Citation
L'an mil neuf cent
nonante-cing, le seizième jour du mois
de juin à 10.50 heures
devant nous, KAMANZI
Kibibi Inspecteur de police judiciaire
prés le Tribunal de Première Instance à
Kigali, nous trouvant à Kigali et y
résidant, Inspecteur de police
judiciaire à compétence générale
agissant en cette qualité en vertu des
articles 1 et 2 du Code de procédure
pénale,
dans le cadre de la
commission rogatoire internationale de
Monsieur Damien VANDERMEERSCH, Juge
d'instruction prés le Tribunal de
Première Instance de Bruxelles
(Belgique),
en présence de
Monsieur Damien VANDERMEERSCH, Juge
d'instruction près le Tribunal de
Première Instance à Bruxelles
(Belgique)
Monsieur Luc VER ELST-REUL, Substitut du
Procureur du Roi à Bruxelles,
Madame MOIJENS, Greffier du juge
d'instruction VANDERMEERSCH
se présente le/la
nommé (e)
GATSINZI Marcel, colonel BEM, né le 9
janvier 1948, à Nyarungenge-Kigali,
demeurant à Kigali
qui en qualité de témoin, nous déclare
ce qui suit, en langue de son choix,
J'étais affecté avant les événements à Butare, en tant
que commandant de l'école des Sous-officiers et
également commandant de la place de Butare.
J'ai quitté Butare le 7 avril 1994.
Le capitaine NIZEYIMANA était instructeur à l'ES0. Je
sais que le capitaine NYZEYIMANA et HIGANIRO
Alphonse étaient des amis, même de très grande amis.
Ils passaient des soirées ensemble. Ils provenaient
tous deux de la préfecture de GISENYI.
Je ne connais pas NTEZIMANA Vincent.
J'ai appris après les événements que le capitaine
NYZEYIMANA avait d'abord envoyé des militaires
chercher des gens et les arrêter et ces gens par après
ont été tués.
Le capitaine NIZEYIMANA aurait également envoyé son
lieutenant pour tuer la reine Rosalie.
D'aprés ce que j'ai appris il a participé activement
aux massacres.
Il devait peut-être avoir des responsabilités
importantes par rapport aux milices.
NIZEYIMAMA habitait le même quartier que moi à BUYE et
HIGANIRO habitait non loin. C'est le capitaine
NIZEYIMAMA qui organisait la défense de HIGANIRO, ce
dès avant le 6 avril. Cette protection était une
affaire privée qui n'avait pas été ordonnée par les
autorités militaires de Butare. Cela se passait en
dehors des structures. Normalement, le préfet, le
recteur de l'université auraient dû être les
premières autorités à jouir d'une telle protection.
EN fait d'ailleurs, la gendarmerie protégeait le
préfet, alors que pour HIGANIRO, il s'agissait de
militaires; La protection devait être le fait de
la gendarmerie et non de militaires.
NIZEYIMANA exprimait des sympathies MRND et même
plutôt CDR. Il recevait pendant le week end la visite
de responsables CDR, chez lui, je les ai vus venir chez
chez lui.
HIGANIRO, je ne le fréquentais pas. Je sais qu'il
était MRND. Il n'étais pas modéré.
KANYABASHI était bourgmestre à l'époque à Ngoma. Au
moment où je le connaissais c'était quelqu'un de
modéré.
Je n'ai pas entendu qu'il avait été impliqué dans les
événements.
À ma connaissance il n'était pas bien vu par certains
cadres du MRND parce qu'il n'était pas extrémiste. II
a même failli être emprisonné en octobre 1990.
C'était un ami à moi à l'époque.
Je n'ai pas entendu directement à la radio le discours
du président intérimaire du 19 avril ni la réponse de
KANYABASHI mais j'ai lu dans un journal de novembre,
décembre 1994 ou janvier 1995 que KANYABASHI avait
répondu au président en lui disant "le travail que
vous avez demandé, nous l'avons déjà commencé”
S'il l'a dit, c'était une réponse compromettante .
NDAYAMBAJE Elie, je ne le connais pas particulièrement.
Je sais qu'il était Bourgmestre de MUGANZA, avant de reprendre
ses études à l'université à cette époque.
Je connaissais le commandant HATEGEKIMANA. Il était
de Gitarama, pas du Nord. Je sais que par après durant
les événements, il a changé et les gens le
qualifiaient de "Power".
Il y a eu des gens qui étaient connus pour être modérés
avant les événements et dont les déclarations
extrémistes durant les événements m'ont étonné.
Il y avait même des gens qui avaient été menacés avant
les événements et qui ont viré à 180 degrés lors des
événements.
C'est une chose que nous avons nous-mêmes difficile à
réaliser et à intégrer.
J'ai appris par aprés que HATEGEKIMANA aurait été
actif dans les massacres.
Le 6 avril 1994, vers 21 heures, j'ai reçu un coup de
téléphone de la part de KANYABASHI ne demandant si
j'étais au courant de ce que le président était mort.
Il en voulait confirmation.
Je précise que vers 20.00 Heures, mon époose
téléphonait à Kigali, à sa grande soeur et que celle
ci a fait état d'une explosion et de bruits anormaux.
Après l'explosion elle a entendu des coups de feu, des
rafales de mitraillette.
Vers deux heures du matin, j'ai été appelé par le
Colonel BAGOSORA pour m'annoncer que je venais d'être
désigné comme chef d'était major ad interim de
l'armée. Nous avions entretemps êté informés par un
télégramme de ce que le Président et le chef d'état-
major étaient morts.
BAGOSORA m'a seulement dit cela. Nous n'étions pas
amis. Je lui ai demandé alors quelle était la
procédure qui avait été suivie pour me désigner alors
qu'il y avait d'autres officiers supérieurs plus
anciens que moi présents à Kigali et qui étaient au
courant de la situation dans Kigali,
Il m'a répondu que c'étaient les officiers qui étaient
en réunion à Kigali qui m'avait désigné. Il m'a alors
donné l'ordre de rejoindre Kigali pour six heures du
matin. Il y avait une réunion prévue à 8 heures du
matin avec les officiers de l'Etat-major et les
commandants de secteurs opérationnels.
Je lui ai dit que compte tenu de la situation, je ne
pouvais pas me déplacer la nuit. Il m'a dit de venir
quand même, me disant qu'il n'y avait rien, alors que
pourtant j'entendais des coups de feu à Kigali par son
téléphone. Je le lui ai fait remarquer. Il m'a dit
“alors venez à Huit heures". Je lui ai dit que cela
dépendrait de la situation qui prévaudrait à
Kigali.
Il a continué à insister pour que je vienne tôt et m'a
dit qu'il enverrait une escorte au delà de la
préfecture de Kigali pour m'escorter.
Je lui ai demandé quelle escorte. Il m'a dit que
c'était l'unité de reconnaissance basée ici, dans le
camp de Kigali.
Le matin j'ai télélphoné à Kigali, pour m'informer de
la situation et j'ai eu le major NZUMONEMEYE François
qui m'a répondu que la situation n'étais pas sûre,
qu'il falait attendre parce qu'il y avait des coups de
feu dans la ville.
Je téléphonais toutes les heures pour savoir la
situation. Il y a eu des cousp de feu jusqu'à l'heure
de midi.
Durant la matinée un capitaine de l'ESO, TWAGIRAMUNGU
Théophile a eu son épouse en ligne qui lui disait que
la situation était catastrophique, que les militaires
tiraient sur les maisons dans le quartier de
KIMIHURURA. C'étaient des militairs en uniforme qui
commettaient ces exécutions et exactions.
Dans l'après-midi, vers 14 heures, j'ai appris que la
situation était, meilleure et j'ai décidé de partir.
Entretemps, le président de l'assemblée nationale
(CND) avait été contacté par le doyen des ministres
qui était un MRND pour lui demander de devenir
président intérimaire. Le plus jeune frère du
Président HABYARIMANA ainsi que HIGANIRO ont également
|
demandé de faire partie du convoi. Ils sont partis
avec nous. HIGANIRO et le frère du Président étaient
accompagnés de leur famille. Le président A.I. était
seul.
Nous sommes arrivés vers 16.10 ou 16.15 heures. Il
n'y avait pas encore de barrière sur la route, ci ce
n'est des barrières normales. (militaires principalement Gd)
Par après, j'ai appris que le les autres commandants
qui se trouvaient en dehors de Kigali avaient été
cherchés en hélicoptère pour être à temps à la réunion
de 8 heures. J'en ai conclu que BAGOSORA voulait peut
être que je sois suprimé lors de ce trajet. J'ai été
pris sous le feu à l'entrée de Kigali. Il y a eu des
blessés parmi les militaires de l'escorte.
Je me suis rendu directement à l'état-major et j'ai
rencontré les officiers de faction. Je n'ai pas
rencontré BAGOSORA. Je ne l'ai vu que lors de la
réunion qui a eu lieu plus tard, dans la soirée du 7
avril.
Quand je suis arrivé, j'ai pris le commandement. Mais
je suis tombé dans la situation sans la connaître.
Nous avons remarqué par après qu'à ce moment tant le
ministre de la défense que le G2 (chef des
renseignements militaires) et le G3 (chef des
opérations) étaient à l'étranger. Normalement c'était
au chef des opérations de reprendre la situation en
mains.
Lors de la réunion du 7 au soir, j'ai ressenti des
antagonismes entre BAGOSORA et le reste de l'équipe
dnas le sens que BAGOSORA voulait assurer la
présidence du comité de crise alors que c'était un
comité militaire. Nous n'étions pas d'accord que ce
soit lui qui préside parce qu'il était militaire
retraité et qu'il était politique en tant que
directeur de cabinet. Nous voulions que ce soit le
militaire le plus ancien dans le grade le plus élevé
qui préside, soit NDINDILIYIMANA Augustin. Il était
là au cours de cette réunion. |
BAGOSORA a fait valoir qu'en tant que représentant du
ministre coiffant le deux forces, l'armée et la
gendarmerie, il devait avoir la présidence, chose que
la réunion lui a refusée cathégoriquement .
Il s'est alors attaqué personnellemt à certains
officiers tels que le colonel RUSATIRA Léonidas en
disant que lorsque RUSATIRA lui-même était chef de
cabinet de Ministre de la défense, il avait priorité
sur les chefs d'état-major. Nous avons fait remarquer
qu'a ce moment là c'était le ministre lui-même qui
déléguait son chef de cabinet. Î
C'est finalement NDINDILIYIMANA qui a présidé la
réunion. BAGOSORA a boudé la réunion sans y participer
activement.
Les conclusions de la réunion avaient été de voir
comment remettre de la discipline au sein de la Garde
présidentielle et de faciliter le contact entre le
membres du haut gouvernement et les hommes politiques
et le FPR par l'intermédiaire de la MINUAR pour
constituer un gouvernement de transition dans le
cadre de l'application des accords de paix
d'Arusha.
C'était normalement au chef de cabinet du Ministre de
la défense qui devait assurer le lien entre le commandement militaire les
différentes instances politiques et gouvernementales
et donc d'assurer l'application des conclusions de la
réunion. L'état-major n'a pas de contact direct avec ces instances.
Aprés cette réunion, Bagosora est sorti faché
Le lendemain matin, NDINDILIYIMANA nous à convoqué à
une réunion pour nous dire que BAGOSORA avait réuni
les autorités politiques pour constituer un
gouvernement intérimaire.
Au cours de cette réunion, BAGOSORA est arrivé avec
les membres de ce gouvernement et nous nous sommes
rendu compte qu'il avait lui-mêne choisi ces hommes et
que ce n'était pas du conforme aux conclusions de
la réunion de la veille.
Ce gouvenrement était essentiellement composé de
ministres MRND (9 ministres). Il y avait 9 autres
ministres des quatres partis MDR, PS, PL et PDC.
Nous avons été mis devant le fait accompli.
Dès le 8, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de
consensus entre le politique et le militaire et j'ai
dû constater que la situation sur le terrain
continuait, moi-même étant absorbé par les opérations
militaires qui avaient repris contre le FPR
Pour moi, au sujet des opérations à cette époque , il y
avait d'une part les opérations purement militaires
(guerre avec le FPR) et d'autres opérations exécutées
par les militaires dont la GP qui étaient l'exécution
d'un plan préétabli et qui était connu de réseaux
clandestins. Je n'avais aucune maîtrise sur ces
dernières opérations. Par contre, j'avais bien la
maîtrise sur les opérations militaires sur les lignes
de front.
C'était le commandant de la ville de Kigali qui avait
la responsabilité de ces unités pour la défense de
Kigali. Je l'ai interlpellé et il m'a dit qu'il ne
savait comment certains militiares étaient déployés
dans différents quartiers pour faire ces
exécutions.
Il a appelé alors par talkie walkie, le responsable de
la GP pour lui dmeander pourquoi ses militaires
étaient sortis en ville. L'autre a répondu qu'il avait
tous ses militaires à l'intérieur du camp.
La garde présidentielle avait deux missions, la
protection du président et la défense de son propre
camp qui s'insère dans le plan de défence globale. Il
était prévu par les accords d'Arusha qu'elle soit
dissoute et remplacée par une Garde Républicaine.
J'ai appris lontemps après lorsque j'étais à la
réorganisation school de Gako en décembre 1994, par
le colonel BAVUGAMENSHI, lors d'une conférence à Gako
que pour la défense des VIP en cas de repises des
hostilités, on lui avait dit qu'il n'avait pas à s'en
inquiéter puisque ces autorités seraient défendues
par les unités militaires stationnées sur place.
Ce qui concrètement veut dire que par exemple la
protection du Ministre Agathe UWINLINGIYIMANA aurait
dû être renforcée par les militaires du camp de
Kigali.
Tout ce que je sais c'est que des militaires ont
tué.
Nous avons appris par après Que BAGOSORA avait un
réseau radio à lui, parallélé au réseau militiare
normal. Dans ce réseau il avait le contact direct avec
la GP, le bataillon para-commando et le bataillon de
reconnaissance. Par ce réseau certainement qu'il a
dû donner des ordres à ces unités à l'insu des autorités
militaires.
Le colonel NDENGEYINKA qui était conseiller technique
au ministère de la défense nationale pourrait vous
confirmer cela.
Je me rapelle également que les deux états-majors de
gendarmerie et l'armée ont reçu un télégramme venant
du ministère de la défense nationale donnant ordre aux
deux états-majors de rappeler sous les armes les
officiers retraités depuis une certaine époque
(janvier 1993 ou janvier 1994).
J'ai su par après que cette mesure visait
principalement BAGOSORA, le colonel GASAKE et
d'autres.
On m'a fait signer ce télégramme qui ne contenait pas
de nom sans que je me rende compte des personnes visées
par cette mesure.
Après, j'en ai discuté avec le chef d'état-major de la
gendarmerie qui m'a fait remarquer qu'il fallait un
arrêté ministériel pour cela. J'ai alors donné un
contrordre à la radio nationale.
Entretemps le FPR a fait savoir qu'il ne reconnaissait
pas le gouvernement intérimaire. Avec plusieurs
Officiers de l'état-major, nous avons fait un
communiqué de presse à la radio, le 12 avril,
déplorant les massacres et proposant, par
l'intermédiaire de la minuar des pourparlers avec le
FPR pour arrêter cette tragédie rwandaise et voir comment
contribuer à la mise en place des accords d'Arusha.
Nous avons fait ce communiqué à l'insu du gouvernement
qui s'est montré rétiscent à donner suite aux
propositions faites dans ce communiqué. Grâce à
l'intervention du général NDINDILIYIMANA qui
soutenait ce communiqué, le gouvernement a finalement
accordé que le commandant militaire des FAR rencontre
celui du FPR.
Le 15 avril, la MINUAR a mis en contact les deux
délégations. J'étais le représentant des FAR. Nous
avons discuté. Le FPR a mis des préalables à la
discussion que nous devions étudier et nous nous
sommes convenu de nous rencontrer à une date
ultérieure. A priori nous étions d'accord avec les
préalables du FPR qui étaient d'arrêter les massacres
et la propagande incendiaire de dissoudre la GP,
d'annuler les actes posés par le gouvernement intérimaire.
Quand je suis revenu, j'ai fait rapport au
gouvernement intérimaire. Un jour après, j'étais
remplacé.
Dans le cadre du gouvernement intérimaire, BAGOSORA
continuait à occuper la fonction de chef de cabinet du
ministre de la Défense et il accompagnait toujours
le gouvernement intérimaire.
C'est la raison pour laquelle je ne l'ai plus revu
depuis le 8 avril au matin.
Il m'a téléphoné une seule fois pour m'annoncer le
transfert de l'argent de la banque nationale de Kigali
vers Gitarama.
Je lui demandé de qui venait l'ordre. Il m'a répondu
que, cela venait du gouvernement intérimaire et que
pour les détails de l'escorte le gouverneur de la
banque nationale me contacterait.
Cela devait se paser le 14 où le 15.
Lorsque le gouverneur de la banque nationale m'a
contacté, je lui ai demandé si la sécurité des fonds
serait assurée à Gitarama. Il était d'accord avec moi
que les fonds étaient plus en sécurité à Kigali mais
que c'étaient les ordres du gouvernement
intérimaire. En effet le Comdt militaire, sous les auspices de la MINUAR
étaient en négociation et j'espérais que celles-ci aboutiraient positivement.
Je lui ai dit de dire que les
militaires n'étaient pas en mesure d'assurer la
sécurité des fonds à Gitarama. J'ai ajouté qu'à mon
sens, il devait refuser lui-même.
À mon insu, BAGOSORA a donné l'ordre au commandant du
bataillon de reconnaissance de transporter des fonds
jusqu'à Gitarama.
J'ai l'impression que BAGOSORA s'imiscait dans les
affaires du gouvernement.
EN ce qui concerne NTUYAHAGA Bernard je peux
Simplement vous dire qu'il s'occupait principalement
des transports.
Audition terminée à 13.15 heures
Lecture faite, persiste |et signe, ,
Je jure que le présent PV est sincère.
L'inspecteur de Police judiciaire,