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Jean-Pierre Chrétien
France et Rwanda :
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Le Rwanda est entré dans l’actualité française dans
les années 1990, avec l’implication politique et militaire de Paris dans la guerre civile. En 1998, une mission
parlementaire a souligné l’aveuglement officiel sur la
dérive qui a conduit au génocide des Tutsi en 1994. Mais
le Rwanda passionne toujours les esprits : aux dénonciations de « complicité française » ont répondu des mises
en cause du FPR et des « puissances anglo-saxonnes ». Une
crise ouverte a éclaté en 2006 entre Paris et Kigali,
marquée par la rupture diplomatique entre les deux
pays. Depuis lors se conjuguent des accès de fièvre et
des initiatives pour trouver un compromis fondé sur la
reconnaissance claire du génocide. Cet article décrypte
les enjeux de cette relation bilatérale très tendue.
À notre regrettée collègue Alison Des Forges,
pour son combat scientifique face au génocide de 1994.
L
e Figaro notait, le 5 février 2009 : « Décidément, seize ans après les faits, le
génocide des Tutsis n’en finit pas d’empoisonner la vie politique française 1 ».
De fait, la place prise par le Rwanda dans les relations extérieures et aujourd’hui dans la politique intérieure de la France est surprenante. Les grands
médias y ont fait écho : l’été 2008, Kigali diffuse le rapport d’une commission
mise en place pour montrer l’implication de la France dans le génocide ;
1. T. Oberlé, « Les nouveaux règlements de comptes africains de Pierre Péan », Le Figaro, 5 février 2009
(NdA : plutôt quinze ans après…). Le verbe « empoisonner » n’est pas trop fort ; il est devenu hasardeux
d’aborder cette question sans s’attirer des attaques personnelles nauséabondes sur les sites du Net
qui s’emploient à défendre une histoire sainte de la politique africaine de la France ou à contester la
réalité du génocide.
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en novembre suivant, une proche de Paul Kagame, Rose Kabuye, est arrêtée
en Allemagne et mise en examen à Paris sur la base de l’ordonnance émise
deux ans plus tôt par le juge antiterroriste Louis Bruguière ; en février 2009,
le journaliste Pierre Péan publie contre le ministre Bernard Kouchner un brûlot
dont la motivation essentielle est de dénoncer la nouvelle politique française
d’ouverture à l’égard du régime rwandais. Or ce pays d’Afrique orientale,
grand comme la Belgique avec, il est vrai, une population sept fois plus
importante que celle du Gabon, n’est même pas une ancienne colonie française :
district de l’Afrique orientale allemande avant 1918, il est devenu un pays
sous mandat belge et pratiquement annexé au Congo dans le cadre du Territoire du « Ruanda-Urundi » (qui englobait aussi le Burundi) jusqu’en 1962.
Dans cette contribution, nous nous interrogerons sur les ressorts de la crise
qui, depuis le génocide, altère profondément les relations franco-rwandaises.
Nous estimons que l’état actuel des rapports entre la France et le Rwanda
nécessite une remise à plat collective et transparente des éléments du dossier,
de manière à sortir pour de bon des non-dits et des procès d’intention et
pour que ce débat, particulièrement grave, cesse d’être quasi monopolisé par
des réseaux partisans et des sites anonymes qui entretiennent sur « la toile »
un climat d’affabulation et de haine.
Aux marges de l’Afrique francophone
Un petit retour en arrière n’est pas inutile pour rappeler la singularité
de cette relation bilatérale. Il y eut certes, à partir de 1900, quelques dizaines
de Pères blancs français qui contribuèrent à leur façon à la connaissance du pays
en langue française. L’un d’eux, Léon Classe, fut même l’évêque du Rwanda
de 1922 à 1945. Le Rwanda n’entre cependant dans le « pré carré » qu’après son
indépendance. Dès octobre 1962, le président Grégoire Kayibanda, le héros de
la « révolution sociale » hutu, vient à Paris où il invoque la langue française
et son « 1789 africain » pour demander de l’aide. Mais une ambassade n’est
ouverte à Kigali qu’en 1964 2 et une Mission de coopération en 1969. Après
le coup d’État mené par le général-major Juvénal Habyarimana en juillet 1973
et la fondation de la Deuxième République, la coopération connaît un essor
significatif sous l’impulsion de V. Giscard d’Estaing : chantiers de travaux
publics, développement rural, ouverture d’un lycée français et d’un centre
culturel à Kigali, tenue au Rwanda du 6e Sommet franco-africain en 1979 3.
Le pays est décrit comme un bon élève des coopérations publiques et
privées. Des ONG catholiques s’investissent avec ardeur auprès d’un régime
béni par une Église omniprésente. Par exemple, un « groupe Tiers-monde »
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breton affirme avec optimisme en 1987 que « la popularité du chef de l’État,
l’efficacité de son gouvernement et la participation de la population contribuent
à consolider peu à peu l’unité nationale et la politique de développement 4 ».
L’intérêt économique de cette coopération reste minime : seulement 10 % des
importations rwandaises viennent de France en 1981 ; le pays n’a ni pétrole,
ni mines. Il en va différemment sur les plans politique et militaire. Le Rwanda
soutient sans faille les initiatives françaises au Congo : extradition de mercenaires en 1967, appui à l’intervention à Kolwezi en 1978. En juillet 1975,
un accord d’assistance militaire est signé pour la formation d’une gendarmerie et, en parallèle, les fournitures de matériel (blindés, etc.) se multiplient
à partir de la fin des années 1970. La valeur géopolitique du Rwanda aux
yeux de Paris tient sans doute au voisinage du riche Congo, mais aussi à
sa position sur une sorte de ligne de front face à l’Est africain anglophone :
« le Rwanda est membre à part entière de la famille franco-africaine », notait
l’ambassade en mars 1979 5.
Les partenaires européens ne semblent jamais troublés par la nature du
régime. Un système de parti unique, où le Président se fait réélire en 1990
avec 99 % des voix, relevait certes de la banalité en Afrique. Mais la reprise
du vieux schéma racial opposant Hutu et Tutsi, au titre d’élément fondateur
de la légitimité républicaine, et le recours au principe des quotas « ethniques »
dans les écoles et les emplois sont vécus comme une évidence locale à ne pas
discuter. Il ne s’agirait que de protéger le « peuple majoritaire » hutu contre les
anciens « seigneurs » tutsi, les « autochtones bantous » contre les « envahisseurs nilo-hamites », des paysans dociles contre des aristocrates fourbes.
Cette grille de lecture simpliste est devenue le repère incontournable de l’histoire de ce pays et rares sont les scientifiques qui se hasardent à la contester 6.
De toute manière, elle est récurrente dans les écrits de vulgarisation (touristiques, culturels, politiques, d’expertise…). Un ancien diplomate, qui enseigna
deux ans à Butare, publie en 1970 une sorte de roman ethnographique 7 qui
2. Durant un an, l’ambassadeur nommé au Burundi s’était occupé des deux pays.
3. O. Thimonier, La Politique de la France au Rwanda de 1960 à 1981, mémoire de maîtrise, Université
Paris 1, 2001.
4. Groupe Tiers-monde - Quintin, Rwanda. Mille collines. Mille problèmes. Mille projets, mars 1987, p. 16.
5. Archives du ministère de la Coopération, CAC 20000147, carton n° 1, Ambassade de France à
Kigali, « Le Rwanda. Les relations politiques et économiques franco-rwandaises », mars 1979 (cité
par O. Thimonier, La Politique de la France…, op. cit., p. 114).
6. J.-P. Chrétien, « Hutu et Tutsi au Rwanda et au Burundi », in J.-L. Amselle et E. M’Bokolo (dir.),
Au cœur de l’ethnie, Paris, La Découverte, 1985, p. 129-165 (rééd. 1999).
7. P. Del Perugia, Les Derniers Rois mages, Paris, Gallimard, 1970 (rééd. Phébus, 1978).
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faillit, dit-on, recevoir le prix Renaudot et qui popularise les fantasmagories
sur les origines orientales des Tutsi, ces pasteurs descendus des « hauts pâturages tibétains » ! Cet imaginaire gobinien hante les visions du Rwanda et
donne l’illusion qu’on ne peut être que pro-tutsi ou pro-hutu.
Cependant, le pays des « mille collines » reste longtemps quasi inconnu
dans l’opinion française, sauf chez quelques spécialistes du développement ou
de l’anthropologie. Les politiciens rwandais sauront jouer de cette ignorance
et de cet imaginaire dans leurs relations avec les étrangers. Cela vaut en effet
aussi pour les partenaires belges, suisses ou canadiens. Mais soudain, à la fin
de 1990, le Rwanda entre fortement sur la scène française.
La crise des années 1990 : la France piégée par
un racisme africain
L’engagement français dans le conflit rwandais a fait l’objet de nombreuses
études qui ont contribué à décrypter non seulement les processus du génocide
des Tutsi, mais également les raisons de l’inertie des acteurs internationaux 8.
On dispose de témoignages forts de Rwandais ou d’étrangers présents sur le
terrain à l’époque 9. Il existe aussi des pamphlets dont la virulence polémique
est inversement proportionnelle à la connaissance du terrain 10.
Mais, dix ans après, il reste instructif de dresser le bilan des questions
posées, plus clairement qu’on ne le dit, dans le rapport de la Mission parlementaire d’information sur « les opérations militaires menées par la France,
d’autres pays et l’Onu au Rwanda entre 1990 et 1994 » 11. On n’a retenu de cette
enquête que le commentaire d’autosatisfaction délivré à l’époque par son
président, Paul Quilès, et d’où il ressortait, en gros, que la France n’était pas
coupable d’un génocide commis par des Rwandais contre d’autres Rwandais.
On connaît les limites de ce travail 12. Il n’en reste pas moins que ce rapport
et ses annexes (documents et comptes rendus d’auditions) offrent une mine
de renseignements, reflètent des interrogations lucides et ouvrent des pistes
de recherche. Ses conclusions soulignent les aspects essentiels de l’implication
française dans le processus de la tragédie rwandaise : « une coopération militaire trop engagée », « une sous-estimation du caractère autoritaire, ethnique
et raciste du régime rwandais », « les limites d’un cessez-le-feu à tout prix »
durant le génocide.
Sur le premier point, les étapes d’un véritable engrenage sont analysées.
En octobre 1990, l’intervention est décidée par le président Mitterrand
depuis la frégate Dupleix où il se trouvait alors dans le Golfe 13, à la demande
de Juvénal Habyarimana qui dénonçait des attaques du Front patriotique
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rwandais (FPR) au nord-est du pays le 1er octobre, mais aussi à Kigali même
dans la nuit du 4 au 5 octobre. « L’attaque simulée de Kigali servit non seulement de leurre pour déclencher l’intervention française, mais aussi de levier
pour restaurer le régime dans sa plénitude 14 ». L’opération Noroît, déployée
dès lors et qui va relever d’un commandement spécial, est prolongée par une
« mission de conseil » auprès de l’état-major des Forces armées rwandaises
(FAR). En août 1992, l’accord de juillet 1975 est étendu à l’ensemble de l’armée
pour concrétiser cet appui. Cette coopération est complétée par la création
de Détachements d’assistance militaire et d’instruction (Dami) pour encadrer
les entraînements dans des camps militaires, mais aussi pour aider à mettre
en place, au sein de la gendarmerie, un service de police judiciaire informatisé
et mener des enquêtes sur les attentats, et enfin pour assister la garde présidentielle. L’engagement humain et matériel se renforce encore à la suite de la
nouvelle attaque du FPR au début de l’année 1993.
8. A. Des Forges (dir.), Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Paris, Human Rights
Watch/FIDH, Karthala, 1999 ; L. Coret et F.-X. Verschave (dir.), L’horreur qui nous prend au visage.
L’État français et le génocide au Rwanda. Rapport de la Commission d’enquête citoyenne, Paris, Karthala,
2005 ; O. Lanotte, La France au Rwanda (1990-1994). Entre abstention impossible et engagement ambivalent,
Bruxelles, Peter Lang, 2007. Voir aussi J.-P. Gouteux, La Nuit rwandaise. L’implication française dans
le dernier génocide du siècle, Paris, L’esprit frappeur, 2002 ; M. Mas, Paris Kigali 1990-1994, lunettes
noires, politique du sabre et onction humanitaire. Pour un génocide en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1999 ;
L. Melvern, A People Betrayed. The Role of the West in the Rwanda’s Genocide, Londres, Zed Books,
2000 ; D. Ambrosetti, La France au Rwanda. Un discours de légitimation morale, Bordeaux, Cean, Paris,
Karthala, 2000 ; G. Périès et D. Servenay, Une guerre noire. Enquête sur les origines du génocide rwandais
(1959-1994), Paris, La Découverte, 2007.
9. Par exemple V. Kayimahe, France-Rwanda : les coulisses du génocide. Témoignage d’un rescapé, Paris,
Dagorno, 2002 ; R. Dallaire, J’ai serré la main du diable. La faillite de l’humanité au Rwanda, Québec,
Libre expression, 2003.
10. Un archétype de cette littérature est fourni par le volume publié à la fin 2005 par le journaliste
Pierre Péan, Noires Fureurs, blancs menteurs, Rwanda 1990-1994, Paris, Mille et une nuits/Fayard,
2005.
11. Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise (1990-1994), Paris, 1998, 4 vol. Document
référencé dans les notes suivantes par AN.
12. J.-P. Chrétien, « Les responsabilités politiques du génocide, vues de Bruxelles et de Paris »,
Politique africaine, n° 73, mars 1999, p. 159-164.
13. Selon Jean-Pierre Chevènement, à l’époque ministre de la Défense, l’ordre en a été transmis
directement à l’amiral Lanxade, chef d’état-major, sans qu’il ait été même consulté (AN, vol. 2,
p. 85 et 91).
14. AN, vol. 1, p. 79. Sur cette « fausse attaque », voir aussi dans le même volume, p. 122 et 173.
En appui à ce montage, le 5 octobre, RFI diffusait l’étrange témoignage d’un certain « Gérard Barda,
un journaliste français de passage à Kigali » parlant de rebelles venus du nord et de « civils
qui avaient infiltré la population de Kigali avant les événements du 1er octobre ». Des milliers
d’arrestations eurent lieu les jours suivants à Kigali.
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Les interrogations portent moins sur la légitimité de l’aide accordée initialement à un pays ami menacé apparemment d’une agression venue de
l’extérieur que sur l’intensité de l’engagement auprès d’un régime que tous
les observateurs décrivaient en 1990 comme déconsidéré sur les plans social
et politique. Une opposition de plus en plus puissante s’était développée,
regroupant des Tutsi et de très nombreux Hutu, issus notamment des régions
du Centre et du Sud, mécontents d’un pouvoir qui privilégiait de façon éhontée
des ressortissants du nord-ouest du pays à l’ombre de la « maisonnée » (akazu)
présidentielle, notamment de la famille de la Première dame 15. Un régime
« autoritaire, ethnique et raciste », pour reprendre les termes de la Commission.
On observe dès lors une course contre la montre entre une ouverture
politique (multipartisme en juin 1991, gouvernement de coalition associant
l’ancien parti unique, le Mouvement républicain national pour le développement et la démocratie [MRND], et les nouvelles formations démocratiques
en avril 1992) et une entreprise de neutralisation de l’opposition intérieure par
le retour à la démagogie ethniste déjà rodée dans les années 1960 et 1970,
c’est-à-dire l’utilisation des Tutsi comme boucs émissaires. L’attaque du FPR
a permis aussi au régime de « faire diversion 16 » en recourant à cette ligne
raciste. Le double langage fut donc de règle : démocratisation et négociations
avec le FPR à Arusha d’un côté, et de l’autre invocation du « peuple majoritaire »
(rubanda nyamwinhi) hutu comme seule source de légitimité et dénonciation
des « cancrelats » (inyenzi) tutsi et de leurs « complices » (ibyitso) comme des
traîtres ; liberté d’expression et en même temps lancement officieux de médias
extrémistes (le bimensuel Kangura dès 1990, la radio RTLM à partir de 1993).
Dès 1991 se structure une propagande qui ressort les slogans d’un prétendu
« plan de colonisation tutsi de l’Afrique centrale 17 » et qui suggère sans ambages
le recours à la machette : « l’ennemi est parmi nous », « la nation est artificielle,
l’ethnie est naturelle », « un cancrelat ne peut pas donner naissance à un
papillon », « vaincre définitivement les cancrelats 18 »… Dans le pays, les
pogromes se multiplient en 1991, 1992 et 1993, chaque fois avec la caution
active des autorités locales, les plus graves ayant lieu au Bugesera en mars 1992.
En même temps l’état-major procédait à une « identification de l’ennemi »,
incluant tous les Tutsi, les « Hutu mécontents », « les étrangers mariés aux
femmes tutsi » et, dans la foulée, « les peuplades nilo-hamitiques de la région 19 ».
Cette contradiction pouvait-elle échapper à l’attention des diplomates et des
militaires français présents sur place ? Comment ignorer les « dix commandements du Hutu » diffusés par Kangura en décembre 1990, dans son numéro 6,
portant au verso le portrait de François Mitterrand accompagné de la devise
« Les vrais amis sont reconnus dans les difficultés 20 » ? L’ambassadeur Georges
Martres n’y avait vu qu’une façon de « ressusciter les haines ancestrales contre
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la féodalité tutsi 21 ». L’attaché de Défense René Galinié redoutait pourtant
dès le 24 octobre 1990 « l’élimination physique, à l’intérieur du pays, des
Tutsis – 500 000 à 700 000 personnes – par les Hutus, 7 millions d’individus 22 ».
La Mission parlementaire conclut que « la diplomatie française n’a pas fait
une analyse suffisante des arguments, des méthodes et de l’idéologie de
ceux qui, dans le gouvernement rwandais et dans l’akazu, refusaient a priori
tout accord avec le FPR et poussaient au massacre des Tutsi et des Hutu
modérés. La menace d’un possible génocide a été sous-estimée, alors que se
multipliaient dans la plupart des partis politiques, des branches extrémistes
ouvertement racistes 23 ».
Ce constat conduit à s’interroger sur la justification du renforcement d’une
aide qui allait en fait à l’encontre de l’ouverture souhaitée. Mais les pistes
ouvertes il y a dix ans sur les niveaux de collaboration avec l’armée et la
gendarmerie, sur les entraînements de miliciens dans le cadre de « l’autodéfense civile », sur la chronologie des livraisons d’armes, laissèrent beaucoup
de questions sans réponses suffisantes 24. Les apports d’autres enquêtes menées
depuis lors ont changé la donne, en particulier les instructions conduites par
le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) d’Arusha, les nouveaux
témoignages de Rwandais ou de Français 25, les documents collectés à Kigali
par la Commission Mucyo, par exemple sur l’activité du Centre de recherches
criminelles et de documentation en 1992-1993 26. Cependant les auditions
15. Sur la situation de 1990 à 1994, voir J.-P. Chrétien, « La crise politique rwandaise », GenèveAfrique, 1992, vol. 30, n° 2, p. 121-140 ; G. Prunier, Rwanda. 1959-1995. Histoire d’un génocide, Paris,
Dagorno, 1997.
16. AN, vol. 1, p. 121.
17. Ce « plan », inventé dans des cercles politiques au Congo dans les années 1960 et repris par la
Sûreté rwandaise dans les années 1980, fonctionne avec la même logique raciste que les Protocoles
des Sages de Sion.
18. J.-P. Chrétien (dir.), Rwanda : les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995.
19. A. Des Forges, Aucun témoin…, op cit., p. 79.
20. Politique africaine avait signalé très tôt ce document : J.-P. Chrétien, « “Presse libre” et propagande
raciste au Rwanda. Kangura et “les 10 commandements du Hutu” », Politique africaine, n° 42, juin 1991,
p. 109-120.
21. Note du 17 décembre 1990 (AN, vol. 1, p. 135)
22. Ibid., p. 134.
23. Ibid., p. 187.
24. Le capitaine Barril, qui travaillait depuis plusieurs années pour la famille Habyarimana, n’a pas
été auditionné malgré le dossier joint en annexe (AN, vol. 2, p. 569-589).
25. Comme celui du gendarme Thierry Prungnaud sur France Culture en avril 2005.
26. Rapport de la commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves montrant l’implication
de l’État français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994, Kigali, novembre 2007, p. 78-80.
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de 1998 révèlent que certains acteurs importants s’étaient très tôt interrogés
sur le sens de leur mission, tel le général Jean Varret, chef de la Mission
militaire de coopération de 1990 à avril 1993 : « À la suite de divers attentats,
la gendarmerie rwandaise avait demandé, avec l’appui de l’ambassadeur,
une formation d’officier de police judiciaire, afin de pouvoir mener efficacement des enquêtes intérieures… Il n’avait envoyé que deux gendarmes
car il s’était vite rendu compte que ces enquêtes consistaient à pourchasser les
Tutsis, ceux que le colonel Rwagafilita appelait la “cinquième colonne” 27. »
Le fond du problème n’est pas d’ordre militaire, il est politique. Il réside
dans les options des instances suprêmes de la politique française en Afrique,
c’est-à-dire, à l’époque, au niveau du président Mitterrand et de ses conseillers
civils et militaires. Leur grille de lecture est simple : le conflit rwandais oppose
frontalement deux ethnies : les Hutu, étant majoritaires, incarnent la démocratie ;
la minorité tutsi n’est qu’un segment d’une population nilotique venue
d’Ouganda. Ce discours africaniste hérité du XIXe siècle, celui de l’idéologie
de l’infanterie de marine et des administrations coloniales, traduit un mépris
total à l’égard des travaux des chercheurs spécialistes de la région 28.
Il aboutit à privilégier une arithmétique ethnique au détriment d’une
véritable analyse sociale et politique. C’est ainsi que l’opposition intérieure
au Rwanda (dont « la vitalité » a été pourtant le moteur de la démocratisation
« plutôt que les pressions exercées par la France 29 ») est négligée et que les
accords d’Arusha sont perçus avec suspicion comme un traité inégal au
profit du FPR. Dans la même ligne, Paris s’obstine jusqu’au 6 juillet à reconnaître comme légitime le gouvernement extrémiste issu du putsch mené par
un comité militaire les 7 et 8 avril 1994, le génocide est traité comme une
guerre civile ordinaire opposant deux ethnies et l’opération Turquoise est
organisée sur la base d’un principe de neutralité entre un « Tutsiland » et un
« pays hutu », respectant chaque « camp » et permettant aux autorités génocidaires de se retirer en bon ordre au Zaïre. Aucun intérêt n’a été porté aux
officiers dissidents qui se sont exprimés contre le génocide le 12 avril, puis
le 6 juillet 30. En revanche, début avril 1994, la France avait milité au Conseil
de sécurité pour intégrer au processus de paix le parti raciste Coalition pour
la défense de la République (CDR) : autrement dit, « le peuple hutu » était
censé être naturellement représenté par les auteurs du génocide !
Cette vision s’accordait parfaitement avec les slogans du « gouvernement
intérimaire », qui présentait les massacres organisés contre les Tutsi et les
opposants hutu comme une « colère populaire » fondée sur de vieilles animosités
ethniques. Le schéma courant, selon lequel les acteurs africains seraient
de simples pions entre les mains de l’impérialisme, néglige les calculs de
ceux-ci, leur habileté à répondre aux attentes des partenaires européens. Dans
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le jeu de miroir entre Paris et Kigali de 1990 à 1994, bien malin qui tranchera
pour savoir qui a le mieux manipulé l’autre 31.
Mais la simplification ethnique était aussi un modèle confortable pour
Mitterrand, qui était surtout hanté par la menace anglophone. Déjà en 1957,
alors qu’il était ministre de la Justice, invité aux festivités de l’indépendance du Ghana, il disait à un journaliste britannique : « Tous les ennuis que
nous avons eus en Afrique occidentale française n’ont rien à voir avec un
désir d’indépendance, mais avec une rivalité entre les blocs français et britannique 32. » Trente-quatre ans plus tard, au Rwanda, un siècle après Fachoda,
l’obsession était la même… La thèse délirante d’un complot ougandais fédérant
les ambitions d’un « empire tutsi » et d’une expansion anglo-saxonne, relayée,
semble-t-il, par des services de « renseignement » français (qui qualifiaient
par ailleurs le FPR de « Khmers noirs »), s’étale officieusement dans des médias
de l’Héxagone au printemps de 1993 33. Elle a manifestement perduré.
Le début du XXIe siècle : crispations
et logiques de déni
La « Mission d’information » visait à refermer la plaie. Elle répondait en
fait à la prise de conscience d’un échec majeur en Afrique. Après le génocide,
Paris s’était refusé à coopérer avec le nouveau régime, tout en gardant des
relations avec les groupements d’exilés hutu en Europe et au Zaïre. C’était au
27. AN, vol. 1, p. 278.
28. Sur « les vues “ethnicisantes” de l’Élysée », voir J.-F. Bayart, « Bis repetita : la politique africaine
de François Mitterrand de 1989 à 1995 », in S. Cohen (dir.), Mitterrand et la sortie de la guerre froide,
Paris, PUF, 1998, p. 251-286. Voir J. Lacouture, Mitterrand. Une histoire de Français, Paris, Le Seuil, 1998,
t. II, p. 462-463, où l’on découvre les Hutu et les Tutsi en équivalents d’un tiers état gaulois et d’une
aristocratie franque !
29. AN, vol. 1, p. 341.
30. Voir A. Des Forges, Aucun témoin…, op. cit., p. 799-801.
31. Certaines émissions de la RTLM, en plein génocide, révèlent clairement ce type de calcul :
par exemple le 18 mai, il est demandé que, pour faciliter une éventuelle intervention française,
on ne voie plus de cadavres au bord des routes. Voir aussi A. Des Forges, Aucun témoin…, op. cit.,
p. 762-763.
32. M. Brot, « Mitterrand et l’Afrique en 1957 : une interview révélatrice », Politique africaine, n° 58,
juin 1995, p. 52.
33. L. Coret et F.-X. Verschave (dir.), L’horreur qui nous prend…, op. cit., p. 353-362. Selon Colette
Braeckman (, 2 février 2008), en mai 1994, le général Quesnot, conseiller militaire de
François Mitterrand, dénonçait aussi « l’ambition du président Museveni et de ses alliés de constituer
un “Tutsiland” avec l’aide anglo-saxonne » et s’inquiétait de « l’arrivée au pouvoir d’une minorité dont
les buts et l’organisation ne sont pas sans analogie avec le système des Khmers rouges ».
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fond un pari de l’échec : le Rwanda, vidé de ses habitants après « les génocides 34 », ne serait que la proie momentanée d’une minorité. Le retour massif
des réfugiés à la fin de 1997 et la chute du régime Mobutu, sur lequel la
France s’était appuyée dans la région, ouvrirent d’autres perspectives. Comme
le disait Jean-François Bayart lors d’un colloque au Ceri en 1997, « la France
n’a pu éviter la victoire du FPR, s’est aliéné cet acteur qui se révélera être
quelques années plus tard un protagoniste majeur de la crise zaïroise, s’est
discréditée comme arbitre dans l’ensemble de la région et s’est trouvée
compromise, à son corps défendant, dans un génocide. La perte sèche d’influence est impressionnante 35 ».
Or le rapport parlementaire ne fut pas suivi de mesures significatives.
La « cohabitation » Mitterrand-Balladur de 1994 bloquait droite et gauche
dans la même gêne face à ce problème. Contrairement au président américain
Clinton en mars 1998 et au Premier ministre belge Verhofstadt en avril 2000,
la France s’est refusée à toute excuse publique. Le 7 avril 2004, le secrétaire
d’État Renaud Muselier est pris à partie à ce sujet lors des cérémonies de
commémoration à Kigali. Il quitte précipitamment le pays. Il faut attendre
le 14 avril 2005 pour que l’ambassadeur Dominique Decherf inaugure une
plaque en hommage aux employés de l’ambassade tués en 1994 et à toutes
les victimes du génocide. C’était sans compter sur la mobilisation en France
de tous ceux qui n’avaient rien appris, ni rien oublié et qui tenaient à justifier
la politique suivie entre 1990 et 1994, comme on va le voir.
Les passions se sont réveillées au moment du dixième anniversaire, en
fonction de plusieurs facteurs. D’abord, les procédures judiciaires ont progressé
depuis le début des années 2000. Les instructions du TPIR visent désormais
les noyaux durs de l’organisation du génocide (médias, militaires, dirigeants
de la préfecture de Butare, etc.) : la condamnation en décembre 2008 de
Théoneste Bagosora et d’autres officiers ayant joué un rôle majeur dans la
perpétration du génocide a, de ce point de vue, une valeur emblématique 36.
Ces militaires n’étaient pas inconnus de leurs homologues français des
années 1990. D’autre part, d’avril à juin 2001, un procès retentissant se tient
devant la cour d’assises de Bruxelles contre quatre Rwandais qui s’étaient
enfuis en Belgique, alors qu’en France les procédures engagées contre plusieurs
suspects n’ont toujours pas abouti. En mai 2006, la France a été condamnée
par la Cour européenne des droits de l’homme pour la lenteur de sa justice
(neuf ans) dans l’examen d’une plainte déposée contre l’abbé Wenceslas
Munyeshyaka. Au même moment, la cour d’appel de Paris déclarait recevables
les plaintes de quatre rescapés contre des militaires français.
Et enfin les investigations sont relancées : en mars 2004, un collectif d’ONG
animé par l’association Survie organise une semaine « d’enquête citoyenne 37 ».
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La thèse de l’utilisation du Rwanda comme terrain d’expérience de la doctrine
de « la guerre révolutionnaire » y est posée 38. Le journaliste Patrick de SaintExupéry, dont les observations sur le terrain au moment de l’opération
Turquoise recoupent celles de l’enquête de Human Rights Watch et de la
Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) 39, s’interroge
sur les milliers de Tutsi qui ont résisté dans la brousse de Bisesero (près de
Kibuye) et ont été laissés à leur triste sort du 27 au 30 juin 1994 40. Par ailleurs,
des chaînes de télévision diffusent des documentaires critiques sur le rôle
de la France : Tuez-les tous, de Raphaël Glucksmann, David Hazan et Pierre
Mézerette (FR3 en novembre 2004), et Kigali. Des images contre un massacre,
de Jean-Christophe Klotz (sur Arte en novembre 2006). En 2008, Shooting dogs
de Michael Caton-Jones et Sometimes in April de Raoul Peck sortent sur Arte,
puis Opération Turquoise d’Alain Tasma sur Canal Plus.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Un véritable travail de brouillage
de mémoire est mené à chaque période de commémoration. Des réunions
consacrées à une « relecture » du génocide de 1994 sont organisées dans
des lieux a priori respectables, en exploitant la complaisance ou la naïveté
de responsables politiques ou culturels : le Sénat en avril 2002, la Sorbonne et
le Trocadéro en avril 2004, la Maison de la Radio en avril 2005, l’Assemblée
nationale en décembre 2006, de nouveau le Sénat en octobre 2007. S’y côtoient
des personnalités défendant avec plus ou moins de virulence les thèses
officielles (ou supposées telles) sur le fait que l’action de la France aurait été
strictement humanitaire et défensive, mais aussi des partenaires étrangers
ouvertement révisionnistes face à 1994 et des anciens notables des régimes
Habyarimana et Mobutu 41.
Les thèmes dominants de ces conférences, fiévreusement répercutés ensuite
sur des sites spécialisés du Net, sont bien ficelés : dans la guerre civile rwandaise, les « massacres interethniques » ont fait des victimes des deux côtés
34. Au sommet de Biarritz (novembre 1994), Mitterrand emploie ce pluriel.
35. Cité par P. Marchesin, « La politique de la France en transition », Politique africaine, n° 71,
octobre 1998, p. 93.
36. TPIR, Case n° ICTR-98-41/T, vs. Théoneste Bagosora, Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze,
Anatole Nsengiyumva, Judgement and sentence, 18 décembre 2008.
37. L. Coret et F.-X. Verschave (dir.), L’horreur qui nous prend…, op. cit., 2005.
38. Voir G. Périès et D. Servenay, Une guerre noire…, op. cit., 2007.
39. A. Des Forges, Aucun témoin…, op. cit., 1999, p. 788-790.
40. P. de Saint-Exupéry, L’Inavouable, Paris, Les Arènes, 2004.
41. Voir J.-P. Chrétien, « Dix ans après le génocide des Tutsis au Rwanda. Un malaise français ? »,
Le Temps des médias, n° 5, automne 2005, p. 59-75.
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et ce que le monde appelle « génocide » n’en serait qu’un épisode ; la colère
« spontanée des Hutu » serait compréhensible (et, ici, l’argumentaire va jusqu’à
suggérer que la vulgate raciste d’un autre temps sur « la fourberie tutsi »
ne serait pas fausse) ; la justice internationale serait partiale ; en dernière
instance, le FPR serait le responsable du génocide des Tutsi et il couvrirait en
fait un complot anglo-saxon de domination de l’Afrique centrale ; enfin,
ceux qui ne partagent pas cette vision ne seraient que des valets du FPR
ou des États-Unis. On assiste au retour d’un discours sur « l’anti-France ».
Dénoncer la logique du génocide signifierait adhérer à la politique de
Paul Kagame, selon un partage du monde grotesque entre un camp « prohutu » et pro-français et un camp « pro-tutsi » et pro-américain, certains
ajoutant pro-israélien 42.
Parmi les militants de cette cause, on trouve d’anciens militaires des
opérations rwandaises, qui ont créé en août 2004 l’association FranceTurquoise, dont le site Internet est particulièrement virulent. Son animateur
est le colonel Jacques Hogard, ancien membre du Commandement des
opérations spéciales (COS) et qui fut responsable du groupement sud de
Turquoise. Outre son livre de témoignage 43, il multiplie les interventions
musclées : les massacres ordonnés par le régime hutu en place en 1994 relèveraient d’un « ordre de conduite », c’est-à-dire, en termes militaires, d’un
simple ajustement tactique, alors que la « planification » du génocide serait
le fait du FPR, calculant son arrivée au pouvoir par la violence 44 ; derrière
« le petit Rwanda, avec à sa tête Kagamé, l’élève de Museveni qui tend
à dépasser son maître », il voit « l’ombre des États-Unis, du Royaume-Uni et,
je le crois aussi, d’Israël 45 ».
Tout se passe comme si la défense compréhensible de l’honneur de l’armée
devait passer par la justification rétrospective d’une politique. Mais surtout
la « théorie du complot » apparaît comme le fil conducteur de ces positions 46.
L’histoire est reconstruite a posteriori selon une téléologie unique, en gommant les incertitudes et les contradictions de chaque étape du processus qui
s’est cristallisé dans le génocide.
La sensibilité à cette idéologie est présente aussi bien à droite qu’à gauche :
Dominique de Villepin ou Bernard Debré et Hubert Védrine se trouvent
sur la même longueur d’onde ; Valeurs actuelles s’en prend avec la même
véhémence à l’émission de télévision sur Turquoise que le site Bakchich 47 au
procès fait par SOS-racisme à Pierre Péan pour avoir écrit que « la culture
du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis,
et dans une moindre part, par imprégnation chez les Hutus 48 ».
Le souverainisme français et l’altermondialisme anti-yankee se donnent
en fait la main. Le colloque tenu au Sénat en octobre 2007 se plaçait sous les
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133 France et Rwanda : le cercle vicieux
auspices du club « Démocraties » du général Henri Paris, d’orientation gaulliste
de gauche. Et de même, les sites « alternatifs »
ou , créés en 2001 et 2006 pour livrer « les vérités
non dites » sur la politique américaine au Proche-Orient, publient des textes
qui, bien au-delà d’une critique normale des dérives de G. W. Bush, s’emploient
à critiquer le « mythe manichéen de la Deuxième Guerre mondiale 49 », à
attribuer à la CIA les attentats de Bombay, à dénoncer le « lobby Sarajevo »
anti-serbe et à cultiver le déni face au génocide des Tutsi.
L’affaire rwandaise devient un révélateur d’antagonismes qui la dépassent.
Le ferment anti-américain et anti-anglais de cette littérature rappelle moins
l’ambiance de Fachoda que celle de Mers-el-Kébir. Cette haine s’exprime
depuis des années dans les positions du mouvement « Nouvelle Solidarité »,
qui dénonce Wall Street et la cour royale d’Angleterre avec des accents
gauchistes recouvrant une logique d’extrême droite : les Anglo-Saxons auraient
planifié l’extermination des Africains pour résoudre leurs crises. En juin 1997,
l’Institut Schiller, l’une des antennes de ce mouvement, diffuse un « Appel
au Premier ministre Jospin » affirmant « qu’un terrible génocide a été
déclenché en 1990 dans la région des Grands Lacs en Afrique par les milieux
financiers anglo-américains, utilisant les forces de Museveni de l’Ouganda,
de Kagame du Rwanda… ». En 1997, les disciples de Lyndon LaRouche, le
gourou de ce mouvement, ont réuni à plusieurs reprises les leaders rwandais
42. L’assimilation entre Tutsi et Américains inspire de nouveaux délires : sur le site de Marianne2
(13 février 2008), R. Hureaux (« Obama, un blanc déguisé en noir ») nous apprend que le nouveau
Président appartient à la famille des peuples pasteurs dits « nilo-hamitiques », dignes de la qualification que « De Gaulle appliqua aux Juifs, peuple sûr de lui et dominateur » ! « Les Tutsi juifs
de l’Afrique », cette vieille antienne de missionnaires du début du XXe siècle, est ressortie au service
de cette géopolitique raciale.
43. J. Hogard, Les Larmes de l’honneur. 60 jours dans la tourmente du Rwanda, Paris, Hugo et Cie, 2005.
44. RFI, 9 décembre 2006, émission « Géopolitique » de R. Labévière, « Thème : le Rwanda avec J. Hogard
et A. Guichaoua ».
45. Site de A. Chevaliéras, , interview du colonel Jacques
Hogard, « Rwanda : que justice soit faite ! Le chef des armées a-t-il trahi des officiers supérieurs
français ? », décembre 2008.
46. Voir P.-A. Taguieff, L’Imaginaire du complot mondial. Aspects d’un mythe moderne, Paris, Mille
et une nuits, 2006 ; R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986.
47. F. Pons, « La route piégée du Rwanda », Valeurs actuelles, 16 novembre 2007 ; Bakchich, 30 septembre et 10 novembre 2008.
48. P. Péan, Noires Fureurs…, op. cit., p. 41.
49. Selon la journaliste britannique Diana Johnstone (conférence tenue à la Sorbonne le 26 février 2003),
« Le Yankee n’accepte que l’humiliation totale de l’autre. Dès que les États-Unis veulent s’y
ingérer, tout dirigeant mal aimé devient “Hitler” et chaque répression d’une rébellion locale
devient “génocide” ».
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de l’émigration hutu, qui ont bu ces révélations comme du petit-lait 50. Nouvelle Solidarité n’a-t-elle pas fonctionné comme un Club de l’Horloge
au niveau international, avec les séquelles que l’on observe aujourd’hui ?
À Paris, l’acte qui a marqué une volonté officielle de réviser la lecture
du génocide de 1994 est d’ordre judiciaire : c’est l’enquête ouverte en 1998
par le juge antiterroriste Bruguière sur l’attentat du 6 avril, qui avait coûté aussi
la vie aux trois Français de l’équipage de l’avion. Indépendamment des
dysfonctionnements spécifiques de cette enquête (pas de déplacement sur le
terrain, confiance en des témoins liés à la logique du génocide ou bien fragiles 51),
l’ordonnance émise en novembre 2006 pose un problème de fond sur le génocide, en affirmant : « Le général Paul Kagame avait délibérément opté pour un
modus operandi qui, dans le contexte particulièrement tendu régnant tant au
Rwanda qu’au Burundi entre les communautés hutu et tutsi, ne pouvait
qu’entraîner en réaction des représailles sanglantes envers la communauté
tutsi qui lui offriraient le motif légitime pour reprendre les hostilités et s’emparer du pouvoir avec le soutien de l’opinion internationale 52. » Cette analyse
va à l’encontre des constats de la Mission parlementaire et ne s’y réfère
d’ailleurs pratiquement pas, sinon pour confirmer l’authenticité du témoignage écrit d’un ancien officier des Forces armées rwandaises (FAR) sur l’identification de lance-missiles censés avoir servi pour l’attentat du 6 avril 1994 53.
Le travail d’une instance nationale de ce niveau devait-il être ainsi écarté ?
Possibilité d’une ouverture en Afrique
des Grands Lacs ?
L’ordonnance Bruguière, orchestrée médiatiquement depuis 2004 54 et
suivie par l’émission de neuf mandats d’arrêt contre des personnalités proches
de Paul Kagame, a mis de nouveau la France en première ligne d’un combat
contre le FPR. Le Rwanda a rompu aussitôt ses relations diplomatiques
avec Paris.
Le régime de Kigali est aussi partie prenante de ce malaise. La reconstruction de ce pays est un défi inouï. Différentes initiatives (arbitrages populaires
du gacaca, libération de la moitié des prisonniers pour raisons humanitaires
ou par le choix de la procédure d’aveu) ont tenté de répondre au besoin
de justice. Qu’on le veuille ou non, le régime fonde sa légitimité sur le génocide auquel il a mis fin. Mais la cohabitation des « victimes et des bourreaux »
sur l’espace rwandais 55 a induit aussi une contraction du temps, les « Sabra
et Chatila » des représailles ayant ici (mutatis mutandis) succédé de peu à
Auschwitz avec les crimes de guerre imputés à l’Armée patriotique rwandaise
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135 France et Rwanda : le cercle vicieux
(APR), notamment au Congo et au Rwanda dans les années 1996-1998 56.
En 2003, un referendum a mis fin à la période transitoire, Paul Kagame a été
élu à la présidence et le FPR a gagné la majorité au Parlement, avec des scores
respectifs de 95 % et de près 75 % des voix qui traduisent la nature autoritaire
du régime. Même si 50 % des membres du gouvernement dirigé par Bernard
Makuza sont hutu, l’option sécuritaire l’emporte. Elle remonte aux débuts
de ce pouvoir qui était confronté aux préparatifs de revanche des tenants
du « Hutu Power » depuis le Zaïre. Elle s’est traduite dans les interventions
militaires au Congo de 1996 à 1998, suivies de la participation au pillage
des richesses minières de ce pays. À l’intérieur, le contrôle policier est omniprésent, la presse censurée, et l’allergie à toute critique a été illustrée, par
exemple, par le refus de visa en décembre 2008 à la regrettée Alison Des
Forges, malgré son œuvre au service de la vérité sur le génocide 57.
Mais loin d’être affaibli par les mandats d’arrêt, Kagame a pu relancer la
dénonciation du rôle de la France dans le génocide : le rapport de la commission Mucyo, diffusé en août 2008, met en cause une vingtaine de personnalités
politiques et militaires françaises 58. Entre-temps, son chef du protocole, Rose
Kabuye, une des inculpées du juge Bruguière, a été arrêtée à Francfort et
mise en examen à Paris. Ce qui fut alors interprété comme un nouvel accès
de tension dans les relations franco-rwandaises a, en fait, permis de débloquer
50. L. LaRouche, « Viewing Africa’s current crisis from the vantage point of universal history »
(conférence tenue en Allemagne le 26 avril 1997, sur « la paix par le développement en Afrique
des Grands Lacs »), Executive Intelligence Review, mai 1997, p. 16-24. Le représentant en France de
ce mouvement, rebaptisé « Solidarité et progrès », est Jacques Cheminade.
51. Abdul Ruzibiza, un ancien lieutenant de l’APR, considéré comme un témoin clef, s’est rétracté
en novembre 2008. Manifestement traumatisé par le fait de ne pas avoir pu sauver les membres
de sa famille victimes du génocide et en froid avec le nouveau régime, il a signé un livre qui mêle
curieusement des narrations personnelles hésitantes et toute une documentation qu’il était censé
avoir en tête (voir A.-J. Ruzibiza, Rwanda. Histoire secrète, Paris, Panama, 2005).
52. J.-L. Bruguière, « Délivrance de mandats d’arrêt internationaux, Ordonnance de soit-communiqué », Tribunal de grande instance de Paris, 17 novembre 2006, p. 61. On notera que l’attentat n’a pas
déclenché de « représailles » au Burundi, car aucune autorité n’y a pris alors la responsabilité
d’un génocide.
53. Ibid., p. 35. La « page 256 » de AN, vol. 2, est citée (en fait p. 265). Mais il n’est pas tenu compte
du commentaire des rapporteurs sur les risques d’une désinformation (AN, vol. 1, p. 233-234).
54. Voir le dossier de « révélations » de S. Smith, Le Monde du 10 mars 2004.
55. Voir J. Hatzfeld, La Stratégie des antilopes, Paris, Le Seuil, 2007.
56. J.-P. Chrétien, « Dix ans après le génocide… », art. cit., p. 62 ; « Le Rwanda piégé par son histoire
», Esprit, août 2000, p. 170-189.
57. Voir , 31 décembre 2008 et 31 janvier 2009.
58. Voir P. de Saint-Exupéry, « France-Rwanda : œil pour œil », Libération, 13 août 2008.
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le dossier de l’instruction, apparemment à la satisfaction de Kigali et de
Paris 59. L’hostilité de la France a facilité ce qui était prédit : le Rwanda se
tourne de plus en plus vers les États-Unis et d’autres pays anglophones sur
le plan économique, il demande son entrée dans le Commonwealth et, depuis
octobre 2008, l’anglais est imposé à tous les niveaux de l’enseignement. Le pays
prend le large par rapport à son passé francophone 60 et retrouve sa logique
géoculturelle à l’est du continent. Dans une conférence de presse tenue à
Genève en novembre 2008 avec le président Compaore, Kagame paraphrase
Bob Marley : « Africans must stand up ! »
C’est sans doute la conscience de ces échecs, liée au déficit moral de la
France dans cette région d’Afrique, qui a conduit à une nouvelle approche :
au sommet européen de Lisbonne en décembre 2007, le président Sarkozy
rencontre Paul Kagame et évoque « les erreurs » commises lors du génocide ;
Bernard Kouchner se rend à Kigali en janvier 2008 après avoir récusé à Paris
la thèse du juge Bruguière 61 : « Je ne peux pas cautionner cette vision simpliste
et infamante qui fait des Tutsis les responsables de leur propre malheur,
pas plus que je ne peux supporter d’entendre certains défendre la thèse
d’un double génocide tutsi et hutu. Je sais que les ingrédients du drame étaient
réunis depuis longtemps. Et j’ai vu au Rwanda la réalité d’un génocide. »
Cela lui vaudra un nouveau pamphlet de Pierre Péan vitupérant contre son
« cosmopolitisme anglo-saxon 62 ». En avril 2008, Rama Yade participe à la
commémoration organisée par la communauté rwandaise de France.
Dans ses vœux au corps diplomatique le 16 janvier 2009, Nicolas Sarkozy,
constatant le voisinage de l’immense et riche Congo et du petit Rwanda
densément peuplé, suggère un « dialogue structurel » sur la manière de « partager les richesses ». Le même jour, le Rwanda et le Congo concluent un accord
à Goma mettant fin à la rébellion tutsi au Nord-Kivu et prévoyant une action
commune contre les rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de
libération du Rwanda (FDLR). Les initiatives du président Obama semblent
avoir été décisives dans le rapprochement en cours entre Kigali et Kinshasa.
Tout cela ouvre des perspectives fondées avant tout sur un pragmatisme
économique et social, avec l’espoir de sortir de l’obsession hutu-tutsi, sans
exclure l’hypothèse d’un grand marchandage fondé sur l’oubli des incriminations réciproques.
Face au génocide de 1994, les deux pays se sont enferrés dans un cercle
vicieux. En France, le débat prend aujourd’hui l’ampleur d’une potentielle
affaire Dreyfus. Tout se passe comme si le refus d’admettre les responsabilités politiques prises entre 1990 et 1994 supposait aussi dans certains milieux
le déni de la réalité du génocide. Or le négationnisme, consistant à minimiser,
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Politique africaine
137 France et Rwanda : le cercle vicieux
relativiser, « équilibrer », voire justifier la logique des acteurs rwandais du
génocide, est une impasse, source d’un malaise évident.
Au Rwanda, la mémoire des rescapés et la quête, sinon d’une réconciliation
difficile, du moins des normes d’une cohabitation possible, conduisent le
régime à rappeler et à tenter de prolonger indéfiniment sa légitimité initiale
en chargeant au maximum les étrangers, en l’occurrence la France, des responsabilités de la tragédie. Le génocide y apparaît donc aussi comme un enjeu
politique autant que moral et une source de stagnation. Kigali se voit renforcé
dans cette attitude par les soutiens fournis à des mouvements d’opposition en
exil qui croient possible de persister dans une logique de « Hutu Power ». Or
ce ne sont pas « les Hutu » en tant qu’entité qui ont commis le génocide, mais
c’est au nom du « peuple hutu » que des extrémistes ont agi, et il est clair que
le Rwanda ne pourra sortir de son propre cercle vicieux que sur la base d’un
effort de prise de conscience analogue à celui de l’Allemagne après 1945.
En fin de compte, le génocide de 1994 aura réussi tant que les Rwandais dans
leur ensemble seront piégés dans la peur, la vindicte et la bonne conscience,
mais aussi tant que leurs partenaires étrangers continueront de cautionner
l’amnésie ou l’auto-justification. Les réponses ne sont ni dans un « génocide
made in France 63 » selon une formulation extrême, ni dans un « génocide
made in USA », selon la mode révisionniste, mais dans la mise au clair des
différents niveaux concrets de responsabilité ou de complicité. En France, la
première exigence, vu la gravité des enjeux, serait d’ouvrir à une recherche
sérieuse les archives de François Mitterrand, aujourd’hui officiellement
fermées, mais, qui par des jeux d’indiscrétion ou de copinage, sont utilisées
ici et là depuis 2005, de façon partielle et sans rigueur scientifique par des
instances partisanes ou des journalistes dits d’investigation 64 ■
Jean-Pierre Chrétien
CNRS, CEMAf-Paris 1
59. Dépêche AP du 10 novembre 2008, « L’enquête sur l’attentat contre le président Habyarimana
relancée en France ».
60. L.-N. Tellier, « Le Rwanda et l’avenir de la francophonie », Le Devoir, Montréal, 18-19 octobre 2008.
61. B. Kouchner, « Renouer avec le Rwanda, respecter la vérité », Le Figaro, 26 janvier 2008.
62. P. Péan, Le Monde selon K., Paris, Fayard, 2009, p. 276. Voir F. Nouchi, « Le Rwanda, un oubli
français », Le Monde, 13 février 2009.
63. Pour reprendre le slogan d’un groupe militant, qui s’est fait connaître notamment par le procès
que lui a fait Hubert Védrine en novembre 2008 à la suite d’un affront public intervenu un an plus
tôt. Voir .
64. Le modèle en serait le geste de Mgr Decourtray, archevêque de Lyon, lorsqu’il ouvrit en 1989
à une commission d’historiens les archives de l’Église pouvant éclairer l’affaire Touvier.
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En hommage à
Alison Des Forges
Alison Des Forges, senior advisor de l’organisation Human Rights Watch
(HRW), rendue célèbre par ses remarquables recherches sur le génocide
de 1994 au Rwanda, a péri jeudi 12 février 2009 dans le crash de l’avion qui
la ramenait chez elle à Buffalo (États-Unis). La revue Politique africaine et
l’Association des chercheurs qui la soutient souhaitent partager avec ses
proches leur profonde tristesse et s’associer à l’ensemble de la communauté
scientifique peinée par cette brutale disparition pour lui rendre hommage.
Beaucoup de nos auteurs et de nos lecteurs ont pu sinon rencontrer et
apprécier personnellement cette femme admirable, du moins avoir l’occasion
de la lire, de la citer, voire de s’en inspirer – parfois même sans le savoir. Il est
vrai que cette historienne, qui avait rédigé sa thèse de doctorat sur la période
du règne du mwami Musinga au Rwanda (1896-1931), se manifestait peu dans
les revues scientifiques, tout attachée qu’elle était à son engagement en faveur
des droits humains dans les Grands Lacs, et ne courait pas après la gloire
académique. Ainsi, la signature éditoriale par les deux organisations ayant
soutenu les quatre années d’enquêtes de terrain préalables à la publication
en 1999 du livre Aucun témoin ne doit survivre (Leave None to Tell the Story) 65,
HRW-Africa et la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de
l’homme), occulte un peu la part éminente qu’Alison Des Forges a prise dans
sa réalisation. Cet ouvrage reste à ce jour une référence indispensable pour
les chercheurs travaillant sur l’épreuve (et la preuve) du génocide rwandais
et les nombreuses études parues sur le sujet ces dix dernières années lui
doivent souvent beaucoup. Les qualités de cette somme sont à l’image de
la rigueur méthodologique, du souci du témoignage mais aussi de la grande
humanité qu’a déployés sa principale auteure dans tous ses engagements.
Experte auprès de nombreux tribunaux (dont le Tribunal pénal international pour le Rwanda), sollicitée pour témoigner devant plusieurs commissions
d’enquête (Belgique, France, Canada), militant avec une égale détermination
en faveur de toutes les victimes d’injustices aussi bien au Rwanda que
dans les pays voisins (Burundi, République démocratique du Congo), ce qui
lui valut d’ailleurs de s’opposer au régime rwandais post-génocide ces dernières
années, Alison Des Forges incarnait le modèle d’excellence d’une universitaire
juste et engagée. Ses qualités scientifiques et humaines lui avaient valu une
reconnaissance internationale (prix Mac Arthur 1999) et de très nombreuses
amitiés dans les Grands Lacs, en Europe et en Amérique.
La rédaction
65. HRW et FIDH, Leave None to Tell the Story : Genocide in Rwanda, Washington, HRW-Africa, 1999,
ou en français, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Paris, Karthala, 1999.