Fiche du document numéro 35748

Num
35748
Date
Jeudi 20 novembre 2025
Amj
Auteur
Fichier
Taille
2585180
Pages
2
Urlorg
Titre
Rwanda 1994 : persistance révisionniste dans le livre collectif « Les Guerres civiles »
Sous titre
Dans cet ouvrage, une synthèse de Frédéric Pons consacrée au génocide des Tutsi au Rwanda concentre tous les biais visant à atténuer la réalité du génocide et le rôle de la France dans celui-ci.
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Certains textes méritent d’être lus, aussi médiocres soient-ils. Ainsi de celui qui conclut le livre collectif Les Guerres civiles. De la Renaissance à nos jours, dirigé par Jean-Christophe Buisson et Jean Sévillia (Perrin-Le Figaro Magazine, 378 pages, 22 euros, numérique 15 euros), une synthèse consacrée au génocide des Tutsi au Rwanda – entre 800 000 et 1 million de morts au printemps 1994. L’auteur, Frédéric Pons, ancien journaliste à Valeurs actuelles, réussit en effet un tour de force : concentrer en 20 pages tous les biais propres au révisionnisme qui, depuis plus de trente ans, s’efforce d’obscurcir la réalité des faits.

L’un d’eux consiste à l’assortir de restrictions plus ou moins explicites. Si Frédéric Pons parle bien de génocide, il ajoute : cette « tragédie (…) fut cependant le point d’orgue d’une histoire séculaire ». Pourquoi « cependant » ? Quel génocide n’a pas été précédé d’une histoire séculaire ? Cette phrase n’a aucun sens clair. Mais elle a une fonction : instiller le doute sur la spécificité du crime, en diluant la politique génocidaire mise en place par le pouvoir hutu dans de supposées continuités historiques. Soit une vieille lune, de longue date balayée par les historiens : l’« antagonisme immémorial entre les Tutsi et les Hutu ».

Le rôle de la France



Ce qui est antagonique étant par nature réciproque, l’auteur peut dès lors faire des allers-retours d’un camp à l’autre, notamment pour souligner la présence d’« extrémistes » des deux côtés. Or l’extrémisme tutsi, s’il existe, n’a pas débouché sur un génocide. L’extrémisme hutu, oui. Peu importe à l’auteur, qui ne cherche justement qu’à relativiser cette différence radicale, en insistant sur des massacres commis par des Tutsi contre des Hutu, sans noter qu’ils n’avaient aucune commune mesure eu égard au nombre de victimes et à l’intention génocidaire. Une « folie meurtrière » universelle aurait régné dans le pays. Comment, dans ces conditions, désigner des responsables ?

En particulier, il devient difficile de prendre la mesure précise du rôle de la France. Le rapport remis en avril 2021, à ce sujet, par la commission Duclert ? Frédéric Pons en nie tout bonnement les conclusions : il les attribue au président Macron, en les qualifiant de « déclarations imprudentes », et en les opposant absurdement au rapport lui-même, qui, hasarde-t-il, aurait pu « aider à rétablir la vérité », ce qui signifie pour lui défaire les positions du « camp hostile à la France ».

Ce sont bien pourtant les historiens de la commission qui écrivaient que « la recherche établit (…) un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes », de la France, laquelle s’était « longuement investie au côté d’un régime qui encourageait des massacres racistes ». Il est vrai que l’exactitude historique, à ce stade du texte, n’est qu’un vieux souvenir. Et qu’on ne va pas s’en étonner, puisque c’était le but.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024