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De notre envoyé spécial au Rwanda.
LES partis politiques (autres que le MRND et son allié CDR, liés à la dictature) ont été décimés par la vague d'assassinats ayant précédé puis accompagné les massacres de la population, en particulier des Tutsi. Quatre de ces formations participaient au « gouvernement de transition élargie » (GTE) et, sur le plan politique et idéologique, étaient fort éloignées du Front patriotique rwandais: Parti libéral, Parti démocrate chrétien, Mouvement démocratique rwandais, Parti social-démocrate. Leurs ministres et leurs dirigeants n'en furent pas moins assassinés dans les heures suivant la mort du général Habyarimana; et leurs adhérents littéralement décimés à la faveur des massacres « ethniques ».
Plusieurs rescapés de ces quatre formations se sont réunis récemment à Buymba, ville du nord-est du pays libérée par les combattants du FPR. Ils ont rédigé en commun une lettre ouverte à l'adresse du pape Jean-Paul II, des secrétaires généraux de l'ONU et de l'OUA, de nombreux chefs d'Etat, dont, pour l'Europe, ceux de la France, de la Belgique et de la Grande-Bretagne. Voici quelques extraits de ce document.
« Les cadres politiques des partis MDR, PSD, PDC et PL, rescapés des massacres entrepris par les escadrons de la mort des partis MRND-CDR, certains éléments de l'armée gouvernementale (spécialement la garde présidentielle) et par certains éléments de nos partis débauchés par l'ancien parti unique (le MRND), avons l'honneur de nous adresser à votre haute autorité pour vous brosser la situation inhumaine qui prévaut dans notre pays depuis le 6 avril 1994 et vous proposer les mesures les plus appropriées qu'il y aurait lieu de prendre pour sortir le Rwanda du gouffre actuel.
« (...) Vu la rapidité et l'ampleur de ces tueries d'un autre âge, il ne subsiste plus aucun doute qu'elles procèdent d'un plan machiavélique connu depuis longtemps par l'entourage du président Habyarimana et des politiciens à sa solde, comme déjà dénoncé par ailleurs dans le rapport de la commission internationale d'enquête sur les massacres perpétrés au Rwanda par le régime du président Juvénal Habyarimana et ses escadrons de la mort entraînés par le MRND. Le président et le gouvernement autoproclamés le 9 avril 1994 sont les organisateurs de ces massacres: les discours d'appel au soulèvement populaire qu'ils ont tenu par la suite n'ont fait que confirmer largement cette affirmation.
« Les cadres politiques issus des partis MDR, PSD, PDC et PL rescapés de ce pogrom prient vos hautes autorités de faire tout ce qui est possible: pour que le conflit rwandais trouve une solution juste, rapide et définitive. Cette solution procède tout d'abord par la mise hors d'état de nuire des escadrons de la mort, de la garde présidentielle et des milices interahamwe, ainsi que la protection de populations vulnérables.
« Pour que la communauté internationale procède à l'isolement complet du président et du gouvernement sanguinaires qui viennent d'entreprendre une campagne de mensonge sur leur véritable nature à travers le monde. Pour ce faire, nous recommandons les actions suivantes: 1. Refus des visas de transit et de séjour à tout membre de ce gouvernement, aux membres de leurs familles, aux fonctionnaires qui seraient mandatés par ledit gouvernement, ainsi qu'aux dirigeants des partis politiques qui déclarent le soutenir. 2. Embargo total sur les armes que souhaite acquérir ce gouvernement (...). 3. Extradition, sans conditions, au moment opportun, de toute personne ayant participé directement ou indirectement aux massacres actuels et antérieurs. 4. Mise en place d'une commission internationale d'enquête (...).
« Signataires de cette lettre ouverte, rédigée collectivement:
« - pour le MDR: L. Ngirabanzi, membre du Bureau politique. E. Nkavaho, directeur de cabinet au ministère de l'Information.
« - pour le PSD: M.E Rugenera, membre du Bureau politique. Dr Rwangabo, chef de service des Affaires sociales dans les services du premier ministre. J. Nkugi, vice-président du secrétariat régional de Kigali-ville.
« - pour le PDL: J. Nayinzira, président du parti.
« - pour le PL: P. Hisiro, directeur de cabinet au ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat. J. Ngengimana, membre du Conseil national. E. Kayiranga, député. »