Fiche du document numéro 35830

Num
35830
Date
Mardi 7 décembre 2010
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
1027712
Pages
16
Titre
Procès-verbal d'interrogatoire en application d'une demande d'entraide pénale internationale [Audition de James Kabarebe]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
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Nom cité
Nom cité
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Nom cité
Cote
D7762
Source
Fonds d'archives
PAT
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
RÉPUBLIQUE DU BURUNDI

PROCÈS-VERBAL
d' interrogatoire en application d'une demande
d'entraide pénale internationale
Le sept décembre deux mil dix à BUJUMBURA
Devant Nous, Monsieur Charles NDAGIJIMANA Officier du Ministère Public près
la Cour Suprême du BURUNDI
En présence de M. Marc TREVIDIC et Mme Nathalie POUX, Vice Présidents
Chargés de l'Instruction au tribunal de grande instance de Paris,
de Monsieur Stéphane OLIERIC, Capitaine de police à la SDAT
de Madame Diane NKURUNZIZA interprète en Français-Anglais
qui prête serment de remplir fidèlement la mission qui lui est confiée
de Maître Bernard MAINGAIN avocat choisi, qui a eu accès à l'entier dossier de la
procédure diligentée en France et a pu s'entretenir librement avec son client,
de Maître Jean-Marie MBARUSHIMANA, avocat au barreau du RWANDA qui a pû
s'entretenir avec son client
A comparu la personne, qui nous fournit les renseignements d'identité suivants:

Monsieur James KABAREBE
à Nyarugenge (Rwanda)
né le 23 décembre 1959
de Anamias RWAGITARE et de Rose NGANZI
adresse déclarée: KIGALI RWANDA P.O. Box 23 KIGALI
profession : Ministre de la Défense
situation familiale : Marié
nationalité : Rwandaise
VI. ÉVÉNEMENTS POUVANT ÊTRE RELIES A LA PRÉPARATION DE
L'ATTENTAT
A. SUR L'INTERDICTION DE SURVOL DU C.N.D.
QUESTION : Au mois de janvier 1994 a été prescrite l'interdiction de survoler les bâtiments du C.N.D. où nous savons que des forces de l'A.P.R. étaient cantonnées. Or, ces locaux se trouvant dans l'axe de la piste n°10 de l'aéroport de Kigali, les aéronefs devaient donc emprunter l'axe opposé les faisant passer par le secteur de Masaka. Selon le témoin Albert MUDENGE, après l'interdiction de survol, les avions ne pouvaient plus atterrir à Kigali en provenance de l'Ouest mais seulement en provenance de l'Est (D6937/12): que savez-vous des circonstances et des raisons de cette interdiction?

RÉPONSE : Je ne sais rien au sujet de cette interdiction, mais si c'est exact, cela n'a pu avoir lieu qu'avec l'accord des trois parties, la MINUAR, le gouvernement et l'APR .Je ne peux qu'imaginer mais peut-être que l'APR se sentait concernée par la possibilité de survol des avions au dessus du CND , étant donné qu'il y avait des VIP au CND .

B. MISE A L'ABRI ALLÉGUÉE DES RESPONSABLES

QUESTION : Amadou DEME, ancien officier de l'armée sénégalaise affecté en juillet
1993 au Groupe d'observation militaire neutre (GOMN), a expliqué qu'avant l'attentat
du 6 avril 1994, "les gens savaient qu'il allait se passer quelque chose mais ne savaient
pas quoi", ajoutant que "des politiques du FPR faisaient partir leurfamille" (D6938/3).
Ce témoin précisait: "Par exemple LIZINDE avait fait partir sa famille de Kigali. Il y
avait des personnes qui ont loué des chambres dans un hôtel juste derrière le CND, ce
qui leur permettait d'être protégées en cas de problème. Je peux vous raconter ce que
m'a dit KARENZI quatre jours avant le 6 avril. Tous les matins, à 6 heures 30, je
prenais mon petit déjeuner avec lui pour avoir des informations et quatre jours avant
le 6 avril il m'a annoncé qu'il allait rejoindre sa famille en Ouganda et qu'on n'allait
pas se voir pendant quelques temps. Je me suis dit qu'il allait se passer quelque chose
pour que le principal artisan du FPR à Kigali rejoigne la base arrière militaire du
FPR": est-il exact que des départs de membres du FPR ou de leur famille ont eu lieu peu
de temps avant l'attentat ?

RÉPONSE : Il y a eu beaucoup de gens du FPR et de leur famille qui sont restés à KIGALI qui auraient pu partir et qui ne l'ont pas fait : par exemple MUSARE qui était un membre important du FPR, il se trouvait au CND et des membres de sa famille qui se trouvaient à KICUKIRO , un quartier de KIGALI , ont été tués, après avoir été abandonnés par les militaires belges . La plupart des personnes qui ont été tuées à KIGALI à partir du 6 avril 1994 durant les 100 jours, étaient des membres du FPR et leur famille. Si le FPR avait été au courant d'une information pareille, ces membres du FPR auraient quitté KIGALI et seraient allés par exemple à MULINDI. Si LIZINDE a pris cette initiative de faire partir sa famille , c'est de sa propre décision ou peut-être avait-il des informations sur le génocide qui se préparait puisqu'il était connecté à l'ancien régime pour avoir été à la tête des services de renseignements.

QUESTION : Que savez-vous de la mission réalisée par des militaires belges le 6 avril
1994 et commandés par le lieutenant Thierry LOTIN ayant consisté à récupérer au CND
quatre ou cinq personnalités en civil puis à les amener dans le parc de l'Akagera
(D6271) ?

RÉPONSE : Je ne sais rien sur cette mission ; si elle a existé, c'est un détail qui est
peut-être connu du commandant du bataillon du CND .

C. LES TENTATIVES ET/OU RUMEURS D'ASSASSINAT

QUESTION : Avez-vous eu connaissance, avant le 6 avril 1994, de rumeurs relatives
à un ou plusieurs projets d'assassinat contre le président HABYARIMANA, voire
d'actions tentées en ce sens?

RÉPONSE : Il n'y avait pas de telles rumeurs autant que je sache . Je n'ai pas été au
courant de telles rumeurs.

QUESTION : Maurice NSABIMANA, fils de l'ancien chef d'état major de l'armée rwandaise décédé dans l'attentat du 6 avril 1994, a déclaré avoir appris de son père que, vers la fin février 1994, le président HABYARIMANA, qui se déplaçait par voie terrestre, avait échappé à une tentative d'attentat sur le boulevard de l'O.U.A. à Kigali, la voiture de la garde présidentielle ayant été atteinte par des projectiles à cette occasion (D4166-D5082-D5085). Que savez-vous de cet événement?

RÉPONSE : Je ne sais rien de cet incident. Mais comment un événement pareil aurait pu passer inaperçu , avec des projectiles sur le véhicule et n'être connu que de NSABIMANA et de son fils. Mais , puisque le nom de NSABIMANA a été cité, je souligne que j'ai appris par des ex FAR, hauts officiers qui ont intégré l'armée rwandaise , que NSABIMANA , alors chef d'état major de l'armée rwandaise, avait quitté le RWANDA pour se rendre en TANZANIE, le 6 avril 1994 avec HABYARIMANA alors qu'il n'est pas normal que ces deux personnalités circulent ensemble et aient quitté le Rwanda ensemble . Selon ces officiers des ex FAR, c'est HABYARIMANA qui a ordonné à son chef d'état major ,au dernier moment, de partir avec lui en Tanzanie.

QUESTION : Abdul RUZIBIZA a également mentionné quatre tentatives d'assassinat
du président HABYARIMANA.
Nous vous donnons lecture de l'intégralité des déclarations qu'il a faites en ce sens:
"Avant que l'attentat du 6 avril ne soit réalisé, il avait été tenté d'assassiner le
président HABYARIMANA. Cette première tentative avait eu lieu après les accords
d'Arusha, à KINIHIRA. Il avait été prévu une embuscade pour ouvrir le feu sur son
véhicule, mais l'opération en raison de mauvaises informations avait échoué. La
seconde fois en février 1994, le sergent GÂTERA de 1 'A. P. R. avait été envoyé à Kayonza
avec deux autres militaires pour effectuer la même mission. Il était armé de lance
roquettes, mais suite à une erreur de manipulation sur le "R.P. G. ", le coup n'était pas
parti. Le convoi était passé sans incident. La troisième tentative devait avoir lieu au
C.N.D., fin mars 1994 où un militaire le major Jacob TUMWINE avait émis le désir
d'abattre HABYARIMANA, mais cette opération se déroulant en public, l'ordre n'avait
pas été donné. La dernière tentative avait eu lieu je crois le 5 avril lorsque le président
HABYARIMANA était revenu du Zaïre" (D6674/8/9).
Emmanuel RUZIGANA corroborait d'ailleurs partiellement les déclarations de
RUZIBIZA en expliquant avoir eu personnellement connaissance "de l'opération du 5
avril", laquelle avait échoué car le président HABYARIMANA n'avait pas quitté
KIGALI ce jour là (D6748/6).
Sur ces propos, qu'avez-vous à dire?

RÉPONSE : J'ai déjà mentionné que RUZIBIZA est dérangé mentalement. Les quatre tentatives d'assassinat d'HABYARIMANA mentionnées par RUZIBIZA sont des inventions totales. Je pense qu'il a inventé ces histoires après avoir quitté le RWANDA . Son rang dans l'armée, sa fonction et sa localisation ne lui permettaient pas de savoir quoique ce soit des mouvements d'HABYARIMANA, de ses réunions avec MOBOTU.Quand HABYARIMANA est venu à KINIHIRA , il est arrivé peut être en hélicoptère et est reparti en hélicoptère et l'ambiance était excellente entre les services de sécurité . J'étais en charge de la sécurité de Paul KAGAME et Elie SAGATWA était en charge de la sécurité d'HABYARIMANA . Nous avons travaillé ensemble sur cette venue. Quant à la tentative à KAYONZA par trois militaires avec un lance-roquettes, cela est inconcevable et en pratique impossible .Comment trois soldats auraient pu aller dans une zone contrôlée par les FAR à plus de 100 kilomètres de la zone contrôlée par le FPR, même sans arme, alors que même un civil étranger de cette région serait repéré. RUZIBIZA dit que TUMWINE a proposé de tuer HABYARIMANA, pourquoi a-t'il renoncé ? Quant à la tentative du 5 avril , comment des personnes aussi insignifiantes que RUZIBIZA et RUZIGANA, auraient pu être informées du déplacement d'HABYARIMANA? Ils prétendent avoir des informations qui étaient au delà de leur compétence.

VII. LA COMMISSION DE L'ATTENTAT DU 6 AVRIL 1994

A- Les éléments ressortant des déclarations initiales d'Abdul RUZIBIZA et de
Emmanuel RUZIGANA

QUESTION : Abdul RUZIBIZA, a donné des détails devant la police et devant le juge
d'instruction sur la préparation et la commission de l'attentat, dans ses deux premières
auditions (D6617, D6674). Affecté, selon lui, au Network Commando, il a déclaré avoir
reçu l'ordre "de se rendre clandestinement le 26 février 1994, à Kigali" où il avait été
logé chez un vétérinaire tutsi Samuel Masabo KAYUMBA. A cette époque, a-t-il ajouté,
toute la ville de Kigali avait été infiltrée par des éléments de l'APR. Il avait, a-t-il
précisé, personnellement reçu pour mission d'effectuer "des repérages clandestins dans
le secteur MASAKA - KANOMBE - BUSANZA - GAHANGA et NDERA", ce qu'il
avait fait en motocyclette et avec la couverture d'agent agronome : avez-vous des
observations à faire à ce stade sur les déclarations de RUZIBIZA?

RÉPONSE : RUZIBIZA dit des mensonges sur lui-même . En premier lieu, il n'avait pas les qualités militaires qui auraient pu le faire choisir pour une quelconque opération militaire . Pour ne pas combattre, par lâcheté, il avait prétendu être infirmier, avoir eu une formation médicale . Ce n'était pas vrai . C'était pour ne pas combattre . Il s'est contenté de nettoyer des blessures, pas plus et il n'a été à KIGALI qu'à partir de 1995 . Avant cela, il n'avait pas quitté la zone de déploiement de sa compagnie . Il n'était donc pas un choix pour une opération militaire, l'APR avait tellement de meilleurs soldats, charismatiques, capables. Il dit qu'il s'est fait passer pour un ingénieur agronome , il ment sur lui-même, comme quand il disait être infirmier.

QUESTION : Il ressort des explications de RUZIBIZA qu'au sein du groupe 1 dont il
faisait partie, avaient été affectées des personnes qui connaissaient particulièrement
bien la région dans laquelle ils devaient opérer. Par exemple, Jean Bosco NDAYISABA
était originaire du secteur de MASAKA où habitait d'ailleurs sa famille, tandis
qu'Emmanuel RUZIGANA était originaire de la commune de RUBUNGO, au dessus
de NDERA. Abdul RUZIBIZA a d'ailleurs précisé que pour lui le meilleur site de tir
était celui de NDERA mais que c'est finalement le colonel LIZINDE qui avait choisi
le site de MASAKA : avez-vous des observations sur ce point?

RÉPONSE : Ce sont les mêmes mensonges de RUZIBIZA . Je ne sais pas qui est Jean
Bosco NDAYISABA, je ne sais pas d'où il vient. Nous avions tant de soldats qui
venaient de KIGALI et des alentours . Comment RUZIBIZA aurait pu choisir le site de
NDERA, alors qu'il n'avait pas quitté son lieu d'affectation qui n'était pas KIGALI
avant 1995 ? Quant à LIZINDE, on ne lui a jamais fait confiance sur quoique ce soit.

QUESTION : Selon RUZIBIZA, les missiles déposés au CND avaient été conservés
dans la chambre du major Jacob TUMWINE: avez-vous une observation à faire sur ce
point ?

RÉPONSE: Comme RUZIBIZA n'est pas venu à KIGALI avant 1995, comment auraitil pu identifier des missiles dans la chambre de TUMWINE ? Comme je l'ai dit, l'APR
n'avait pas de missiles et cette histoire de missiles peut donc être totalement écartée.

QUESTION : Pouvez-vous confirmer que Jacob TUMWINE était au CND le 6 avril?

RÉPONSE : Oui, il y était.

QUESTION : Abdul RUZIBIZA a encore expliqué que le 6 avril 1994, il avait rejoint
son poste de surveillance du côté de KANOMBE, MASAKA. Vers 17h30, il avait reçu
sur son Motorola, sur le canal 7 réservé aux membres de son unité, un message codé lui
indiquant de se rendre à "KOSOVO". Cela signifiait qu'il devait se rendre à NDERA,
dans une maison appartenant à la famille d'un certain Jean-Marie MUNYANKINDI, un
tutsi devenu par la suite directeur du centre sportif de Kigali et ami de Paul KAGAME.
Abdul RUZIBIZA précise qu'il avait été rejoint dans cette maison par Jean Bosco
NDAYISABA, Emmanuel RUZIGANA et un certain NGOMANZIZA : avez-vous des
observations à faire ou des précisions à apporter sur ce passage des déclarations de
RUZIBIZA?

RÉPONSE : RUZIBIZA aurait pu être un très bon acteur de film . Il continue à dire des
mensonges sur lui-même . Comment aurait-il pu être à 17h30 dans le secteur de
KANOMBE MASAKA alors qu'il n'est pas venu à KIGALI avant 1995? Il donne des
détails pour crédibiliser son histoire, le motorola, le mot codé Kosovo . Il dit que Jean Marie MUNYANKINDI est un ami de Paul KAGAME alors que ce n'est pas exact.

QUESTION : La mission des individus précités et d'Abdul RUZIBIZA lui-même, selon
les indications de ce dernier, était de "protéger l'équipe de tireurs composée de Franck
NZIZA et Eric HAKIZIMANA, eux-mêmes accompagnés de Patiano NTAMBARA qui
assurait leur "protection rapprochée" : avez-vous des observations?

RÉPONSE : Mes observations sont que tout ce que dit RUZIBIZA doit être rejeté sans
aucune considération ; que RUZIBIZA n'était pas à KIGALI avant 1995 et que tout ce
qu'il mentionne est donc complètement faux . J'ai vu le nom d'Eric HAKIZIMANA
dans la liste des gens que vous vouliez entendre ,nous avons cherché dans nos dossiers
parmi les militaires de l'APR de 1990 à aujourd'hui, qu'ils soient vivants ou morts et
nous n'avons trouvé aucun Eric HAKIZIMANA . Nous ne savons pas où RUZIBIZA
a trouvé ce nom.

QUESTION: Selon RUZIBIZA, le nommé Didier MAZIMPAKA avait convoyé les
deux missiles du CND à MASAKA. Il avait utilisé pour ce faire un véhicule de marque
Toyota Stout 2200 qui était utilisé "pour effectuer la sortie des poubelles du CND", ce
qui fait que les militaires de la MINUAR avaient l'habitude de le voir circuler. Les deux
missiles étaient disposés sous les détritus : avez-vous des observations ?

RÉPONSE : Je ne peux que rejeter tout ce que dit RUZIBIZA car il n'était pas à
KIGALI avant 1995. Comment saurait-il comment la MINUAR contrôlait tout ce qui
sortait du CND ? Didier MAZIMPAKA est aujourd'hui capitaine dans l'armée
rwandaise ; je ne sais pas si à l'époque, il était au CND ou non. Comment un chauffeur
pourrait-il sortir du CND tout seul avec des missiles dans un pick-up sous des détritus
?

QUESTION : Abdul RUZIBIZA poursuit sa narration en indiquant que le premier
missile avait été tiré par Eric HAKIZIMANA et le second par Franck NZIZA. Puis les
deux hommes avaient abandonné les lances-missiles et rejoint la route où Didier
MAZIMPAKA les avait récupérés pour rentrer au CND : avez-vous des observations ?


RÉPONSE : Le premier point est que l'APR n'avait pas de missiles. Le second point
est que RUZIBIZA n'est pas venu à KIGALI avant 1995. Le troisième point est qu'il
cite des gens comme HAKIZIMANA qui n'existent pas.

QUESTION : Emmanuel RUZIGANA a confirmé les propos d'Abdul RUZIBIZA devant Jean-Louis Bruguière avant de les infirmer devant nous (D6748). Dans sa première audition, il avait déclaré qu' il était infiltré à Kigali sous la couverture de conducteur de taxi collectif. Il recevait ses instructions, comme RUZIBIZA, du capitaine Hubert KAMUGISHA et c'est d'ailleurs ce dernier qui l'avait appelé, le 6 avril 1994, pour lui dire de se rendre au lieu-dit "KOSOVO", à savoir une maison située à NDERA, à trois kilomètres de KANOMBE, où il devait retrouver certains des autres membres du commando. Il confirmait également que le commando avait été posté au même endroit le 5 avril mais que l'opération avait été annulée et que le 6 avril, les autres membres du commando étaient arrivés dans une camionnette Toyota. Avez-vous des observations sur la similitude des déclarations de RUZIGANA et de RUZIBIZA?

RÉPONSE: Ces similitudes sont apparues quand RUZIGANA et RUZIBIZA se sont
rencontrés en Europe et se sont accordés sur ce qu'ils allaient dire. Je ne connais pas
d'Emmanuel RUZIGANA, ce devait être une personne insignifiante dans l'APR.

QUESTION : Emmanuel RUZIGANA a donné quelques précisions que l'on ne retrouve pas dans les déclarations de RUZIBIZA. Pour rejoindre son poste, a-t-il expliqué, il avait dissimulé son taxi à mi-chemin entre NDERA et MASAKA. Entre 18h30 et 19h, il avait rejoint la clairière qui était le lieu du site de tir et il devait s'assurer "par des vaet-vient permanents" que "personne ne se trouvait dans les parages". Si tel avait été le cas, il aurait dû en informer le lieutenant NZIZA ou Abdul RUZIBIZA par radio. Il avait d'ailleurs surpris deux conversations sur son Motorola entre Charles KAYONGA et le lieutenant NZIZA. Dans la première conversation, Charles KAYONGA informait le lieutenant NZIZA que l'avion était bien parti et qu'il "fallait faire le travail". Dans la seconde conversation, Charles KAYONGA annonçait à Franck NZIZA que l'avion qui approchait était bien celui du Président. Emmanuel RUZIGANA ajoutait sur ce point avoir su, après la guerre, que c'était un agent civil en poste à l'aéroport qui avait prévenu Charles KAYONGA de l'arrivée de l'avion : voulez-vous faire des observations sur tous ces éléments?

RÉPONSE : Tous ces éléments sont faux. RUZIGANA donne beaucoup de détails mais
ce n'est pas compréhensible. Il y en a un qui parle à l'autre sur le motorola et
RUZIGANA écoute tout. Il y a cet agent civil dont on ne connaît pas le nom et dont on
ne sait pas ce qu'il faisait à l'aéroport. Les déclarations de RUZIGANA sont
incomplètes et incohérentes et je rappelle que l'APR n'avait pas de missiles. Quand on
observe les dépositions depuis le début de RUZIBIZA et de RUZIGANA , on constate
qu'ils ont cité beaucoup de noms , beaucoup de lieux mais que quand on arrive vers la
fin, ils ne parlent plus de ces gens-là . Leurs dépositions deviennent inconsistantes,
incohérentes.

B - Les mouvements de troupes

QUESTION: Si l'on en croit certains témoignages, la reprise des hostilités était prévue
avant l'attentat. C'est ainsi que le chef d'état-major des forces armées rwandaises, le
général Deogratias NSABIMANA avait fait part au colonel Luc MARCHAL mais aussi
à son fils Maurice NSABIMANA de sa crainte d'une reprise des hostilités en raison des
déplacements des troupes de l'APR et de la concentration massive de matériel tout le
long de la frontière rwando-ougandaise (D6281). Innocent SAGAHUTU, major des
FAR, faisait également état de ces déplacements de troupes de l'APR avant l'attentat
(D3500), tandis que selon Sixbert MUSANGAMFURA, l'APR était en alerte depuis le
3 avril 1994 (D6331). Les déclarations de Balthazar NDENGEYINKA, officier des FAR
jusqu'au 2 juin 1994 avant son ralliement à l'APR, allaient dans le même sens, à savoir
une situation de pré-alerte plusieurs jours avant l'attentat et un mouvement de troupes
rapide le 6 avril 1994 (D6732) : voulez-vous faire des observations sur ce point ?

RÉPONSE : En premier lieu, comment Deogratias NSABIMANA peut parler à Maurice
et à Luc MARCHAL de cela. Maurice n'était rien dans l'armée . En second lieu, Luc
MARCHAL était responsable du bataillon de la MINUAR à KIGALI. S'il avait appris
ce genre de choses, il aurait fait un rapport à la MINUAR, ça faisait partie de son
mandat et sa responsabilité de faire des rapports sur les incidents et les violations du
cessez-le-feu . Il n'y a pas eu de tels mouvements de troupes de l'APR. A partir du
cessez-le-feu, l'APR est resté sur ses positions jusqu'au 8 avril 1994, date à laquelle
elle a décidé de stopper le génocide. Il n'y a pas eu de concentration massive à la
frontière ougandaise car sinon, la MINUAR l'aurait su, la MINUAR était partout, il y
avait les forces des Nations Unies à KIGALI mais également derrière nous à la frontière
ougandaise. Quant au soit-disant major Innocent SAGAHUTU faisant état de
mouvements de troupes, il faut savoir que dans chaque secteur de l'APR, se trouvaient
une composante de la MINUAR. Il existait une équipe de vérification composée des
FAR , de la MINUAR et de L'APR pour vérifier l'application du cessez-le feu. Quant
à Sixbert MUSANGAMFURA, c'était un civil ; comment aurait-il pu savoir quelque
chose sur des déplacements de troupe de L'APR. Balthazar NDENGEYINKA
était des FAR; comment aurait-il été au courant d'état d'alerte et de mouvements
concernant l'APR ?

C - Les messages radio

QUESTION : En novembre 1998, le journal Africa International publiait une interview
d'un radio amateur belge, M. Marcel GERIN, qui racontait avoir intercepté un message
d'un agent rwandais répondant à l'identification "Cobra 4" signalant l'arrestation de
paracommandos belges à sa base Cobra 1 ". Quelques minutes après, il avait entendu
"Cobra l'indiquer à quelqu'un sur les ondes "on a eu le grand". L'individu qui parlait
sous l'indicatif "Cobra 1" avait, selon Marcel GERIN, un "accent flamand" (D51).
Avez-vous des observations sur cette partie des déclarations de Marcel GERIN et le
nom de "Cobra" vous dit-il quelque chose ?

RÉPONSE : Cette histoire ne me dit rien, je n'ai jamais entendu parler de cela.

QUESTION : Marcel GERIN a indiqué qu'il connaissait déjà le nom de "Cobra" car il s'agissait de la dénomination d'une "société de sécurité qui s'occupait des transferts de fonds" (D51). Mme Espérance KARWERA MUTWE, ancienne conseillère en communication du président Juvénal HABYARIMANA a également mentionné l'existence d'une "société de sécurité et gardiennage appelée Cobra implantée dans le quartier de GIKONDO entre Kigali et l'aéroport". Celle-ci, selon elle, était gérée par des ressortissants belges et devait, après les accords d'Arusha, "assurer la protection des dignitaires du FPR installés au Rwanda". Cette mission de protection n'avait finalement pas eu lieu car les cadres du FPR étaient logés dans les locaux du CND avec le bataillon du FPR. Cependant, précisait Mme KARWERA MUTWE, elle avait appris "par le préfet de Kigali et le ministre de l'Intérieur ainsi que celui de la défense que la société Cobra était soupçonnée d'utiliser d'anciens militaires voire même des infiltrés du FPR" (D1905). Avez-vous des observations sur le rôle prêté à cette société Cobra ?

RÉPONSE : Je n'ai pas une seule information sur tout cela.

QUESTION : L'on retrouve ce nom de "Cobra" dans la déposition de Maurice
NSABIMANA précité, fils de Deogratias NSABIMANA, ancien chef d'état-major des
FAR. Maurice NSABIMANA a en effet indiqué ceci : "Il existe un document écrit par
Anselme NSHIZIRUNGU, militaire en retraite, selon lequel il signale que les blocages
en vue des accords d'Arusha viennent de la part de HABYARIMANA et qu'une des
solutions consistait à l'éliminer. Cette correspondance était adressée à un ancien
officier belge du nom de TULPIN, résidant en Afrique du Sud ... Il me semble que ce
TULPIN devait être un des actionnaires d'une société de gardiennage du nom de Cobra"
(D5085 et D5086). Le nom de TULPIN vous dit-il quelque chose ?

RÉPONSE : Rien. Je n'ai aucune information sur cette histoire.

QUESTION : Le professeur Philippe REYNTJENS a remis ce document apparemment
en date de fin février 1994, adressé, dit-il, à Camille TULPIN, de nationalité belge et
ancien chef de la Sûreté rwandaise à l'époque du Président Grégoire KAYIBANDA,
décédé accidentellement en Afrique du Sud (D6309/3, D6503) dans lequel il est
effectivement indiqué in fine : "Dans la pire des hypothèses, le mal rwandais ne
trouverait sa solution qu'en l'élimination physique du dictateur tueur qui va exterminer
toute l'intelligentsia de son peuple. Et tu nous aideras, j'en suis convaincu. J'aimerais
vous revoir dans ce beau pays une fois débarrassé du monstre" (D6361) : que savez-vous du colonel Anselme NSHIZIRUNGU?

RÉPONSE :Je crois qu'il s'agit d'un militaire à la retraite qui demeure à KIGALI mais
je n'en suis pas certain.

QUESTION : Saviez-vous que les FAR disposaient d'un station d'écoutes à Gisenyi
chargée d'interception des communications pouvant émaner de l'APR et du FPR ?

RÉPONSE : Je ne connaissais pas la station de GISENYI mais toute communication qui
n'est pas sécurisée peut être écoutée. Nous avions quelques postes sécurisés mais pas
tous. Ceux qui étaient sécurisés étaient les plus importants. Pour nos communications
nous tenions compte du risque d'être écouté.

QUESTION: L'APR disposait-elle pour sa part de moyens d'interception et d'écoutes ?


RÉPONSE : Pour ce qui est des communications en HF ou en VHF, c'est à dire non sécurisées, il suffisait de se mettre sur les mêmes fréquences. Pour autant que je sache,
nous écoutions les communications des FAR. A partir de 1990 nous avons utilisé des
ex-FAR qui avaient déserté et qui étaient spécialisés en communication pour chercher
les fréquences et écouter les FAR. Ces ex-FAR ont formé des militaires de l'APR par
la suite.

D - La découverte de missiles et les investigations ultérieures sur leur origine

QUESTION : Disposez-vous d'informations sur la découverte de deux tubes lance
missiles SAM 16, à une date se situant approximativement entre le 22 et le 25 avril
1994, dans le secteur de Masaka, présentés comme étant ceux qui auraient été utilisés
pour commettre l'attentat. ?

RÉPONSE : Je n'ai pas d'informations sur les découvertes de ces tubes lance-missiles.
Entre le 22 et le 25 avril 1994, les troupes du CND étaient toujours autour du CND et
les troupes de l'APR n'étaient pas encore arrivées dans le secteur de MASAKA qui était
toujours sous le contrôle des FAR. Nous n'avions pas de forces autour de MASAKA

QUESTION : Le journaliste américain Wayne MADSEN a publié, en septembre 2000, un article intitulé "L'ONU et le Canada seraient complices de dissimulations de preuves : les américains et le FPR ont planifié et lancé l'attaque contre l'avion d'HABYARIMANA" (D2188 à D2193). Or, dans cet article, il est mentionné notamment : "Des mercenaires européens, à l'emploi du FPR et des services de renseignement américains, auraient utilisé des entrepôts loués par une entreprise suisse pour planifier et déclencher les tirs de missiles contre le Mystère Falcon" (D2190 et D2191). De fait, le dénommé Christophe DICKEN VON OETINGER, gérant de société établi dans le canton de Zurich, a créé au Rwanda, en compagnie de l'ex-colonel des FAR Laurent SERUBUGA et de Messieurs Bertin MAKUSA et Pascal NGIRUMPATSE, une société de fabrication de tôles ondulées sous l'appellation "GUTTANIT" sise à Kanombe, au lieu-dit "La ferme de Masaka" (D5437). Selon les investigations réalisées en Suisse, il apparaît que la société GUTTANIT avait cessé ses activités le 7 février 1994, même si les entrepôts étaient encore théoriquement sous la surveillance du personnel (D5677). Avez-vous entendu parler de ces éléments et, en particulier, avez-vous des informations intéressantes sur les nommés SERUBUGA, MAKUSA et NGIRUMPATSE?

RÉPONSE : Il y a tellement de théories sur l'attaque de l'avion présidentiel. Il s'agit de l'une de ces théories mais je n'ai aucune information sur cela. Quant à l'allégation sur laquelle l'attaque aurait été menée par le FPR et les services américains ensemble, c'est faux.

QUESTION : On voit également apparaître Laurent SERUBUGA dans un projet
apparemment avorté, le 17 janvier 1992, d'achat pour le compte des FAR de missiles
sol-air et en particulier de missiles SAM16 (D6664 et D6665) et, pour être exhaustif,
on relèvera que Laurent SERUBUGA fait partie des gens accusés par Jean BIRARA
d'être à l'origine de l'assassinat du président HABYARIMANA (D2669 à D2673).
Connaissez-vous Jean BIRARA?

RÉPONSE : Oui je le connais, il a été ministrre des finances et de la planification
économique dans le gouvernement d'unité nationale en 1994. Il vit retiré dans sa
maison, il ne reçoit personne, même pas ses enfants. Il passe son temps à lire des livres.

E - Les témoignages indirects sur l'attentat et les témoignages ne portant pas
directement sur celui-ci mais impliquant le FPR

QUESTION : Nous avons déjà mentionné le témoignage d'Albert MUDENGE, prévenu par sa soeur de ne pas se rendre à Kigali le 6 avril 1994. Il avait voulu avoir, quelques temps plus tard, davantage d'explications sur ce conseil salutaire et avait appris de sa soeur que l'un des frères de son mari du nom de Jean Bosco NDAYISABA, membre de la DMI, en était à l'origine. Albert MUDENGE, relatant les propos de sa soeur, avait précisé, concernant l'attentat lui-même : "Elle m'a alors dit que c'est Jean Bosco NDAYISABA qui les avait avertis que l'avion du président devait être abattu le 6 avril au matin. Elle m'a précisé qu'en raison du brouillard sur la plaine de MASAKA ce matin-là, il avait été décidé d'abattre l'avion au retour. Ma soeur m'a également indiqué que le commando chargé de l'attentat s'était installé dans une maison de NDERA qui surplombe MASAKA et la villa du président à KANOMBE qui se trouve tout près de l'aéroport. Il s'agissait en fait de la maison des parents de Jean-Pierre, Jean-Marie et Jean Bosco, la famille MUNYANKINDI". Albert MUDENGE a également souligné que la maison de NDERA était pratique car "tous les fils de cette famille faisaient partie du FPR et connaissaient la zone" et que "c'était peut-être l'endroit le plus pratique pour se replier après l'attentat"(D6941/10) : voulez-vous faire des observations sur cette partie des déclarations de MUDENGE?

RÉPONSE : Je ne peux rien dire au sujet des déclarations de MUDENGE. Ce sont des
déclarations de seconde main. Il parle de ce que lui a dit sa soeur qui elle-même parle
de ce que lui a dit son beau-frère. Je ne connais pas Jean-Bosco NDAYISABA. On ne
peut pas tenir compte d'informations qui sont des ouïes-dires.

QUESTION : Emmanuel HABYARIMANA, ex-ministre rwandais de la Défense et signataire du communiqué de KIGEME appelant à la cessation des tueries, avait rejoint l'APR. Il a expliqué que, le 28 juillet 1994, lorsqu'il avait rejoint le FPR, il avait été accueilli par des officiers de la DMI et plus précisément le colonel Faustin NYAMWASA KAYUMBA, le lieutenant-colonel Jackson RWAHAMA et le capitaine Charles KARAMBA. Or, ces derniers avaient manifesté leur fierté "d'avoir abattu l'avion du président HABYARIMANA", seul moyen de prendre le pouvoir selon eux (D3731). Avez-vous des observations sur cette déposition ?

RÉPONSE : Je suis sûr qu'Emmanuel HABYARIMANA a dit cela après avoir fui le pays, après avoir fait défection. Je ne suis pas surpris de cette déposition et ces déclarations méritent des investigations. Ces trois officiers ont-ils fait ces déclarations à HABYARIMANA quand ils étaient seuls avec lui? HABYARIMANA après sa défection a dit beaucoup de choses sur le gouvernement rwandais et pas seulement cela . Il est comme tous ceux qui en exil se sont joints, pour fabriquer ces histoires contre le régime rwandais. De plus je ne crois pas que ces trois militaires aient pû dire cela car, que l'ex-président HABYARIMANA soit mort ou vivant, nous avions la capacité de prendre le pouvoir.

QUESTION : Le colonel de l'APR Balthazar NDENGEYINKA a également été entendu et a confirmé les dires d'Emmanuel HABYARIMANA sur leur fuite du Rwanda. Il a notamment déclaré, s'agissant de l'attentat :" Je dois vous dire que dès 1994 certains militaires de l'APR ne cachaient pas qu' ils étaient à l'origine de l'attentat contre l'avion présidentiel rwandais. Cette participation m'a été confirmée par le responsable du bureau G3 (opérations), le colonel Charles MUHIRE, devenu général par la suite, lors d'un entretien en tête à tête. ..Il m'a été dit que par un appel téléphonique partant de DAR-ES-SALAM à destination du FPR à MULINDI, le départ de l'avion présidentiel avait été signalé" (D673214) : avez-vous des observations à formuler sur cette déclaration mettant en cause le FPR ?

RÉPONSE : Je ne suis pas surpris car Balthazar NDENGEYINKA dit la même chose
qu'Emmanuel HABYARIMANA. Ce sont tous les deux des ex-FAR qui ont rejoint
l'APR en juillet 1994 mais idéologiquement, dans leurs façons de penser il n'ont pas
changé. Ils ont échoué leur intégration et sont partis en Europe pour échapper aux
éventuelles investigations du chef de génocide. Ils sont partis ensemble en Ouganda puis
ont vécu ensemble en Europe. Ils racontent à peu près la même histoire. Ils donnent le
même genre d'informations, HABYARIMANA parlant de généraux qui se vantent
d'avoir tué l'ex-président, et Balthazar NDENGEYINKA en faisant autant en parlant
des propos de MUHIRE

QUESTION : Amadou DEME, membre de l'équipe nationale d'enquête du TPIR, a
déclaré, lors de son audition au Canada, à l'instar des déclarations d'Emmanuel
HABYARIMANA sur les confidences faites par certains officiers du FPR, qu'il avait
lui-même entendu un officier du FPR, dans la région de Butare, déclarer que l'attentat
était le fait du FPR. En expliquant de quelle façon il était entré en contact avec des
sources lui ayant confirmé l'implication du FPR dans l'attentat, Amadou DEME a
indiqué que pour lui la véracité des déclarations de ces sources ne faisait pas de doute
car il avait entendu en fait la même chose "plus de vingt fois" (D6938) : avez-vous des
observations sur cette déclaration d'Amadou DEME ?

RÉPONSE : Je pense qu'Amadou DEME a un problème, je ne sais pourquoi il est venu
dans ce dossier pour fournir de fausses informations. Les informations qu'il a obtenu à
BUTARE ne sont pas de première main. N'importe qui peut se vanter dans un bar,
boire, se vanter de n'importe quoi, et je doute que cela constitue un fait. Il s'agit
d'histoires sans fondement.

QUESTION :Les enfants de LIZINDE ont communiqué aux enquêteurs des écrits de leur père. L'un, en date du 23 mai 1991, est un acte d'accusation sans concession contre le régime d'HABYARIMANA (D4981 à D5035), mais l'autre en date du ler mai 1996, fait à Bruxelles et intitulé "Déclaration" contient la liste des massacres qui auraient été commis par le FPR ou l'APR (D5036 à D5042). Dans ce second document figure uniquement, en ce qui concerne l'attentat, la phrase suivante : "Le FPR a joué un rôle déterminant dans l'assassinat des présidents HABYARIMANA et NTARYAMIRA, ainsi que des membres de leurs délégations" (D5040). Voulez-vous faire des observations sur cet écrit ?

RÉPONSE :Que puis-je dire sur cela? Il s'agit d'allégations générales, sans rien de
substantiel. Il n'y a pas de détails il s'agit d'allégations générales. Qu'attendez-vous des enfants de LIZINDE? C'est comme les enfants d'HABYARIMANA.

QUESTION: Sixbert MUSANGAMFURA, ancien membre du MDR, rédacteur en chef du journal d'opposition ISIBO et surtout chef du service civil des renseignements du Rwanda entre le 19 juillet 1994 et le 30 août 1995, a mis également en cause le FPR et vous-même dans l'attaque contre l'avion. Sixbert MUSANGAMFURA, entendu une première fois en Finlande le 12 avril 2002, a indiqué avoir rédigé en février 1995 une note concernant la responsabilité du FPR dans l'attentat du 6 avril 1994. Cette note était destinée au premier ministre Faustin TWAGIRAMUNGU et lui avait été remise en personne, ce que ce dernier a confirmé (D4848 et D5286, D6266). De mémoire, Sixbert MUSANGAMFURA se souvenait avoir écrit: "Je viens d'apprendre que le FPR a assassiné le président Juvénal HABYARIMANA et que le commandant Rose KABUYE a eu un rôle dans la préparation de cet attentat. L'une des sources de cette information est le lieutenant colonel Jackson MUTABAZI RWAHAMA. Nous pouvons discuter de ceci plus tard". Plus tard, Sixbert MUSANGAMFURA lui avait écrit une seconde note confirmant l'implication du FPR mais le premier ministre lui avait indiqué que pour leur sécurité à tous les deux, il était préférable qu'il ne l'informe plus de cette affaire (D5716 et D5717) : avez-vous des commentaires sur cette déposition de Sixbert MUSANGAMFURA?

RÉPONSE : Sixbert MUSANGAMFURA est l'un des membres de ce groupe de
dissidents qui a fui le Rwanda pour aller en Europe et qui a inventé de fausses
allégations. Ce qu'il dit n'est pas appuyé par des preuves. Il s'agit de ouïes-dires,
d'informations qu'il prétend tenir de Jackson MUTABAZI RWAHAMA. Je ne crois
pas que ce dernier lui ait dit cela. Je crois que ce sont des inventions.

QUESTION : Pouvez-vous me dire quelles étaient les fonctions Jackson MUTABAZI
RWAHAMA ? à la date du 6 avril 1994 et en février 1995?

RÉPONSE : Il était dans le département militaire des renseignements, c'était un officier.
C'était un colonel aujourd'hui à la retraite.

QUESTION : Lors de son audition par la DNAT, le 14 juin 2002, Sixbert
MUSANGAMFURA a également indiqué avoir reçu des confidences sur l'implication
du FPR, l'acheminement de l'armement anti-aérien ougandais au CND et la réalisation
de l'attentat par le capitaine Jimmy MWESIGYE, membre du DMI et ancien membre
des services de renseignements ougandais, ainsi que par le lieutenant Kapaya
RUTAGWERA, son adjoint au SCR (service civil de renseignements), ancien membre
du CNI ougandais et du DMI (D6520/5). Connaissez-vous ces deux dernières personnes ?


RÉPONSE : Je les connais. Sixbert MUSANGAMFURA a apporté son témoignage
dans la même époque que les autres l'ont apporté à BRUGUIERE. Il n'était pas
possible que des armements proviennent de la frontière ougandais, car des forces des
Nations-Unies appelées UNOMU contrôlaient cette frontière.
Je souligne que Sixbert MUSANGAMFURA n'a pas précisé le type d'armement antiaérien dont il parle et il y en a tellement de sortes. Par ailleurs comment du matériel
anti-aérien pourraient être amenés au CND avec le processus de contrôle des
chargements dont je vous ai déjà parlé?
S'il a cité ces deux noms c'est parce qu'ils étaient dans son environnement
professionnel.

QUESTION: Selon Sixbert MUSANGAMFURA, les militaires ayant exécuté l'attentat
faisaient partie d'un groupe ayant été entraîné en Ouganda. Parmi les membres de ce
groupe, il donnait les noms du capitaine HABATI et du responsable des "opérations
techniques" à Kigali, du sergent TWAGIRA et de l'adjudant MUNYANEZA. Il
précisait que ces trois personnes avaient été transférées au CND: Connaissez-vous les
trois personnes citées par Sixbert MUSANGAMFURA?

RÉPONSE : Je ne connais pas de capitaine HABATI, pas plus que TWAGIRA ou
MUNYANEZA. Je ne sais pas pourquoi il a donné ces noms.

QUESTION : Le lieutenant Kapaya RUTAGWERA aurait fait part à Sixbert
MUSANGAMFURA de la présence au CND "d'un individu d'origine étrangère pouvant
être libyen" (D6520/5). Cela vous dit-il quelque chose?

RÉPONSE : C'est une autre folie je pense, cela n'a pas de sens.

QUESTION : Sixbert MUSANGAMFURA a indiqué ne pas avoir eu de "précisions définitives sur le nombre de participants" à l'attentat lui-même. On lui avait parlé de quatre personnes dont trois, avec certitude, étaient des militaires. Le quatrième, dit-il, était "peut-être un commerçant civil" et on lui avait avancé le nom de Bertin MAKUZA (D6520/7). Ceci nous ramène à la société GUTTANIT dans la mesure où un Bertin MAKUSA faisait partie du conseil d'administration de cette société et en était même le vice-président à la date de son arrêt d'activité le 7 février 1994 (D5987 à D6024). Nous rappelons que la société GUTTANIT se trouvait à la ferme de Masaka et que Laurent SERUBUGA avait été l'un de ses fondateurs: Avez-vous des observations sur ce point ?

RÉPONSE : Je n'ai pas d'informations sur l'histoire de Sixbert MUSANGAMFURA il dit qu'il ne sait pas avec précision le nombre de participants. Ce qu'il dit est confus Je n'imagine pas comment de l'armement anti-aérien aurait pû être transporté à la ferme MASAKA à cette époque. Je ne sais pas si vous imaginez combien il y avait de barrages entre le CND et la ferme de MASAKA ou entre le CND et tout autre endroit.

QUESTION : Le 14 juin 2002, devant le juge d'instruction, Sixbert
MUSANGAMFURA a apporté à peu près la même version des faits et a de nouveau cité
le sergent TWAGIRA et l'adjudant MUNYANEZA , ainsi que le nom de Bertin
MAKUZA comme étant le civil peut-être impliqué dans l'attentat (D6027 et D6028).
Par ailleurs, l'enquête a démontré que le professeur Philippe REYNTJENS, expert
auprès du TPIR, avait reçu un témoignage manuscrit établi le 2 novembre 1995 à
Nairobi de Sixbert MUSANGAMFURA mettant en cause le FPR (D6309, D6332).
Comment expliquez-vous que Sixbert MUSANGAMFURA ait mis en cause le FPR dès
l'année 1995 ?

RÉPONSE : Je pense que Sixbert MUSANGAMFURA devrait savoir lui-même pourquoi il fait ce genre d'allégations. Pour moi il s'agit d'un dissident qui s'est enfui du Rwanda pour rejoindre les autres et ce qu'il dit n'a pas de consistance. Pourquoi le juge BRUGUIERE n'a pas fait d'investigation sur ses déclarations?

QUESTION : Avez-vous une théorie, des informations ou même des certitudes sur
l'identité des responsables des faits du 6 avril 1994 ?

REPONSE : Si vous voulez mon opinion personnelle sur cela je ne suis pas intéressé du tout. Je ne suis pas concerné du tout par cette affaire. Je ne me préoccupe pas de cela. Ce n'est pas utile pour moi de savoir, je ne suis pas un enquêteur. J'ai entendu des choses mais je n'ai pas approfondi car c'est une perte de temps. J'ai entendu des rumeurs impliquant entre autre le CDR, la Belgique, La France, Mobutu, Bagosora

QUESTION DE MAITRE MAINGAIN avec notre autorisation: Où étiez-vous et que
faisiez-vous dans la soirée et dans la nuit du 6 avril 1994? Comment avez-vous reçu des
informations sur l'attaque contre l'avion? Qu'avez-vous fait en recevant cette
information? Avez-vous reçu des informations sur les massacres et sur le début du
génocide? Quelles étaient vos activités durant la journée du 7 avril 1994? Quand le FPR
a-t-il décidé d'envoyer des troupes au secours du CND et de la population massacrée?

RÉPONSE : Le soir du 6 avril je me trouvais à MULINDI dans ma maison. La première
information que j'ai reçue sur l'attaque contre l'avion c'était dans les messages des FAR
que nous avions captés puis j'ai eu des informations par la radio RTLM. Cinq minutes
après Radio Rwanda a diffusé l'information. Je suis allé voir Paul KAGAME. Il se
trouvait avec d'autres personnes du FPR. Il regardait la Coupe d'Afrique des Nations
de Football. Je lui ai annoncé la nouvelle.
Paul KAGAME m'a demandé si j'étais sûr de cette information. Je lui ai dit que j'avais
entendu cela sur les messages es FAR, RTLM et Radio-Rwanda. Il m'a dit de continuer
à chercher les informations. Il n'a pas semblé prêter trop attention. J'ai entendu cette
même information en boucle sur Radio Rwanda, et je suis revenu dire à Paul KAGAME
que l'information était sûre. Il m'a demandé si j'avais eu Charles KAYONGA et si la
situation était sans risque à KIGALI. J'ai appelé Charles KYONGA qui avait entendu

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la même information. Il était au restaurant du CND et m'a précisé qu'on entendait des
coups de feu dans la ville et que des personnes appelaient le CND pour demander de
l'aide. J'ai fait un nouveau rapport à Paul KAGAME. Il m'a dit de continuer de collecter
les informations. J'ai eu des contacts avec nos différentes unités. A minuit le nombre
de personnes tuées à KIGALI était en augmentation.
Paul KAGAME m'a demandé de contacter les officiers de l'Etat-Major pour qu'ils
viennent à MULINDI. Quand ils sont venus, Paul KAGAME leur a parlé des massacres
et leur a dit de mettre leurs unités en état d'alerte class one. Je me souviens aussi que
Paul KAGAME m'a demandé de contacter Charles KAYONGA afin qu'il recueille la
position du Général DALLAIRE sur les massacres.
Le 7 avril l'important était de contrôler la situation à KIGALI car le nombre de morts
allaient en s'accroissant. L'une des activités à consister à prendre des contacts avec la
MINUAR, condamner les massacres, et diffuser des condamnations à la radio de ce qui
se passait en demandant à la MINUAR d'intervenir. Nous avons également continué à
préparer une opération militaire éventuelle, et à identifier les endroits par lesquels nous pourrions passer. Enfin le bataillon du CND était attaqué par la garde présidentielle, et ce bataillon a décidé de sortir du CND pour combattre les FAR ainsi que pour mener des opérations de secours en direction de la population.
Dans la nuit du 8 avril, toutes les forces de l'APR se sont mises en mouvement en même
temps dans trois directions différentes, vers KIGALI, vers l'Est pour remonter vers le
Sud et vers le Nord pour aller vers l'Ouest. Nous avons fait cela car le génocide s'était
répandu sur tout le territoire.

QUESTION DE MAITRE MAINGAIN avec notre autorisation: Le FPR a-t-il eu des
contacts avec la MINUAR les 7 et 8 avril?

REPONSE : Charles KAYONGA était en contact constant avec la MINUAR, comme
l'était Karake KARENZI. Roméo DALLAIRE est venu à MULINDI et Paul KAGAME
lui a dit que si les FAR n'arrêtaient pas les massacres et si la MINUAR ne parvenait pas
à les empêcher, c'est l'APR qui s'en chargerait.

Lecture faite par l'interprète, la personne mise en examen persiste et signe avec nous et
l'interprète.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024