Fiche du document numéro 3838

Num
3838
Date
Samedi 25 juin 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
109602
Pages
2
Titre
Rwanda - L'élimination des intellectuels.
Nom cité
Cote
reutfr0020011106dq6p00x46
Source
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
CYANGUGU (RWANDA), 25 juin, Reuter - Au camp de réfugiés de Nyaruhishi - le premier à bénéficier de la protection des militaires français de l'opération Turquoise -, les intellectuels sont plutôt rares. Et pour cause.

Avant que les autorités rwandaises n'acheminent 8.000 Tutsis dans cette zone battue par les vents au milieu des plantations de thé du sud-ouest du pays, professeurs, médecins, intellectuels et membres des classes moyennes ont été emmenés.

On ne les a jamais revus depuis.

Dans tout le Rwanda, les milices extrémistes hutues, souvent appuyées par les autorités gouvernementales locales, ont désigné à la vindicte populaire des groupes professionnels - hutus ou tutsis - qu'ils soupçonnaient d'être favorables à une réconciliation nationale et à l'opposition.

A Cyangugu, dès les premiers massacres les Tutsis ont cherché à se réfugier auprès des prêtres de leur paroisse. Le préfet leur a alors conseillé, pour plus de sécurité, de s'abriter dans le stade de football. Quelque 10.000 personnes y sont alors été regroupées et ont reçu à trois reprises la visite du préfet hutu, Emanuel Bagambiki, accompagné de soldats et de gendarmes rwandais.

Les hommes ont été alignés et le préfet a fait une dernière sélection.

Il a dit qu'il recherchait des hommes avec des fusils, des radios, des partisans du Front patriotique du Rwanda (FPR), raconte une femme sous couvert d'anonymat.

Mais c'était un mensonge. Personne n'avait d'armes. Ils ont pris les professeurs et les médecins, les intellectuels, quiconque avait été à l'école. Nous n'avons jamais vu les corps mais nous savons qu'ils sont morts, ajoute-t-elle.


Pas entièrement rassurés




On ignore le nombre des disparus. Certains parlent de 5.000 d'autres de 300.

Une trentaine de parachutistes français sont désormais sur place pour assurer la protection des Tutsis du camp de Nayarushishi dans le cadre de l'opération Turquoise.

Leur chef, le colonel Didier Thibaut, a dès son arrivée convoqué le préfet, le chef de l'armée et celui de la gendarmerie locales pour leur demander de démanteler et dissoudre les milices et de faire leur possible pour faire baisser la tension.

Pressé par les journalistes, Emaniel Bagambiki a affirmé que les barrages routiers n'étaient pas tenus par des miliciens extrémistes et il en a même nié l'existence au Rwanda.

Tous les partis politiques au Rwanda ont des factions de jeunes. Mais vous devez comprendre qu'il s'agit d'un soulèvement populaire provoqué par la mort du président Habyaramana. Les exactions sont dues à la colère incontrôlable du peuple après l'assassinat de leur président adoré par le Front patriotique du Rwanda, a-t-il dit.

A une question sur d'éventuels massacres de Tutsis au stade, il a affirmé n'être au courant de rien.

La présence des parachutistes français ne parvient pas à rassurer complétement les réfugiés tutsis du camp.

Les milices sont déployées sur toutes les routes (...) Ceux qui vont chercher du bois ne reviennent jamais. Au moins dix personnes sont mortes ainsi, déclare un jeune homme en pointant du doigt les collines avoisinantes. /AP

(c) Reuters Limited 1994
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