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RWANDA-VERS UNE CONFRONTATION ENTRE FPR ET TURQUOISE.
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par Michela Wrong
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04 Juillet 1994
16:14 GMT
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(c) Reuters Limited 1994.
GIKONGORO (RWANDA), 4 juillet, Reuter - La chute de Kigali et Butare
aux mains du Front patriotique rwandais et la décision française de
stopper à Gikongoro sa progression vers l'ouest du pays, décrété zone
internationalement protégée, rend de plus en plus vraisemblable une
épreuve de force entre rebelles tutsis et troupes françaises.
Le colonel de commandos de marine Didier Thibaut, qui commande
l'avant-garde des 150 soldats français verrouillant la nouvelle zone de
sécurité à Gikangoro, a précisé que ses hommes n'hésiteraient pas à
ouvrir le feu sur le FPR bien qu'ils chercheraient autant que possible
d'éviter la confrontation.
"Personne n'ira au-delà", a-t-il dit en précisant qu'il était hors de
question aussi pour les troupes françaises de rester les bras croisés
si les rebelles cherchent à contourner la ville pour progresser vers
l'ouest.
L'ordre de s'opposer au FPR s'il se présente, qui émane du président
François Mitterrand lui-même, a été transmis aux hommes du colonel
Thibaut par le colonel Jacques Rosier, commandant du secteur sud de
Turquoise.
Le colonel Rosier, qui s'est rendu dans la journée sur place par
hélicoptère, a confié aux journalistes que "le FPR va être très
surpris" car Ginkongoro, où refluent des milliers de réfugiés et des
dizaines de soldats gouvernementaux en déroute, ne serait pas "un Diên
Biên Phu mais plutôt un Austerlitz".
Le colonel Thibaut attend dans la journée une centaine d'hommes
supplémentaires par voie aérienne et 300 légionnaires par la route pour
renforcer le verrou de Gikongoro, qui n'est qu'à 35 km de Butare, la
deuxième ville du pays, tombée dans la journée au mains du FPR.
Les nouvelles instructions données aux troupes françaises transforment
radicalement la nature de leur opération, lancée officiellement pour
des raisons strictement humanitaires afin de protéger les populations
civiles, qu'elles soient d'ethnie hutue ou tutsie.
Dès le début de l'opération Turquoise, à la fin du mois dernier, le FPR
avait dit ne pas croire à la neutralité de la France, qui avait armé et
entraîné dans le passé l'armée à dominante hutue du président Juvénal
Habyarimana.
Les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices hutues sont tenues
pour responsables de la plus grande partie des massacres commis contre
les Tutsis depuis l'assassinat du chef de l'Etat hutu il y a trois
mois.
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"Maliza yeye !
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Selon le capitaine Eric Hervé, qui commande un barrage des troupes
françaises à la sortie de Gikongoro, "il n'y a plus une seule unité des
Forces armées rwandaises" entre les soldats français et les lignes du
FPR.
Les soldats français confient s'attendre à se retrouver sur la ligne de
front à tout moment, l'armée gouvernementale, à court de munition,
n'opposant plus de résistance à l'avancée des rebelles.
L'hypothèse d'une confrontation entre troupes françaises et le FPR, qui
disposerait de quelque 2.000 hommes dans ce secteur, a d'autant plus
pris corps lundi que des incidents ont d'ores et déjà opposé les deux
parties depuis 48 heures.
Un premier incident est intervenu dimanche lorsque des rebelles postés
dans les collines ont ouvert le feu sur un convoi français qui évacuait
300 civils de Butare vers Gikongoro. Les troupes de Turquoise, qui
n'ont subi aucune perte, ont riposté.
Un deuxième incident a eu lieu lorsque les rebelles ont ouvert le feu à
la mitrailleuse sur une patrouille française circulant dans les
environs de Butare, mais les tirs venaient de si loin que les
militaires de Turquoise ne sont pas sûrs d'avoir été délibérément pris
pour cibles.
Lors d'un autre incident, plus grave, les soldats français, qui avaient
encore alors pour instruction de ne pas s'ingérer entre les deux camps,
ont dû laisser les rebelles s'emparer d'un soldat gouvernemental placé
sous leur protection à un barrage du FPR à huit km de Butare.
Patrick Muiruri de Reuter Télévision rapporte que les hommes du FPR ont
encerclé et mis en joue deux jeeps de soldats français, réclamant que
le soldat gouvernemental qui se trouvait avec eux leur soit livré.
Après une épreuve de force tendue d'une vingtaine de minutes, les
Français ont abandonné le soldat à son sort bien qu'il se soit accroché
à eux désespérement. Lorsqu'il est devenu clair que les Français ne
feraient bien pour le sauver, le soldat a tenté de s'enfuir.
Un homme du FPR a alors crié à un autre "Maliza yeye!" (achève-le!) et
le soldat a été fauché mortellement par une rafale de Kalachnikov,
témoigne Muiruri. Les soldats français, qui faisaient partie d'un
convoi évacuant des civils, ont alors repris leur route. /MD