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« L'EUROPE devient-elle le dernier lieu de refuge? »... Question posée par le quotidien flamand de Bruxelles, « De Morgen », citant notamment les dernières réunions en date du RDR: « Rassemblement pour la démocratie au Rwanda », organisation soutenue par le chef d'état-major des ex-FAR, le général Augustin Bizimungu, arrêté en août par le tribunal international d'Arusha, comme l'un des principaux organisateurs du génocide de 1994.
« De Morgen » ne cache pas ses sympathies pour le parti social chrétien flamand CVP, formation dont les liens avec l'ancien parti unique MRND de la dictature Habyarimana sont connus de longue date. Et qui relaie actuellement (si même il ne contribue pas à son inspiration) la propagande négationniste orchestrée à l'échelle internationale. Nul doute, donc, que ce journal sait de quoi il parle.
La Belgique, ancienne métropole coloniale, est, depuis l'été 1994, un havre pour de nombreuses personnalités « génocidaires ». Officiellement, le parquet de Bruxelles a ouvert des poursuites contre certaines d'entre elles, comme Enoch Ruhigira (ancien directeur de cabinet d'Habyarimana) ou la religieuse Gertrude Mukankango (supérieure du couvent de Sovu, dans la préfecture de Butare, elle est mise en accusation par le juge d'instruction pour « crimes de guerre », mais laissée en liberté). Pratiquement, le même parquet consacre tous ses efforts à « faire du surplace », selon l'expression d'un autre quotidien flamand, « De Standard », lui aussi proche du parti social chrétien CVP.
L'écroulement du régime Mobutu aidant, les réfugiés fortunés qui résidaient dans l'ex-Zaïre prennent à nouveau la fuite vers des pays jugés amis. Un problème, ceux d'Afrique - Cameroun et Gabon, par exemple - leur paraissent par trop instables. Ils s'orientent donc vers l'Europe, à commencer par la Belgique. D'autres pays sont concernés à un niveau moindre: France, Grande-Bretagne, Allemagne... Des rumeurs insistantes courent aussi sur des réseaux d'exfiltration constitués en faveur de personnalités religieuses compromises dans le génocide en direction du Vatican et de l'Espagne (Opus Dei). Enfin, on parle beaucoup de Fribourg en Suisse.
Ces nouveaux réfugiés décomposent parfois le mouvement, préférant envoyer femmes et enfants en éclaireurs, pour les rejoindre ensuite au titre du regroupement familial. Comme la famille du colonel Laurent Rutayisire, ancien directeur de la sécurité extérieure dans le régime Habyarimana. Parfois, c'est le mari qui peut être envoyé tâter le terrain. Anastase Nkumanga est, lui aussi, arrivé récemment en Belgique; son épouse, Iphigénie Mukandera, reste provisoirement sur le continent africain. Elle s'était « illustrée », dans la région sud de Butare, comme responsable de la « barrière des femmes », qui fit des milliers de victimes. Précision: A. Nkumanga a été reconnu « réfugié politique » le 2 juin de cette année.
JEAN CHATAIN.