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PARIS (AP) — En condamnant mardi l’ancien mercenaire Robert Denard, 77 ans, à cinq ans de prison avec sursis pour un coup d’Etat avorté aux Comores en 1995, le tribunal correctionnel de Paris a surtout mis en exergue la responsabilité des politiques et des services secrets français qui ont entériné cette action violente.
Le parquet avait requis cinq ans d’emprisonnement ferme contre M. Denard et des peines d’emprisonnement ferme, parfois assorties du sursis, pour les principaux ``lieutenants'' de Bob Denard, de son vrai nom, Robert Bourgeaud.
Si ce dernier avait été jugé médicalement inapte en janvier à assister aux audiences en raison de problèmes cardio-vasculaires et de mémoire liés à la maladie d’Alzheimer, il n’en avait pas pour autant été déclaré pénalement irresponsable.
Six ``chiens de guerre'' ont écopé de trois ans avec sursis, dont Jean-Paul Guerrier, en fuite, Didier Malacrino, et François-Xavier Sidos, les autres condamnations allant de la dispense de peine à 30 mois avec sursis. Tous risquaient jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.
Dans la nuit du 26 au 27 septembre 1995, une trentaine de mercenaires français, dirigés par Bob Denard, ont débarqué aux Comores pour renverser le président Saïd Djohar et installer Mohamed Taki et Saïd-Ali Kemal au pouvoir.
Le groupe ``Alpha'', commandé par Dominique Malacrino, surnommé ``commandant Marques'', investissait le camp militaire de Kandani. Le groupe ``Bravo'', sous la houlette de Jean-Paul Guerrier, alias ``Siam'', libérait des prisonniers politiques à Kandani et neutralisait l’armurerie, tandis que le groupe ``Charly'' dirigé par Jean-Marie Dessalles, alias ``Jean-Pierre'', prenait possession du palais présidentiel et capturait le président.
Bob Denard, ou ``groupe Delta'', restait en retrait. Les mercenaires installeront ensuite un comité militaire de transition et remettront le pouvoir à Taki et Kemal avant l’intervention le 4 octobre des forces françaises qui rétablira Djohar. Mohamed Taki sera toutefois élu président de la République le 16 mars 1996.
Dans ses attendus, la 14e chambre du tribunal, présidé par Thierry Devernoy de Bonnefon, a estimé « évident que les services secrets français avaient eu connaissance du projet de coup d’Etat conçu par Robert Denard, de ses préparatifs et de son exécution ».
Une opération, estimée à hauteur de 1.500.000 euros, que les services n’ont « rien fait pour entraver » et qui l’ont « donc laissé arriver à son terme », souligne le jugement considérant « que les responsables politiques (NDLR : français) l’avaient nécessairement voulu ainsi ».
Une thèse dans laquelle s’était engouffrée Me Elie Hatem, avocat de M. Denard lors du procès. « Mon client est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il est facile de tout lui mettre sur le dos. Il y a une co-responsabilité des politiques français », a-t-il déclaré à l’issue de ce jugement. « On a voulu faire payer les lampistes. Il est très difficile de mettre en cause la responsabilité de l’Etat français et des politiques, qui se sont tous dérobés », a-t-il ajouté.
« Cette décision peut être interprétée comme un encouragement voire une prime au mercenariat. Tout le peuple comorien peut se sentir offensé par cette décision », a réagi Me Saïd Larifou, avocat de la famille du président Djohar.
AP