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RW/DIVERS/9407OIB - .
MINISTERE R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
DES
AFFAIRES ETRANGERES Paris, le 1er juillet 1994
DIRECTION DES AFFAIRES
AFRICAINES ET MALGACHES
L'Ambassadeur de France
au RWANDA
No 1778- /DAM 9.E.3. Note du 1er juillet 1994, Eléments pour
une solution politique au Rwanda
Déclassifié
A/S : Eléments pour une solution politique au Rwanda.
Un cessez—le—feu suivi d'une solution politique
rapide sont indispensables au Rwanda. A défaut, la situation
humanitaire continuera de se détériorer et les risques de
confrontation entre les éléments participant à l'opération
Turquoise et le FPR se multiplieront.
1 - Les accords d'Arusha restent la base d'une solution
Certes, bien des aspects peuvent apparaître
aujourd’hui dépassés. Mais le FPR, comme le gouvernement
intérimaire, affirment vouloir les respecter (le FPR laissant
entendre que certaines dispositions, non précisées, devront
être révisées). La priorité après le cessez—le—feu devrait
être, non de rediscuter des accords longuement négociés, mais
de mettre en place sans délai des institutions.
L'accord de Tunis, qui prévoit notamment le
désarmement des milices, le contrôle des radios et le
châtiment des responsables de massacres, pourrait y être
ajouté.
2 — Le gouvernement intérimaire ne doit pas être forcément
l'interlocuteur du FPR
Ce gouvernement continue de s'exprimer aux Nations-
Unies comme à l'OUA au nom du Rwanda. Mais le FPR a refusé dès
l'origine d'avoir le moindre contact avec lui. Le rapport de
forces sur le terrain, comme les exactions commises ou
tolérées par ce gouvernement, lui ont fait perdre une bonne
part de sa légitimité.
3 - Les institutions doivent avoir une assise politique aussi
large que possible.
Si le FPR persiste à nier toute légitimité au
gouvernement intérimaire, une négociation peut s‘engager avec
les principaux partis politiques.
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Le FPR risque d'être tenté de confisquer le pouvoir
à son profit, en éliminant totalement ses adversaires et en
s'associant à quelques Hutus modérés issus de l'opposition,
mais dont la représentativité est sujette a causion.
Une telle situation conduirait à une reprise de la
guerre, immédiate ou à terme, les autres tendances politiques
rwandaises se servant du Zaïre et des campagnes burundaises
comme base arrière.
Concrètement, deux questions vont se poser :
— la place du MRND (parti présidentiel). Celui—ci doit être
capable de présenter des dirigeants qui n'aient pas de
responsabilité directe dans les massacres. Encore faut—il que
le FPR n'essaie pas de discréditer tout cadre de ce parti,
— la représentativité au sein des partis d'opposition. Deux de
ces partis (MDR et PL) et peut—être les quatre (avec le PSD et
le petit PDC) sont divisés en tendances, dont l'une est plutôt
faborable au PPR et l'autre hostile. Après l'assassinat de
plusieurs dirigeants au lendemain de l'attentat du 6 avril,
les organes directeurs ont été reconstituée dans un sens
défavorable au Front Patriotique. Celui—ci souhaitera au
contraire s'appuyer sur les rescapés plus proches de lui. La
dislocation du Rwanda ne permet pas de trancher en ayant
recours aux procédures prévues par les partis (élections).
4 — Les coupables des massacres doivent être poursuivis et
châtiés
Ce principe est admis et a été rappelé lors de la
session extraordinaire de la Commission des Droits de l'Homme
à Genève. Trois problèmes se posent
— la recherche des coupables. Le FPR a sa liste. Un rapporteur
spécial a été nommé à Genève. Il a peu de moyens
d'investigation, mais indique avoir déjà des listes de noms,
en cours de vérification,
— la présomption d'innocence ou de culpabilité. Doit-on
laisser n'importe qui accéder à toutes les fonctions (y
compris ministérielles ou parlementaires) et les démettre
ultérieurement si leur culpabilité est démontrée ou doit—on,
comme le souhaite le FPR, éliminer les responsables avant
d'installer les institutions ?
- le châtiment : tribunal international ou tribunaux
nationaux ?
5 — Le rôle de la communauté internationale reste
indispensable
— Compte tenu de l'exode des populations devant l'avancée du
FPR et de l'exiguité du territoire, la question de
l'établissement de zones de sécurité humanitaires aux
frontières du Rwanda va se poser très rapidement. De telles
zones, déjà envisagées par les Etats—Unis et le Secrétaire
Général des Nations—Unies, permettraient de limiter le flux
dans les pays voisins et. de dissuader le FPR. d'aller trop
loin.
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Deux problèmes se poseraient : la place des FAR
(admises dans ces zones ou combattant devant elles sans
pouvoir reculer), les risques d'infiltration.
— Il est difficile à notre pays de prendre publiquement une
initiative, qui nous ferait soupçonner de vouloir geler la
situation sur le terrain sous couvert d'intervention
humanitaire. Nous devrions travailler en priorité avec les
Etats—Unis et le Secrétaire Général des Nations—unies (ainsi
que son nouveau représentant spécial) et aussi (mais dans une
deuxième étape) avec la Belgique, la Tanzanie (où se trouve
actuellement le Président du FPR) et le Secrétaire Général de
l'OUA./.
Jean-Michel MARLAUD