Fiche du document numéro 35825

Num
35825
Date
Lundi 17 juin 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
488967
Pages
10
Titre
La Banque de France et le génocide des Tutsi
Sous titre
Durant le génocide des Tutsi, le compte de la Banque nationale du Rwanda à la Banque de France n’a pas été gelé. Des versements pour plus de trois millions de francs ont été exécutés alors que le Gouvernement in- térimaire rwandais avait réquisitionné tous les fonds en devises étrangères pour des achats de matériels militaires. Un versement pour l’achat de té- léphones satellites est clairement identifié. Six sur sept de ces versements ont été effectués après la décision d’embargo sur les matériels militaires destinés au Rwanda prise par le Conseil de sécurité le 17 mai 1994. Alors que ce gouvernement avait fui au Zaïre et que son rôle d’ordonnateur du génocide était de notoriété publique, la Banque de France exécutait encore un versement d’un million cinq cent mille francs.
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Type
Rapport
Langue
FR
Citation
La Banque de France et le génocide des Tutsi
Jacques Morel
17 juin 2024, v0.5
Résumé
Durant le génocide des Tutsi, le compte de la Banque nationale du
Rwanda à la Banque de France n’a pas été gelé. Des versements pour plus
de trois millions de francs ont été exécutés alors que le Gouvernement intérimaire rwandais avait réquisitionné tous les fonds en devises étrangères
pour des achats de matériels militaires. Un versement pour l’achat de téléphones satellites est clairement identifié. Six sur sept de ces versements
ont été effectués après la décision d’embargo sur les matériels militaires
destinés au Rwanda prise par le Conseil de sécurité le 17 mai 1994. Alors
que ce gouvernement avait fui au Zaïre et que son rôle d’ordonnateur du
génocide était de notoriété publique, la Banque de France exécutait encore
un versement d’un million cinq cent mille francs.

1

Un génocide a été commis contre les Tutsi au
Rwanda en 1994

Un génocide a été perpétré contre la population « tutsi » au Rwanda en 1994.
Suite au rapport de M. René Degni-Ségui, rapporteur spécial de la Commission
des Droits de l’homme des Nations Unies 1 et de la commission d’experts nommés par Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations Unies, le Conseil
de sécurité a reconnu qu’il y avait eu un génocide et a formé un Tribunal international pour le Rwanda (TPIR) pour en juger les auteurs. 2
Ce tribunal a reconnu comme un fait de notoriété publique le génocide contre
les Tutsi :
La Chambre d’appel partage l’avis du Procureur : la Chambre
de première instance aurait dû reconnaître que le génocide perpétré
au Rwanda en 1994 est un fait de notoriété publique. Le génocide
consiste à commettre certains actes, notamment des meurtres, dans
l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
1. René Degni-Ségui, 1er rapport du 28 juin 1994, ONU, A/49/508, S/1994/1157 ; Commission des Droits de l’homme de l’ONU, E/CN.4/1995/7. https://francegenocidetutsi.
org/E-CN.4-1995-7.pdf
2. ONU, S/RES/955 (1994), 8 novembre 1994, section 1, p. 2. https:
//francegenocidetutsi.org/94s955.pdf

1

2

QUI A ORGANISÉ LE GÉNOCIDE DES TUTSI ?

2

ethnique, racial ou religieux comme tel. Nul ne peut valablement
contester qu’il y ait eu en 1994 une campagne de massacres visant
à détruire l’ensemble ou au moins une très grande fraction de la
population tutsie du Rwanda qui (comme la Chambre de première
instance l’a constaté judiciairement) était un groupe protégé. Cette
campagne a été couronnée de succès dans une mesure épouvantable :
on ne connaîtra peut-être jamais le nombre exact des victimes, mais
l’immense majorité des membres du groupe tutsi ont été tués et de
nombreux autres ont été violés ou ont de toute autre manière subi
des atteintes à leur intégrité physique ou mentale. 3

2

Qui a organisé le génocide des Tutsi ?

La Mission d’information parlementaire sur le Rwanda a reconnu dans son
rapport que l’État rwandais était « l’ordonnateur du génocide ». 4

3

Toutes les devises étrangères sont affectées
aux achats d’armes et munitions

Le gouvernement intérimaire rwandais (GIR) a cherché par tous les moyens
à financer des achats d’armes. Le Premier ministre Jean Kambanda en convient
lors de ses auditions par des enquêteurs du TPIR : « Sur le plan politique, c’est
que la décision a été faite de trouver l’argent partout où elle se trouve [sic] pour
acheter des armes. » 5
Ce gouvernement a été jusqu’à réquisitionner les fonds des banques, privées
ou publiques : « Le ministre des Finances avec la Banque centrale, poursuit
Kambanda, ont reçu mission par le gouvernement de trouver les devises partout où ils pouvaient les trouver, notamment dans les banques commerciales qui
étaient pratiquement toutes des filiales de, du gouvernement. Et la Banque centrale à ce niveau, avec le ministre des Finances, pouvait demander aux banques
commerciales de lui transmettre les devises dont elle savait qu’elles les avaient
en possession. » 6
Ces fonds étaient destinés à des achats d’armes :
Marcel Desaulniers (MD) - ... et... les montants qui ont été récupérés ont été ajoutés à ce qui était déjà à la Banque centrale ?
Jean Kambanda (JK) - Oui.
3. Le Procureur c. Édouard Karemera, Mathieu Ngirumpatse, Joseph Nzirorera, Décision faisant suite à l’appel interlocutoire interjeté par le Procureur de la décision relative au constat judiciaire, Chambre d’appel du TPIR, 16 juin 2006, section 35, p. 20.
https://francegenocidetutsi.org/KaremeraAppelDecision16juin2006-fr.pdf
4. Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Rapport, p. 351. https://
francegenocidetutsi.org/RapportMIP.pdf#page=351
5. Pierre Duclos, Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 73, TPIR, 21 mai 1998,
p. 4. https://francegenocidetutsi.org/Kambanda73Fre.pdf
6. Ibidem, p. 17.

4

CES ARMES SERVENT AU GÉNOCIDE

3

MD - Tout a été mis en commun ?
JK - Oui.
MD - Et cet argent-là a été pris pour acheter des armes ?
JK - C’était, disons ça c’est la ligne que le gouvernement avait
donnée. 7
Kambanda précise que le déblocage des fonds pour des achats d’armes s’est
fait sous la responsabilité du ministre des Finances, Emmanuel Ndindabahizi, et
du directeur de la Banque nationale du Rwanda (BNR), Denis Ntirugirimbabazi.
Du 25 avril au 12 mai, une mission comprenant des membres de la Banque
commerciale du Rwanda (BCR) et de la BNR se rend à Bonn pour transférer
plus de 3 000 000 $ US au profit de la BNR. 8

4

Ces armes servent au génocide

Le génocide des Tutsi a été déclenché dans la nuit du 6 au 7 avril 1994 par
les troupes d’élite de l’armée rwandaise et la garde présidentielle. « La majorité
de l’armée rwandaise participait aux massacres », témoigne le médecin Hervé
Bradol devant la Mission d’information parlementaire française. 9 Les milices
Interahamwe réputées pour avoir exécuté le génocide avec des armes blanches
étaient approvisionnées en arme à feu par l’armée rwandaise, comme l’atteste
Robert Kajuga, président des Interahamwe. 10 Le chef d’état-major de l’armée
rwandaise, Augustin Bizimungu, a été condamné pour génocide par le TPIR. 11

5

L’embargo sur les fournitures d’armes
Les fournitures d’armes au Rwanda sont prohibées :
1- En vertu des accords d’Arusha signés le 4 août 1993. 12

7. Ibidem, p. 18.
8. Carlos Viaene, Ligne du temps de Ephrem Nkezabera, Police fédérale belge, 1er juin
2010. https://francegenocidetutsi.org/NkezaberaLigneDuTempsVersionFinale.pdf
9. Audition de Jean-Hervé Bradol, 2 juin 1998. Cf. Enquête sur la tragédie rwandaise
1990-1994 [1, Tome III, Auditions, vol. 1, p. 394]. https://francegenocidetutsi.org/
BradolAudition2juin1998.pdf#page=6
10. Jean Hélène, En dépit de nombreux témoignages, le chef des milices rwandaises réfute
les accusations de génocide, Le Monde, 17 mai 1994. https://francegenocidetutsi.org/
HeleneKajuga17mai1994.pdf
11. Joseph Asoka de Silva, The Prosecutor v. Augustin Bizimungu, Augustin
Ndindiliyimana, Protais Mpiranya, François-Xavier Nzuwonemeye, Innocent Sagahutu.
Judgement and Sentence, TPIR, 17 mai 2011. https://francegenocidetutsi.org/
MilitaryIIJudgmentAndSentence.pdf
12. Accord de paix d’Arusha entre le Gouvernement de la République rwandaise et le Front
patriotique rwandais, signé le 4 août 1993. Cf. A. B. Nyakyi, Lettre au Secrétaire général :
Transmission de l’Accord de paix entre le Gouvernement de la République rwandaise et le
Front patriotique rwandais, 23 décembre 1993, ONU, A/48/824, S/26915, pp. 3-9. https:
//francegenocidetutsi.org/ArushaAccordDePaix4aout1993.pdf ; A. B. Nyakyi, Accord de
cessez-le-feu entre le Gouvernement de la République rwandaise et le Front patriotique rwandais, tel qu’amendé à Gbadolite le 16 septembre 1991 et à Arusha le 12 juillet 1992, ONU, 12
juillet 1992. https://francegenocidetutsi.org/ArushaAccordCessezLeFeu12juillet1992.

6

L’ACHAT D’ARMES AUX SEYCHELLES

4

2- Par la décision d’embargo décidée le 17 mai 1994 par la Résolution 918
du Conseil de sécurité stipulant : « que tous les États empêcheront la vente ou
la livraison au Rwanda, par leurs nationaux ou à partir de leur territoire, ou
au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs ayant leur nationalité,
d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les
munitions, les véhicules et le matériel militaires. » 13

6

L’achat d’armes aux Seychelles

En juin 1994, le colonel rwandais Théoneste Bagosora achète des armes au
gouvernement des Seychelles en fournissant des documents prétextant qu’il agit
pour le compte du gouvernement du Zaïre. La responsabilité de BNP Paribas
dans le règlement de la transaction est attestée par une commission d’enquête
des Nations unies. 14 La Banque de France, en vertu de son pouvoir de contrôle
en tant que « banque des banques », n’a-t-elle pas sa responsabilité engagée ?

7

L’enquête de Pierre Galand et Michel Chossudovsky

Pierre Galand et Michel Chossudovsky ont été chargés par le Programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD) de faire une enquête sur la dette
odieuse du Rwanda, c’est-à-dire sur le détournement des crédits de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) pour acheter des armes,
des munitions et du matériel de guerre. Ils ont mis en évidence des transactions
financières impliquant des comptes de la Banque nationale du Rwanda dans des
banques étrangères. Concernant des banques françaises, ils écrivent :
Par ailleurs, on notera dans le bilan des transactions bancaires,
que des montants importants libellés en francs français (FRF) furent
prélevés à partir des comptes spéciaux à la Banque de France et à
la Banque Nationale de Paris (BNP). Ces montants furent transférés vers des destinations diverses dont des paiements auprès de deux
compagnies françaises : Alcatel France et GME International (Paris).
La compagnie Alcatel est un important fabricant d’équipement militaire. Au total, plus de deux milliards de francs (FRF 2 072 532 895)
furent transférés ou retirés de ces comptes entre mai et août 1994. 15
pdf
13. Conseil de sécurité ONU, Résolution 918 du Conseil de sécurité, ONU, S/RES/918
(1994), 17 mai 1994. https://francegenocidetutsi.org/94s918fr.pdf
14. Additif au troisième rapport de la Commission internationale d’enquête (Rwanda). Cf.
Lettre datée du 22 janvier 1998, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire
général, ONU, S/1998/63. https://francegenocidetutsi.org/sg-1998-63.pdf .
15. Pierre Galand, Michel Chossudovsky, L’usage de la dette extérieure du
Rwanda (1990/1994). La responsabilité des bailleurs de fonds. Analyse et recommandations, novembre 1996, section 4.8. https://francegenocidetutsi.org/
UsageDetteExtGalandChossudovskyNov1996.pdf#page=35

8

LES OPÉRATIONS À LA BANQUE DE FRANCE

8

5

Les opérations à la Banque de France durant
le génocide

Ainsi ils découvrent sept opérations financières sur le compte à la Banque de
France s’étalant du 5 mai au 1er août 1994 pour un montant total de 3 172 119.65 FF. 16
PRELEVEMENTS SUR COMPTE BNR chez les correspondants (du 7/4 au 28/10/94)
Date
Correspondant
Monnaie
Montant C/V en FRW DESTINATION
5/5/94
Banque de France
FrF
435.000
11.246.142 Alcatel France
30/06/94
"
"
317.882,96
8.218.292 GME International Paris
1/07/94
"
"
490.450,61
12.679.718 Peu connue
7/07/94
"
"
176.918,58
4.573.911 Ambarwanda Ethiopia
"
"
"
81.151,36
2.098.022 Consulat du Rwanda Pretoria
"
"
"
170.716,14
4.413.559 Ambarwanda Caire
1/08/94
"
"
1.500.000
38.779.006
Table 1 – Versements par la Banque de France du 7/4 au 28/10/1994 remarqués
par Pierre Galand et Michel Chossudovsky

8.1

5 mai : versement à Alcatel France

Le 5 mai, 435 000 FF sont virés au bénéfice d’Alcatel France.
La compagnie Alcatel est un fabricant d’équipement de télécommunication
doté d’un important secteur militaire. 17 Ce versement paraît correspondre à
l’achat de téléphones satellites par le GIR. Une délégation de banquiers de la
BCR et de la BNR s’était rendue à Bonn, fin avril début mai 1994, pour débloquer des fonds en vue d’acheter des armes.
Laurent Sebapira, chef des achats et de la prévision à RWANDATEL, a fait
partie de ce voyage en Allemagne. Il déclare qu’il a séjourné à Bonn du 29
avril au 3 mai et que, pendant ce temps, ils ont acheté des téléphones satellites
portables Alcatel, puis que, le 4 mai, il est allé en France à l’invitation d’Alcatel :
Les communications téléphoniques internationales n’étaient plus
possibles à ce moment-là parce que la liaison par satellite au station
de base [sic] à Kucukiro [Kicukiro] à Kigali était tombée entre les
mains des FPR. J’ai également voyagé à plusieurs reprises à Goma
où j’ai eu du contact avec un fournisseur français de ALCATEL
concernant l’achat de satellites portables pour les communications
téléphoniques internationales. [...]
16. Pierre Galand, Michel Chossudovsky, Rapport Galand - Annexes, novembre 1996. https:
//francegenocidetutsi.org/UsageDetteExtGalandChossudovskyAnnexes.pdf#page=12
17. En 2009, Alcatel-Lucent cède sa participation dans Thales à Dassault Aviation.

8

LES OPÉRATIONS À LA BANQUE DE FRANCE

6

Je déclare également qu’en date du 3 mai 1994, je me suis annoncé
auprès de l’ambassade de la France à Bonn où j’ai obtenu un visa
pour la France sur l’invitation de ALCATEL pour un séjour de 15
jours. Le lendemain, j’ai pris l’avion pour la France. J’étais seul. Les
autres sont restés à Bonn.
Du 29 avril jusqu’au 3 mai, j’étais en compagnie de Nkezabera
Ephrem et des autres et chaque jour nous nous sommes rendus à
l’ambassade ruandaise à Bonn. Pendant cette période j’ai appris que
la mission de Ephrem et des autres était d’effectuer des opérations
bancaires. Pendant cette période ils ont également effectué le paiement des satellites portables de ALCATEL. C’est après le paiement
que sur base de l’invitation de ALCATEL que j’ai obtenu mon visa
pour la France. [...]
Après mon départ en date du 4 mai 1994 pour la France, je n’ai
plus eu de contact avec Ephrem et les autres. [...]
Après avoir passé une semaine à Paris, j’y ai eu la visite de
mon directeur général et d’un de ses collègues. Ensemble nous avons
transporté les téléphones par satellite de Paris au Ruanda. Comme
il ressort de mon passeport, j’ai quitté la France en date du 22 mai.
Je suis retourné via Kinshasa et Goma parce que nous avions appris
que les FPR étaient au courant de notre mission. 18
Un visa d’entrée en France a été délivré à Laurent Sebapira pour la période
du 3 mai au 31 mai 1994. 19
Le directeur général de Rwandatel est effectivement parti à Paris : « Le
directeur des télécommunications, Assumani Bizimana, est parti à Paris, via
Nairobi, pour acheter deux téléphones satellites ». 20
Selon Ephrem Nkezabera le règlement des téléphones satellites aurait été
effectué depuis Bonn :
De plus, Laurent Sebapira a attendu que nous procédions, depuis
Bonn, aux paiements des factures émises par ALCATEL France relatives à l’achat des téléphones satellites pour le gouvernement qu’il
ira chercher. 21
Dans une autre audition, Ephrem Nkezabera confirme que trois ou quatre
téléphones ont été payés depuis Bonn à Alcatel :
Moi je confirme que nous sommes bien arrivés à Bonn en même
temps que SEBAPIRA Laurent, qui se rendra seul à Paris, après que
18. Jim Antoni De Groot, Exécution d’une demande d’entraide judiciaire, Audition de
Laurent Sebapira en présence de Pascal Remy, Rotterdam, 20 décembre 2004. https://
francegenocidetutsi.org/RemyAuditionSebapira20decembre2004.pdf
19. Affaire Nkezabera, Lignes du temps (du 06 avril au 14 juillet). https://
francegenocidetutsi.org/NkezaberaLigneDuTempsVersionFinale.pdf#page=50
20. Corine Lesnes, Gisenyi, capitale de l’arrière, Le Monde, 30 juin 1994, p. 3. https:
//francegenocidetutsi.org/GisenyiCapitaleArriereLM30juin1994.pdf
21. Pascal Remy, Audition de Nkezabera Ephrem , Police fédérale, Bruxelles, 30 mars 2005.
https://francegenocidetutsi.org/RemyNkezabera30mars2005.pdf#page=6

8

LES OPÉRATIONS À LA BANQUE DE FRANCE

7

nous ayons approvisionné un compte qui allait lui servir en France
pour régler l’achat de trois ou quatre téléphones satellites et leurs
abonnements. 22
Qu’un compte ait été approvisonné depuis Bonn entre les 29 avril et 4 mai
1994 est compatible avec un versement de la Banque de France au profit d’Alcatel le 5 mai.
Sebapira quitte la France le 22 mai 1994, comme l’atteste le fac-similé de
son passeport. 23
Le gouverneur de la BNR, Denis Ntirugirimbabazi, confirme que sa banque
a payé pour un achat de téléphones par satellite :
J’ai aussi connaissance d’une dé1égation liée à l’achat de té1éphones
par satellite l’étranger. Je me rappelle que la BNR a payé pour cette
délégation et que la délégation était composée du directeur général
du service Telecom qui était accompagné par Laurent Sebapira, si je
m’en souviens bien. 24
Le rapport du colonel Rwabalinda daté du 16 mai 1994 sur les entretiens qu’il
a eu à Paris avec le général Huchon, chef de la Mission militaire de coopération,
fait état de besoins urgents en matériels de télécommunication :
d. Besoins urgents :
- Munitions pour la Bie 105 mm (2.000 coups au moins).
- Compléter les munitions pour les armes individuelles au besoin
en passant indirectement par les pays voisins amis du Rwanda.
- Habillement.
- Matériel de transmission. 25

8.2

30 juin : versement à GME International Paris

Un versement de 317 882.96 FF au profit de GME International Paris a été
effectué le 30 juin 1994. Cette société n’est pas connue précisément. Ce pourrait
être :
- Global Mobil Electronics, « télécommunication sans frontières », 53 avenue
de la Grande Armée, 75016-Paris, filiale de Global Satellite à Fort-Lauderdale
(USA) ;
22. Pascal Remy, Audition de Nkezabera Ephrem, Police fédérale, Bruxelles, 21 septembre
2006. https://francegenocidetutsi.org/RemyNkezabera21septembre2006.pdf
23. Pascal Remy, Passeport de Laurent Sebapira, Justice belge, 5 décembre 2005. https:
//francegenocidetutsi.org/RemyNkezaberaPasseportSebapira.pdf
24. Jim Antoni De Groot, Exécution d’une demande d’entraide judiciaire, Audition de
Denis Ntirugirimbabazi en présence de Pascal Remy, Rotterdam, 3 décembre 2004. https:
//francegenocidetutsi.org/NtirugirimbabaziDenisAudition3decembre2004.pdf
25. Lettre du lieutenant-colonel Ephrem Rwabalinda au ministre de la Défense, au chef
d’état-major de l’armée rwandaise, Gitarama, le 16 mai 1994. Objet : Rapport de visite fait
auprès de la Maison militaire de Coopération à Paris. https://francegenocidetutsi.org/
RapportRwabalinda16mai1994.pdf

9

LE RÔLE IMPORTANT DES COMMUNICATIONS PAR SATELLITE 8

- GME International Consulting, qui se proclame spécialisée en « International conflict resolution issues », avec 30 ans d’expérience en « dealing with
foreign governments and individuals » ;
- GME International Motors, filiale de General Motors.

8.3

1er juillet : versement de 490 450.61 FF

L’objet et la destination de cette somme ne sont pas connus. Ce versement
est attesté par un relevé de la Banque de France du compte n° 5341-1 de la
BNR en date du 1er juillet 1994. 26

8.4

7 juillet : versement à l’ambassade du Rwanda en
Ethiopie

Le 7 juillet 1994, 176 918.58 FF sont versés à l’ambassade du Rwanda en
Ethiopie.

8.5

7 juillet : versement au consulat du Rwanda à Pretoria

Le 7 juillet 1994, 81 151.36 FF sont versés au consulat du Rwanda à Pretoria.

8.6

7 juillet : versement à l’ambassade du Rwanda au
Caire

Le 7 juillet 1994, 170 716.14 FF sont versés à l’ambassade du Rwanda au
Caire.

8.7

1er août : versement de 1 500 000 FF

Le destinataire de cette somme est inconnu. À cette date, le GIR a fui au
Zaïre, un autre gouvernement est en place. La Banque de France continue à
honorer des créances pour la BNR qui a quitté le Rwanda et est allée s’installer
à Goma dans les camps de réfugiés.

9

Le rôle important des communications par satellite

L’acquisition de ces téléphones satellite est d’une urgence vitale pour le gouvernement qui organise le génocide, en raison des destructions causées par les
bombardements des équipements de télécommunications par le FPR, comme le
souligne le Premier ministre Jean Kambanda le 3 mai 1994 à Kibuye :
26. Relevé de compte courant : Banque nationale du Rwanda, Banque de France, 1er juillet
1994. https://francegenocidetutsi.org/ReleveBnrBanqueDeFrance1juillet1994.pdf

10

CONCLUSION

9

L’ennemi qui nous a attaqué s’est efforcé de détruire nos infrastructures de télécommunications pour nous isoler. C’est la raison
pour laquelle les Inkotanyi se sont empressés de s’emparer de la station de Jari et de celle de Nyanza qui est située tout près de Rebero,
pour détruire le matériel qui nous permettait de communiquer avec
l’étranger. La communication avec l’étranger a été rendue possible
grâce à l’assistance de nos amis qui ont permis au Rwanda d’accéder
à la ligne de communication par satellite que l’ennemi ne sera plus
en mesure de détruire. 27
Selon le ministre des Finances du Gouvernement intérimaire, Emmanuel
Ndindabahizi, les téléphones satellitaires étaient destinés au président, au Premier ministre et à l’état-major :
ALCATEL FRANCE : C’est une commande demandée par KABANDA [Kambanda] et faite par BIZIMANA ASUMANI pour des
téléphones satellitaires pour le président, KABANDA et un autre
pour l’état-major de l’armée. 28
Claver Kanyarushoki, ambassadeur du Rwanda en Ouganda, déclare que le
le téléphone satellite est le seul moyen de communication du Gouvernement
intérimaire avec l’extérieur :
Kanyarushoki admitted that he had had no communication with
the Government since April, saying that they have satellite telephones but they choose whom they wish to call and turn them off
to those calling them. Kanyarushoki said Gitarama is now in RPF
hands, and that the Interim Government appears to be in Gisenyi,
although many are traveling abroad. 29

10

Conclusion

Il reste à identifier six des sept versements opérés depuis le compte BNR à la
Banque de France. Lors de la Commission d’enquête citoyenne, Pierre Galand
avait déclaré qu’ils avaient pris copie de tous les documents bancaires à la base
du rapport rédigé avec Michel Chossudovsky. 30 Nous sommes allés visiter Pierre
27. Clément Kayishema, Lettre datée du 8/6/1994 à son Excellence Monsieur le Premier
ministre. Objet : Transmission du procès-verbal de la réunion du 3 mai 1994, 8 juin 1994,
p. 17. https://francegenocidetutsi.org/doc84194.pdf
28. Compte rendu de la rencontre de l’ex-ministre des finances M. Ndindabahizi Emmanuel
à Nairobi du 8 au 11 juillet, 1, 2 et 3 août 1997 conduite par Gandi Shukry et Jacques
Baillargeon de la section finances, TPIR, 3 août 1997. https://francegenocidetutsi.org/
Ndindabahizi8juillet3aout1997.pdf
29. Ellen A. Shippy, Ambassador Rawson’s meetings with RPF, US Embassy
Kampala, KAMPAL 04923, June 22, 1994. https://francegenocidetutsi.org/
RawsonsMeetingsRPFandGorAmbassador22June1994.pdf
30. Laure Coret, François-Xavier Verschave, L’horreur qui nous prend au visage - Rapport
de la Commission d’enquête citoyenne, 22-26 mars 2004, Karthala, janvier 2005, pp. 190-195.
https://francegenocidetutsi.org/CECrapport.pdf

RÉFÉRENCES

10

Galand à Bruxelles le 7 janvier 2015 qui nous a fort aimablement ouvert son
dossier. Mais les copies des documents bancaires n’y étaient pas. Ils nous a dit
que Michel Chossudovsky les détenait. Nous n’avons pas pu jusqu’ici contacter
ce dernier.

Références
[1] Paul Quilès : Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994. Assemblée nationale, rapport no 1271, http://www.assemblee-nationale.fr/
dossiers/rwanda.asp, 15 décembre 1998. Mission d’information de la commission de la Défense nationale et des Forces armées et de la commission
des Affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France,
d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.

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