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Fabien Nsabimana, ici en 2010 à La Grand-Font, a été écroué hier.Archives
Le 5 juin 2010, dans nos colonnes, il disait attendre que la justice fasse son travail. Hier, au petit matin, Fabien Neretse, 54 ans pour l'état civil qui l'a sans doute un peu rajeuni, alias Fabien Nsabimana, a été interpellé à son domicile angoumoisin de la rue du Colonel-Campagne, derrière les casernes, par les enquêteurs d'une unité spéciale opérant sur commission rogatoire dans le cadre d'une enquête internationale. Ils avaient le soutien de gendarmes du groupement de la Charente.
L'homme a été embarqué dans une Laguna immatriculée dans la capitale puis placé en garde à vue dans les locaux du groupement, dans le quartier de La Madeleine à Angoulême. Il a été placé en détention hier après-midi, devrait ensuite être présenté aux juges d'instruction en charge du dossier des génocidaires du Rwanda. En sa présence, les gendarmes ont perquisitionné le coquet pavillon mitoyen de la résidence, ont fouillé la Renault Clio rouge du couple, avant de quitter les lieux en emmenant un sac-poubelle vraisemblablement rempli de documents.
Fabien Nsabimana est nommément visé dans les quinze pages de l'acte d'accusation rédigé à Kigali, le 8 août 2007, par Martin Ngoga, procureur général de la République du Rwanda. Il y est accusé de six « infractions »: « génocide », « complicité de génocide », « complot du génocide », « assassinat », « extermination » et « création, direction et appartenance à une association de malfaiteurs ». Il fait également l'objet de plusieurs plaintes, en Belgique et en France.
Martine Beckers, une citoyenne belge, a témoigné devant la justice de son pays en 1998. Sa soeur, son beau-frère et leur fille ont été assassinés à Kigali le 9 avril 1994. Ils étaient, a-t-elle dit, voisins de la famille Neretse, que l'acte d'accusation présente comme l'un des fondateurs de la milice hutu interahamwe à qui l'on attribue le massacre des Tutsis. Il fait également l'objet d'une fiche rouge d'Interpol. « Le degré suprême pour les criminels recherchés », traduit Alain Gauthier, le président rémois du Collectif des parties civiles pour le Rwanda. La famille de son épouse tutsie a été massacrée au cours du génocide. C'est lui qui a pu identifier Fabien Neretse en 2008, établir qu'il coulait des jours tranquilles à Angoulême sous le nom de Fabien Nsabimana, installé dans le quartier de La Grand-Font où il s'était remarquablement intégré, au point de rédiger un rapport pour proposer au préfet des solutions à la délinquance des mineurs.
« Il semblait bizarre »
Il y a un peu plus d'un an, en sortant de l'hôpital, avec ses béquilles, Fabien Nsabimana et son épouse avaient déménagé dans le petit pavillon de la rue du Colonel-Campagne. « Il n'avait pas de contacts », racontent ses voisines. Les gens avaient appris dans CL son parcours et les accusations portées contre lui. « Il ne sortait que le soir. » « Juste bonjour-bonsoir », dit un autre voisin. « C'était des gens discrets. » « Ces deux derniers jours, il semblait bizarre, se baladait avec ses béquilles au milieu de la route. Il a même failli se faire renverser », confie l'un d'eux.
Mais à quelques centaines de kilomètres de là, à Reims, l'annonce de l'interpellation de Fabien Nsabimana a été plutôt perçue comme une bonne nouvelle par Alain Gauthier. Ce qu'il pourrait interpréter comme une conséquence du réchauffement des relations entre Paris et Kigali. Pour l'instant, si plusieurs Rwandais soupçonnés d'avoir pris part au génocide ont pu être interpellés en France, aucun n'a été extradé vers son pays d'origine. « Les juges d'instruction ont peut-être là suffisamment d'éléments pour le mettre en examen », envisage Alain Gauthier.
En Belgique, plusieurs procès ont déjà eu lieu. En France, « beaucoup de choses se précisent: la diffusion d'un documentaire sur France 2 mardi soir, bien que trois mis en cause aient tenté de l'empêcher; la décision d'extrader ou non l'épouse de l'ancien Président qui sera rendue le 28 septembre ». Et le tribunal pénal international pour le Rwanda, créé il y a seize ans pour juger les génocidaires, semble avoir changé d'avis sur la justice rwandaise. « Un dossier a été transféré avant-hier. » L'association a déposé vingt et une plaintes.