Citation
Résumé exécutif
Ce mémoire démontre, sur la base de télégrammes diplomatiques français, de notes des services de renseignement (DGSE), de pièces de l’Assemblée nationale française, de la correspondance de Human Rights Watch, de procès-verbaux judiciaires belges et de témoignages postérieurs, qu’Agathe Kanziga Habyarimana a joué un rôle structurant et décisionnel dans un groupe politico‑militaire organisé — l’« Akazu » ou « Réseau Zéro » — hostile à la démocratisation et aux Accords d’Arusha, qui a conduit à l’élimination programmée des opposants et à l’activation du génocide des Tutsi à partir du 6 avril 1994.
L’analyse croise (1) les « TD » (télégrammes diplomatiques) de l’ambassade de France à Kigali (1990–1994), (2) des notes DGSE de mai–octobre 1994, (3) la lettre de Human Rights Watch du 25 avril 1994, (4) des procès‑verbaux et témoignages (Akingeneye, Birara), (5) des documents administratifs français (OFPRA/Conseil d’État), et (6) des composantes de l’organigramme de la RTLM.
Appréciées à l’aune du droit international pénal (Convention de 1948, Statut et jurisprudence du TPIR), ces sources étayent la planification, l’instigation et la responsabilité hiérarchique de facto d’Agathe Kanziga Habyarimana.
Les contre‑arguments fondés sur des auditions tardives et l’omission de documents d’époque par la juge d’instruction Tacheau sont examinés et jugés non convaincants au regard de la cohérence temporelle et de la convergence inter‑sources.
Méthodologie et sources
Nous privilégions les documents contemporains des faits (1990–1994) et les pièces à forte traçabilité institutionnelle (TD du ministère des Affaires étrangères, notes DGSE, correspondances officielles), considérés comme les plus probants pour reconstituer la chaîne d’autorité et la dynamique décisionnelle.
Les témoignages postérieurs (auditions parlementaires, déclarations sous serment, entretiens) sont utilisés en corroboration et non comme preuve unique, conformément aux bonnes pratiques de critique des sources.
I. Cadre juridique et standards de preuve
A. Textes et incriminations
La Convention de 1948 et le Statut du TPIR (art. 2, 6) répriment la planification, l’instigation, l’aide et l’encouragement au génocide, ainsi que la responsabilité du supérieur hiérarchique.
La jurisprudence du TPIR précise que l’autorité de commandement peut être de facto (pouvoir réel d’influencer/prévenir) et que la participation peut résider dans la structuration, l’orientation et la facilitation d’un appareil criminel.
Voir notamment Akayesu (ICTR‑96‑4), Kayishema et Ruzindana (ICTR‑95‑1), Nahimana, Barayagwiza et Ngeze (ICTR‑99‑52, « Media Case »), et Bagosora et al. (ICTR‑98‑41, « Military I »).¹
B. Éléments matériels et intentionnels
(i) existence d’un groupe organisé poursuivant un dessein criminel (Akazu/Réseau Zéro) ;
(ii) contribution significative d’Agathe Habyarimana à la création, la cohésion et la direction de ce groupe ;
(iii) intention d’entraver Arusha et de neutraliser (par la violence) les opposants hutu modérés et les Tutsi ;
(iv) capacité de facto d’agir sur des organes exécutifs — Garde présidentielle, officiers supérieurs, milices Interahamwe — et abstention coupable d’empêcher/punir ;
(v) articulation d’ordres et dispositifs logistiques conduisant aux assassinats du 6–7 avril 1994 et au déclenchement généralisé des massacres.
II. 1990–1991 : Mise en place d’un groupe de pouvoir structuré (« Akazu » / « Réseau Zéro »)
A. Constat diplomatique précoce
Dès le 12 mars 1990, l’ambassade de France à Kigali signale que le Président peut être « mis en échec » au sein même de son cercle familial, « celui de son épouse ».² Cette note situe l’épicentre d’un contre‑pouvoir informel auprès d’Agathe Kanziga, capable de neutraliser les impulsions réformatrices de Juvénal Habyarimana.
Le 19 juin 1991, un TD décrit le « premier cercle » — « connu et honni » — qui « paralyse l’action du chef de l’État » ; Agathe y est citée au premier rang, aux côtés de colonels clefs (Sagatwa, Serubuga, Rwagafilita, etc.).³ Cette description officielle atteste l’existence d’un appareil décisionnel parallèle, composé de civils et de militaires du Nord, rattaché à la présidence par liens familiaux et de loyauté.
B. Capacités et leviers
Ces télégrammes identifient trois leviers :
(i) nominations et promotions dans l’armée et la gendarmerie ;
(ii) contrôle des ressources et circuits de sécurité présidentielle ;
(iii) influence sur les choix stratégiques (sécurité intérieure, lutte anti‑FPR).
Ils révèlent une centralité d’Agathe, non pas protocolaire, mais fonctionnelle : interface entre famille présidentielle, secrétariat particulier (Sagatwa) et commandement.
III. 1992–1993 : Opposition systématique aux Accords d’Arusha et montée en radicalité
A. Interventions politiques d’Agathe
En 1992, les TD rapportent « la touche personnelle » d’Agathe dans un discours présidentiel visant à délégitimer les opposants.⁴
Le 15 novembre 1992, une photographie la montre en uniforme des Interahamwe lors d’un déplacement à Ruhengeri, signal visuel de solidarité avec la milice du MRND, future cheville ouvrière du génocide.⁵ Ces éléments participent d’une « performativité » politique : incorporation symbolique de la milice par la Première dame, renforcement des loyautés, intimidation des modérés.
B. Sabotage des tentatives de compromis
Selon l’audition de l’ambassadeur Martres (AN, 22 avril 1998), Agathe s’oppose à un communiqué conjoint Président–Premier ministre favorable à Arusha — gêne active des gestes de détente.⁶ S’ajoute un télégramme du 18 février 1993 relatant les appels d’Agathe, alarmant sur des « massacres » attribués aux Inkotanyi — rhétorique de dramatisation alimentant les réseaux sécuritaires.⁷
Pris ensemble, ces faits montrent une stratégie de durcissement, où l’acceptation d’Arusha par Juvénal Habyarimana est minée par le « premier cercle ».
IV. 1992–début 1994 : Planification des éliminations politiques et « listes »
A. Genèse et inflation des listes
Le témoignage de Jean Birara (26 mai 1994) décrit la genèse des « listes » de personnes à éliminer, discutées dans l’entourage d’Agathe — de ~60 noms (1992) à ~1 500 (février 1994).⁸ Les cibles mêlent Hutu modérés (favorables à Arusha) et figures tutsies influentes.
Cette inflation montre une extension programmée de la violence du ciblage politique vers l’extermination ethnique.
B. Réunions à la résidence d’Agathe
Le PV de l’auditorat militaire belge (dit « Akingeneye ») converge : des réunions préparatoires se seraient tenues dans la résidence d’Agathe, où l’on « validait » les cibles et les modalités d’exécution rapide.⁹
La valeur probante tient à la proximité temporelle et à la concordance avec les exécutions du 7 avril.
C. Convergence avec le schéma « Réseau Zéro »
Des notes DGSE de juillet–septembre 1994 caractérisent le « Réseau Zéro » (aussi dit Akazu) comme un noyau de radicaux du Nord, civils et militaires, « colonels de Madame », soupçonnés d’être le centre du complot ayant conduit à l’attentat du 6 avril et à la planification systématique des exactions.
Plusieurs officiers auraient bénéficié de la protection d’Agathe Habyarimana.¹⁰ ¹¹ ¹²
V. 6–9 avril 1994 : Activation — assassinats ciblés et bascule génocidaire
A. Déclenchement et modus operandi
Dans les heures suivant l’attentat du 6 avril, des équipes (Garde présidentielle, paras‑commandos) procèdent à des assassinats ciblés conformes aux listes : la Première ministre Agathe Uwilingiyimana, le président de la Cour constitutionnelle Joseph Kavaruganda, le ministre Lando Ndasingwa, etc.
Les TD du 7 et 9 avril consignent l’exfiltration de proches du clan et la situation de contrôle sécuritaire par la GP.¹³ ¹⁴
B. Rôle des relais du « premier cercle »
Le colonel Élie Sagatwa, chef du secrétariat particulier, est décrit par des sources diplomatiques comme le « cerbère » de la présidence.³
Protais Mpiranya (GP) est signalé la nuit du 6–7 avril à la résidence d’Agathe ; l’hypothèse d’ordres immédiats d’élimination de personnalités clé s’inscrit dans la dynamique relevée par les PV belges et par les TD (voir également « récit » d’Agathe du 18 août 1994).¹⁵
C. Responsabilité hiérarchique de facto
La lettre de Human Rights Watch du 25 avril 1994 atteste l’« énorme prestige » et l’autorité
d’Agathe sur les colonels Bizimungu, Mpiranya, Bagosora, Nkundiye, Simbikangwa — et conclut qu’un appel public de sa part « mettrait fin rapidement aux massacres ».¹⁶
Cette reconnaissance par un tiers indépendant établit la capacité d’empêcher/punir : au sens de Bagosora (responsabilité du supérieur), l’abstention engage la responsabilité.
VI. Avril–octobre 1994 : Continuité, coordination et recherche d’appuis extérieurs
A. Hébergement, sécurité et réseau
Les TD d’avril 1994 détaillent l’évacuation, l’hébergement (Bangui → Paris) et les exigences logistiques d’Agathe, tandis que 12 proches parents sont exfiltrés.¹⁷ ¹⁸ ¹⁹ ²⁰
Ces déplacements n’interrompent pas les contacts : des notes DGSE (25 et 30 mai 1994) mentionnent des démarches vers Bob Denard ; le 29 juillet 1994, préparation d’une conférence de presse avec Paul Barril ; le 21 octobre 1994, la caution morale d’Agathe
au général Bizimungu est signalée.²¹ ²² ²³ ²⁴
B. « Réseau Zéro » après le 6 avril
Les notes DGSE des 18 juillet, 5 et 22 septembre 1994 explicitent que le « Réseau Zéro »/« colonels de Madame » reste au centre de la planification des exactions, suspecté d’être le principal commanditaire de l’attentat du 6 avril, avec la protection d’Agathe pour plusieurs officiers.¹⁰ ¹¹ ¹²
Ces constats, émis pendant encore que les opérations se poursuivent, renforcent l’inférence d’une direction politique persistante.
VII. Environnement de propagande : l’interface avec la RTLM
A. Commission « technique et programmes » et expertises
Un organigramme RTLM (pièce TPIR 1D148A) atteste la « Commission de la technique et des programmes » présidée par Nahimana, où figure Gaspard Musabyimana — par ailleurs cité comme « expert » par la juge.²⁵
L’association d’Agathe à des cadres de la RTLM est documentée par des renvois (note/fiche sur Musabyimana).²⁶
Sans confondre les personnes, la convergence entre milieu décisionnel de l’Akazu et moteurs de propagande (Nahimana/RTLM) ressort du « Media Case » (Nahimana et al.), qui qualifie la propagande de « carburant » de l’extermination.
B. Portée juridique
La RTLM fournit la mens rea collective et facilite la logistique (mobilisation des Interahamwe). La proximité d’Agathe avec ce réseau — via ses « colonels » et ses relais politiques — nourrit l’imputation de contribution significative à l’entreprise criminelle commune.
VIII. Appréciation probatoire, réfutation des objections
A. Force probante des documents d’époque vs. auditions tardives
Les TD/DGSE (1990–1994) sont contemporains et rédigés par des institutions dont la mission est l’information de décision. Leur cohérence interne et intertextuelle (mêmes acteurs, mêmes mécanismes) confère un poids élevé.
À l’inverse, les auditions postérieures (souvent sous contrainte de contexte, vieillesse des témoins, risques/pressions) doivent être lues avec prudence. Des pressions (menaces, assassinat du Dr Musabe) constituent autant d’éléments qui affaiblissent la fiabilité de dénégations tardives.
B. À propos de l’instruction Tacheau
L’omission de 3–4 notes DGSE au bénéfice d’auditions ultérieures aboutit à sous‑pondérer les documents d’époque.
La méthode prête à discussion : d’un point de vue probatoire, écarter des pièces contemporaines et s’appuyer prioritairement sur des auditions de gardes présidentiels introduit un biais d’autojustification. Une approche équilibrée impose au contraire de partir des documents primaires puis de confronter les dires postérieurs aux traces écrites.
C. Crédibilité des pièces spécifiques
— Martres 12 mars 1990 et TD 19 juin 1991 : haute fiabilité (diplomatique, multiples recoupements).² ³
— HRW 25 avril 1994 : source indépendante, confirmant l’autorité d’Agathe sur les colonels clefs.¹⁶
— PV Akingeneye & Birara : concordance matérielle avec assassinats des 7–9 avril ; corrélation avec les TD/DGSE.⁸ ⁹
— DGSE mai–oct. 1994 : chronologie resserrée, confirmations croisées (Denard, Barril, Bizimungu ; « Réseau Zéro »).²¹ ²⁴ ¹⁰ ¹²
Les références sont données en notes de fin, avec intitulé du document et URL vers les reproductions numériques.
IX. Qualification juridique et imputation de responsabilité
A. Planification et instigation
Les actes d’Agathe — structuration du « premier cercle », opposition systématique aux Accords d’Arusha, soutien symbolique et politique aux Interahamwe, préparation des « listes », maintien des relais après le 6 avril — constituent une contribution essentielle au plan commun d’extermination.
Au regard d’Akayesu et Bagosora, l’instigation et la planification sont caractérisées.
B. Aide et encouragement
La facilitation politique et logistique (réunions, relais sécuritaires, couverture et protection
d’officiers clefs) a eu un effet substantiel sur la commission du crime ; l’élément moral (connaissance de l’issue génocidaire) ressort de la chronologie 1992–avril 1994.
C. Responsabilité de supérieur hiérarchique (de facto)
L’autorité d’Agathe, reconnue par HRW et déduite du faisceau TD/DGSE, implique devoir d’empêcher/punir.
L’omission d’agir, alors qu’un appel public ferme était possible selon HRW, engage sa responsabilité conformément à l’art. 6(3) TPIR.
D. Crimes connexes
Outre le génocide, les faits constituent persécutions et extermination en tant que crimes contre l’humanité.
Conclusion
Le faisceau de preuves établi par des documents d’époque concordants montre qu’Agathe Kanziga Habyarimana a occupé une fonction de direction politique au cœur de l’Akazu/Réseau Zéro, participant à la planification, à l’instigation et au maintien d’un dispositif militaro‑milicien ayant conduit au génocide des Tutsi.
Au regard du droit international pénal (Convention de 1948, Statut/Jurisprudence TPIR), sa responsabilité peut être retenue au titre de la planification, de l’aide et encouragement, et de la responsabilité hiérarchique de facto.
Précision
Ce document a été préparé avec l’appui de ChatGPT (GPT-5, OpenAI), un modèle de traitement du langage naturel. L’assistance fournie par cet outil n’a qu’une valeur de soutien rédactionnel et ne constitue pas un avis juridique.
Notes
1. TPIR, Prosecutor v. Akayesu (ICTR‑96‑4), Kayishema & Ruzindana (ICTR‑95‑1), Nahimana, Barayagwiza & Ngeze (ICTR‑99‑52), Bagosora et al. (ICTR‑98‑41).
2. « C’est dans son propre clan… », TD Kigali, 12 mars 1990, Ambassade de France :
https://francegenocidetutsi.org/Martres12mars1990.pdf
3. « Le premier cercle… », TD Kigali (CD), 19 juin 1991 :
https://francegenocidetutsi.org/TAKigali19juin1991.pdf
4. « … a apporté sa touche personnelle », MAE/TD Kigali, 19 nov. 1992 :
https://francegenocidetutsi.org/19921119MaeTDKigali945.pdf
5. Photographie d’Agathe en uniforme Interahamwe (15 nov. 1992) :
https://francegenocidetutsi.org/AgatheEnUniformeInterahamwe15111992.jpg
6. Audition de Georges Martres (Assemblée nationale), 22 avril 1998 :
https://francegenocidetutsi.org/AuditionMartres22avril1998.pdf
7. TD « Appels du Président Habyarimana et de son épouse », 18 février 1993 :
https://francegenocidetutsi.org/TDAppelsPresidentHabyarimanaEtEpouse18Fevrier1993.pdf
8. Jean Birara, déclaration du 26 mai 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/Birara26mai1994.pdf
9. Auditorat militaire belge, « Filles du Dr Akingeneye », PV :
https://francegenocidetutsi.org/AkingeneyeAuditMil.pdf
10. DGSE, 18 juillet 1994 (« Réseau Zéro », protection d’officiers par Agathe) :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE19048N18juillet1994.pdf
11. DGSE, 5 septembre 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE19328N5septembre1994.pdf
12. DGSE, 22 septembre 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE19404N22septembre1994.pdf
13. TD Kigali, 7 avril 1994 (« impossibilité de rejoindre l’ambassade ») :
https://francegenocidetutsi.org/19940407MaeTDKigali314.pdf
14. TD Kigali, 9 avril 1994 (« 12 proches parents » évacués) :
https://francegenocidetutsi.org/19940409MaeTDKigali340.pdf
5. « Récit par Agathe H. des événements des 6–9 avril », 18 août 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/AgatheHabyarimana18aout1994.pdf
16. Human Rights Watch, lettre à Agathe Habyarimana, 25 avril 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/LettreAagatheHabyarimanaHRW25041994.pdf
17. Liste de la famille Habyarimana hébergée à Bangui :
https://francegenocidetutsi.org/MorelNemo14avril1994.pdf
18. « Hébergement et sécurité de la famille Habyarimana », 14 avril 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/19940414CoopNote.pdf
19. « Exigences d’Agathe H. pour son hébergement à Paris », 14 avril 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/19940414CoopTdBangui275EvacAgathe.pdf
20. « Mme Habyarimana et sa famille envisagent de se rendre au Zaïre », DGSE, 5 sept. 1994 :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE19318N5septembre1994.pdf
21. DGSE, 25 mai 1994 (contacts avec Bob Denard) :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE18651N25mai1994.pdf
22. DGSE, 30 mai 1994 (contacts réguliers avec Denard) :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE18645N30mai1994.pdf
23. DGSE, 29 juillet 1994 (conférence de presse avec Paul Barril) :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE19149N29juillet1994.pdf
24. DGSE, 21 octobre 1994 (Bizimungu obtient la « caution morale » de Mme Habyarimana) :
https://francegenocidetutsi.org/DGSE18814N21octobre1994.pdf
25. Organigramme RTLM / Commission « technique et programmes », TPIR 1D148A :
https://francegenocidetutsi.org/OrganigrammeRTLMtpirEx1D148A.pdf
Cet organigramme, établi lors des travaux du TPIR, met notamment en évidence l’existence d’un Comité d’initiative, organe central de pilotage de la RTLM. Ce comité s’appuyait sur plusieurs commissions spécialisées, dont la Commission de la technique et des programmes. Cette commission était chargée de définir les conditions matérielles de diffusion, le format des émissions, le ton de l’antenne et la ligne éditoriale générale, autrement dit l’ossature même du message diffusé par la radio.
Gaspard Musabyimana figure parmi les membres identifiés de cette commission, aux côtés d’acteurs fondateurs et influents de la station. Sa présence à ce niveau est significative : elle l’inscrit au cœur du dispositif qui a modelé le contenu, bien avant que les animateurs ne prennent la parole à l’antenne. Il n’était donc pas spectateur de l’orientation de la radio, mais participant à l’élaboration des choix stratégiques et à la construction du discours public.
À cette responsabilité s’ajoute un second élément tout aussi déterminant : Musabyimana était également actionnaire de la RTLM :
https://francegenocidetutsi.fr/documents/rtlm_shareholders.pdf
Les listes d’actionnaires montrent qu’il détenait une participation financière, ce qui confirme qu’il s’associait matériellement au projet, qu’il y investissait ses ressources et qu’il avait un intérêt direct à son développement et à sa diffusion. Il n’était pas un conseiller occasionnel ou un simple soutien idéologique, mais un acteur engagé dans la structure économique de la radio.
La combinaison de ces deux positions — membre de la commission stratégique des programmes et investisseur dans le capital de la RTLM — démontre que son rôle fut structurel. Il a participé aux choix fondateurs qui ont donné à la RTLM sa forme, son orientation et son identité. La radio n’était pas seulement un lieu où l’on parlait : c’était un instrument pensé, organisé et ajusté par un noyau de responsables. Gaspard Musabyimana faisait partie de ce noyau. C’est en cela que son rôle peut être qualifié de clé : il se trouve là où s’élabore la structure, la stratégie et la légitimation du projet, à la fois par la décision et par l’investissement.
La responsabilité ne se limite pas à ceux qui prononcent publiquement les appels au meurtre. Elle s’étend à ceux qui conçoivent, organisent, soutiennent et rendent possible la plateforme qui les porte. En assumant un rôle de conception et de soutien financier, Musabyimana a contribué à donner stabilité, cohérence et puissance à la RTLM, au moment même où celle-ci devenait un vecteur d’incitation aux massacres. À ce titre, sa responsabilité s’inscrit dans l’ensemble des acteurs qui ont rendu le génocide possible non seulement par les actes physiques, mais par l’arme des mots, de l’organisation et de la structuration médiatique.
26. Voir aussi sur G. Musabyimana :
https://francegenocidetutsi.org/Musabyimana26fevrier2008.pdf