Citation
Gilles PARUELLE
Autorité de Régulation de la
Communication Audiovisuelle et
Numérique (ARCOM)
Tour Mirabeau
39-43, quai André-Citroën
75739 Paris cedex 15
Ancien Bâtonnier de l’Ordre
Spécialisé en droit de la famille, des
personnes et de leur patrimoine
Et en droit des étrangers et de la
nationalité
Richard GISAGARA
LLM droit international des affaires
Avocats associés
Serge ARZALIER
Pontoise, le 14 novembre 2025
Docteur en droit
D.E.A de droit économique
Avocats au Barreau
13 rue Pierre Butin
95300 Pontoise
Téléphone : 01.30.32.25.98
Toque Palais n°2
Sur Rendez-vous uniquement
Secrétariat ouvert du lundi au
vendredi
de 9h30 à 12h00 et de 14h00 à 17h00
www.paruelle-associe.fr
Nos réf. : 256855 - RG/RG
CRF C/ RFI
Monsieur le Président,
Je vous écris en ma qualité de conseil l’Association Communauté Rwandaise
de France (CRF), enregistrée à la Préfecture de Police de Paris sous le n°
W513000004, dont l’adresse est 5 rue Perrée à PARIS (75003).
La CRF est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative aux
associations qui a comme objet, notamment, «Honorer la mémoire du génocide
commis contre les tutsi ; combattre le génocide et les crimes contre l’humanité, le négationnisme, le révisionnisme, la banalisation du génocide, engager et soutenir toute action en justice de lutte contre l’impunité des auteurs et complices de ces crimes et assister leurs victimes».
Conformément aux dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication, la CRF entend vous signaler des
manquements aux obligations découlant de cette loi, du cahier des charges de
France Médias Monde dont dépend la Radio France Internationale (RFI) et
des engagements déontologiques internes à ce média (charte de France
Médias Monde).
Exposé des faits
Le 10 novembre 2025, a été publié sur le site internet de RFI, un article intitulé : RDC : « Nous résisterons jusqu'à ce que Kigali accepte un dialogue”, affirment les FDLR », signé Patient LIGODIE, un Journaliste de RFI et spécialiste de la région des Grands Lacs, selon les indications de son compte X dont le lien est repris sur le site RFI.
Dans cet article, le journaliste donne longuement la parole à une personne
présentée comme « Lieutenant-colonel Octavien Mutimura, porte-parole des FDLR»,
groupe armé que le journaliste présente seulement comme : «l'un des plus
anciens encore actifs dans l'est du Congo».
Or, certes, les FDLR sont l’un des plus anciens groupes armés encore actifs dans l’est du Congo mais c’est aussi et surtout, une milice génocidaire, considérée et soumise comme telle à des sanctions imposées par les Nations Unies 1, les États-Unis 2 et l’Union Européenne 3, qui compte parmi ses membres les auteurs du génocide commis contre les Tutsis au Rwanda et qui, au cours des trois dernières décennies, a commis de manière systématique des actes de nettoyage ethnique, des violences sexuelles et des violations massives des droits humains dans l'est de la République démocratique du Congo pour lesquels certains de leurs chefs ont été condamnés pénalement en Allemagne 4.
Un journaliste de RFI ou travaillant pour le compte de ce média de service public dont la mission est, entre-autres, de promouvoir les valeurs démocratiques et de proposer une vision française de l’actualité internationale, engagé à ce titre à porter auprès de son public mondial, les valeurs humanistes et les droits humains, ne pouvait ignorer ou passer sous silence cette nature
génocidaire et les nombreuses exactions du groupe FDLR à qui il donnait la parole.
Au-delà de ce manque de rigueur/honnêteté dans la présentation de ce groupe armé, l’article laisse librement la parole à son porte-parole pour exposer son discours sans aucune contextualisation rigoureuse ni contradiction pourtant nécessaire en particulier pour ce type de sujet.
Ainsi, il le laisse affirmer, sans aucune vérification ou contextualisation que ce groupe génocidaire serait là pour « protéger les réfugiés rwandais abandonnés. De la même manière, il rapporte son propos selon lequel « le HCR joue le jeu du Rwanda », en y envoyant par la force des Congolais capturés, ce qui revient à accuser cet organisme des Nations Unies de crimes contre l’humanité, le déplacement forcé des populations constituant un crime contre l’humanité selon le droit international. Enfin, il laisse passer, dans les mêmes conditions, le message principal de ce groupe armé qui est d’ailleurs repris comme titre de l’article, de réclamer un dialogue d’égard à égard avec le gouvernement rwandais : « Nous résisterons jusqu'à ce que Kigali admette un dialogue inter-rwandais et un retour des réfugiés en toute dignité. » ce qui revient à présenter ce groupe génocidaire comme un acteur politique légitime.
En droit
L’Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle et Numérique est compétente pour contrôler : Le respect de la loi du 30 septembre 1986, les obligations du cahier des charges de France Médias Monde et les engagements déontologiques internes (charte de France Médias Monde).
Les faits ci-dessus exposés doivent en conséquence être appréciés à la lumière :
1
Notamment, les Résolution 2150 (2014) adoptée par le Conseil de Sécurité lors de sa session 7155 et Résolution 2198 (2015) adoptée par le Conseil de Sécurité lors de sa session 7371, toutes régulièrement reconduites jusqu’à ce jour.
2
U.S. Department of State, December 2001, Appendix C, Other Terrorist Group : ALIR, a.k.a. FDLR
3
Règlement d'exécution (UE) 2024/3107 du Conseil du 9 décembre 2024 mettant en œuvre le règlement (CE) n° 1183/2005 concernant des mesures restrictives au regard de la situation en République démocratique du Congo
4
Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni condamnés par la Tribunal Régional de Stuttgart le 28 septembre 2015
Des obligations découlant de la loi du 30 septembre 1986 qui impose une information honnête, indépendante, pluraliste et faisant preuve de rigueur dans la vérification des faits.
Des obligations conventionnelles du cahier des charges de France Média Monde dont, notamment, le préambule rappelle l’impératif de promouvoir les valeurs démocratiques, impose le respect de la dignité humaine, impose d’assurer une information rigoureuse et d’éviter toute présentation pouvant servir d’outil de propagande De la déontologie journalistique interne à France Médias Monde encadrée par l’ARCOM dont la charte impose la contextualisation des informations sensibles, la prudence dans le traitement de groupes armés, la vérification systématique, l’interdiction de servir de caisse de résonance ou de plateforme de revendication pour des acteurs des mouvement violents.
En l’espèce, il ressort de ce qui précède que l’auteur de l’article litigieux ainsi que RFI ont manqué en ces obligations en présentant les FDLR de manière à laisser penser qu’il s’agirait d’un acteur politique légitime et ce, par omission de faire état de :
leur origine génocidaire,
leurs crimes en RDC et au Rwanda,
leur qualification et condamnation par les acteurs internationaux comme les Nations Unies, les Etats Unis, l’Union Européenne et l’Allemagne.
Ce qui constitue un défaut de rigueur et une présentation trompeuse susceptible d’induire le public en erreur, manquement sanctionné habituellement par l’ARCOM (décision 2019‑137, BFM TV, à titre d’exemple)
Par ailleurs, en donnant la parole au porte-parole des FDLR sans contextualisation factuelle indispensable, l’auteur de l’article et RFI ont :
manqué à leur obligation de respect de la dignité et de la mémoire des victimes de ce groupe tant du génocide commis contre les Tutsi de 1994 ou de leurs crimes ultérieurs en RDC ou au RWANDA
se sont prêtés à la diffusion du narratif d’un groupe criminel en légitimant son action violente.
Ce qui contrevient à l’exigence d’indépendance, de rigueur et d’interdiction de servir de plateforme de communication ou de revendication à des groupes violents et l’obligation de contextualisation, ce que l’ARCOM sanctionne habituellement (Décisions du 12 février 2015 Charlie Hebdo/Hyper Cacher).
Climat de pression
Il n’est pas sans intérêt de rappeler que l’article litigieux a été publié dans un contexte où, le 7 janvier 2025 5, les autorités de Kinshasa (RDC) ont adressé aux rédactions de France Médias Monde (ainsi qu’à d’autres) une lettre les menaçant de « sanctions exemplaires et sévères » en leur reprochant de diffuser une information non conforme à la ligne officielle que ces autorités
entendaient véhiculer dans les médias à propos de la situation dans le pays, notamment en ce qui concerne la guerre à l'est du pays. Deux jours après cette missive, dans une intervention publique sur le réseau X, le ministre de la Justice de ce pays, où la peine de mort a été rétablie, a 5 Romain Chanson dans « Jeune Afrique » du 11 janvier 2025 : https://www.jeuneafrique.com/1647276/politique/rdc-vers-
une-mise-au-pas-des-journalistes-qui-couvrent-la-guerre/
publiquement menacé tout journaliste qui oserait contredire cette ligne officielle de se voir condamné à la peine de mort 6.
Il ne fait dès lors aucun doute que les autorités de Kinshasa interdisent le libre traitement de l’information concernant le climat d'insécurité, de violence et de conflit armé qui règne dans le pays depuis plusieurs années, en particulier dans la région du Kivu, frontalière avec le Rwanda, à l'est du pays.
Cette situation est telle que la Conseillère Spéciale des Nations Unies pour la prévention contre le génocide a conclu que les indicateurs et les déclencheurs des crimes atroces, tels qu’identifiés par les Nations Unies , étaient présents dans ce pays, notamment la diffusion de discours de haine, l'absence de mécanismes indépendants pour y faire face et la politisation de l'identité. Elle
s'est déclarée inquiète de la montée des discours de haine et d'incitation à la discrimination, à l'hostilité et à la violence, en particulier à l'encontre de la communauté rwandophone.
La CRF est profondément inquiète de constater que certains médias n’ont pas compris ou n’ont pas pris la juste mesure de la dangerosité de cette situation et des craintes exprimées par cette spécialiste en la matière. Elle craint que les médias ciblés nommément par les autorités de Kinshasa, comme ceux de France Médias Monde aient cédé à ces graves menaces, qui constituent une entrave inacceptable au droit d’informer.
La CRF déplore que, depuis cette date, dans les publications consacrées à cette situation, ces médias semblent se limiter visiblement à relayer, sans vérification ni analyse critique approfondie, le discours officiel des autorités congolaises, directement ou par intermédiaires. Contrairement à l’obligation de présenter une infirmation indépendante et équilibrée, ils accordent peu ou pas de place à ceux mis en cause par ces autorités et leurs affiliés, les privant ainsi de la possibilité de présenter leur version des faits à l’opinion française et internationale.
Conclusions
Eu égard à ce qui est exposé ci-dessus, par la présente, l’association CRF sollicite l’intervention de l’ARCOM afin qu’il soit mis fin à cette situation et que les manquements ci-dessus exposés soient sanctionnés conformément aux dispositions applicables et à la pratique habituelle de l’institution.
Veuillez croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma considération distinguée.
Pièce jointe
L’article du 10 novembre 2025 publié sur le site internet de RFI, intitulé : RDC : « Nous résisterons jusqu'à ce que Kigali accepte un dialogue », affirment
les FDLR », signé Patient LIGODIE
6 https://x.com/ConstantMutamba/status/1877305951687934303