Citation
Conseil d’Etat statuant au contentieux
N° 165521
Inédit au recueil Lebon
7 / 10 SSR
Mme de Guillenchmidt, rapporteur
M. Chantepy, commissaire du gouvernement
LECTURE DU VENDREDI 26 JUILLET 1996
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 14 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil
d’Etat, présentée pour M. Bernard X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil
d’Etat :
1°) annule les décisions implicites par lesquelles le ministre de la défense et le ministre de
la coopération ont rejeté sa demande tendant à obtenir la régularisation de ses droits à
rémunération pour la période qu’il a passée au Rwanda en qualité d’attaché militaire ;
2°) condamne l’Etat à lui verser une somme de 900 000 F correspondant à la différence
entre l’indemnité de résidence qu’il a perçue lorsqu’il était attaché de défense au Rwanda
du 15 juillet 1991 au 12 juillet 1994 et celle qu’il aurait dû percevoir en cette qualité, ladite
somme devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité
de l’indemnité de résidence ou, au plus tard, à compter du 7 septembre 1994 ;
3°) condamne l’Etat à lui verser une somme de 12 000 F au titre des dispositions de
l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée ;
Vu le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 modifié fixant les modalités de calcul des
émoluments des personnels de l’Etat et des établissements publics de l’Etat à caractère
administratif en service à l’étranger, ensemble le décret n° 68-349 du 19 avril 1968 portant
extension aux personnels militaires et aux personnels civils de nationalité française
relevant du ministère des armées des dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967
fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l’Etat et des
établissements publics de l’Etat à caractère administratif en service à l’étranger ;
Vu l’arrêté interministériel du 29 avril 1968 relatif aux conditions d’application aux
personnels militaires et aux agents contractuels relevant du ministère des armées des
dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des
émoluments des personnels de l’Etat et des établissements publics de l’Etat à caractère
administratif en service à l’étranger ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953
et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Guillenchmidt, Conseiller d’Etat,
- les observations de Me Parmentier, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense :
Considérant que le rapport relatif à la “situation du poste d’attaché de défense” adressé le
10 janvier 1992 au chef d’état-major des armées par M. X..., affecté à l’ambassade de
France au Rwanda et chef de la mission d’assistance militaire, ne comportait aucune
demande individuelle ; que, par suite, il n’a fait naître en tout état de cause aucune
décision à l’égard de M. X... ; que dès lors, les décisions implicites par lesquelles le
ministre de la défense et le ministre de la coopération ont rejeté la demande de M. X...
tendant à la révision de l’indemnité de résidence qu’il avait perçue au titre de son séjour
au Rwanda, ainsi que la décision du 13 mars 1995 ayant le même objet, ne présentaient
pas un caractère confirmatif ; qu’ainsi, la requête de M. X... est recevable ;
Sur les décisions de rejet de la demande de révision de l’indemnité de résidence :
Considérant qu’aux termes de l’article 11 de l’arrêté du 29 avril 1968 pris en application de
l’article 5 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des
personnels de l’Etat et des établissements publics de l’Etat à caractère administratif en
service à l’étranger, dont les dispositions ont été étendues à la fonction publique militaire
par le décret du 19 avril 1968 : “Les personnels militaires visés par le présent arrêté sont
répartis ainsi qu’il suit entre les différents groupes énumérés par l’arrêté prévu à l’article 5
du décret du 28 mars 1967 susvisé fixant par pays et par groupes les taux de l’indemnité
de résidence : “A) Personnels affectés dans les postes d’attachés de défense, y compris
ceux des services des attachés d’armement, et personnels affectés à la délégation
française auprès du Conseil de l’Atlantique Nord. Groupe 4. Officier général, colonel et
personnel militaire de rang correspondant ... B) Autres personnels militaires ... Groupe 9.
Colonel et personnel militaire de rang correspondant” ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que M. Bernard X..., colonel de
gendarmerie, a été désigné le 7 mai 1991 par le ministre de la défense comme “chef de la
mission d’assistance militaire à la République du Rwanda, attaché de défense auprès de
l’ambassade de France au Rwanda à Kigali” et qu’il a exercé ces fonctions du 15 juillet
1991 au 9 octobre 1994 ; qu’il exerçait ainsi ses fonctions, au cours de cette période, dans
le poste d’attaché de défense au sens de l’article 11 précité ; qu’il a perçu au cours de son
affectation l’indemnité de résidence aux taux prévus pour le groupe 9 du paragraphe B
dudit arrêté ; qu’il est dès lors fondé, à demander l’annulation des décisions implicites par
lesquelles le ministre de la défense et le ministre de la coopération ont refusé de le classer
dans les personnels énumérés au paragraphe A groupe 4 dudit arrêté du 29 avril 1968
pour le calcul de l’indemnité de résidence à laquelle il avait droit, ainsi que de la décision
du ministre de la défense en date du 13 mars 1995 ayant le même objet ;
Considérant qu’il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par le requérant en
condamnant l’Etat à lui verser une indemnité couvrant la différence entre l’indemnité qu’il
aurait dû percevoir au titre du paragraphe A de l’article 11 de l’arrêté du 29 avril 1968 et
celle qu’il a effectivement perçue pendant la durée de son affectation au titre du
paragraphe B dudit arrêté ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de l’indemnité précédemment définie à
compter du 7 septembre 1994, date à laquelle sa demande tendant à la réévaluation de
son indemnité de résidence a été reçue par l’autorité administrative ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 septembre 1995 ; qu’à
cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que dès lors, conformément aux
dispositions de l’article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi n° 91-
647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des
dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer à M.
X... la somme de 12 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les décisions implicites par lesquelles le ministre de la défense et le ministre
de la coopération ont rejeté la demande de M. X... tendant à la réévaluation de son
indemnité de résidence pour la période qu’il a passée en qualité d’attaché de défense au
Rwanda, ainsi que la décision du ministre de la défense en date du 13 mars 1995 ayant le
même objet, sont annulées.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant le ministre de la défense pour qu’il soit procédé à la
liquidation de l’indemnité à laquelle il a droit sur les bases définies dans les motifs de la
présente décision, avec les intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 1994. Les
intérêts échus le 12 septembre 1995 seront capitalisés à cette date pour produire euxmêmes intérêts.
Article 3 : Le ministre de la défense versera à M. X... une somme de 12 000 F au titre de
l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X..., au ministre de la défense et
au ministre délégué à la coopération.