origine qu'ils
soient, qui sèment la terreur au sein de la population et par des
trafiquants de drogue;
g)
Dans la résolution 1993/54, intitulée "Forces de défense
civile", le Rapporteur spécial est invité à continuer de tenir dûment
compte de la question des forces de défense civile considérées sous
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l'angle de la protection des droits de l'homme et des libertés
fondamentales;
h)
Dans la résolution 1993/64, intitulée "Coopération avec les
représentants d'organes de l'Organisation des Nations Unies chargés des
droits de l'homme", le Rapporteur spécial est prié de continuer à
prendre d'urgence des mesures pour aider à empêcher les actes
d'intimidation ou de représailles contre ceux qui cherchent à coopérer
ou ont coopéré avec les mécanismes de l'Organisation des Nations Unies
visant à assurer le respect des droits de l'homme et contre les parents
de victimes de violations des droits de l'homme, et de continuer à
faire état dans son rapport à la Commission des droits de l'homme des
allégations concernant des actes d'intimidation ou de représailles ou
des actes visant à entraver le recours aux procédures mises en place
par l'Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de
l'homme ainsi que de rendre compte des mesures prises par lui à cet
égard;
i)
Dans sa résolution 1993/70, intitulée "Droits de l'homme et
exodes massifs", la Commission recommande aux rapporteurs spéciaux
"d'accorder leur attention aux problèmes qui causent des exodes massifs
de populations et, le cas échéant, de lui faire rapport en formulant
des recommandations appropriées";
j)
Dans la résolution 1993/81, intitulée "Le sort tragique des
enfants des rues", il est demandé au Rapporteur spécial d'accorder une
attention particulière au sort tragique des enfants des rues.
1
E/CN.4/1994/7
8.
Lorsqu'il a examiné et analysé les informations portées à son
attention, le Rapporteur spécial a tenu compte des demandes formulées
par la Commission des droits de l'homme. Les questions considérées sont
traitées au chapitre IV, du présent rapport, où est décrite la
situation
dans
un
certain
nombre
de
pays,
ainsi
que
dans
les
conclusions et recommandations présentées au chapitre V.
B.
9.
Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
Les situations donnant lieu à des "exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires" que le Rapporteur spécial est chargé
d'examiner sont diverses. La compétence du Rapporteur spécial s'étend à
tous les actes et omissions de représentants d'Etats qui portent
atteinte au droit généralement reconnu à la vie, énoncé dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme (art. 3) et dans le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (art. 6, 2, 42)
et 26 et, spécialement en ce qui concerne la peine de mort, art. 14
et 15) ainsi que dans un certain nombre d'autres traités, résolutions,
conventions et déclarations adoptés par les organismes compétents des
Nations Unies.
10. Les principaux de ces instruments sont les suivants :
a)
Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions
extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter
efficacement
sur
ces
exécutions
(résolution 1989/65
économique et social en date du 24 mai 1989);
du
Conseil
1
E/CN.4/1994/7
b)
Garanties
pour
la
protection
des
droits
des
personnes
passibles de la peine de mort (résolution 1984/50 du Conseil économique
et social en date du 25 mai 1984) et application de ces garanties
(résolution
1989/64
du
Conseil
économique
et
social
en
date
du 24 mai 1989);
c)
Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants (résolution 3452 (XXX) de l'Assemblée générale en date
du 9 décembre 1975);
d)
Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants (résolution 39/46 de l'Assemblée
générale en date du 10 décembre 1984);
e)
Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus
adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du
crime et le traitement des délinquants (résolutions 663 C (XXIV) et
2706 (LXII) du Conseil économique et social en date du 31 juillet 1957
et du 13 mai 1977);
f)
Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus
(résolution 45/111
de
l'Assemblée
générale
en
date
du 14 décembre 1990);
g)
Ensemble de principes pour la protection de toutes les
personnes
soumises
à
une
forme
quelconque
de
détention
ou
1
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d'emprisonnement (résolution 43/173 de l'Assemblée générale en date
du 9 décembre 1988);
h)
Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant
l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing)
(résolution 40/33 de l'Assemblée générale en date du 29 novembre 1985);
i)
Convention relative aux droits de l'enfant (résolution 44/25
de l'Assemblée générale en date du 20 novembre 1989);
j)
Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation
des armes à feu par les responsables de l'application des lois, adoptés
par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime
et
le
traitement
des
délinquants
(La
Havane,
27 août
-
7 septembre 1990);
k)
lois
Code de conduite pour les responsables de l'application des
(résolution
34/169
de
l'Assemblée
générale
en
date
du 17 décembre 1979);
l)
Conventions
de
Genève
du 12 août 1949
et
protocoles
additionnels à ces conventions de 1977;
m)
Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en
période d'urgence et de conflit armé (résolution 3318 (XXIX) de
l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1974);
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n)
Convention relative au statut des réfugiés (résolution 429
(V) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1950);
o)
Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (résolution 260 A (III) de l'Assemblée générale en date
du 9 décembre 1948);
p)
Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs
aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir
(résolution 40/34 de l'Assemblée générale en date du 29 novembre 1985).
11.
L'examen des dispositions de ces instruments internationaux
relatifs à la protection du droit à la vie permet de regrouper les
situations visées en plusieurs catégories :
a)
Violations du droit à la vie liées à l'application de la
peine capitale;
b)
Décès en détention;
c)
Décès consécutifs à l'emploi de la force par des responsables
de l'application des lois;
d)
Violations du droit à la vie pendant les conflits armés;
e)
Expulsion de personnes à destination d'un pays où leur vie
est en danger;
1
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f)
Génocide;
g)
Non-respect de l'obligation d'enquêter sur les violations du
droit à la vie;
h)
Non-respect de l'obligation d'indemniser les victimes de
violations du droit à la vie.
12.
On trouvera au chapitre II du rapport (E/CN.4/1993/46, par. 42 à
68) présenté par le Rapporteur spécial à la Commission des droits de
l'homme, à sa quarante-neuvième session, une analyse détaillée de ces
catégories ainsi qu'un résumé des dispositions figurant dans les
instruments internationaux s'y rapportant précisément.
1
1
E/CN.4/1994/7
II.
METHODES DE TRAVAIL
13.
Dans la résolution 1993/71, la Commission des droits de l'homme
priait le Rapporteur spécial "de répondre efficacement aux informations
qui
lui
parviennent,
en
particulier
lorsqu'une
exécution
extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire est imminente ou risque d'avoir
lieu ou lorsqu'une telle exécution a eu lieu" (par. 10). Dans la même
résolution, elle demandait au Rapporteur spécial "de renforcer son
dialogue avec les gouvernements en assurant le suivi des communications
adressées à ces derniers pour leur transmettre des allégations
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ... ainsi que
le suivi des recommandations formulées dans ses rapports sur des
visites sur place dans certains pays" (par. 16).
14.
La résolution 1993/47 de la Commission contient un certain nombre
de dispositions concernant les visites et les visites de suivi des
rapporteurs spéciaux chargés de questions thématiques, le suivi des
recommandations formulées par ces derniers et les progrès réalisés par
les
gouvernements
dans
les
domaines
relevant
de
leurs
mandats
respectifs, la coopération avec les organisations non gouvernementales
dans le cadre des procédures thématiques et la coopération des
rapporteurs spéciaux et des groupes de travail chargés de questions
thématiques
avec
les
organes
créés
en
vertu
d'instruments
internationaux compétents et les rapporteurs pour les pays.
15.
de
Sur la base de ces dispositions, le Rapporteur spécial a continué
communiquer
aux
gouvernements
concernés
des
allégations
de
violations du droit à la vie sous la forme de demandes d'intervention
1
E/CN.4/1994/7
d'urgence et de lettres. Le suivi de ces communications a été renforcé.
En outre, le Rapporteur spécial s'est rendu au Rwanda et au Pérou et a
accru sa coopération avec les organisations non gouvernementales et les
autres mécanismes des Nations Unies visant à assurer le respect des
droits de l'homme.
16.
Dans son rapport à la Commission des droits de l'homme, à sa
quarante-neuvième session, le Rapporteur spécial a analysé en détail
les procédures établies et mises au point au cours des dix premières
années couvertes par le mandat considéré. Il a aussi exposé en détail
les difficultés auxquelles lui-même s'est heurté en ce qui concerne les
procédures
au
cours
de
ses
six
premiers
mois
d'activité
(E/CN.4/1993/46, par. 11 à 41 et 689 à 705). En 1993, il a poursuivi sa
tâche s'efforçant de l'accomplir plus efficacement en précisant les
critères qui permettent d'évaluer les communications contenant des
allégations et les réponses des gouvernements à ces communications. Un
certain nombre de problèmes ont surgi du fait de l'intensification des
activités de suivi. On trouvera dans le présent chapitre un exposé et
un examen des méthodes de travail du Rapporteur spécial.
A.
Allégations communiquées au Rapporteur spécial
17. Le Rapporteur spécial continue de s'acquitter de ses fonctions
essentiellement en s'appuyant sur les renseignements portés à sa
connaissance
par
gouvernements,
les
les
organisations
particuliers
et
non
gouvernementales,
certaines
les
organisations
intergouvernementales. Il s'agit d'allégations précises d'exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ou de menaces de mort ou
E/CN.4/1994/7
d'informations générales sur des questions ayant trait au droit à la
vie.
En 1993,
le
Rapporteur
spécial
a
reçu
un
grand
nombre
d'allégations d'ordre général, concernant en particulier la législation
ou la pratique en matière de peine capitale ou encore le problème de
l'impunité et le rapport entre l'impunité et la perpétuation des
violations du droit à la vie dans certains pays.
Crédibilité des sources
18.
Beaucoup d'organisations non gouvernementales et de particuliers
dont émanent les allégations, qui sont bien connus du Rapporteur
spécial et des autres mécanismes des Nations Unies s'occupant des
droits
de
l'homme,
peuvent
être
considérés
comme
des
sources
d'information dignes de foi, mais il arrive que des communications
parviennent d'organisations non gouvernementales moins connues ou de
sources entièrement nouvelles.
19.
Dans son rapport à la Commission des droits de l'homme, à sa
quarante-neuvième session, le Rapporteur spécial indique les principaux
critères utilisés pour évaluer ces allégations, à savoir le degré de
précision des données concernant la victime et les circonstances
exactes
dans
lesquelles
les
faits
se
seraient
produits
(voir
E/CN.4/1993/46, par. 16 et 17). Lorsque des doutes subsistent, le
Rapporteur spécial s'efforce de faire confirmer les faits par des
sources dont la crédibilité est indiscutable.
20.
Pour évaluer la crédibilité des sources, on tiendra d'autant plus
compte des informations fournies par les gouvernements dans leurs
1
1
E/CN.4/1994/7
réponses que ces sources auront été informées de leur contenu et
invitées à faire des observations ou à donner des précisions et des
renseignements complémentaires dans le cadre de la procédure de suivi
inaugurée
récemment
(voir
ci-dessous
par. 32
à
63).
Comme
on
l'indiquait déjà dans le rapport du Rapporteur spécial à la Commission
des droits de l'homme à sa quarante-neuvième session (E/CN.4/1993/46,
par. 18), des informations d'origine gouvernementale qui ne font que
préciser les faits signalés par une organisation non gouvernementale ou
jettent sur eux un jour nouveau ne nuisent évidemment pas à la
crédibilité de la source, non plus que des accusations de caractère
général concernant les motifs de son action ou sa fiabilité. Il est
normal que le gouvernement soit mieux renseigné qu'une organisation non
gouvernementale sur les aspects factuels d'incidents ayant entraîné des
pertes en vies humaines et il est également normal qu'il en évalue
différemment l'importance. En revanche, il n'en va pas de même quand
des gouvernements déclarent dans leurs réponses que les allégations
transmises au Rapporteur spécial sont dénuées de tout fondement ou
déforment sérieusement les faits. C'est alors sur la base de la suite
donnée par la source à la communication par laquelle le Rapporteur
spécial lui demande de formuler des observations sur le contenu de la
réponse du gouvernement ou de donner des renseignements plus détaillés
pour élucider ses allégations que sera évaluée sa fiabilité.
Renseignements indispensables pour donner suite aux allégations
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
21.
S'il n'y a pas de procédure établie pour la présentation des
allégations, certaines conditions doivent être remplies pour que le
E/CN.4/1994/7
Rapporteur spécial puisse, sans retard, signaler à l'attention des
gouvernements les cas les concernant. On indique ci-après les divers
types de renseignement requis, indications qui peuvent faciliter la
tâche aux personnes désireuses de soumettre au Rapporteur spécial des
allégations de violations du droit à la vie :
a)
Renseignements concernant la victime : nom de famille; âge;
sexe; lieu de résidence ou d'origine; profession ou activité, si
celle-ci a un rapport avec la prétendue exécution ou menace d'exécution
extrajudiciaire; tout autre renseignement pertinent susceptible d'aider
à identifier une personne (par exemple, le matricule d'un prisonnier ou
numéro de son passeport ou de sa carte d'identité);
b)
Renseignements concernant les faits allégués : date; lieu;
description des circonstances dans lesquelles les faits se seraient
produits en cas d'allégations de violation du droit à la vie en rapport
avec la peine capitale, précisions sur les insuffisances constatées
concernant
la
garantie
du
droit
de
faire
entendre
sa
cause
équitablement, les dispositions législatives pertinentes, l'énoncé de
la sentence et les recours présentés;
c)
Renseignements concernant les auteurs présumés du crime, y
compris un exposé des raisons pour lesquelles ils sont soupçonnés :
leur nom s'il est connu; s'il s'agit d'agents de la sécurité, leur
grade, leurs fonctions, l'unité ou le service auquel ils appartiennent,
etc.; s'ils sont membres de groupes de défense civile, de forces
paramilitaires ou autres, les relations entre ces groupes ou forces et
l'Etat (par exemple, coopération avec les services de sécurité de
1
2
E/CN.4/1994/7
l'Etat, notamment rapports hiérarchiques; connivence ou tolérance de
l'Etat eu égard à leurs activités, etc.);
d)
Renseignements concernant les mesures prises par les victimes
ou leur famille en particulier les dépôts de plainte (par qui et devant
quel organe la plainte a-t-elle été déposée); s'il n'a pas été porté
plainte, pour quelle raison;
e)
Renseignements
concernant
les
mesures
prises
par
les
autorités pour enquêter sur la violation alléguée du droit à la vie ou
celles adoptées pour protéger les personnes menacées ainsi que pour
empêcher des actes analogues àl'avenir, en particulier : s'il a été
porté plainte, action entreprise par l'organe compétent qui a été
saisi; progrès et état d'avancement de l'enquête au moment où
l'allégation a été transmise; si les résultats de l'enquête ne sont pas
jugés satisfaisants, motifs d'insatisfaction;
f)
Renseignements concernant la source des allégations : nom et
adresse complète de l'organisation ou du particulier en vue de
faciliter l'obtention de précisions sur les points obscurs et les
mesures de suivi.
B.
Allégations transmises par le Rapporteur spécial
aux gouvernements intéressés
22.
Quand il n'y a pas de raisons sérieuses de penser que les
renseignements fournis par la source ne sont pas crédibles, le
Rapporteur spécial les communique au gouvernement intéressé sous la
2
E/CN.4/1994/7
forme d'une demande d'intervention d'urgence ou d'une lettre aux
autorités.
Demandes d'intervention d'urgence
23. Comme
les
années
précédentes,
des
communications
ont
été
transmises aux fins d'une intervention d'urgence en cas de menaces de
mort, d'exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires imminentes
ou de violations particulièrement graves du droit à la vie, en
particulier de recours abusif àla force. Le Rapporteur spécial a aussi
envoyé des demandes d'intervention d'urgence après avoir été informé de
l'expulsion imminente de personnes àdestination d'un pays où elles
courraient le risque d'une exécution extrajudiciaire, sommaire ou
arbitraire.
24. Le Rapporteur spécial a fait appel aux gouvernements concernés
pour qu'ils protègent effectivement ceux qui étaient menacés ou
courraient le risque d'être exécutés. Il a aussi insisté auprès des
autorités
compétentes
pour
qu'elles
procèdent
à
des
enquêtes
approfondies, indépendantes et impartiales et adoptent toutes les
mesures nécessaires en vue de prévenir de nouvelles violations du droit
à la vie. Il a demandé à être tenu informé de toutes les actions
entreprises à cet égard.
25.
Comme en 1992, où les demandes d'intervention d'urgence portaient
également sur des allégations d'exécution imminente de la peine
capitale, des cas graves d'abus de la force par des agents de la
sécurité, en particulier àl'égard de participants à des manifestations
E/CN.4/1994/7
ou des craintes pour la vie et l'intégrité physique de personnes
soumises à la torture ou à toute autre forme de traitement cruel ou
inhumain, le Rapporteur spécial a rappelé aux gouvernements concernés
les dispositions des instruments internationaux ayant trait à la
protection et à la garantie du droit à la vie qui limitent le recours à
la peine capitale et l'usage de la force et des armes à feu,
interdisent la torture et imposent des conditions minimales de
détention.
26.
Les demandes d'intervention d'urgence visent à prévenir la perte
irréparable de la vie. Le Rapporteur spécial transmet donc les
allégations d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
imminentes que des recours aient ou non été exercés. Entrent dans cette
catégorie les allégations relatives à l'exécution imminente d'une
sentence de mort qui serait contraire aux restrictions imposées en
matière
de
peine
capitale
dans
les
instruments
internationaux
pertinents mais aussi les allégations de menaces de mort ou la crainte
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires imminentes,
lorsque le Rapporteur spécial ne juge pas approprié d'attendre, pour
faire part de son inquiétude aux autorités, qu'une action, pénale ou
civile ait été intentée par les personnes menacées.
Autres allégations
27.
Les gouvernements concernés ont été informés des allégations
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de caractère
moins urgent et des questions ayant trait au droit à la vie en général
par des lettres contenant un résumé de chacun des cas et leur demandant
2
E/CN.4/1994/7
de fournir au Rapporteur spécial des renseignements sur les progrès et
les résultats des enquêtes auxquels ils avaient donné lieu et sur les
mesures particulières adoptées pour prévenir de nouvelles violations du
droit à la vie ainsi que toute autre observation ou commentaire
pertinent.
28.
Le Rapporteur spécial a mis au point un formulaire de réponse aux
allégations d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires,
qui
est
joint
depuis
le 29 juillet 1993
à
toutes
les
lettres
transmettant de telles allégations. Cette initiative vise à aider les
gouvernements à répondre à ses communications en leur indiquant avec
précision le genre de renseignements nécessaires pour évaluer la
situation. Les gouvernements concernés ont ainsi été priés de répondre
aux questions suivantes dans la mesure où elles s'appliquaient aux
affaires évoquées.
"1.
Les faits tels que relatés dans le résumé du cas sont-ils exacts ?
Si tel n'est pas le cas, quelles enquêtes ont été menées pour conclure
àleur réfutation ?
2.
Quelle est la cause de la mort telle qu'elle ressort du certificat
de décès ?
3.
A-t-on procédé à une autopsie ? Si tel est le cas, quelle est
l'identité de la personne ou du service qui y a procédé ? Quels sont
les résultats de l'autopsie ? (Prière de joindre une copie complète du
rapport d'autopsie.)
2
2
E/CN.4/1994/7
4.
Quelle est l'autorité chargée d'enquêter sur ces allégations ?
Quelle est l'autorité chargée de poursuivre les responsables ?
5.
Y a-t-il eu une plainte, formelle ou informelle, faite au nom de
la victime ?
6.
Si oui, qui a porté plainte ? Et quelle est sa relation avec la
victime ?
7.
Devant quelle autorité la plainte a-t-elle été portée ?
8.
Quelles suites ont été données à la plainte et par qui ?
9.
Une enquête, action juridique ou autre procédure est-elle en
cours ? Si oui, à quel stade en est-elle ? Quelle est la procédure
àsuivre jusqu'à sa conclusion et dans quel délai ? Au cas où l'enquête
ou la procédure est terminée, prière de fournir des renseignements
précis sur les conclusions auxquelles elle a abouti. (Prière de joindre
les documents pertinents). S'agit-il de conclusions provisoires ou
définitives ?
10.
L'auteur présumé de l'exécution extrajudiciaire, sommaire ou
arbitraire
a-t-il
été
identifié ?
A
quelle
unité,
service
ou
organisation appartient-il ?
11.
Des sanctions pénales ou disciplinaires ont-elles été imposées ?
Si tel est le cas, quelle procédure a été suivie pour déterminer la
responsabilité pénale ou disciplinaire de l'auteur avant de lui imposer
2
E/CN.4/1994/7
la sanction. Au cas où aucune sanction n'aurait été prise, quelle en
est la justification ?
12.
Au
l'enquête
13.
cas
où
aucune
enquête
n'aurait
été
ouverte,
ou
si
n'avait pas abouti, quelles en sont les raisons ?
La famille de la victime a-t-elle été indemnisée ? Si oui, sous
quelle forme et jusqu'à concurrence de quel montant ? S'il n'y a pas eu
d'indemnisation, précisez pourquoi ?
14.
Quels autres renseignements ou observations supplémentaires
concernant le présent cas jugez-vous utile de communiquer ?"
29.
Les
allégations
concernant
le
droit
à
la
vie
en
général,
s'agissant par exemple, d'informations faisant état d'une impunité
persistante
et
d'une
législation
qui
irait
à
l'encontre
des
restrictions imposées à l'application de la peine capitale par les
instruments internationaux pertinents, ont été communiquées aux
gouvernements concernés auxquels il a été demandé en outre des
renseignements précis, des textes législatifs ou d'autres documents.
C.
30.
Réponses émanant des gouvernements
Dans sa résolution 1993/47, la Commission des droits de l'homme
encourage les gouvernements "à répondre promptement aux demandes
d'information qui leur sont adressées dans le cadre des procédures
établies, de manière que les rapporteurs spéciaux chargés de questions
2
E/CN.4/1994/7
thématiques concernés (...) puissent s'acquitter effectivement de leur
mandat". Dans sa résolution 1993/71, elle prie instamment "tous les
gouvernements, en particulier ceux qui n'ont jamais répondu aux
communications que leur transmet le Rapporteur spécial, ainsi que tous
les autres intéressés, d'apporter leur concours et leur assistance au
Rapporteur spécial afin qu'il puisse s'acquitter efficacement de son
mandat".
31.
Les informations fournies par les gouvernements concernés en
réponse aux allégations qui ont été portées à leur connaissance aident
assurément beaucoup le Rapporteur spécial à se faire une idée de la
situation dans un pays donné. Le Rapporteur spécial a reçu un certain
nombre de réponses à ses demandes d'intervention d'urgence et à ses
lettres transmettant des allégations de violations du droit à la vie.
Les réponses des gouvernements, comme les communications par lesquelles
ces allégations ont été signalées à son attention, doivent être
évaluées; la question qui se pose étant de savoir quand une allégation
d'exécution
extrajudiciaire,
sommaire
ou
arbitraire
peut
être
considérée comme "élucidée", question spécialement importante dans la
mesure où la Commission des droits de l'homme a demandé au Rapporteur
de
renforcer
les
mesures
de
suivi
relatives
aux
allégations
communiquées.
D.
Suite donnée
32. Comme on l'a mentionné plus haut, la Commission des droits de
l'homme
demande
communications
au
Rapporteur
faisant
état
spécial
d'assurer
d'allégations
le
suivi
des
d'exécutions
2
E/CN.4/1994/7
extrajudiciaires. En réponse à cette demande, qui a été formulée pour
la première fois en 1992, à la fin de la même année, le Rapporteur
spécial a envoyé à un certain nombre de gouvernements une
première série de lettres visant à obtenir des renseignements à jour
sur
les
cas
portés
à
la
connaissance
de
son
prédécesseur,
M. S. Amos Wako, en 1991 (voir E/CN.4/1993/46, par. 81 à 85) 1.
33.
Jusqu'à présent, il était rendu compte des allégations transmises
aux gouvernements et des réponses émanant de ces derniers dans le
rapport du Rapporteur spécial relatif à l'année où ces allégations
avaient été communiquées. Le plus souvent, les réponses reçues des
gouvernements étaient reproduites intégralement ou partiellement sans
commentaire ni analyse. Les cas ainsi exposés, pour la plupart,
n'étaient plus jamais évoqués dans les rapports ultérieurs. Seul le
rapport présenté par le Rapporteur spécial à la Commission à sa
quarante-neuvième session
contient
des
observations
concernant
certaines réponses (voir, par exemple, E/CN.4/1993/46, par. 20, 183 et
184, 229, 501, 615, 692-693).
34.
En 1993, le Rapporteur spécial a pris diverses mesures de suivi.
Ce faisant, il s'est heurté à un certain nombre de difficultés,
notamment
en
ce
qui
concerne
l'évaluation
des
réponses
des
gouvernements ainsi que la détermination du moment où l'on pouvait
considérer un cas comme "élucidé" et de ce qu'il convenait de faire
lorsque
les
gouvernements
ne
répondaient
pas
aux
allégations
1 Comme la base de données sur les allégations d'exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires n'a été constituée que l'année dernière, le Rapporteur
spécial a décidé de centrer ses activités de suivi sur les allégations transmises
depuis qu'il a succédé à M. Wako en 1992. Toutefois, il sera tenu compte des
réponses reçues au sujet de cas signalés antérieurement dans le chapitre du présent
rapport consacré à la situation dans certains pays.
E/CN.4/1994/7
transmises. Il est apparu que des ressources humaines et matérielles
supplémentaires étaient indispensables pour assurer un suivi efficace.
Les paragraphes suivants traitent des activités entreprises et des
difficultés susmentionnées.
Correspondance avec les gouvernements
35.
Le Rapporteur spécial a adressé aux gouvernements des lettres
concernant les allégations transmises en 1992 pour lesquelles aucune
réponse n'avait été reçue, leur demandant à nouveau de lui communiquer
des renseignements sur les progrès et les résultats des enquêtes ainsi
que sur toutes mesures adoptées en vue de prévenir de nouvelles pertes
de vies humaines.
36.
Le Rapporteur spécial a aussi adressé aux gouvernements des
communications au sujet des allégations qui leur avaient été transmises
en 1992 et en 1993 et pour lesquelles les réponses reçues ne pouvaient
pas être considérées comme définitives. Il leur demandait expressément
les renseignements complémentaires voulus pour déterminer si les cas en
question pouvaient être considérés comme "élucidés".
37.
Les réponses qui ont été reçues des gouvernements en 1992 et 1993
peuvent être classées en quatre grandes catégories :
a)
Les réponses de caractère général qui ne traitent pas des cas
particuliers signalés. Les renseignements qu'elles contiennent sont
très utiles au Rapporteur spécial pour pouvoir se faire une idée de la
situation dans un pays donné, mais il a néanmoins besoin de précisions
2
2
E/CN.4/1994/7
sur les allégations expressément formulées et notamment, sur les
progrès et les résultats des enquêtes menées par les autorités
compétentes. Il en est de même lorsque les gouvernements abordent des
domaines relevant de son mandat sans entrer dans le détail des
différents cas signalés.
b)
Les réponses informent le Rapporteur spécial qu'une enquête a
été ouverte sur les allégations transmises. Le Rapporteur spécial prie
alors le gouvernement de lui fournir des renseignements à jour sur les
progrès de cette enquête ou, si l'enquête est close, sur la décision
prise au vu de ses conclusions. Lorsqu'il ne lui a encore été
communiqué aucune information, il demande aussi des précisions quant à
l'application de la procédure d'enquête prévue par la loi du pays
concerné. Les données relatives à la procédure sont indispensables,
qu'il s'agisse de cas particuliers ou de questions générales, et elles
doivent
comprendre
des
indications
sur
les
organes
chargés
de
l'enquête, le droit des victimes ou de leur famille de participer à ces
enquêtes, les sanctions qui peuvent être infligées du fait des
poursuites engagées ainsi que les possibilités de recours contre les
décisions prises et la publication de ces décisions;
c)
Les réponses indiquent que des enquêtes ont été ouvertes mais
qu'elles ont été interrompues faute de preuves, notamment lorsqu'il n'a
pas été possible d'identifier les auteurs présumés des prétendues
exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires. Le Rapporteur
spécial demande alors également des renseignements sur l'enquête, en
particulier sur le droit de la famille des victimes d'intervenir dans
3
E/CN.4/1994/7
la procédure et de contester toute décision d'interrompre l'enquête
devant une instance supérieure ou un autre organe;
d)
Les réponses affirment que les faits allégués sont inexacts
ou que les allégations présentent une version différente de l'événement
ayant entraîné la mort des personnes concernées. En pareil cas, le
Rapporteur spécial prie les gouvernements de lui communiquer des
renseignements détaillés concernant les enquêtes sur lesquelles ils
fondent leurs assertions, en particulier de préciser quels organes ont
été chargés des enquêtes, quelles méthodes ont été appliquées pour
recueillir et apprécier les éléments de preuve, et si les résultats des
enquêtes ont été publiés et sont définitifs.
38.
Certains gouvernements ont fourni en réponse des informations à
jour sur les enquêtes en cours.
Correspondance avec les sources des allégations
39.
Pour la première fois depuis l'établissement du mandat dont il est
présentement l'exécuteur, le Rapporteur spécial a adressé des lettres
aux sources des allégations pour les informer du contenu des réponses
des gouvernements concernant les cas signalés. Il leur a demandé de
formuler des observations et, dans certains cas, de lui fournir de plus
amples informations.
40.
Plusieurs
organisations
non
gouvernementales
lui
ont
déjà
communiqué les observations ou les renseignements complémentaires
sollicités.
E/CN.4/1994/7
Problèmes à prendre en considération
41.
Dans sa résolution 1993/47, la Commission des droits de l'homme
encourageait les rapporteurs spéciaux à suivre de près les progrès
réalisés par les gouvernements en ce qui concerne la protection du
droit à la vie. L'élaboration et l'application pratique, à cette fin,
d'un système de suivi des communications faisant état d'allégations
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont été
entravées par un certain nombre d'obstacles.
42.
Premièrement, il est souvent très difficile d'évaluer les progrès
accomplis en ce qui concerne le droit à la vie. La quantité et le genre
d'informations parvenant au Rapporteur spécial continuent de dépendre
dans une très large mesure du degré d'organisation des organisations
non gouvernementales et de leur connaissance des procédures de l'ONU en
matière de droits de l'homme. Le nombre des allégations reçues pour un
pays donné ne correspond donc pas toujours exactement à celui des
exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires qui peuvent avoir
lieu dans ce pays. Il convient d'être plus prudent encore si les
renseignements obtenus doivent servir de base pour des comparaisons
entre les différents pays - cette opération n'étant pas le but du suivi
tel que le Rapporteur spécial le conçoit.
43.
De l'avis du Rapporteur spécial, les activités de suivi devraient
porter
essentiellement
sur
la
manière
dont
les
gouvernements
remplissent l'obligation qui leur est faite par le droit international
de procéder à des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales
3
3
E/CN.4/1994/7
sur les allégations d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires
qui
leur
sont
transmises,
en
vue
d'élucider
les
circonstances des exécutions, d'identifier et de poursuivre leurs
responsables, d'indemniser les victimes ou leur famille et de prévenir
de futures violations. Le Rapporteur spécial est convaincu que, en
suivant de près les mesures prises à cet égard par les Etats et, en
particulier, les progrès réalisés et en faisant rapport à leur sujet,
il peut inciter les gouvernements à redoubler d'efforts. Une plus
grande probabilité pour les auteurs de violations du droit à la vie
qu'ils seront appelés à en rendre compte contribuera à éviter que des
faits analogues ne se reproduisent.
44.
Le Rapporteur spécial n'en continuera pas moins de s'occuper et de
faire état des problèmes touchant au droit à la vie ainsi que des
progrès réalisés quant à la jouissance de ce droit dans certains pays,
grâce à des dispositions législatives concernant l'application de la
peine capitale ou l'usage de la force et des armes à feu ou le
phénomène de l'impunité en général. S'il ne semble pas trop difficile
dans la pratique de déterminer les tendances générales et d'observer
les faits nouveaux, le suivi des cas particuliers pose un certain
nombre de questions : par exemple à quel moment une affaire est-elle
"élucidée", quelles conclusions adopter si les informations fournies
respectivement par le gouvernement concerné et par la source de
l'allégation
sont
contradictoires
et
que
faire
lorsque
les
gouvernements ne répondent jamais aux demandes d'information qui leur
sont adressées ?
3
E/CN.4/1994/7
Quand un cas peut-il être considéré comme "élucidé" ?
45.
Si la vérification des allégations d'exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires transmises aux gouvernements consiste à
observer, en se fondant sur les renseignements émanant du gouvernement
concerné et de la source de l'allégation, le déroulement de la
procédure entamée jusqu'à l'aboutissement de l'enquête, il est
nécessaire de définir les conditions dans lesquelles le cas peut être
considéré comme "élucidé" et classé.
46.
Pour qu'un cas soit considéré comme "élucidé", il faut avoir
déterminé
si
la
réponse
émanant
du
gouvernement
est
en
soi
satisfaisante. Dans le rapport qu'il a présenté à la Commission des
droits de l'homme à sa quarante-neuvième session, le Rapporteur spécial
a abordé le problème de l'évaluation des réponses des gouvernements et
a
donné
des
exemples
d'éclaircissements
jugés
satisfaisants
(E/CN.4/1993/46, par. 29 à 34). Il a continué en 1993 d'examiner les
réponses des gouvernements en attachant une importance particulière,
comme on l'a dit plus haut, à l'obligation d'enquêter sur les
violations du droit àla vie.
47.
Partant de cet examen pour les besoins duquel les réponses des
gouvernements ont été regroupées, selon leur contenu, en plusieurs
catégories, le Rapporteur spécial fait entrer en ligne de compte un
certain nombre de critères. Il faut d'abord au minimum que la réponse
traite expressément des cas signalés par le Rapporteur spécial. Comme
on l'a noté plus haut, les informations générales sur les dispositions
législatives, les procédures et la pratique en matière d'enquête, etc.,
E/CN.4/1994/7
sont bienvenues et très utiles mais ne permettent pas toutefois
d'apprécier le bien-fondé des allégations. Il est aussi essentiel que
le gouvernement, lorsqu'il nie l'exactitude des faits allégués, donne
sur les enquêtes effectuées des renseignements qui justifient sa
conclusion.
48.
Les
gouvernements
sont
tenus
de
procéder
à
des
enquêtes
approfondies, indépendantes et impartiales sur toutes les allégations
de violations du droit à la vie. Le déroulement de ces enquêtes doit
être conforme aux normes définies dans les instruments internationaux
pertinents, en particulier le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques et les Principes relatifs à la prévention efficace
des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens
d'enquêter efficacement sur ces exécutions. Conformément au mandat qui
lui est confié, le Rapporteur spécial évalue les réponses des
gouvernements à la lumière de ces dispositions.
49.
Lorsqu'un gouvernement répond qu'une enquête a été ouverte sur le
cas signalé, le Rapporteur spécial tient compte des éléments suivants :
a)
Le caractère de l'enquête (judiciaire ou administrative) et
son objectivité;
b)
L'indépendance, l'impartialité et la compétence de l'organe
chargé de l'enquête;
c)
Les procédures d'enquête appliquées, en particulier en ce qui
concerne le rassemblement et l'évaluation des éléments de preuve;
3
3
E/CN.4/1994/7
d)
Les droits des victimes ou de leur famille ou de leurs
représentants;
e)
Les décisions qui peuvent être prises et les sanctions qui
peuvent être infligées à la suite d'une enquête;
f)
Les
possibilités
qu'ont
les
victimes
ou
leur
famille
d'obtenir réparation;
g)
Le délai dans lequel l'enquête a été ouverte et menée à son
terme, qui ne doit pas être excessif.
50.
Les
enquêtes
de
caractère
disciplinaire
ne
peuvent
être
considérées comme satisfaisant à l'obligation d'enquêter que si
l'objectivité, l'impartialité et la compétence des enquêteurs est
garantie et si la procédure peut aboutir dans un délai raisonnable à la
condamnation des personnes jugées responsables à une peine en rapport
avec la gravité du délit ainsi qu'à l'indemnisation de la famille de la
victime. Si la procédure disciplinaire ne répond pas à ces conditions
et si son introduction constitue la seule mesure prise par le
gouvernement concerné, elle n'est pas satisfaisante. La même règle
s'applique aux organes d'enquête spécialement constitués pour examiner
des allégations de violation du droit à la vie.
51.
Dans les cas où les gouvernements répondent que les personnes
responsables ont été identifiées, jugées et condamnées, le Rapporteur
spécial tient compte non seulement de la façon dont la procédure s'est
déroulée, mais aussi de la mesure dans laquelle la sentence lui paraît
E/CN.4/1994/7
correspondre à la gravité du délit ainsi que de l'indemnisation - ou de
la non-indemnisation -des victimes ou de leur famille. Il importe de
noter que toutes les personnes impliquées dans la préméditation et la
commission de violations du droit à la vie doivent être considérées
comme responsables. La condamnation de "boucs émissaires" ne saurait en
aucun cas être considérée comme satisfaisant àl'obligation que le droit
international fait aux gouvernements de punir toute personne impliquée
dans la préméditation et la commission de violations du droit à la vie.
52.
Lorsque les gouvernements font savoir que les enquêtes ont été
interrompues faute de preuve, notamment parce que les auteurs présumés
des actes n'ont pu être identifiés, le Rapporteur spécial procède
également à une évaluation de l'enquête en se fondant sur les critères
susmentionnés. Il s'attache alors en particulier aux méthodes utilisées
pour rassembler et apprécier les preuves au cours de l'enquête et aux
possibilités
offerte
aux
victimes,
à
leur
famille
ou
à
leurs
représentants de contester devant une instance supérieure ou un autre
organe la décision d'interrompre l'enquête ou d'obtenir sa réouverture
au vu de nouveaux éléments justificatifs.
53.
Si, au terme de son examen, le Rapporteur spécial conclut que la
réponse n'est pas en soi satisfaisante, il demande des éclaircissements
au gouvernement concerné et informe la source de l'allégation de la
teneur de sa réponse pour qu'elle formule des observations ou fournisse
des précisions complémentaires en fonction de celle-ci.
"en suspens" et le
Le cas reste
3
E/CN.4/1994/7
Rapporteur spécial continue de suivre la manière dont l'enquête est
menée. On envisage présentement de communiquer une à trois fois par an
aux membres de la Commission des droits de l'homme une liste de tous
les cas "en suspens" qui figurerait dans les rapports annuels présentés
par le Rapporteur spécial à la Commission.
54.
Si le gouvernement répond que l'enquête dont un cas a fait l'objet
est close et si cette réponse est jugée satisfaisante, le Rapporteur
spécial la transmet également à la source des allégations.
Si cette
dernière confirme les informations émanant du gouvernement ou si elle
ne répond pas dans un laps de temps raisonnable, le Rapporteur spécial
considère que le cas est "élucidé".
La liste des cas élucidés
apparaîtra aussi évidemment dans les rapports annuels à la Commission
des droits de l'homme.
55.
Le Rapporteur spécial continuera de suivre les cas faisant
toujours l'objet d'enquêtes conformément aux normes énoncées dans les
instruments internationaux pertinents.
Ces cas, qui ne
peuvent encore
être considérés comme totalement "élucidés", devront cependant être
distingués des cas ne faisant l'objet d'aucune enquête ou ayant fait
l'objet d'une enquête jugée non satisfaisante.
Ils constitueront une
catégorie à part dans la liste des cas "en suspens".
56.
Il arrive que des gouvernements déclarent au Rapporteur spécial
qu'aucune enquête n'est en cours.
de
menaces
de
mort,
Pour un certain nombre d'allégations
l'argument
invoqué
est
que
les
personnes
prétendument menacées n'ont pas porté plainte auprès des autorités
compétentes en vertu de la législation du pays considéré.
D'autres
3
3
E/CN.4/1994/7
répondent que des lois d'amnistie ont été promulguées qui sont
applicables aux auteurs présumés d'exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires alléguées et que, partant, les cas signalés
n'ont fait l'objet d'aucune enquête.
Le Rapporteur spécial tient
àsouligner ce qui suit à propos de ces deux types de réponse
insuffisante, qui sont relativement courants :
a)
Si des allégations de violations du droit à la vie sont
signalées àleur attention, par exemple par le Rapporteur spécial, les
gouvernements sont tenus de procéder sans tarder à des enquêtes
approfondies
et
impartiales
et,
lorsqu'il
est
affirmé
que
des
violations du droit à la vie risquent de se produire ou sont
imminentes, ils doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour
assurer la sécurité des victimes potentielles.
Cette obligation
existe, que ces dernières aient ou non engagé des poursuites ou une
quelconque procédure;
b)
Le droit international oblige les gouvernements à traduire en
justice les auteurs d'exécutions extrajudiciaires et à indemniser les
victimes survivantes ou leurs ayants-droit.
Cette obligation est
expressément formulée dans les Principes relatifs à la prévention
efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et
aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions : "En aucun cas,
y compris en état de guerre, état de siège ou autre état d'urgence, une
immunité générale ne pourra exempter de poursuites aucune personne
présumée impliquée dans des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou
sommaires"
(principe 19).
Par
conséquent,
même
si,
dans
des
circonstances exceptionnelles, les gouvernements peuvent décider que
3
E/CN.4/1994/7
les auteurs de tels actes devraient bénéficier de mesures les
soustrayant
à
une
peine
ou
atténuant
la
gravité
de
la
peine,
l'obligation de les traduire en justice et de les considérer comme
officiellement responsables demeure, de même que l'obligation de
procéder
promptement
à
une
enquête
approfondie
et
impartiale,
d'indemniser les victimes ou leur famille et d'adopter des mesures
préventives efficaces pour l'avenir.
Le
problème
des
informations
contradictoires
provenant
des
gouvernements et des sources
57.
Jusqu'à présent, la plupart des gouvernements qui ont répondu ont
réfuté, en précisant ou non les raisons de leur attitude, les
allégations transmises par le Rapporteur spécial. Il est probable qu'il
continuera d'en être ainsi. Pendant la courte période écoulée depuis
l'adoption de la procédure de suivi susmentionnée, dans plusieurs cas
déjà, la source de l'allégation, lorsqu'elle a été priée de formuler
des observations et de fournir des détails complémentaires en réponse
au gouvernement, a réaffirmé ce qu'elle avait déclaré antérieurement.
58.
Cela étant, il convient de rappeler que les gouvernements non
seulement sont tenus d'enquêter sur les allégations d'exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, mais sont aussi le plus
souvent bien mieux outillés pour ce faire que les organismes non
gouvernementaux d'où émanent les allégations.
Il appartient donc au
gouvernement de donner une réponse satisfaisante, c'est-à-dire de
prouver que l'enquête a été menée conformément aux normes énoncées dans
les instruments internationaux pertinents.
Aussi longtemps qu'il ne se
4
E/CN.4/1994/7
sera pas acquitté de cette tâche, sa réponse ne pourra être jugée
satisfaisante et le cas continuera donc d'être considéré comme
"en suspens".
59.
Il se pose un problème lorsque la réponse du gouvernement paraît
satisfaisante alors que la source de l'allégation maintient néanmoins
qu'elle est fondée à croire que l'appréciation des faits par le
gouvernement ne correspond pas à la réalité ou que les personnes
identifiées et punies ne sont pas, ou ne sont pas exclusivement, les
responsables, ou que les victimes ou leur famille n'ont pas été
indemnisées, bien que le gouvernement affirme le contraire.
Pour
pouvoir se prononcer sur le bien-fondé des allégations et la véracité
des informations communiquées respectivement par les gouvernements et
les sources, le Rapporteur spécial a la possibilité de se rendre sur
place.
60.
Toutefois,
même
les
allégations
dont
l'exactitude
ou
l'inexactitude est impossible à établir peuvent encore constituer un
point de départ utile pour l'examen et l'analyse des problèmes de
caractère plus général qu'elles soulèvent et permettre ainsi au
Rapporteur spécial de faire des recommandations tendant par exemple à
l'amendement de la législation de manière à la rendre plus conforme aux
normes internationales ou à l'adoption d'autres mesures pour prévenir
les violations du droit à la vie.
4
E/CN.4/1994/7
Le problème des gouvernements "silencieux"
61.
La majorité des allégations transmises par le Rapporteur spécial
sont jusqu'à présent restées sans réponse de la part des gouvernements
concernés. Très peu de gouvernements ont répondu régulièrement et au
sujet de tous les cas signalés à leur attention.
Beaucoup ont répondu
sur quelques cas en passant les autres sous silence et certains n'ont
jamais répondu.
62.
Lorsque les gouvernements répondent, ils peuvent s'attendre à
devoir
fournir
de
plus
amples
détails
et
la
manière
dont
ils
remplissent l'obligation qui leur est faite d'enquêter sur les cas
signalés sera suivie de près par le Rapporteur spécial.
réponses
satisfaisantes
peuvent
donner
lieu
à
un
Même les
échange
de
correspondance, par exemple lorsque l'enquête n'est pas terminée et que
le Rapporteur spécial demande au gouvernement de lui communiquer des
renseignements
actualisés.
Le
Rapporteur
spécial
mentionnera
évidemment toutes les activités de suivi dans son rapport à la
Commission des droits de l'homme.
Il peut donc arriver qu'il soit
longuement question dans un rapport des gouvernements qui auront envoyé
des informations au Rapporteur spécial, comme la Commission le leur
demande, alors qu'il semble, parce qu'ils n'y occuperont qu'une moindre
place, que l'on ne fait pas grand cas de ceux qui ne répondent jamais
et qui, de ce fait, reçoivent seulement des lettres de rappel, les
premiers pouvant ainsi avoir le sentiment d'être "pénalisés" pour leur
zèle.
4
E/CN.4/1994/7
63.
Il importe de souligner à cet égard que le Rapporteur spécial
apprécie grandement la volonté de coopération manifestée par les
gouvernements qui lui répondent.
S'il leur demande des précisions
complémentaires,
dans
ce
n'est
pas
un
esprit
d'accusation.
A l'évidence, comme la situation est préoccupante dans tous les pays
relevant de son mandat, qui sont plus de 70, il n'est pas en mesure de
connaître dans le détail la législation et la pratique de chacun ni les
différences de l'un à l'autre.
Il a donc besoin de renseignements très
complets
les
sur
la
façon
dont
gouvernements
s'acquittent
des
obligations qui leur incombent en vertu du droit international.
La procédure de suivi récemment inaugurée par le Rapporteur spécial
tend à établir nettement la distinction entre les cas qui ont été
élucidés, ceux qui font l'objet d'une enquête satisfaisante et ceux qui
restent "en suspens" parce que les gouvernements concernés n'ont pas,
comme ils le doivent, ouvert d'enquête ni entamé de poursuites.
E.
64.
Visites
Le Rapporteur spécial continue de considérer les visites sur le
terrain comme un aspect essentiel de son mandat.
L'objectif qu'il
s'est fixé, ainsi qu'il ressort du rapport qu'il a présenté à la
Commission des droits de l'homme à sa quarante-neuvième session
(E/CN.4/1993/46, par. 35 à 37), est d'obtenir des renseignements de
première main sur la situation en ce qui concerne le droit à la vie
dans les pays où il se rend, de faire connaître ses constatations et de
formuler,
dans
un
esprit
de
coopération
et
d'assistance,
des
recommandations visant à apporter des améliorations dans des domaines
jugés préoccupants.
Conformément à ce que lui a demandé la Commission
4
E/CN.4/1994/7
des droits de l'homme dans sa résolution 1993/47, le Rapporteur spécial
a l'intention de rester en contact étroit avec les gouvernements des
pays dans lesquels il s'est rendu pour les aider dans toute la mesure
possible à mettre en oeuvre ces recommandations.
Il envisage aussi de
procéder à des visites de suivi dans un délai raisonnable.
65.
En 1993, le Rapporteur spécial s'est rendu dans deux pays, le
Rwanda et le Pérou, pour enquêter sur des allégations de violations du
droit à la vie. Il a demandé à se rendre dans un certain nombre
d'autres pays.
Il choisit ses destinations essentiellement en fonction
du nombre et de la gravité des allégations et des informations qu'il
reçoit concernant des violations du droit à la vie.
Le renforcement
des activités de suivi devrait aussi aider à déterminer les pays où il
conviendrait d'organiser une visite.
F.
Coopération avec d'autres mécanismes de
l'Organisation des Nations Unies
66.
Le Rapporteur spécial attache également une grande importance à la
coopération avec les autres organes de l'Organisation des Nations Unies
qui s'occupent de questions se rapportant à son mandat et à la
coordination de ses propres activités avec celles de ces organes.
Au
cours des années écoulées, cette coopération a revêtu la forme de
consultations sur des problèmes ayant trait aux activités courantes
qu'implique son mandat ou à la préparation et au déroulement de visites
sur place ainsi que de missions conjointes en association avec d'autres
rapporteurs spéciaux et groupes de travail de la Commission des droits
de l'homme.
En 1993, cette coopération entre les rapporteurs spéciaux
E/CN.4/1994/7
et
les
membres
des
groupes
de
travail
de
la
Commission
s'est
intensifiée et plusieurs réunions ont eu lieu en préparation et dans le
cadre de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue en
juin 1993. Le Rapporteur spécial s'est encore beaucoup servi, pour ce
qui est du droit d'être entendu et de l'impunité, des rapports établis
par les rapporteurs spéciaux chargés des questions relatives à
l'administration de la justice de la Sous-Commission de la lutte contre
les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.
67.
Le Rapporteur spécial s'est employé comme dans le passé à coopérer
avec les missions de l'Organisation des Nations Unies chargées de
suivre la situation des droits de l'homme dans certains pays en leur
envoyant des copies des allégations communiquées aux gouvernements
concernés et en leur demandant de lui adresser tous commentaires et
observations qu'elles souhaiteraient formuler sur les cas en question
ou l'état de la question du droit à la vie en général.
En outre, le
Rapporteur spécial a intensifié ses contacts avec les différents
organes
de
l'Organisation
des
Nations Unies
créés
en
vertu
d'instruments internationaux, en particulier avec le Comité des droits
de l'enfant.
Enfin, la coopération des représentants du Programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD) établis dans les pays dans
lesquels il s'est rendu lui a été très utile en ces occasions.
III.
ACTIVITES
68. En
1993,
le
Rapporteur
spécial
a
mené
un
d'activités, dont celles qui sont décrites ci-après.
certain
nombre
4
4
E/CN.4/1994/7
A.
69.
Consultations
Le Rapporteur spécial a séjourné à Genève du 27 février au
5 mars 1993. Le 2 mars 1993, il a présenté son rapport à la Commission
des droits de l'homme. Il a également séjourné à Genève du 26 au
30 juillet, du 23 au 29 septembre et du 15 au 19 novembre 1993 pour
tenir des consultations avec le secrétariat. Au cours de ses séjours à
Genève, il a rencontré un certain nombre d'autres rapporteurs spéciaux,
de représentants et de membres de groupes de travail de la Commission
des droits de l'homme. Il a également rencontré des représentants de
gouvernements membres de groupes régionaux représentés aux organes de
l'Organisation des Nations Unies, ainsi que les délégations de certains
gouvernements, et il a tenu des consultations avec des représentants
d'organisations non gouvernementales.
70.
En outre, en avril 1993, le Rapporteur spécial a participé à
Genève à une réunion du Comité préparatoire de la Conférence mondiale
sur
les
droits
de
l'homme,
à
laquelle
il
a
assisté
du 14
au
25 juin 1993. Dans le cadre des préparatifs de la Conférence mondiale
sur les droits de l'homme également, il a participé à la réunion
régionale pour l'Afrique, qui a eu lieu à Tunis en novembre 1992.
B.
71.
Communications
Comme par le passé, le Rapporteur spécial a reçu une somme
considérable d'informations : certaines portaient sur le phénomène des
exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en général,
d'autres contenaient des allégations de violation du droit à la vie
E/CN.4/1994/7
dans des cas particuliers et d'autres encore concernaient la suite
donnée aux cas signalés et les observations générales transmises plus
tôt aux gouvernements. Ces informations ont été analysées et les
allégations ont été portées à la connaissance des gouvernements
intéressés, selon les méthodes de travail décrites au chapitre II du
présent rapport.
72.
Au total, le Rapporteur spécial a transmis aux gouvernements
concernés des allégations faisant état de violations du droit à la vie
concernant plus de 3 700 personnes dans 73 pays. Dans 135 cas il
s'agissait d'allégations d'exécutions extrajudiciaires de mineurs ou de
menaces de mort à l'encontre de mineurs, dont 16 auraient été âgés de
moins de 10 ans et le plus jeune n'aurait eu que 9 mois; dans 168 cas
les allégations de violation du droit àla vie concernaient des
femmes */. Plus de 700 personnes auraient été tuées ou menacées de mort
pour avoir exercé leur droit à la liberté d'opinion et d'expression et
leur droit de réunion pacifique et d'association.
____________
*/
Ces
chiffres
ne
sont
néanmoins
pas
nécessairement
représentatifs de la proportion effective de mineurs et de fennes parmi
les victimes de violations du droit à la vie, car ils se rapportent
uniquement aux cas dans lesquels l'âge ou le sexe des personnes
identifiées par leur nom étaient spécifiés.
4
E/CN.4/1994/7
Demandes d'intervention d'urgence
73.
Depuis le 14 décembre 1993, date à laquelle il a achevé le rapport
qu'il devait soumettre à la Commission des droits de l'homme à sa
quarante-neuvième session, le Rapporteur spécial a envoyé 217 demandes
d'intervention d'urgence concernant plus de 1 300 personnes dans les
52 pays ci-après : Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Azerbaïdjan,
Bangladesh, Brésil, Burundi, Cambodge, Chili, Colombie, Comores,
Djibouti, Egypte, El Salvador, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, exRépublique yougoslave de Macédoine, Guatemala, Guinée équatoriale,
Haïti, Inde, Indonésie, Iran (République islamique d'), Iraq, Israël,
Jamaïque, Kirghizistan, Koweït, Malawi, Nicaragua, Ouzbékistan,
Pakistan,
Panama,
Papaousie-Nouvelle-Guinée,
Paraguay,
Pérou,
Philippines, République centrafricaine, Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande du Nord, Rwanda, Sierra Leone, Soudan, Sri Lanka, Suède,
Tadjikistan, Tchad, Togo, Turkménistan, Turquie, Venezuela, Yémen et
Zaïre.
74.
Le Rapporteur spécial a pu établir que 86 des victimes de
violations présumées du droit à la vie étaient des mineurs et 87 des
femmes. Six demandes d'intervention d'urgence concernaient 41 mineurs
identifiés, vivant dans la rue au Brésil, en Colombie et au Guatemala.
En outre, le Rapporteur spécial est intervenu d'urgence au nom de plus
de 200 personnes après avoir reçu des informations concernant des
violations présumées du droit à la vie dans le cadre de manifestations
ou de défilés pacifiques publics en Afrique du Sud, en Argentine, au
Brésil, en Colombie, en Equateur, en Guinée équatoriale, au Guatemala,
en Haïti, en Israël, au Nicaragua, au Pakistan, au Panama, au Paraguay,
4
4
E/CN.4/1994/7
au Pérou, aux Philippines, en République islamique d'Iran, au Rwanda,
au Tchad, au Togo et en Turquie.
75.
En application de la résolution 1993/64 de la Commission des
droits de l'homme, le Rapporteur spécial a adressé six demandes
d'intervention d'urgence aux Gouvernements argentin, colombien,
guatémaltèque et rwandais, au nom de membres de plusieurs organisations
de défense des droits de l'homme qui auraient reçu des menaces de mort
après
avoir
eu
recours
aux
procédures
de
l'Organisation
des
Nations Unies pour la protection des droits de l'homme. Conformément à
la résolution 1993/39 de la Commission des droits de l'homme, le
Rapporteur spécial a adressé une demande d'intervention d'urgence au
Président zaïrois, exprimant sa grave préoccupation quant à la sécurité
de Mikuin Leliel Balanda, président du Groupe spécial d'experts sur
l'Afrique australe.
Autres allégations
76.
Des informations concernant l'exécution extrajudiciaire, sommaire
ou arbitraire de plus de 2 300 personnes (dont 49 mineurs et 79 femmes)
ont été transmises aux 51 pays ci-après : Afrique du Sud, Angola,
Azerbaïdjan, Bangladesh, Brésil, Cambodge, Cameroun, Chili, Chine,
Colombie, Comores, Cuba, Egypte, El Salvador, Equateur, Ethiopie,
Guatemala, Guinée équatoriale, Haïti, Honduras, Inde, Indonésie, Iran
(République islamique d'), Iraq, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban,
Malaisie, Malawi, Maroc, Mexique, Myanmar, Népal,
Nigéria, Pakistan, Pérou, Philippines, République centrafricaine,
République
arabe
syrienne,
Rwanda,
Sierra Leone,
Sri Lanka,
E/CN.4/1994/7
Tadjikistan, Tchad, Togo, Turquie, Venezuela, Yougoslavie, Zaïre et
Zimbabwe.
77. Dans 49 de ces cas d'exécutions extrajudiciaires, les victimes
auraient été des mineurs dont deux "enfants des rues" au Brésil et au
Guatemala. Plus de 250 personnes auraient été victimes d'exécutions
extrajudiciaires en violation de leur droit à la liberté d'opinion et
d'expression, de réunion pacifique et d'association dans les pays
suivants :
Afrique du Sud, Brésil, Chine, Colombie, El Salvador, Ethiopie,
Guatemala, Haïti, Inde, Iran (République islamique d'), Liban, Malawi,
Népal, Nigéria, Pérou, République centrafricaine, Tchad, Togo, Turquie,
Venezuela, Zaïre et Zimbabwe.
78. Outre ces cas précis, des allégations concernant des questions
touchant au droit à la vie en général ont été transmises aux 26 pays
suivants : Afrique du Sud, Algérie, Arabie saoudite, Azerbaïdjan,
Bangladesh, Brésil, Chine, Colombie, Egypte, El Salvador, Haïti, Inde,
Indonésie, Iran (République islamique d'), Israël, Kenya, Malaisie,
Malawi, Maroc, Mauritanie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines,
Sri Lanka, Tadjikistan, Turquie et Zaïre.
Communications reçues de gouvernements
79.
Depuis l'achèvement du rapport qu'il devait présenter à la
Commission des droits de l'homme à sa quarante-neuvième session, le
Rapporteur spécial a reçu des réponses sur les cas qu'il avait transmis
4
E/CN.4/1994/7
en 1992, de la part des gouvernements des pays ci-après : Afrique
du Sud,
Bangladesh,
Cameroun,
Colombie,
Etats-Unis
d'Amérique,
Ethiopie, Inde, Iraq, Israël, Lesotho, Mexique, Myanmar, Népal,
Philippines, Soudan, Tchad, Turquie et Venezuela.
80.
Des réponses concernant les informations transmises par le
Rapporteur spécial en 1993 ont été reçues des gouvernements des pays
ci-après : Algérie, Argentine, Azerbaïdjan, Bangladesh, Brésil, Chili,
Colombie, Egypte, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, Guatemala, Haïti,
Inde, Indonésie, Iran (République islamique d'), Iraq, Israël, Kenya,
Koweït, Maroc, Mexique, Népal, Nigéria, Panama, Philippines, République
arabe syrienne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,
Soudan, Sri Lanka, Suède, Tchad, Togo, Turquie, Venezuela, Yémen et
Zimbabwe.
81.
Aucune réponse n'a été reçue des pays suivants au sujet des cas
transmis par le Rapporteur spécial en 1992 : Afghanistan, Angola,
Azerbaïdjan, Burundi, Cambodge, Chili, Guinée équatoriale, Honduras,
Iran (République islamique d'), Mali, Pakistan, Paraguay, République
dominicaine, Rwanda, Togo, Ukraine, Yémen et Zaïre.
82.
Aucune réponse n'a été reçue des pays suivants au sujet des cas
d'allégations générales transmis par le Rapporteur spécial en 1993 :
Angola, Arabie saoudite, Burundi, Cambodge, Chine, Comores, Cuba,
Djibouti, El Salvador, Ethiopie, ex-République yougoslave de Macédoine,
Guatemala, Guinée équatoriale, Honduras, Kirghizistan, Liban, Libéria,
Malaisie,
Malawi,
Mauritanie,
Papouasie-Nouvelle-Guinée,
Myanmar,
Paraguay,
Ouzbékistan,
République
Pakistan,
centrafricaine,
5
5
E/CN.4/1994/7
Sierra Leone,
Tadjikistan,
Turkménistan,
Yougoslavie,
Zaïre
et
Zimbabwe.
Suite donnée
83.
Le Rapporteur spécial a transmis les réponses des gouvernements
des pays susmentionnés aux sources des allégations pour commentaires et
observations.
84.
Le Rapporteur spécial a adressé aux gouvernements des pays
ci-après des lettres dans lesquelles il renouvelait sa demande
d'information concernant les cas qu'il avait transmis en 1992 et au
sujet desquels aucune réponse n'avait été reçue au 27 avril 1993 (le
nombre de cas non élucidés est indiqué entre parenthèses) : Afrique du
Sud (47), Angola (2), Azerbaïdjan (5), Bangladesh (18), Brésil (7),
Cambodge (11),
Cameroun (4),
Colombie (76),
El Salvador (39),
Guatemala (60), Honduras (3), Inde (43), Iran (République islamique
d') (5),
Israël (5),
Philippines (7),
Mexique (4),
Turquie (95)
et
Népal (10),
Venezuela (11).
Pakistan (7),
Une
demande
d'information concernant 106 cas non élucidés a été adressée aux
autorités de facto d'Haïti.
85.
Plus tard dans l'année, des renseignements sur tous ces cas ou
certains d'entre eux ont été fournis par les gouvernements des pays
ci-après : Bangladesh, Brésil, Cameroun, Colombie, Inde, Israël,
Mexique, Népal, Philippines, Turquie et Venezuela.
5
E/CN.4/1994/7
86.
Le Rapporteur spécial a adressé aux gouvernements des pays
ci-après des lettres de rappel concernant les cas qu'il avait transmis
en 1992 et 1993 et au sujet desquels des réponses avaient été reçues,
mais qui n'ont pas pu être considérés comme réglés : Bangladesh,
Brésil, Chine, Colombie, Equateur, Guatemala, Inde, Iraq, Israël,
Kenya, Lesotho, Malawi, Mexique, Myanmar, Pérou, Sri Lanka, Tchad,
Turquie, Venezuela et Yémen.
C.
87.
Visites
Le Rapporteur spécial a séjourné au Rwanda du 8 au 17 avril 1993,
après avoir reçu des allégations de violations graves et massives du
droit à la vie commises en raison du conflit armé opposant les forces
gouvernementales rwandaises et le mouvement armé d'opposition, le Front
patriotique rwandais (FPR) depuis le mois d'octobre 1990. Son rapport
de
mission,
comprenant
ses
constatations,
conclusions
et
recommandations, a été publié en août 1993 (E/CN.4/1994/7/Add.1).
88.
Le Rapporteur spécial s'est rendu en mission au Pérou du 24 mai
au 2 juin 1993, pour enquêter sur les violations du droit à la vie qui
auraient été commises dans le pays. Le rapport de sa mission a été
publié en novembre 1993 (E/CN.4/1994/7/Add.2).
89.
A la quarante-neuvième session de la Commission des droits de
l'homme, le chef de la délégation sri-lankaise a de nouveau invité le
Rapporteur spécial àse rendre à Sri Lanka. Le Rapporteur spécial a
également été invité par le Gouvernement argentin à enquêter sur place
sur les menaces de mort dont feraient l'objet des journalistes et des
E/CN.4/1994/7
défenseurs des droits de l'homme (voir ci-après les paragraphes 122 et
123). Le Rapporteur spécial a également été invité à se rendre en
Algérie et en Colombie.
90.
Les préparatifs en vue d'une éventuelle mission en Turquie n'ont
pas progressé. Le Rapporteur spécial a demandé de nouveau à être invité
àeffectuer une mission en Chine. En outre, il a fait savoir au
Gouvernement indien qu'il souhaitait se rendre en Inde, éventuellement
accompagné du Rapporteur spécial chargé d'examiner la question de la
torture.
91.
Dans sa résolution 1993/97, la Commission des droits de l'homme a
prié le Gouvernement indonésien d'envisager d'inviter le Groupe de
travail sur la détention arbitraire, le Rapporteur spécial chargé
d'examiner la question de la torture et le Rapporteur spécial sur les
exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires à se rendre au
Timor oriental. Toutefois, aucune invitation dans ce sens n'a été reçue
jusqu'à présent.
D.
92.
Coopération avec d'autres services des Nations Unies
A la demande du Rapporteur spécial chargé d'enquêter sur la
situation des droits de l'homme sur le territoire de l'ex-Yougoslavie,
le Rapporteur spécial a effectué du 15 au 20 décembre 1992 une mission
en Croatie pour enquêter sur les allégations d'existence de charniers
contenant les cadavres de victimes de crimes de guerre. Le rapport de
la mission a été transmis dans son intégralité à la Commission
d'experts établie conformément à la résolution 780 (1992) du Conseil de
5
E/CN.4/1994/7
sécurité. Un résumé a été publié à l'annexe I du rapport du Rapporteur
spécial sur l'ex-Yougoslavie à la Commission des droits de l'homme à sa
quarante-neuvième session (E/CN.4/1993/50; voir également le chapitre V
ci-après).
93.
Le Rapporteur spécial a participé, du 16 au 27 août 1993, à la
mission du Groupe spécial d'experts sur l'Afrique australe au Botswana
et au Zimbabwe.
94.
Au cours de ses séjours à Genève, le Rapporteur spécial a tenu des
consultations informelles avec plusieurs autres rapporteurs spéciaux et
des membres de groupes de travail de la Commission des droits de
l'homme. Il s'est également entretenu avec les membres du Comité des
droits de l'enfant à propos de la protection du droit à la vie des
enfants au Rwanda et au Pérou. Au cours de la Conférence mondiale sur
les droits de l'homme, tenue à Vienne, il a participé à plusieurs
réunions de rapporteurs spéciaux, de représentants et de membres de
groupes de travail de la Commission des droits de l'homme et, en sa
qualité de porte-parole, il a présenté un document commun à la
Conférence mondiale en séance plénière.
95.
Des lettres accompagnées de copies des allégations portées à la
connaissance de chacun des gouvernements ont été adressées aux bureaux
des Nations Unies en Angola (UNAVEM), au Cambodge, en El Salvador
(ONUSAL) et en Haïti pour commentaires et observations sur la situation
du droit à la vie. Le Rapporteur spécial a également envoyé une lettre
au chef de l'UNOSOM II, demandant des renseignements concernant des
violations du droit à la vie et exprimant sa préoccupation au vu des
5
E/CN.4/1994/7
informations selon lesquelles des membres des forces internationales de
maintien de la paix auraient été impliqués dans un certain nombre
d'assassinats.
96.
En outre, le Rapporteur spécial a consulté le Haut Commissaire des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à propos d'un certain nombre de
cas précis concernant des réfugiés, plus particulièrement avant et
pendant sa mission au Rwanda.
97. Au cours de ses missions au Rwanda et au Pérou, le Rapporteur
spécial a grandement bénéficié de l'excellente coopération des
représentants du PNUD àKigali et à Lima.
E.
Autres activités visant à mieux faire connaître
le mandat du Rapporteur spécial
98.
Pour mieux faire connaître de façon générale en quoi consiste son
mandat, le Rapporteur spécial a tenu un certain nombre de conférences
de presse au cours de ses séjours au Rwanda et au Pérou. Les rapports
sur ces missions ont été accompagnés de communiqués de presse. Le
Rapporteur spécial a également tenu un certain nombre de conférences de
presse au cours de ses missions aux Pays-Bas et en Australie (voir le
paragraphe 100 ci-dessous).
99.
Le Rapporteur spécial a en outre participé à diverses réunions et
conférences. En janvier 1993, il a été invité à participer à une
réunion préparatoire en vue de la Conférence mondiale sur les droits de
l'homme,
organisée
par
le
Carter
Center
à
Atlanta
(Etats-Unis
d'Amérique). En février 1993, il a pris la parole lors d'une réunion
5
E/CN.4/1994/7
régionale pour l'Afrique organisée par l'Association internationale des
jeunes avocats àDouala (Cameroun) sur le rôle des mécanismes des
Nations Unies dans la protection des droits de l'homme. En février 1993
également, il a participé àune réunion sur le thème "Les droits de
l'homme à l'aube du XXIe siècle", organisée par le Conseil de l'Europe
et dont il a présidé le groupe de travail sur les droits de l'homme et
le développement. A deux reprises, en mars et en juin 1993, il a été
invité par l'Université de Bochum (Allemagne) à participer à des
réunions en vue de la création d'une organisation non gouvernementale
pour la promotion et le respect du droit humanitaire.
100. Par ailleurs, en septembre 1993, le Rapporteur spécial a été
invité par la section néerlandaise d'Amnesty International à commenter
le rôle de l'Organisation des Nations Unies dans les efforts déployés
pour lutter contre les exécutions extrajudiciaires et les disparitions.
En septembre 1993 également, il a participé en tant qu'invité d'honneur
à une commission internationale d'enquête créée par la section
américaine d'Amnesty International pour examiner la pratique de la
peine de mort aux Etats-Unis. Enfin, en octobre 1993, il a été invité
par la section australienne d'Amnesty International à se rendre dans
plusieurs villes australiennes pour donner des conférences sur le rôle
des mécanismes des Nations Unies dans la protection du droit à la vie
et la prévention des exécutions extrajudiciaires et des disparitions,
ainsi que sur le rôle des organisations non gouvernementales dans ce
domaine.
5
5
E/CN.4/1994/7
IV.
SITUATIONS
A.
Généralités
101. Le Rapporteur spécial rend compte dans le présent chapitre des
communications
et
allégations
qui
lui
sont
parvenues
au
sujet
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Il indique la
façon dont il a donné suite à ces informations, en adressant des
demandes d'intervention d'urgence ou des lettres aux gouvernements
concernés et décrit les réponses qu'il a reçues. Les mesures de suivi
prises par le Rapporteur spécial sont également mentionnées. (La teneur
de toutes les réponses reçues des gouvernements a été transmise aux
sources dont les allégations émanaient. Pour des raisons de concision,
toutes les réponses ne sont pas mentionnées spécifiquement à propos de
chaque pays.) Le Rapporteur spécial a formulé, selon les besoins, des
observations, commentaires et recommandations concernant certains pays.
102. On notera que les dates auxquelles des demandes d'intervention
d'urgence
ont
été
envoyées
par
le
Rapporteur
spécial
et
des
communications ont été reçues des gouvernements figurent entre
parenthèses dans les paragraphes se rapportant à ces demandes et
communications. Le présent rapport fait état de toutes les demandes
d'intervention d'urgence adressées avant le 22 novembre 1993. Les
communications classées sous la rubrique "autres allégations" ont été
envoyées
à
trois
reprises,
les 27 avril,
29 juillet
et
24 septembre 1993. Les allégations d'exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires reçues par le Rapporteur spécial à une date
ultérieure seront traitées dans le rapport du Rapporteur spécial à la
5
E/CN.4/1994/7
Commission des droits de l'homme à sa cinquante et unième session. Des
lettres de suivi ont été envoyées aux gouvernements concernés à la fin
du mois de septembre 1993, àl'exception de la lettre destinée au
Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, qui n'a pu être envoyée que le
19 novembre 1993.
103. Toutes les communications reçues des gouvernements avant le
22 novembre 1993 ont été prises en considération dans l'établissement
du présent rapport. Les réponses et autres renseignements qui auront pu
parvenir
ultérieurement
au
Rapporteur
spécial
seront
pris
en
considération dans le rapport que celui-ci présentera à la Commission
des droits de l'homme à sa cinquante et unième session.
104. En raison du nombre de pages limite imposé pour des documents
présentés àla Commission des droits de l'homme, le Rapporteur spécial a
été contraint de supprimer dans son rapport nombre de détails
concernant les allégations d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires ou de menaces de mort. Dans la plupart des cas, il s'est
limité, pour chaque pays considéré, à ne citer que des noms et à
décrire très brièvement les événements survenus. Toutefois, la
documentation détaillée concernant ces affaires, telle qu'elle a été
communiquée aux gouvernements concernés, peut être consultée dans les
dossiers du secrétariat.
E/CN.4/1994/7
B.
Situation dans les pays mis en cause
[…]
Burundi
166. Au début de l'année 1993, le Rapporteur spécial a reçu des
informations encourageantes indiquant que des mesures positives avaient
été prises au Burundi sur la voie de la démocratie : en mars 1992,
après 26 ans de domination du parti unique, le Parti de l'unité et du
progrès national (UPRONA), dirigé par le groupe ethnique tutsi, le pays
a adopté le multipartisme. Les premières élections présidentielles ont
eu lieu le 1er juin 1993 et se sont apparemment déroulées sans
incident. Elles ont été suivies, le 29 juin, par les premières
élections législatives multipartites depuis 1965. Le président Buyoya,
qui avait pris l'initiative des réformes, et son parti ont été
nettement battus et le président Ndadaye, membre du groupe ethnique
hutu et son parti, le Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU),
ont accédé au pouvoir.
167. Le 21 octobre 1993, les forces armées, dont 90 % des membres
appartiendraient à l'ethnie tutsi, ont fait une violente tentative de
coup d'Etat, au cours de laquelle le président Ndadaye et de hauts
fonctionnaires gouvernementaux (hutus et tutsis) ont été exécutés sans
jugement. Les manifestations pacifiques qui ont suivi cette tentative
de coup d'Etat ont été violemment réprimées par l'armée, faisant un
nombre non précisé de victimes parmi les civils. Comme très souvent par
le passé, des violences ethniques ont éclaté parmi la population
civile, en particulier dans les zones rurales : des Hutus ont massacré
des Tutsi en représailles et des Tutsis, en particulier des membres des
5
E/CN.4/1994/7
forces armées, ont massacré des Hutus. Ces violences auraient fait des
dizaines de milliers de morts et au moins 700 000 réfugiés dans les
pays voisins.
Communications envoyées
168. Après la tentative de coup d'Etat, le Rapporteur spécial a adressé
une demande d'intervention d'urgence conjointement au Gouvernement
burundais et au chef d'état-major des forces armées, exprimant sa
préoccupation concernant la vie et l'intégrité physique du président
Ndadaye
et
d'autres
hauts
fonctionnaires
gouvernementaux
(22 octobre 1993).
Communications reçues
169. Aucune communication n'avait été reçue du Gouvernement burundais
au moment où a été établi le présent rapport. Il convient de noter
toutefois qu'à la date où le Rapporteur spécial a envoyé sa demande
d'intervention d'urgence, les autres membres du gouvernement s'étaient
réfugiés dans un hôtel et s'étaient placés sous la protection de
gendarmes français.
Observations
170. Le Rapporteur spécial a été consterné par la récente violente
tentative de coup d'Etat, en laquelle il voit un recul par rapport aux
réformes qui semblaient prometteuses engagées dans un pays marqué
depuis de nombreuses années par des conflits ethniques et des massacres
6
E/CN.4/1994/7
incessants.
Les
informations
qui
lui
sont
parvenues
étaient
incomplètes, en raison à la fois de l'interruption des communications
ou lors de la tentative de coup d'Etat et de l'éloignement des régions
où les massacres les plus violents auraient eu lieu. Au moment où a été
établi le présent rapport, le nombre précis de victimes n'était pas
connu. Toutefois, les communications reçues font état d'un nombre de
morts considérable.
171. Le Rapporteur spécial est préoccupé par le fait que les actes de
violence mentionnés ci-dessus risquent de perturber la paix déjà
fragile instaurée dans le pays voisin, le Rwanda, où se font sentir des
tensions ethniques analogues (voir E/CN.4/1994/7/Add.1). Comme il l'a
souligné en conclusion de son analyse des violations du droit à la vie
au Rwanda, il faut tirer les leçons du passé et mettre un terme au
cercle vicieux de la violence ethnique qui a plongé le Burundi et le
Rwanda dans un bain de sang. A cette fin, les auteurs des massacres ne
doivent plus jamais rester impunis et des mesures de prévention doivent
être prévues pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent.
172. Le
Gouvernement
burundais
aurait
demandé
qu'une
force
internationale soit détachée pour stabiliser la situation dans le pays
et que les massacres fassent l'objet d'une enquête internationale
indépendante.
Le Rapporteur
spécial
espère
que
l'intervention
internationale au Burundi ne consistera pas uniquement à envoyer des
soldats, mais que la protection des droits de l'homme sera prise en
compte dans les préparatifs de cette intervention.
6
6
E/CN.4/1994/7
173. Le Rapporteur spécial pourrait demander au Gouvernement burundais
de l'inviter à se rendre en mission dans le pays. Compte tenu de la
nature des problèmes qui s'y posent, cette mission pourrait être
réalisée conjointement avec le représentant du Secrétaire général
chargé des questions relatives aux droits des personnes déplacées dans
leur pays, M. Francis Deng. Elle pourrait en outre être complétée par
une éventuelle mission de suivi au Rwanda.
[…]
Rwanda
512. Le Rapporteur spécial a séjourné du 8 au 17 avril 1993 au Rwanda,
où il s'était rendu après avoir reçu des allégations de violations du
droit à la vie dans ce pays. On trouvera ses constatations, ainsi que
ses conclusions et recommandations, dans un additif au présent rapport
(E/CN.4/1994/7/Add.1).
Le présent
chapitre
rend
compte
des
cas
communiqués au Gouvernement rwandais en 1993.
Communications envoyées
513. Le Rapporteur spécial a transmis au Gouvernement rwandais des
allégations de violation du droit à la vie concernant plus de
300 personnes, dont un mineur et six femmes.
514. Le Rapporteur spécial a adressé deux demandes d'intervention
d'urgence au Gouvernement rwandais exprimant ses craintes concernant
des militants pour les droits de l'homme et des témoins de violations
de ces droits, à savoir Eustache Mupenzi et d'autres personnes qui
E/CN.4/1994/7
collaboraient
depuis
le 1er octobre 1990
avec
la
Commission
internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au
Rwanda ou avaient témoigné devant cet organe, ayant été informé que ces
personnes auraient été victimes de représailles et d'intimidation et
que les exécutions reprendraient (15 février 1993); et Ignace Ruhatana,
Secrétaire permanent de l'organisation non gouvernementale de défense
des droits de l'homme appelée Kanyarwanda, qui avait été blessé à son
domicile
lors
d'une
attaque
par
un
commando
d'hommes
armés
(12 mai 1993).
515. Le Rapporteur spécial a également transmis au Gouvernement
rwandais des allégations d'exécutions extrajudiciaires concernant plus
de 300 personnes. Il faut cependant noter que si les incidents ont été
rapportés avec beaucoup de détails, les noms de la plupart des victimes
n'ont pas été communiqués. Certains des cas signalés l'ont été par une
commission officielle d'enquête. En ce qui concerne les allégations
ci-après, il convient de se référer au rapport du Rapporteur spécial
sur la mission qu'il a effectuée au Rwanda (E/CN.4/1994/7/Add.1).
a)
Exécution présumée par des membres des forces de sécurité des
personnes ci-après : Hayiparusi Kituku, Bonaventure Bigora, Tito Umuto,
Evariste Bizimungu, Charles Karake, Ephrem Twaguramungu, Vedaste
Murangwa,
Claver
Kirangwa,
Claire
Rwamwaga,
Hitimana,
Mafigi,
Kavaruganda, Mukamugara, Gatambara, Andre Rukiliza, Gerard, Gatura,
Ngiruwonsanga, Gakwaya, Elias Ndayambaje, Gahima, Etienne Bayijahe,
Albert Katalyera, Jean-Bosco Bagiranza, Kanyakore (alias Sekufeko),
Gakwenzire,
Ismail
Songoro,
Justine
Muhungwange,
Bugirimfura,
Mukantwari, Mukabahinde, Simeon Mutarambwira, Rugelinyange, Claude
6
E/CN.4/1994/7
Mutsinzi, 75 personnes non identifiées et deux groupes d'un nombre
indéterminé de personnes non identifiées;
b)
Mort de 34 personnes, dont les noms ne sont pas indiqués,
et d'un nombre indéterminé de personnes non identifiées présentées en
deux groupes, imputable à des agents de l'administration territoriale;
c)
Exécution par des membres du Mouvement révolutionnaire
national pour la démocratie et le développement (MRND) des personnes
ci-après : Sophie Ntawera, Mukamana, Semafaranga, Nkunzwenimana,
Mbendegezi, Fatuma Mukandutiye, Martin Nsabimana, Kadogo, Hategekimana,
ainsi que de 154 personnes non identifiées;
d)
Il a, en outre, été signalé le cas d'Emanuel Gapyisi,
dirigeant éminent du Mouvement démocratique républicain (MDR), parti
d'opposition, qui aurait été tué par un escadron de la mort qui serait
lié à certaines autorités rwandaises.
Observations
516. Le Rapporteur spécial se félicite de la signature d'un accord de
paix, le 4 août 1993 à Arusha (République-Unie de Tanzanie), entre le
Gouvernement rwandais et le Front patriotique rwandais (FPR). Il a été
signalé que les personnes déplacées à l'intérieur du pays avaient
commencé à regagner leurs villages. Cependant, selon les renseignements
reçus, aucune des mesures concrètes visant à éviter les violations du
droit à la vie dans le pays, qui avaient été annoncées par le Président
6
E/CN.4/1994/7
et par le Premier Ministre dans leur déclaration conjointe du
8 avril 1993, n'ont été appliquées.
517. Aucune réponse du Gouvernement rwandais, qu'il s'agisse du rapport
sur la mission du Rapporteur spécial qui avait été transmis aux
autorités rwandaises le 23 août 1993, de ses demandes d'intervention
d'urgence ou des cas communiqués, n'était parvenue au Rapporteur
spécial au moment où a été établi le présent rapport. On ignore donc
quelles mesures ont été prises par le gouvernement pour donner suite
aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial à l'issue de sa
mission. Le Rapporteur spécial souhaiterait se rendre à nouveau au
Rwanda,
pour
suivre
la
situation,
si
possible
dans
le
cadre
d'une mission conjointe avec le Représentant du Secrétaire général
chargé des questions relatives aux droits de l'homme des personnes
déplacées dans leur pays. Compte tenu des incidents violents qui se
sont produits au Burundi voisin et de la similarité des problèmes
auxquels ces deux pays sont confrontés, le Rapporteur spécial envisage
la possibilité d'une visite combinée au Rwanda et au Burundi.
[…]
Zaïre
653. Le Rapporteur spécial a reçu des informations concernant la
persistance de graves violations du droit à la vie, dans le cadre de la
lutte pour le pouvoir que se livrent le Président Mobutu Sese Seko et
ses opposants. Les membres des forces de sécurité se rendraient
6
E/CN.4/1994/7
responsables de violations massives des droits de l'homme dans un
climat de quasi-impunité.
654. D'après les informations reçues, une campagne de terrorisme à
caractère ethnique et répondant à des visées politiques, lancée à
l'instigation de partisans du président Mobutu menaçait la vie et
l'existence de dizaines de milliers de Zaïrois originaires des régions
voisines du Kasai oriental et occidental. D'après plusieurs rapports,
le groupe de population parlant le Kinyarwanda (les Banyarwandas) de la
partie nord du Kivu, près de la frontière entre le Zaïre, le Rwanda et
le Burundi aurait aussi été victime d'actes de violence similaires.
Sept mille personnes auraient été tuées. Dans le nord-est du Kivu, les
troupes gouvernementales auraient tué des civils non armés et se
seraient rendus coupables de violations flagrantes des droits de
l'homme au cours d'opérations de lutte contre l'insurrection.
655. L'indiscipline, la médiocrité de la solde des forces armées qui,
parfois, ne leur serait même pas payée, seraient la cause du climat
d'insécurité et des pillages et des viols auxquels se livreraient
systématiquement et en toute impunité les soldats. En janvier 1993, des
soldats qui avaient été payés, sur les ordres du président Mobutu, en
billets de 5 millions de zaïres, monnaie déclarée illégale par le
premier ministre Tchisekedi, se seraient mis à piller la capitale après
que des commerçants eurent refusé d'accepter ces billets. Des centaines
de personnes, un millier peut-être selon certains, auraient été tuées
lors de ces incidents.
6
E/CN.4/1994/7
656. Le
Rapporteur
spécial
a
reçu
plusieurs
informations
selon
lesquelles des violations du droit à la vie auraient été commises pour
des raisons politiques par des membres des forces de sécurité dévouées
au
président.
Il
a
notamment
appris
qu'une
nouvelle
vague
d'arrestations avait été lancée à la fin d'avril 1993. Parmi les
personnes arrêtées on trouvait des politiciens, des journalistes et des
syndicalistes qui avaient critiqué le président Mobutu ou appartenaient
à l'opposition non violente. On craignait que ces personnes ne soient
soumises à la torture et à de mauvais traitements après avoir été
arrêtées et placées au secret. Des exécutions extrajudiciaires auraient
eu lieu ultérieurement. De plus, selon certaines informations, les
forces de sécurité, notamment la division spéciale présidentielle
(DSP), auraient abusé de la force lorsqu'elles avaient ouvert le feu
sur des groupes de manifestants non armés. D'autres violations du droit
à la vie ont été signalées, notamment le décès en détention de
personnes privées de soins médicaux ou de nourriture.
Communications envoyées
657. Le Rapporteur spécial a adressé au Gouvernement zaïrois cinq
demandes d'intervention d'urgence concernant les personnes ci-après
dont la vie serait en danger : François Kandolo, Buana Kabue, membres
du Comité laïque de coordination); Jacques Matanda et Kamanda wa
Kamanda (membres du Haut Conseil de la République), dont le nom
figurait sur une liste noire de personnes devant être exécutées par des
membres des forces de sécurité (12 janvier 1993); Mikuin Leliel
Balanda, président du Groupe spécial d'experts sur l'Afrique australe
des Nations Unies et président de la Cour suprême du Zaïre, qui avait
6
E/CN.4/1994/7
été victime de trois attaques armées attribuées àdes membres des forces
de sécurité et à qui les autorités n'avaient pas fourni la protection
requise (17 février 1993); ainsi que les incidents du 15 avril 1993
lors desquels des membres de la DSP auraient ouvert le feu aveuglément
et sans qu'il y ait eu provocation ni discrimination sur une foule
pacifique massée devant la résidence du premier ministre, et les
massacres de Banyarwandas dans le nord du Kivu (27 avril 1993).
658. Le Rapporteur spécial est en outre intervenu en faveur de
Thassinda Kilolo, qui aurait été enlevée par des membres d'une équipe
spéciale de la DSP surnommée "les hiboux" et de ses deux soeurs,
Thassinda Malaku et Thassinda Misaku, qui avaient été victimes de
plusieurs tentatives d'enlèvement et fait l'objet de menaces de mort de
la part de membres des forces de sécurité (24 septembre 1993); Félix
Mnayi Kalombo, conseiller du premier ministre Tchisekedi qui avait été
victime d'une tentative d'assassinat alors qu'il était hospitalisé
après avoir été blessé par des membres des forces de sécurité, qui
auraient attaqué son domicile, et Lambert Tshitshimbi Katombe,
également conseiller du premier ministre, qui aurait été suivi par des
agents des services de sécurité (19 octobre 1993).
659. Le Rapporteur spécial a également transmis au Gouvernement zaïrois
un cas spécial qui se serait produit à Kinshasa, où des membres de la
DSP auraient tué au moins 15 civils y compris un enfant de 11 ans et
une femme enceinte à titre de représailles pour le meurtre de l'un des
leurs.
6
6
E/CN.4/1994/7
Communications reçues
660. Aucune communication n'avait été reçue du Gouvernement zaïrois au
moment où a été établi le présent rapport.
Observations
661. Le
Rapporteur
spécial
est
profondément
préoccupé
par
les
informations alarmantes selon lesquelles de nombreuses violations
graves des droits de l'homme se produiraient dans le climat d'anarchie
et de violence régnant au Zaïre. D'après ces informations, les Zaïrois
paient un lourd tribut à la lutte pour le pouvoir que se livrent le
président Mobutu et ses opposants tandis que le pays s'enfonce dans le
chaos. Le Rapporteur spécial demande instamment aux responsables des
forces de sécurité de s'assurer que des violations des droits de
l'homme ne soient en aucun cas tolérées, d'éviter qu'il soit fait
abusivement usage de la force et de veiller à ce que la discipline soit
strictement maintenue parmi les militaires et que les auteurs de
violations des droits de l'homme répondent pénalement de leurs actes.
662. Le Rapporteur spécial est horrifié par la vague de violences
intercommunales déclenchée par l'instabilité politique, en particulier
dans les régions du Shaba et dans le nord du Kivu. Il semble que l'on
voie se déclencher dans la région un enchaînement de conflits
interethniques, dans un climat de totale impunité, et que dans une
telle situation tout événement et incident se produisant dans les Etats
voisins du Rwanda, du Burundi ou du Zaïre, a nécessairement de
profondes répercussions pour les Etats concernés (voir également les
7
E/CN.4/1994/7
chapitres concernant le Burundi et le Rwanda). Le Rapporteur spécial
continuera de se pencher avec une attention particulière sur cette
région.
[…]
VI.
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
671. Une fois encore, au terme d'un nouveau cycle de ses rapports
périodiques, le Rapporteur spécial ne peut que constater que les
exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires n'ont pas cessé.
Bien au contraire, les luttes armées pour le pouvoir et le contrôle
territorial souvent déguisées en conflits ethniques, religieux ou
nationalistes n'ont rien perdu de leur violence dans de nombreuses
régions du monde. L'ex-Yougoslavie, l'Angola, le Libéria, la Somalie,
le Rwanda et le Burundi, l'Azerbaïdjan et le Tadjikistan ne sont que
quelques exemples parmi bien d'autres de pays où se traduisent des
violations
massives
du
droit
à
la
vie,
dont
sont
victimes
en particulier des civils. Le Rapporteur spécial reçoit toujours plus
d'allégations d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
et de menaces de mort imputées à des forces gouvernementales ou à des
groupes qui collaborent avec elles ou qui bénéficient de la connivence
des autorités.
672. Face à la persistance des violations du droit à la vie le
Rapporteur spécial a réagi en multipliant ses activités (voir cidessus,
chapitre IV).
disposait,
il
a
Se fondant
concentré
son
sur
les
attention
informations
sur
deux
dont
il
thèmes
de
7
E/CN.4/1994/7
préoccupation majeurs : les violations du droit à la vie en relation
avec la peine capitale et l'impunité des auteurs de violations, qui a
de très importantes implications notamment pour ce qui est de la
prévention de presque tous les types d'exécution extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires. Se conformant aux demandes qui lui avaient
été faites par la Commission des droits de l'homme (voir chapitre I),
le Rapporteur spécial s'est aussi particulièrement attaché à certaines
autres questions. Le présent chapitre contient ses conclusions et
recommandations sur ces questions ainsi que sur certains points de
procédure et autres sujets qui le préoccupent.
A.
Peine capitale
673. Dans sa résolution 1993/71, la Commission des droits de l'homme
priait le Rapporteur spécial "de continuer à surveiller l'application
des normes internationales en vigueur sur les garanties et restrictions
concernant
l'imposition
de
la
peine
capitale,
compte
tenu
des
observations formulées par le Comité des droits de l'homme dans son
interprétation de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques ainsi que du deuxième Protocole facultatif s'y
rapportant".
Opportunité de l'abolition de la peine de mort
674. La peine capitale n'est pas encore en soi interdite en droit
international. Toutefois, dans ses observations sur l'article 6 du
Pacte, le Comité des droits de l'homme observe que dans cet article
"... l'abolition est évoquée ... en des termes qui suggèrent sans
E/CN.4/1994/7
ambiguïté (par. 2 et 6) qu'elle est souhaitable. Le Comité conclut que
toutes les mesures prises pour abolir la peine de mort doivent être
considérées comme un progrès au regard du droit à la vie ..." 2 .
L'opportunité de l'abolition a aussi été exprimée à maintes reprises
par l'Assemblée générale 3. Par ailleurs, réaffirmant les dispositions
du paragraphe 6 de l'article 6 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, le Conseil économique et social, dans
sa résolution 1984/50, a approuvé les Garanties pour la protection des
droits des personnes passibles de la peine de mort, étant entendu
qu'elles ne seront pas invoquées pour retarder ou pour empêcher
l'abolition de la peine capitale.
675. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte "dans les pays
où la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut
être prononcée que pour les crimes les plus graves ...". L'Assemblée
générale a considéré que ledit article était un des déterminants du
"critère minimal de garanties légales" pour la protection du droit à la
vie, dans un certain nombre de résolutions relatives aux exécutions
sommaires ou arbitraires, dont la plus récente est la résolution 45/162
(par. 12) en date du 18 décembre 1990. Dans ses observations sur
l'article 6 du Pacte, le Comité des droits de l'homme a déclaré que
"l'expression 'les crimes les plus graves' devait être interprétée
d'une manière restrictive comme signifiant que la peine capitale devait
être une mesure tout à fait exceptionnelle", limitée aux délits
entraînant la mort ou "ayant d'autres conséquences extrêmement
graves" 4.
2 A/37/40, annexe V, Observation générale 16 (6), paragraphe 6.
3Par exemple, dans les résolutions 2857 (XXVI), 2393 (XXIII) et 39/118.
4 A/37/40, annexe V, Observation générale 6 (16), paragraphe 7.
7
7
E/CN.4/1994/7
676. Le Rapporteur spécial s'inquiète des informations qu'ils a reçues
signalant dans certains pays l'extension de la peine capitale à des
délits qui jusque-là n'y exposaient pas leurs auteurs. Au Bangladesh,
la loi de 1992 sur la répression des activités terroristes (Curbing of
Terrorist Activities) étendrait la portée de la peine capitale
à certains délits de "terrorisme" qui jusque-là n'étaient sanctionnés
que de peines d'emprisonnement. En Chine, la gamme des délits rendant
leurs auteurs passibles de la peine capitale a été élargie depuis
l'entrée en vigueur, en 1979, du Code pénal. A l'heure actuelle, dans
ce pays, environ 65 délits pénaux s'assortissent de la peine de mort,
dont les délits de "spéculation", "corruption" ou "concussion".
En Egypte, la loi No 997 de 1992 élargit considérablement la gamme des
délits rendant leurs auteurs passibles de la peine capitale. En mai
1991, le Pakistan a rendu la peine de mort impérative pour le délit de
blasphème et selon certaines informations le gouvernement envisageait
de
l'étendre,
en
août
1993,
aux
délits
associés
au
trafic
de
stupéfiants. La nouvelle Constitution péruvienne, approuvée par
référendum le 31 octobre 1993, prévoit la peine capitale pour les
crimes de terrorisme et de trahison (voir E/CN.4/1994/7/Add.12,
par. 74 à 78). En Arabie saoudite, deux fatwas, datant de 1987 et de
1988, déclarent punissables de la peine capitale certains délits
associés au trafic de stupéfiants et à des actes de "sabotage" ou de
"dépravation" qui "sapent la sécurité et mettent en danger des vies et
portent atteinte à la propriété publique ou privée". Jusque-là, ces
délits n'exposaient leurs auteurs à la peine de mort que s'il y avait
eu effectivement mort d'homme. Selon certaines informations de fraîche
date, un projet de loi fédérale serait en cours d'élaboration aux
E/CN.4/1994/7
Etats-Unis d'Amérique, en vertu duquel deviendraient punissables de
mort 47 délits qui jusqu'alors ne tombaient pas sous le coup de la
peine capitale.
677. La perte de la vie est irréparable. Le Rapporteur spécial soutient
donc sans réserve les conclusions du Comité des droits de l'homme et
souligne
que
l'abolition
de
la
peine
capitale
est
hautement
souhaitable. En tout état de cause jamais le champ d'application de la
peine de mort ne devrait être étendu, aussi le Rapporteur spécial
demande-t-il aux Etats qui ont légiféré en ce sens de reconsidérer leur
position.
Procès équitable
678. Toutes les protections destinées à garantir le respect de la
légalité, avant et pendant le procès, telles qu'énoncées par plusieurs
instruments internationaux, dont la Déclaration universelle des droits
de l'homme (art. 10 et 11), le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (art. 9, 14 et 15), les Garanties pour la
protection des droits des personnes passibles de la peine de mort,
ainsi que les dispositions de la résolution 1989/65 du Conseil
économique et social sur leur application, doivent être pleinement
respectées dans tous les cas, et tout spécialement lorsque la vie du
défendeur est en jeu.
679. C'est ainsi, en particulier, que les procès pouvant aboutir à une
sentence de mort doivent satisfaire aux normes les plus strictes en
matière d'indépendance, de compétence, d'objectivité et d'impartialité
7
7
E/CN.4/1994/7
des juges et des jurys. Tous les défendeurs passibles de la peine
capitale doivent être pleinement assurés d'une défense adéquate à tous
les stades de la procédure,
et notamment être assistés de défenseurs compétents au titre d'une
assistance judiciaire financée par l'Etat. La présomption d'innocence
doit être la règle aussi longtemps que la culpabilité n'a pas été
établie de manière incontestable, à l'issue de procédures légales
d'instruction et d'appréciation des preuves rigoureusement conformes
aux
normes
et
compte
dûment
tenu
de
toutes
les
circonstances
atténuantes. La procédure doit s'assortir de garanties de recours en
révision des aspects factuels et juridiques de l'affaire par un
tribunal supérieur composé de magistrats autres que ceux qui ont statué
en première instance. Le droit de tout condamné à mort à un recours en
grâce ou en commutation de peine doit être aussi garanti.
680. Au cours de l'année écoulée, le Rapporteur spécial a reçu des
informations
nombreuses
et
alarmantes
concernant
la
teneur
et
l'application de certaines législations conduisant à l'imposition et à
l'exécution de sentences de mort sans que les condamnés aient
pleinement bénéficié des garanties et protections prévues. Ces
informations mettent en cause les pays ci-après (pour plus amples
détails voir le chapitre IV) : Afrique du Sud, Algérie, Arabie
saoudite, Azerbaïdjan, Bangladesh, Chine, Comores, Egypte, Etats-Unis
d'Amérique, Iran (République islamique d'), Kirghizistan, Koweït,
Malawi, Malaisie, Nigéria, Ouzbékistan, Pakistan, Pérou, République
arabe syrienne, Sierra Leone, Tadjikistan, Turkménistan et Yémen.
E/CN.4/1994/7
681. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par des
informations indiquant une tendance à l'établissement de juridictions
spéciales destinées à accélérer les procédures conduisant, dans
certains cas, à des sentences de mort, notamment dans les procès de
meurtres de groupes d'opposion armés ayant commis des actes de
violence.
Ces
tribunaux
spéciaux
pèchent
souvent
par
manque
d'indépendance dans la mesure où, par exemple, ils ont des comptes
àrendre à l'exécutif ou sont composés d'officiers supérieurs de l'armée
active. Les délais qui sont quelquefois fixés pour les différentes
étapes de la procédure devant ces juridictions spéciales portent
gravement atteinte au droit des accusés à une défense adéquate. Des
inquiétudes ont aussi été exprimées au sujet des restrictions apportées
au droit de recours dans le contexte des juridictions spéciales. Dans
certains cas, la loi portant création de tribunaux spéciaux prévoit une
application élargie de la peine capitale. Le Rapporteur spécial note
qu'en règle générale ces juridictions appliquent, en ce qui concerne la
régularité des formes et le respect du droit à la vie des critères
moins stricts que ceux des juridictions pénales ordinaires. On se
référera à ce sujet aux sections du présent rapport concernant
l'Algérie, l'Egypte, le Koweït, le Malawi, le Nigéria, la République
arabe syrienne, le Pakistan et le Pérou.
682. Le Rapporteur spécial signale également un jugement récent rendu
par la Commission judiciaire du Conseil privé du Royaume-Uni de GrandeBretagne et d'Irlande du Nord, selon lequel, l'exécution d'une sentence
de mort cinq ans après le rendu de la sentence constituerait un
châtiment cruel et inhumain. En conséquence, les sentences de mort de
deux prisonniers en instance d'exécution à la Jamaïque depuis plus de
7
E/CN.4/1994/7
cinq ans ont été commuées en peines d'emprisonnement à vie. La Cour
suprême du Zimbabwe a récemment rendu un jugement analogue. Tout en se
félicitant de ces décisions, le Rapporteur spécial craint qu'elles
n'incitent certains gouvernements à accélérer l'exécution des peines de
mort, ce qui pourrait porter préjudice au droit des condamnés à des
procédures d'appel complètes, y compris l'audition de nouveaux témoins
si de nouveaux éléments de preuve sont découverts, même des années plus
tard. De l'avis du Rapporteur spécial, ces jugements devraient plutôt
être interprétés comme indiquant à quel point l'abolition de la peine
capitale est souhaitable car s'il est reconnu, dans un premier temps,
qu'attendre pendant cinq ans l'exécution d'une condamnation à mort
constitue un châtiment cruel et inhumain, il sera peut-être plus
facile, dans un deuxième temps de prendre la décision d'abolir purement
et simplement la peine capitale.
683. En bref, aucune erreur judiciaire ne peut plus être réparée une
fois que la sentence de mort a été exécutée. Le Rapporteur spécial
exhorte les gouvernements de tous les Etats où la peine de mort n'a pas
encore été abolie à faire en sorte que les procès qui exposent les
accusés à une sentence de mort soient conduits suivant les critères de
régularité les plus stricts et que les défendeurs jouissent pleinement
de toutes les protections et garanties prévues dans les instruments
internationaux pertinents.
684. Le Rapporteur spécial s'adresse particulièrement aux Gouvernements
de l'Algérie, de la Chine, de l'Egypte, des Etats-Unis d'Amérique,
d'Iran (République islamique d'), du Koweït, du Malawi, de la Malaisie,
du Nigéria, de la République arabe syrienne, du Pakistan, du Pérou et
7
E/CN.4/1994/7
du
Tadjikistan,
leur demandant
de
réformer
leurs
législations
respectives en matière de procédures de jugement lorsque la peine
capitale peut être prononcée, afin qu'elles soient en conformité des
dispositions des instruments internationaux pertinents.
Restrictions spéciales à l'application de la peine de mort
685. Aux termes du paragraphe 5 de l'article 6 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques "une sentence de mort ne peut
être imposée pour des crimes commis par des personnes âgées de moins
de 18 ans". D'autres instruments internationaux interdisent d'imposer
la peine capitale à des délinquants juvéniles, en particulier la
Convention relative aux droits de l'enfant, l'Ensemble de règles minima
des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour
mineurs (Règles de Beijing) et les Garanties pour la protection des
droits des personnes passibles de la peine de mort. Les informations
reçues au sujet de l'imposition et de l'exécution de sentences de mort
concernant des mineurs en Egypte, aux Etats-Unis d'Amérique et au
Pakistan sont des plus préoccupantes. Le Rapporteur spécial est aussi
profondément préoccupé par l'existence de lois autorisant l'imposition
de la peine de mort à des mineurs en Algérie, en Chine et au Pérou.
686. Le droit international interdit en outre d'imposer la peine
capitale aux arriérés et aux malades mentaux, aux femmes enceintes et
aux mères d'enfants en bas âge. Le Rapporteur spécial signale à ce
sujet avoir été informé que des déficients mentaux avaient été exécutés
aux Etats-Unis.
7
E/CN.4/1994/7
687. Le Rapporteur spécial exhorte les Gouvernements de l'Algérie, des
Etats-Unis, de la Chine, de l'Egypte, du Pakistan et du Pérou à
réfléchir à d'autres mesures que la peine de mort, qui permettent de
déboucher sur la réadaptation et la réinsertion dans la société des
délinquants juvéniles ou des déficients mentaux.
B.
Impunité
688. En vertu du droit international, les gouvernements sont tenus
d'effectuer des enquêtes complètes et impartiales en cas d'allégations
de violations du droit à la vie, de découvrir les coupables, de les
traduire en justice et de les punir, de dédommager les victimes ou
leurs familles et de prendre des mesures qui empêchent que se
commettent à l'avenir de telles violations. Les deux premiers éléments
de cette quadruple obligation constituent à eux seuls le moyen le plus
dissuasif de prévention des violations des droits de l'homme. En
revanche, si les coupables sont certains de ne pas avoir à répondre de
leurs
actes,
ce
genre
de
violations
risque
de
se
multiplier.
La reconnaissance de l'obligation de dédommager les victimes de
violations des droits de l'homme ainsi que leur indemnisation effective
présupposent la reconnaissance par les gouvernements de leur obligation
de garantir une protection efficace contre les violations des droits de
l'homme fondée sur le respect des libertés et des droits fondamentaux
de tous.
689. Les Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions
extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter
efficacement sur ces exécutions, annexés à la résolution 1989/65 du
7
E/CN.4/1994/7
24 mai 1989 du Conseil économique et social, énoncent en détail
lesdites obligations. Par ailleurs, au sujet de l'usage abusif de la
force entraînant la mort, les Principes de base sur le recours à la
force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de
l'application des lois stipulent que l'usage arbitraire ou abusif de la
force ou des armes à feu doit être puni comme une infraction pénale en
application de la législation nationale (principe 7). En mai 1991, le
Service de la prévention du crime et de la justice pénale du Centre des
Nations Unies pour le développement social et les affaires humanitaires
a publié un très important document pour ce qui est de la garantie du
droit à la vie, intitulé Manuel sur la prévention des exécutions
extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et les moyens d'enquête sur
ces exécutions (ST/CSDHA/12), qui expose les procédures à suivre pour
mener des enquêtes sur les exécutions extrajudiciaires ou homicides.
690. Toutefois, dans la pratique, des violations des droits de l'homme,
et plus particulièrement des violations du droit à la vie, continuent
de se commettre en toute impunité dans de nombreux pays. Selon les
renseignements et les témoignages reçus par le Rapporteur spécial, de
graves violations des obligations que l'on vient de mentionner se
produisent à tous les niveaux.
691. Dans certains cas, il peut y avoir impunité de droit, du fait de
l'existence de lois exemptant de poursuites les auteurs de violations
des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a ainsi été informé de
lois d'amnistie en El Salvador et en Mauritanie. Il a aussi été informé
de dispositions mettant à l'abri de toutes poursuites les membres des
forces de sécurité au Bangladesh (Bangladesh Penal Code) et en Afrique
8
8
E/CN.4/1994/7
du Sud (Further Indemnity Act). Dans ce contexte, le Rapporteur spécial
tient, à cet égard, à souligner qu'"en aucun cas, ... une immunité
générale ne pourra exempter de poursuites aucune personne présumée
impliquée
dans
des
exécutions
extrajudiciaires,
arbitraires
ou
sommaires" (principe 19 des Principes relatifs à la prévention efficace
des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens
d'enquêter efficacement sur ces exécutions). Même si, dans des
circonstances exceptionnelles, il peut arriver que des gouvernements
décident de faire bénéficier des auteurs de violations de mesures qui
les exemptent de châtiment ou limitent la portée du châtiment, leur
obligation de les traduire en justice et de les tenir formellement
responsables demeure, comme celle de mener des enquêtes diligentes,
approfondies et impartiales, de dédommager les victimes ou leurs
familles et d'adopter des mesures effectives de prévention. Le
Rapporteur spécial lance un appel à tous les gouvernements concernés
pour les inciter à réviser toute législation éventuellement en vigueur
qui exempterait de poursuites des coupables de violations du droit à la
vie.
692. Nonobstant, dans de nombreux pays où la loi dispose que les
auteurs
de
violations
de
droits
de
l'homme
seront
poursuivis,
l'impunité reste de règle. Il est fréquent qu'aucune enquête ne soit
ouverte à la suite d'allégations de violations du droit à la vie. Les
autorités font la sourde oreille aux plaintes déposées par les
victimes, leurs familles ou leurs représentants, ou par des instances
internationales, dont le Rapporteur spécial. A cet égard, il convient
de rappeler que les gouvernements sont tenus d'ouvrir des enquêtes
ex officio dès que de telles allégations sont portées à leur attention,
8
E/CN.4/1994/7
en particulier lorsque la violation du droit à la vie est annoncée
comme imminente et que des mesures effectives de protection s'imposent
de la part des autorités. La législation devrait en outre autoriser un
représentant des victimes ou de leurs familles à entamer de telles
procédures. Le Rapporteur spécial demande donc instamment à tous les
gouvernements de promulguer des lois qui permettent aux autorités
compétentes
de
remplir
leurs
obligations
au regard
du
droit
international, que les victimes soient ou non en mesure de fournir des
éléments de preuve permettant d'identifier les auteurs des violations,
et de faire en sorte que ces obligations soient pleinement respectées
dans la pratique.
693. Dans d'autres cas, des victimes ou des témoins auraient peur de se
plaindre auprès des autorités, surtout lorsqu'ils se sentent menacés
par celles mêmes qui sont censées les protéger. La Commission
philippine de défense des droits de l'homme a, par exemple, signalé à
maintes reprises au Rapporteur spécial que certaines personnes étaient
trop effrayées pour témoigner ou porter plainte devant les autorités.
Des informations préoccupantes, faisant état de menaces de mort, voire
d'exécutions extrajudiciaires, dont auraient été victimes des personnes
qui avaient été les témoins de violations des droits de l'homme ou,
dans certains cas, qui avaient témoigné devant des instances d'enquête,
ont été reçues au sujet du Brésil, de la Colombie, du Guatemala et du
Pérou. Parfois aussi, les instances de l'Etat auxquelles incombe le
soin d'effectuer les enquêtes sont elles-mêmes menacées, on a signalé
le cas de procureurs publics menacés au Pérou ou de magistrats, au
Tchad.
Le
Rapporteur
spécial
demande
instamment
à
tous
les
gouvernements de protéger effectivement tous ceux qui participent en
8
E/CN.4/1994/7
qualité de témoins, de procureurs, de juges, de membres du corps
judiciaire ou à quelque titre que ce soit, aux enquêtes sur des
allégations de violations des droits de l'homme.
694. Il y a aussi les pays où il n'existe aucun pouvoir judiciaire
indépendant qui soit en mesure d'effectuer de telles enquêtes ou s'il
en existe un, il ne fonctionne pas dans la pratique. Le Cambodge a été
signalé au Rapporteur spécial comme exemplaire à cet égard. Au Pérou et
au Rwanda, le système de justice civil ne fonctionne pas non plus comme
il le devrait. En pareil cas, des réformes devraient être entreprises
pour permettre au pouvoir judiciaire de remplir ses fonctions. Il lui
faudrait disposer d'un nombre suffisant de juges et de procureurs,
aidés
par
le
personnel
judiciaire
nécessaire,
ainsi
que
des
installations indispensables. L'indépendance des juges devrait être
garantie par la loi et pleinement respectée dans la pratique.
695. En l'absence d'un système de justice civil opérationnel, ou dans
les cas qui justifient un traitement spécial en raison de leur nature
ou de leur gravité particulière, les gouvernements pourraient envisager
d'établir des commissions spéciales d'enquête dont les membres
devraient satisfaire aux mêmes exigences d'indépendance, d'impartialité
et de compétence que les juges des tribunaux ordinaires. Les résultats
de
leurs
enquêtes
devraient
être
rendus
publics
et
leurs
recommandations devraient avoir force exécutoire pour les autorités. Le
Rapporteur spécial constate avec préoccupation que la création de
telles commissions est parfois annoncée mais jamais concrétisée, comme
cela lui a été signalé dans le cas du Tchad; que les recommandations
formulées par ces commissions ne sont pas toujours suivies, comme dans
E/CN.4/1994/7
le cas du Mexique; ou que ces commissions ne satisfont pas aux
exigences mentionnées ci-dessus et, en fait, ne servent qu'à éluder
l'obligation de mener des enquêtes approfondies, rapides et impartiales
sur les allégations de violations du droit à la vie.
696. Parfois aussi, des enquêtes sont ouvertes sans toutefois aboutir
au châtiment des membres des forces de sécurité ou des groupes
paramilitaires ou autres qui collaborent avec elles ou agissent avec
leur assentiment. Lorsque les auteurs de telles violations sont
traduits en justice et condamnés, leurs condamnations n'ont souvent
aucun rapport avec la gravité des délits commis, comme dans le cas du
massacre de Santa Cruz au Timor oriental ou des tueries de paysans à
Accomarca et à Santa Bárbara au Pérou (voir E/CN.4/1994/7/Add.2,
par. 32 et 53). Il est arrivé également que des membres subalternes des
forces de sécurité soient jugés et condamnés pour avoir commis des
violations des droits de l'homme alors que leurs supérieurs qui avaient
planifié et ordonné ces violations n'étaient pas mis en cause. Le
Rapporteur spécial demande instamment à tous les gouvernements de
traduire en justice quiconque a participé à l'organisation et à
l'exécution d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires,
ainsi que ceux qui, quoique ayant l'autorité pour ce faire, n'ont rien
fait pour les empêcher.
697. Le problème de la juridiction militaire sur les auteurs allégués
de violations des droits de l'homme a une fois de plus été soulevé à
cet égard. Le mauvais fonctionnement du système de justice civile est
parfois invoqué par les autorités pour justifier des procès devant des
tribunaux militaires. Les informations reçues par le Rapporteur spécial
8
8
E/CN.4/1994/7
montrent amplement que, dans la pratique, cela se traduit presque
toujours par l'impunité des forces de sécurité.
En conséquence, le
Rapporteur spécial demande une fois de plus instamment à tous les
gouvernements
concernés
d'assurer
un
système
judiciaire
civil
indépendant et impartial qui soit en mesure de traiter comme il
convient tous les cas de violations alléguées du droit à la vie.
Le Rapporteur spécial demande aussi aux autorités de faire en sorte que
les forces de sécurité coopèrent pleinement avec le système de justice
civile pour tenter d'identifier et de traduire en justice les
responsables de violations des droits de l'homme.
698. De
l'avis
du
Rapporteur
spécial,
l'application
des
résolutions 1993/33 et 1992/24 de la Commission revêt un caractère
hautement prioritaire. Il souligne, à cet égard, la nécessité de
services de spécialistes de pathologie légale, d'anthropologie et
d'archéologie pour procéder àl'excavation des charniers et examiner les
restes qui s'y trouvent. Il faudrait, à cet égard, continuer de
s'efforcer de constituer une équipe permanente d'experts de réputation
internationale qui puisse fournir des services consultatifs et
une assistance aux services d'enquêtes nationaux.
699. On ne saurait trop insister sur le fait qu'il y a un lien entre
l'investigation effective des violations du droit à la vie et la
prévention de ces violations. Le Rapporteur spécial demande donc
instamment
à
tous
les
gouvernements
de
respecter
pleinement
l'obligation qui leur est faite en droit international de veiller à ce
que toutes les allégations de violations du droit à la vie fassent
l'objet d'enquêtes approfondies, rapides et impartiales et que tous
E/CN.4/1994/7
ceux quels que soient leur rang, leur fonction ou leur position, qui
ont participé à l'organisation et à l'exécution de violations soient
identifiés, traduits en justice et châtiés, proportionnellement à la
gravité des délits commis.
C.
Allégations parvenues au Rapporteur spécial
et interventions consécutives
Menaces de mort
700. Le Rapporteur spécial a reçu des allégations émanant de plus de
380 personnes qui auraient été menacées de mort ou qui craindraient
pour leur vie et leur intégrité physique. Il persiste à penser
qu'adresser aux gouvernements des demandes d'intervention d'urgence en
faveur des personnes menacées fait partie intégrante de son mandat. Au
cours de l'année écoulée, afin d'empêcher des pertes en vies humaines,
il a adressé de telles demandes aux gouvernements des pays suivants :
Afrique du Sud, Argentine, Bangladesh, Brésil, Burundi, El Salvador,
Equateur, Inde, Indonésie, Panama, Papouasie Nouvelle-Guinée, Paraguay,
Pérou, Philippines, République islamique d'Iran, Rwanda, Sri Lanka,
Tchad, Togo, Turquie, Venezuela et Zaïre. Dans la plupart de ces pays,
la vie de militants des droits de l'homme, de membres de l'opposition
politique et de syndicats, d'agents des collectivités, d'écrivains et
de journalistes serait sérieusement menacée. Le Rapporteur spécial est
particulièrement préoccupé par le cas de la Colombie, auprès de
laquelle il est intervenu à 26 reprises et par celui du Guatemala,
auquel il a adressé 25 demandes d'intervention d'urgence. Le Rapporteur
spécial
a
pris
note
en
outre,
avec
une
grande
préoccupation,
8
E/CN.4/1994/7
des allégations concernant l'exécution en détention d'un prisonnier en
Azerbaïdjan, ainsi que de l'assassinat de deux mères d'enfants disparus
au Brésil. Dans les deux cas, il avait insisté auprès des autorités,
pour qu'elles garantissent la protection de ces personnes. Il est
également particulièrement inquiétant que dans des pays tels que
l'Afrique du Sud, le Brésil, la Colombie, le Guatemala et la Turquie,
il semble que l'intimidation et les menaces soient, depuis des années,
monnaie courante.
701. Le Rapporteur spécial demande instamment à tous les gouvernements
d'adopter des mesures efficaces, en fonction de chacun des cas, afin
d'assurer la protection intégrale des personnes qui sont menacées
d'exécution extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire. Il demande aux
autorités de faire procéder à une enquête dans tous les cas de menaces
de mort ou de tentative d'assassinat dont ils ont connaissance, que les
personnes menacées aient ou non intenté une action judiciaire ou autre.
Décès en détention
702. Le Rapporteur spécial a reçu de nouveaux rapports faisant état de
décès en détention en Azerbaïdjan, au Cambodge et au Sierra Leone. Lui
sont également parvenues des allégations de décès en détention, qui
résulteraient de tortures ou d'autres traitements cruels, inhumains et
dégradants, mettant en cause les pays suivants : Afrique du Sud,
Bangladesh, Cuba, Equateur, Inde, Indonésie, Israël, Mexique, Népal,
Pérou, Turquie et Yougoslavie. Des cas de décès en détention dus à des
négligences médicales ou à des conditions de détention insoutenables
lui ont aussi été signalés à Cuba, au Maroc et au Togo. Comme les
8
E/CN.4/1994/7
années précédentes, des rapports faisant état de cas précis de décès en
détention au Myanmar lui sont parvenus : des villageois musulmans
continueraient d'y être forcés par les militaires de servir de porteurs
et mourraient sous la torture ou, simplement, parce qu'ils seraient
trop faibles pour exercer cette activité.
703. Le Rapporteur spécial demande instamment à tous les gouvernements
de veiller à ce que les conditions de détention dans leurs pays soient
conformes à l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus
et aux autres instruments internationaux pertinents. Il leur demande
instamment aussi de s'efforcer d'assurer le respect intégral des normes
et principes internationaux interdisant toute forme de torture et
autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. Les
gardiens de prison et autres responsables de l'application des lois
devraient recevoir une formation qui les familiarise avec ces normes et
avec les textes et règlements concernant le recours à la force et
l'emploi d'armes à feu en vue d'empêcher des évasions ou de contenir
des troubles. Le Rapporteur spécial en appelle également aux autorités
compétentes pour qu'elles poursuivent et punissent tous ceux qui, ayant
enfreint les instruments internationaux susmentionnés, par suite d'un
acte ou d'une omission, sont déclarés responsables du décès d'une
personne détenue.
Décès imputables à un abus de la force de la part des responsables de
l'application des lois
704. Un nombre considérable d'allégations de violations du droit à la
vie résultant d'un recours abusif ou arbitraire à la force sont
parvenues au Rapporteur spécial et mettent en cause les pays suivants :
8
E/CN.4/1994/7
Brésil, Cameroun, Chili, Comores, Egypte, Honduras, Israël, Tchad et
Venezuela. Des centaines de personnes auraient été tuées par les forces
de sécurité qui auraient abusé de la force à l'égard de participants à
des manifestations et rassemblements divers dans les pays suivants :
Afrique du Sud, Bangladesh, Cameroun, Chili, El Salvador, Inde, Liban,
Malawi, Népal, République centrafricaine, Tchad et Zaïre. Le Rapporteur
spécial a été particulièrement indigné par des rapports faisant état de
l'utilisation délibérée d'armes à feu contre de jeunes enfants par les
forces de sécurité israéliennes, ainsi que par la police militaire
brésilienne.
705. Le Rapporteur spécial invite tous les gouvernements à assurer aux
forces de sécurité une formation qui les familiarise avec les questions
relatives aux droits de l'homme, notamment, avec les restrictions
concernant l'usage de la force et l'emploi des armes à feu dans
l'exercice de leurs fonctions. Ce type de formation devrait les initier
à des méthodes permettant de garder le contrôle d'une foule sans faire
abusivement appel à la force. Tous les décès qui seraient imputables à
un usage excessif de la force devraient faire l'objet d'enquêtes
minutieuses et indépendantes et tous les responsables de l'application
des lois qui se seraient rendus coupables de violations du droit à la
vie devraient répondre de leurs actes.
Violations du droit à la vie au cours des conflits armés
706. Des allégations de plus en plus nombreuses de décès dus à des
conflits armés, internationaux ou internes, dans diverses régions du
monde, sont parvenues au Rapporteur spécial. Des combattants capturés
8
9
E/CN.4/1994/7
ou ayant déposé les armes et des civils auraient été victimes de
violations massives du droit à la vie, et ce, notamment, dans les pays
suivants :
Angola,
Azerbaïdjan,
Cambodge,
Djibouti,
Libéria,
Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sierra Leone, Somalie, Sri Lanka, Soudan,
Tadjikistan, Tchad, Turquie, ainsi que dans les zones d'affrontement de
l'ex-Yougoslavie. Des milliers de personnes auraient été tuées, soit en
raison des hostilités - par suite du pilonnage délibéré et sans
discrimination de zones résidentielles, souvent à l'aide d'armement
lourd, de bombardements aériens et d'exécutions délibérées -, soit
indirectement,
en
raison
d'un
blocus,
d'une
interruption
de
l'approvisionnement en eau, en vivres et en médicaments, ou du refus
d'évacuer des personnes malades ou blessées. Les enfants, les personnes
âgées et les personnes en mauvaise santé sont particulièrement touchés
par ces mesures.
707. Le Rapporteur spécial exhorte toutes les parties à des conflits,
internationaux ou internes, à respecter les normes et règles du droit
international relatif aux droits de l'homme et du droit humanitaire,
qui protègent la vie des populations civiles et des combattants
capturés ou qui ont déposé les armes. Il exhorte également tous ceux
qui sont impliqués dans des conflits armés à permettre que les convois
d'aide
humanitaire
atteignent
leur
destination
et
à
autoriser
l'évacuation des blessés, des personnes âgées et des enfants. Toutes
les personnes responsables de violations du droit à la vie lors de
conflits armés devraient répondre de leurs actes. Le Rapporteur spécial
se joint spécialement, à ce sujet, aux appels pour le respect du droit
à la vie lancés par les rapporteurs spéciaux chargés d'examiner la
situation des droits de l'homme au Soudan et, en diverses occasions,
9
E/CN.4/1994/7
par le Rapporteur spécial chargé d'enquêter sur la situation des droits
de l'homme sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
708. Le Rapporteur spécial tient, dans ce contexte, à mentionner le
rôle de l'ONU dans des situations de conflits armés. Le personnel de
l'ONU, à qui l'on demande de plus en plus souvent d'exercer des
activités de maintien de la paix, opère, dans de nombreux pays, dans
des conditions très difficiles et souvent dangereuses. Ils sont
nombreux à avoir, à de nombreuses reprises, risqué et donné leur vie.
Néanmoins, selon de récents rapports, des membres des forces de l'ONU
en Somalie auraient été responsables d'exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires. Le Rapporteur spécial estime que si tout Etat
est tenu, en vertu du droit international, de respecter les normes
établies, la responsabilité qui incombe à une organisation, qui
représente collectivement les Etats, ne saurait être moindre. Une
composante droits de l'homme devrait faire partie intégrante de toutes
les missions de maintien de la paix et d'observation. Etant donné que
de
telles
missions,
engagées
sous
les
auspices
de
l'ONU,
se
multiplient, il serait peut-être sage d'envisager de créer un organe,
au sein de l'Organisation des Nations Unies ou dans le cadre de chaque
mission de maintien de la paix ou d'observation, qui aurait pour
fonction d'enquêter sur les violations des droits de l'homme que
pourraient commettre les membres de ces missions et d'en poursuivre les
auteurs. Une disposition devrait également être prévue pour indemniser
les victimes ou, en cas d'exécution extrajudiciaire, leur famille. Pour
éviter de tels incidents, tous les membres des missions de maintien de
la
paix
et
d'observation
devraient
bénéficier
d'une
formation
E/CN.4/1994/7
approfondie dans le domaine des droits de l'homme, ainsi qu'en matière
de médiation et de règlement des différends.
Violations du droit à la vie dans le contexte de la violence
communautaire
709. Le
Rapporteur
spécial
souhaite
une
fois
de
plus
attirer
l'attention de la communauté internationale sur le problème de la
violence communautaire, entendue comme acte de violence entre groupes
de concitoyens. Au Burundi, au Nigéria, au Rwanda et au Zaïre, où des
affrontements violents se seraient produits entre différents groupes
ethniques, les forces de l'ordre ne se seraient pas seulement abstenues
d'intervenir pour mettre un terme à la violence mais auraient même
soutenu activement l'une des parties au conflit, voire déclenché les
violences. Ailleurs, par exemple au Bangladesh et au Sri Lanka, les
autorités ont nié avoir une quelconque responsabilité dans les tueries
qui s'y étaient produites, arguant qu'elles se plaçaient dans un
contexte de violence communautaire. De tels conflits, si on les laisse
s'étendre, peuvent dégénérer en génocide. C'est pourquoi, il faut que
les gouvernements des pays où se produisent des actes de violence
communautaire prennent des mesures efficaces pour maîtriser dès le
départ la situation. Le Rapporteur spécial exhorte également tous les
gouvernements à s'abstenir de soutenir tel ou tel groupe, constitué sur
une base ethnique ou autre, que ce soit activement ou en tolérant qu'il
commette des actes de violence. En revanche, il faudrait multiplier les
efforts pour aboutir à la réconciliation et à la coexistence pacifique
de toutes les composantes de la population, sans distinction d'origine
ethnique, de religion ou autre. Il faudrait, à cet égard, utiliser les
9
9
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moyens de communication de masse et lancer des campagnes d'éducation et
d'information, afin de promouvoir le respect mutuel. Enfin, toute
incitation à la haine ou à la violence doit être punie.
Expulsion de personnes dans un pays où leur vie est en danger
710. Le
Rapporteur
spécial
a
reçu
des
informations
concernant
l'imminence de l'extradition d'une ou plusieurs personnes vers des pays
où leur vie pouvait être en danger. Tous les gouvernements devraient
prendre dûment en considération les normes et principes énoncés dans
les instruments internationaux qui traitent de cette question précise.
Ils devraient s'abstenir d'extrader une personne si sa sécurité n'est
pas parfaitement assurée.
Les droits des victimes
711. Comme on l'a dit plus haut, reconnaître le droit des victimes, ou
des
familles,
à
recevoir
une
indemnisation
adéquate
revient
à
reconnaître qu'un Etat est responsable des actes accomplis par ses
agents et c'est une manière d'exprimer le respect dû à l'être humain.
Accorder une indemnisation suppose que l'obligation d'enquêter sur les
allégations de violations des droits de l'homme en vue d'identifier et
de poursuivre les coupables a été respectée. Accorder une réparation,
financière ou autre, aux victimes ou aux familles, sans qu'une enquête
ait été ouverte et menée à bien ne décharge pas les gouvernements de
cette obligation. Le Rapporteur spécial note avec préoccupation, qu'à
l'exception
du Népal,
aucun
gouvernement
ne
lui
a
fourni
de
renseignements concernant les indemnisations versées aux victimes ou
E/CN.4/1994/7
àleurs familles. Il exhorte les Etats à prendre les dispositions
pertinentes, en vertu de la législation nationale, et à créer des fonds
pour indemniser les personnes qui ont été lésées du fait d'exécutions
extrajudiciaires,
sommaires
ou
arbitraires,
ou
de
tentatives
d'exécution.
D.
Questions auxquelles le Rapporteur spécial attache
un intérêt particulier
Liberté d'opinion et d'expression
712. Parmi tous les cas portés à l'attention du Rapporteur spécial au
cours de l'année écoulée, plus de 700 cas d'allégations de violations
du droit à la vie étaient associés à la violation du droit à la liberté
d'opinion et d'expression et du droit à la liberté de réunion et
d'association pacifiques. On a mentionné plus haut des exécutions
extrajudiciaires résultant d'un recours abusif à la force face à des
manifestants et des participants à des rassemblements pacifiques.
Le Rapporteur spécial est profondément préoccupé par le grand nombre de
menaces
de
mort,
de
tentatives
d'assassinat
et
d'exécutions
extrajudiciaires dont auraient été victimes des membres de partis
politiques
d'opposition
autorisés,
de
syndicats,
de
mouvements
étudiants, d'organisations communautaires, d'associations de militants
pour les droits de l'homme, ainsi que des journalistes, des écrivains
et autres personnes qui aident les populations autochtones et les
paysans dans les pays suivants : Afrique du Sud, Argentine, Brésil,
Cambodge, Colombie, El Salvador, Guatemala, Guinée équatoriale, Haïti,
9
E/CN.4/1994/7
Inde, Malawi, Paraguay, Pérou, Philippines, Rwanda, Tchad, Turquie et
Zaïre.
713. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par des
rapports faisant état de "groupes de tueurs" ou d'"escadrons de la
mort" liés aux autorités, qui seraient les instruments de la répression
violente qui s'exercerait à l'encontre de toute opposition politique.
Ces groupes, qui seraient souvent composés de membres des forces de
sécurité, exécuteraient des ordres visant à intimider ou à éliminer des
personnes considérées comme pouvant constituer une menace pour les
gouvernements
ou
certains
partis
politiques.
Des
allégations
préoccupantes ont été reçues concernant les pays suivants : Afrique
du Sud, Brésil, Colombie, Guatemala, El Salvador, Haïti, Kenya, Pérou
et Turquie. Des agents liés aux forces de sécurité de la République
islamique d'Iran seraient responsables de l'assassinat d'opposants
politiques en Italie, au Pakistan et en Turquie.
714. Le Rapporteur spécial demande instamment à tous les gouvernements
de respecter pleinement le droit de toute personne à la liberté
d'opinion et d'expression, ainsi qu'à la liberté de réunion et
d'association pacifiques, tel qu'il est garanti par les instruments
internationaux pertinents. Il exhorte les autorités des pays dans
lesquels des escadrons de la mort ou des groupes similaires opéreraient
à mener des enquêtes minutieuses, en vue d'éliminer ces groupes et
d'identifier et de poursuivre leurs membres, ainsi que les personnes
sous les ordres desquelles ils opèrent.
9
E/CN.4/1994/7
Violations du droit à la vie des femmes
715. Dans 168 des cas signalés, ce sont des femmes qui auraient été
victimes de violations du droit à la vie. Comme on l'a dit plus haut,
ce chiffre ne reflète pas forcément la proportion réelle de femmes
parmi les personnes au nom desquelles le Rapporteur spécial est
intervenu. Cela tient au fait que plusieurs dossiers concernaient des
allégations d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de
groupes de civils non identifiés et ne précisaient pas combien de
femmes
figuraient
parmi
les
victimes.
Dans
d'autres
affaires,
le Rapporteur spécial n'a pas pu déterminer, à l'aide du seul nom, si
la
personne
concernée
était
une
femme,
alors
que
les
sources
n'indiquaient pas non plus si l'allégation concernait un homme ou une
femme.
716. Il est clair toutefois que les femmes représentent un pourcentage
relativement
faible
des
personnes
qui
auraient
été
victimes
d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ou de menaces
de mort, dont le Rapporteur spécial a eu connaissance. S'il en est
ainsi, c'est, semble-t-il, non pas en raison de leur sexe mais plutôt
parce que les femmes ne jouent toujours qu'un rôle mineur dans la vie
politique et économique de nombreux pays. Les femmes étant sousreprésentées au niveau des postes influents, notamment dans les partis
politiques et les syndicats ou dans les professions juridiques ou
journalistiques, elles sont moins exposées à des actes de violence de
la part des gouvernements qui, s'il en était autrement, pourraient
estimer qu'elles constituent une menace. Toutefois, dans les domaines
où des femmes participent activement à la vie publique, elles ne
9
E/CN.4/1994/7
semblent pas bénéficier d'un traitement différent de celui de leurs
homologues masculins, comme l'illustrent les cas suivants, qui ont été
portés à la connaissance du Rapporteur spécial au cours de l'année
écoulée : au Pérou, Cecilia Valenzuela, journaliste, aurait été menacée
de mort par les forces de sécurité; en Argentine, Hebe de Bonafini,
militante pour les droits de l'homme, et Magdalena Ruiz Guiñazú,
Mónica Cahen d'Anvers et Graciela Guadalupe, journalistes; au Brésil,
Elsa Rosa Zotti, missionnaire, Valdenia Brito, Katia Costa Pereira
et Cecilia Petrina de Carvalho, avocates, ainsi que des mères d'enfants
disparus, qui exigeaient qu'une enquête soit menée àpropos de leur
enlèvement;
au
Guatemala,
Nineth de Montenegro,
Rosalina Tuyuc,
Angela María Contreras Chávez et Rigoberta Menchú, militantes pour les
droits de l'homme; en El Salvador et au Paraguay, respectivement, Mirna
Perla de Anaya et Gloria Estrago, avocates; et en Turquie, Leyla Zana,
membre du Parlement.
Groupes armés semant la terreur dans la population et trafiquants de
drogue
717. La violence exercée par des groupes armés d'opposition constitue
un grave problème dans un certain nombre de pays. Il n'est que de citer
les pays suivants : Algérie, Colombie, Egypte, Guatemala, certaines
parties de l'Inde, Myanmar, Pérou, Philippines, Sri Lanka et Turquie.
Le Rapporteur spécial tient à exprimer la profonde indignation que lui
inspirent les actes de violence commis par ces groupes d'opposition
armés, qui sont responsables de nombreuses pertes en vies humaines et
de dommages matériels importants dans ces pays.
Il est parfaitement
conscient du fait que les gouvernements concernés et les forces de
9
9
E/CN.4/1994/7
sécurité qui en dépendent et qui s'efforcent de contenir la violence
dont sont responsables les groupes en question font face à une tâche
extrêmement difficile, en particulier lorsque ces groupes ont recours à
des méthodes terroristes qui visent des civils parmi lesquels ils
frappent aveuglément. Le Rapporteur spécial est néanmoins préoccupé par
les informations selon lesquelles les opérations menées par les forces
de sécurité pour combattre ces groupes d'opposition armés se soldent
très souvent par des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires. En Algérie et en Egypte, par exemple, la peine capitale a
été appliquée à des personnes reconnues coupables de terrorisme au
terme de procès qui n'étaient pas - et de loin - conduits conformément
aux normes internationales garantissant une protection aux personnes
passibles de la peine capitale. Dans tous les autres pays mentionnés,
les forces de sécurité auraient exécuté sans jugement des civils
suspectés d'être des collaborateurs ou des sympathisants des groupes
d'opposition armés. En Colombie, au Guatemala et à Sri Lanka, des zones
résidentielles auraient été bombardées par les forces armées. Dans un
certain nombre de pays, des trafiquants de drogue seraient également
responsables du meurtre de membres des forces de sécurité et de civils.
Selon les informations reçues, ces trafiquants qui opèrent en Colombie,
au Costa Rica et au Pérou auraient accru leur influence en nouant des
liens avec des groupes d'opposition armés.
718. Le Rapporteur spécial tient à souligner que le droit à la vie est
absolu
et
qu'il
ne
souffre
aucune
dérogation,
même
dans
les
circonstances les plus difficiles. Cela signifie que les gouvernements
doivent respecter le droit àla vie de toute personne, y compris de
membres de groupes armés qui auraient manifesté un manque de respect
9
E/CN.4/1994/7
total
pour
la
vie
de
représentants
de
l'Etat
et
de
civils.
Le Rapporteur spécial exhorte les gouvernements de tous les pays où de
tels groupes sévissent à faire en sorte que les opérations de lutte
contre les insurrections soient conduites de manière à limiter les
pertes en vies humaines. Les forces de sécurité devraient bénéficier
d'une formation adéquate à cet égard et le recours abusif à la force
devrait être sanctionné.
Forces de défense civile
719. Dans plusieurs pays, particulièrement en milieu rural ou dans des
régions reculées, des civils ont constitué des groupes d'autodéfense
parce qu'ils estiment que leur vie ou leurs biens sont menacés. S'il
peut arriver que ces menaces émanent de criminels de droit commun - de
voleurs de bétail par exemple - on trouve fréquemment des forces de
défense civile dans les régions où opèrent des groupes d'opposition
armés. Ces forces sont souvent soutenues, ou même mises sur pied, par
les forces de sécurité et font partie de la stratégie gouvernementale
de lutte contre l'insurrection. Ce serait le cas, par exemple, des
"Bangladesh
Rifles"
et
des
gardes
"Ansar"
au
Bangladesh;
des
patrouilles d'autodéfense civile (PAC) au Guatemala; des patrouilles de
paysans (rondas campesinas) et des Comités de défenses civile au Pérou;
des Unités territoriales des forces de défense civile (CAFGU) aux
Philippines; de la "Kontrgerilla" et des gardes villageoises en
Turquie. Le Rapporteur spécial a reçu un certain nombre de rapports
faisant état d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
qui
seraient
le
fait
de
membres
de
ces
groupes,
agissant
en
collaboration avec des unités des forces de sécurité ou avec leur aval.
E/CN.4/1994/7
10
A de rares exceptions près, ces groupes bénéficient de l'impunité pour
leurs agissements. Leurs victimes seraient, souvent, des paysans
suspectés d'être membres ou sympathisants de l'opposition armée et qui
refusent de rejoindre les groupes de défense civile, qui seraient
théoriquement constitués de volontaires.
720. Le Rapporteur spécial exhorte les gouvernements de tous les pays
où de telles structures de défense civile existent à veiller à ce que
leurs membres respectent intégralement les droits de l'homme. Ceux-ci
devraient notamment recevoir une formation assurant qu'ils respectent
les restrictions imposées aux responsables de l'application des lois en
ce qui concerne l'usage de la force et le recours aux armes à feu.
Toutes les armes utilisées par ces groupes, en particulier lorsqu'elles
sont fournies par les forces armées, devraient être enregistrées et
leur utilisation devrait faire l'objet d'un contrôle très strict. Tout
abus devrait être puni et des mesures efficaces devraient être prises
pour éviter qu'il s'en produise. Enfin, nul ne devrait être intégré de
force à un groupe de défense civile.
Droit à la vie et administration de la justice
721. Le respect des droits de l'homme dans l'administration de la
justice relève du mandat du Rapporteur spécial en ce qui concerne la
peine capitale. A cet égard, le Rapporteur spécial renvoie aux
paragraphes 673 à 687 du présent document, qui traitent du droit qu'a
tout accusé passible de la peine de mort de bénéficier pleinement de
toutes les garanties d'un procès équitable. Il tient compte, pour sa
part, de toutes les garanties prévues àcet effet, lorsqu'il examine le
E/CN.4/1994/7
10
déroulement de procédures qui aboutissent à la condamnation de
personnes coupables de violations du droit à la vie et àl'application
des peines prononcées. Il exhorte tous les gouvernements àadopter des
dispositions législatives qui assurent que la procédure suivie dans les
procès soit en tous points conforme aux garanties prévues dans les
instruments internationaux pertinents. Il leur demande aussi instamment
de veiller à ce que les diverses garanties soient pleinement respectées
dans la pratique. Tous les intervenants dans le système judiciaire
devraient, d'autre part, se voir garantir une protection effective. Il
importe de se préoccuper en particulier de la sécurité des juges, des
procureurs et des avocats qui, dans un contexte de violence terroriste
ou de corruption parmi les dirigeants politiques, peuvent faire l'objet
de menaces, voire d'attentats.
Violations du droit à la vie des mineurs, et particulièrement des
"enfants des rues"
722. Le Rapporteur spécial est profondément préoccupé par des rapports
faisant état de violations du droit à la vie dont sont victimes des
mineurs et, en particulier, des enfants et des adolescents sans foyer.
Des "enfants des rues" auraient ainsi fait l'objet de menaces de mort
et été victimes d'exécutions extrajudiciaires au Brésil, en Colombie,
au Guatemala. Très préoccupantes aussi sont les attaques dirigées
contre les personnes qui offrent un logement et proposent des
programmes éducatifs aux membres de ce groupe social particulièrement
vulnérable, par exemple contre les collaborateurs de Casa Alianza au
Guatemala ou contre des personnes liées à l'Eglise au Brésil.
Le Rapporteur
spécial
tient
également
à
exprimer
la
profonde
E/CN.4/1994/7
10
préoccupation que lui inspirent les violations du droit à la vie dont
les mineurs sont victimes au cours de conflits armés. Les enfants sont
parmi ceux qui souffrent le plus du manque de vivres et de médicaments
lorsque l'aide humanitaire est délibérément interrompue dans des zones
de conflit. Un grand nombre d'enfants seraient également décédés à la
suite d'attaques lancées aveuglément sur des zones résidentielles. Un
grand nombre de rapports faisant état d'événements lors desquels des
enfants, parfois même très jeunes, auraient été délibérément abattus
par des membres des forces de sécurité, comme ce fut le cas par exemple
dans les territoires occupés ou à Sri Lanka, sont parvenus en outre au
Rapporteur spécial. En ce qui concerne la question de la peine capitale
imposée aux mineurs, on se référera aux paragraphes 685 à 687 du
présent document.
723. Le Rapporteur spécial exhorte tous les gouvernements à veiller à
ce que le droit à la vie des enfants soit intégralement respecté. Il
prie instamment les gouvernements des pays où des enfants sont forcés
de vivre dans les rues de leur faire distribuer de la nourriture, de
mettre des logements à leur disposition, de prévoir des programmes
éducatifs et de les protéger efficacement contre toute forme de
violence.
E. Aspects d'ordre procédural
724. Le Rapporteur spécial tient à remercier tous ceux, particuliers et
organisations non gouvernementales, qui lui ont envoyé des informations
et qui l'ont aidé à s'acquitter de son mandat. Il exprime également sa
reconnaissance à un certain nombre de gouvernements pour l'esprit de
E/CN.4/1994/7
10
coopération dont ils ont fait preuve, et notamment à ceux qui l'ont
invité à visiter leur pays. Il déplore, d'autre part, qu'un certain
nombre de gouvernements ne lui aient pas fourni les renseignements
qu'il avait demandés.
725. Le Rapporteur spécial exprime aussi sa gratitude à l'ensemble des
différents mécanismes et procédures institués par l'Organisation des
Nations Unies
dans
le
domaine
des
droits
de
l'homme
pour
la
collaboration qu'ils lui ont apportée au cours de l'année écoulée, et
il
rend
hommage,
en
particulier,
au
Rapporteur
spécial
chargé
d'examiner la question de la torture, au Représentant du Secrétaire
général chargé des questions relatives aux droits des personnes
déplacées dans leur pays et au Comité des droits de l'enfant. Il
remercie également le Groupe spécial d'experts sur l'Afrique australe
qui l'a invité à participer à la mission effectuée au Botswana et au
Zimbabwe en août 1993.
726. Comme il l'a signalé plus haut, le Rapporteur spécial a reçu, et
transmis à 73 gouvernements, des allégations de violations du droit à
la vie concernant plus de 3 700 personnes. Il a adressé à différents
gouvernements 217 demandes d'intervention d'urgence, priant les
autorités compétentes de garantir une protection efficace aux personnes
dont la vie serait menacée. Cela représente une augmentation de presque
50 % par rapport au nombre de demandes d'intervention d'urgence
envoyées
en 1992.
Il
a
adressé
plus
de
90 lettres
àdifférents
gouvernements, leur demandant de respecter les obligations qui
découlent du droit international, d'enquêter sur les violations des
droits de l'homme, d'en traduire les responsables en justice et
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10
d'accorder une indemnité aux victimes. Comme il l'avait annoncé dans
son rapport à la Commission des droits de l'homme à sa quaranteneuvième session, il s'est efforcé de transmettre les allégations aux
gouvernements plus tôt dans l'année afin que ceux-ci disposent de plus
de temps pour y répondre. Le Rapporteur spécial estime que la procédure
de suivi qui vient d'être mise en oeuvre, telle qu'elle est décrite au
chapitre II du présent rapport, apporte un nouvel élément d'une utilité
certaine pour la bonne exécution de son mandat. Il espère que ses
visites dans l'ex-Yougoslavie, au Rwanda et au Pérou, ainsi que sa
participation
à
de
nombreuses
réunions
publiques
et
privées,
contribueront à promouvoir le respect du droit à la vie, ainsi qu'une
meilleure connaissance des procédures et des mécanismes institués par
l'Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme.
727. Cependant,
il
est
devenu
évident
que,
sauf
à
amputer
considérablement les ressources du secrétariat, le Rapporteur spécial
va se voir dans l'impossibilité de s'acquitter des tâches quotidiennes
qu'implique son mandat. Il n'est assisté que de deux fonctionnaires du
Centre pour les droits de l'homme, dont un seul travaille à plein
temps. La charge de travail qu'impliquent l'évaluation des informations
reçues, les demandes d'intervention d'urgence à traiter presque
quotidiennement, un suivi attentif des cas, la préparation des
missions, etc.,
exigerait
au
moins
trois
fonctionnaires
et
un
secrétaire qui se consacrent exclusivement à l'exécution de ce mandat.
Le Rapporteur spécial espère que l'annonce, faite lors de la Conférence
mondiale
sur
les
droits
de
l'homme
à
Vienne
en
juin 1993,
de
l'accroissement des ressources du Secrétariat sera très vite suivie
d'effet.
E/CN.4/1994/7
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728. Si la Conférence mondiale a été l'occasion - appréciée - de
rencontrer d'autres rapporteurs spéciaux, représentants et membres des
groupes de travail de la Commission des droits de l'homme, d'échanger
des points de vue et de débattre de questions d'intérêt commun, ainsi
que de présenter officiellement en séance plénière une déclaration
commune, le Rapporteur spécial déplore néanmoins qu'il n'ait pas été
possible d'aborder les questions qui le préoccupent devant le Comité de
rédaction de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Il est
décevant de constater que le problème des violations du droit à la vie
tient aussi peu de place dans ce document. Le Rapporteur spécial estime
que l'ampleur et la gravité des exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires dans de nombreuses régions du monde auraient justifié
qu'il leur soit consacré une rubrique spéciale dans le Programme
d'action.
F.
Prévention
729. Au cours de ses visites dans l'ex-Yougoslavie, au Rwanda et au
Pérou, le Rapporteur spécial a pu clairement prendre conscience des
considérables et irréparables pertes en vies humaines dues à des
conflits armés et à d'autres situations de violence interne. En
établissant les faits et en s'efforçant de déterminer les causes de ce
type de violence dans ces pays, il pourrait être possible de déterminer
les moyens à mettre en oeuvre pour réduire l'ampleur des violations du
droit à la vie et empêcher qu'elles ne se reproduisent dans d'autres
situations. Dans ce contexte, il est extrêmement important d'apprendre
à
reconnaître
les
signes
qui
indiquent
que
des
situations
E/CN.4/1994/7
10
conflictuelles, susceptibles, si elles se développaient, de dégénérer
en crises graves sur le plan humanitaire et dans le domaine des droits
de l'homme, sont en gestation. Tous les mécanismes internes destinés à
régler ces différends, de manière pacifique et dès leur apparition,
devraient être renforcés. Lorsqu'un pays s'efforce de mettre en oeuvre
de tels mécanismes ou lorsqu'il s'y produit une crise flagrante sur le
plan humanitaire ou dans le domaine des droits de l'homme, la
communauté internationale devrait s'efforcer de le soutenir, en vue de
rétablir la paix et d'empêcher qu'une nouvelle crise ne survienne. Si
une opération internationale de consolidation ou de maintien de la paix
s'avère nécessaire, la composante droits de l'homme devrait en
constituer un élément central.
730. En tout état de cause, qu'il s'agisse d'un conflit armé ou non, la
question principale qu'il faut se poser si l'on veut éviter que des
violations du droit à la vie ne se produisent, est celle du traitement
à réserver à leurs auteurs : si des violations des droits de l'homme,
et notamment des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires,
continuent de se commettre, c'est principalement à cause de l'impunité
dont jouissent ceux-ci. Mettre un terme àcette impunité exige une
véritable volonté de reconnaître et de mettre en oeuvre les diverses
garanties prévues pour protéger le droit à la vie sans discrimination.
Le Rapporteur spécial exhorte une fois de plus tous les gouvernements à
se conformer à leurs obligations découlant du droit international,
c'est-à-dire à faire enquêter sur tous les cas d'allégations de
violations du droit à la vie, à en poursuivre et à en punir les auteurs
et àprévoir une indemnisation adéquate pour les victimes ou leur
famille. Il invite également la communauté internationale à poursuivre
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10
et à intensifier ses efforts pour mettre un terme au phénomène des
exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, en mettant en
oeuvre les normes internationales en vigueur et en les améliorant
lorsque des insuffisances sont constatées. Enfin, il réaffirme qu'il
reste totalement disponible pour apporter sa collaboration et son
assistance à cette cause commune.
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