Citation
Alexandre Dauge-Roth
26 Témoigner du génocide contre les Tutsi du
Rwanda
Résumé : Trois ans après la fin du génocide de 1994, qui a vu l’extermination en trois
mois de plus de 800 000 Tutsi au Rwanda, Yolande Mukagasana publie en France La
mort ne veut pas de moi (1997). Il faut toutefois attendre la dixième commémoration
pour qu’un florilège de témoignages soit publié. À partir de cette date, de nombreux survivant·es tutsi ont publié leurs récits auprès d’éditeurs français et francophones. Parmi
les plus influents, ceux écrits par Esther Mujawayo (2004 ; 2006), Annick Kayitesi (2004)
ou par Élise Musomandera (2014). Leurs témoignages attestent autant de ce qu’elles ont
vécu en 1994 que de la difficile gestion à long terme de leurs traumas, tout comme de
leurs revendications et désir de justice. La majorité de ces textes sont le fait de femmes
avec quelques exceptions notables, dont les témoignages de Vénuste Kayimahe (2002)
et surtout de Révérien Rurangwa qui intitule son récit par ce néologisme cinglant et
symptomatique : Génocidé (2006). L’un des principaux défis, pour ces auteur·es, réside
dans l’avènement de leur prise de parole à l’ère de la réconciliation nationale et de la
mise en vigueur d’une justice transitionnelle qui exige des compromis, des formes
d’autocensure et des sacrifices d’une violence psychique inouïe.
Mots-clés : censure, génocide, justice, mémoire, réconciliation, témoignage, violence
collective
1 Introduction
Plus de deux décennies après la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, la société rwandaise tout comme son gouvernement continuent à négocier les cicatrices, les divisions
et la persistance de l’idéologie ethnique héritées du génocide de 1994. Face à ce passé
traumatique qui informe tous les secteurs de la vie publique et la plupart des interactions où se joue la reconstruction du lien social, chaque Rwandais·e doit se positionner.
Que ce soit à travers ses actions, ses prises de parole ou encore ses manières de penser,
tout·e Rwandais·e doit se définir par rapport à l’héritage génocidaire et faire face à ce
qu’il véhicule de traumatique et de potentiellement toxique (↗3 Traumatisme individuel et traumatisme collectif). Si les formes que prend la connaissance de ce passé
importent tant, c’est bien parce que la possibilité d’une réconciliation entre Rwandais·es
exige de négocier collectivement dans le présent un passé violent et idéologiquement
antagonisant. Comme l’a souligné le président Paul Kagame, le génocide de 1994 constitue un dénominateur commun à partir duquel – et contre lequel – les Rwandais·es doiAlexandre Dauge-Roth, Bates College, Maine
https://doi.org/10.1515/9783110420746-026
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Alexandre Dauge-Roth
vent s’envisager et repenser les modalités d’une coexistence immune aux discriminations destructives qui ont prévalu pendant presque un siècle :
Comment assurer aujourd’hui qu’une telle destruction physique, émotionnelle, psychologique et
spirituelle ne se répète pas […] ? Le génocide a affecté les vies de tous les Rwandais : pas un seul
individu ou une seule communauté n’a été épargnés. Tout Rwandais est soit un survivant du génocide ou un génocidaire, ou l’ami ou le parent d’un survivant ou d’un génocidaire. (Kagame 2009
xxi, (trad. AD))
Si tou·tes les Rwandais·es ont été affecté·es par le génocide, il n’en demeure pas moins
que tou·te·s ne l’ont pas été de la même manière et que la façon dont ils et elles vont
essayer de concevoir et de mettre en vigueur de nouveaux modes de sociabilité ne saurait être déconnectée de ce qu’ils et elles ont vécu. Dans Demain ma vie (2009), Berthe
Kayitesi, survivante du génocide des Tutsi, témoigne de manière saisissante du vertige
né de l’oblitération de ses repères d’antan et de l’anachronisme traumatique qu’il instille au cœur de sa survivance :
Des noms, des visages humains ont été effacés de la surface de la terre en seulement cent jours. […]
D’avril à juillet 1994, tout s’est arrêté à jamais. Nos êtres chers ont disparu, emportant avec eux les
repères familiaux, sociaux et matériels qui caractérisaient notre vie d’avant.
Avec de telles pertes qui suis-je ? À partir de cette date et de ces dates, il fallait réapprendre à vivre,
rêver autrement, recommencer. Mais qui allait recommencer, où et avec quoi ? […] Désormais le
passé allait être plus présent que le présent lui-même. La mort atroce des nôtres allait être la source
d’inspiration de nos projets de vie. (2009, 61–62)
Quels obstacles doivent dès lors négocier les rescapé·es quand ils et elles désirent témoigner, dans une ère où la reconstruction sociale du Rwanda exige d’eux et d’elles pour
ainsi dire l’impossible : à savoir tourner la page du passé au moment même où ils et elles
tentent de l’écrire afin de conférer une lisibilité à leur passé au sein du présent ?
Comment comprendre les moyens donnés aux survivant·es pour se reconstruire euxmêmes face aux moyens que la société rwandaise privilégie pour se reconstruire collectivement afin de dépasser les (di)visions sociales qui ont permis de rendre pensable et
possible le génocide de 1994 avec l’aval de la majorité ? Enfin, si on accepte l’idée
qu’Esther Mujawayo expose dans son second témoignage La fleur de Stéphanie. Rwanda
entre réconciliation et déni (2006), comment se redéfinir et se reconstruire quand on
prend conscience que « ‹ la réussite › d’un génocide réside, entre autres, dans ce principe : te rendre coupable de vivre puis, rescapé, te rendre coupable de survivre. […] un
génocide, ça marche parce qu’il te marque et te possède le reste de ta vie, absolument »
(2006, 40) ? Quelles stratégies les rescapé·es peuvent-ils dès lors élaborer pour se défaire
de l’emprise de ce passé aliénant et autodestructeur quand on sait que survivant·es et
génocidaires vivent côte à côte au Rwanda ? À quel prix les survivant·es parviennentils à gérer la violence psychologique inouïe née des compromis sociaux, économiques
et politiques qui sont attendus d’eux dans leurs face à face avec les bourreaux ? Les défis
de cette cohabitation forcée et sans précédent dans l’histoire des génocides, le désir de
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justice, la remémoration des mort·es, tout comme la possibilité de dire les cicatrices
qu’on porte sur et en soi sont des thèmes récurrents chez Yolande Mukagasana (1997 ;
1999 ; 2001), Esther Mujawayo (2004 ; 2006), Annick Kayitesi (2004), Révérien Rurangwa
(2006), Berthe Kayitesi (2009), tout comme dans les témoignages publiés par Élise Rida
Musomandera (2014) et Philibert Muzima (2016). Il en va de même pour les autodocumentaires réalisés par des survivant·es. Tous archivent et explorent le dilemme
qui veut que ce soit aux survivant·es de faire le plus grand compromis, de reformuler
leurs demandes de justice, de renoncer à leur demande de réparation matérielle, et,
dans de nombreux cas, d’être les principaux artisans de la réconciliation. Que ce soit
Jacqueline Kalimunda dans Homeland (2005) ou Dady de Maximo Mwicira Mitali dans
Par le raccourci (2009), ou le procès des tueurs de sa famille que filme Gilbert Ndahayo
dans Rwanda : Par-delà la fosse mortelle (2010), tout·es tentent de mettre en dialogue,
dans le cadre de leur démarche testimoniale, les perceptions hétérogènes d’un passé
qui ne cesse de hanter le présent tout comme les demandes et les idéologies contradictoires qui coexistent au Rwanda aujourd’hui. Au cœur de leurs témoignages écrits ou filmiques, ces survivant·es proposent un espace de réflexion inédit où se joue la possibilité
d’un vivre en commun qui transcenderait les blessures, haines et suspicions générées
par le génocide de 1994 (↗27 Le génocide des Tutsi au cinéma).
2 Le témoignage et la politique mémorielle au
Rwanda
Au défi de la cohabitation que le titre emblématique du documentaire d’Anne Aghion
Mon voisin mon tueur (2009) signale, s’ajoute le fait que, durant plus d’une décennie, la
politique de réconciliation nationale et sa mise en œuvre à travers les juridictions
gacaca (2001–2012) ont constitué le principal espace public à travers lequel l’héritage
du génocide des Tutsi a été articulé et débattu publiquement (Clark 2012 ; Human Rights
Watch 2011). De par l’encadrement de la parole des témoins et les demandes de compromis qu’elle impose, cette justice transitionnelle a grandement affecté la capacité des survivant·es à prendre la parole et a redéfini de manière radicale la légitimité des locuteurs
habilités à témoigner du passé et à définir sa signification. Ce cadre mémoriel où prime
le judiciaire a en effet institué des contraintes inédites sur ceux et celles qui désirent
narrer leurs blessures faire entendre leur version de l’histoire, voire formuler des
revendications politiques liées aux séquelles du génocide. Une autre tension clé quant
au rôle du témoignage dans l’après génocide réside dans le fait que les gacaca confèrent
aux génocidaires un statut énonciatif unique dans la connaissance de ce qui s’est passé.
Comme le relève Mujawayo dans son second témoignage La fleur de Stéphanie. Rwanda
entre réconciliation et déni (2006),
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[l]a nouvelle juridiction des gacaca a bouleversé la situation : elle t’impose de parler. Si tu caches
une information qui en vient à être dévoilée par d’autres – et parfois par tes propres complices –,
on en conclut que tu n’as pas voulu témoigner, et tu peux être poursuivi. Raconter ce qui s’est passé
ne relève donc plus seulement du rescapé comme avant. Celui-ci ne peut pas toujours dire précisément qui a tué, et comment. […] mis à part [des] cas spécifiques, la vérité, c’est certain, appartient
surtout à ceux qui ont exécuté. Et c’est justement à eux, cette fois, ainsi qu’aux autorités locales,
qu’on a demandé d’éclairer l’histoire. (2006, 70)
Ce nouveau statut énonciatif donné aux tueurs impose souvent aux victimes une
confrontation difficile entre leur parole et celle des bourreaux dans la mesure où les
partis en présence ne sont pas nécessairement animés par une même volonté de savoir
et ont des intérêts pour le moins divergents. Ce face-à-face, s’il signifie clairement la fin
de l’impunité, n’en demeure pas moins à son tour une source possible de traumatisme
pour les rescapé·es puisque la parole de la victime et celle du bourreau ont a priori
une valeur juridique égale, chacun·e pouvant contester la version de l’autre, jeter le
doute et le discrédit sur l’autre avec tout ce que cela recèle d’humiliant et de retraumatisant. Mujawayo souligne cette nouvelle violence imposée aux survivant·es de la
manière suivante :
Pour ma part, ma grande inquiétude est la suivante : des rescapés qui se sentent encore engloutis
dans la mort, parce que sans abri, sans ressources, sans place dans leur société autres que celle de
victimes […], doivent-ils subir cette nouvelle épreuve qu’est la confrontation contrainte à leurs
tueurs ? [...] Tu vas me dire, et tu auras raison, que dans cette épreuve existe aussi une part de vérité
et qu’elle est nécessaire aux rescapés. Il nous est en effet capital de savoir comment sont morts les
nôtres, et surtout où sont leurs corps, où, où, où… Mais le cadre dans lequel cette vérité éclate
n’exige-t-il pas de nous l’impossible ? (2006, 58–59)
Accepter les compromis inhérents à une justice de réconciliation, se convaincre des
bénéfices de cette cohabitation forcée avec les tueurs, devoir répondre à des demandes
de pardon voire, dans certains cas, faire face à des menaces représentent une nouvelle
série de défis pour les rescapé·es aujourd’hui. Ces nouveaux enjeux qui sont venus
se greffer à la gestion du passé et au travail de deuil des rescapé·es signalent en ce
sens l’avènement d’une nouvelle ère testimoniale qui, comme le souligne Domitilla
Mukantaganzwa, présidente du service national de juridictions gacaca en 2006, fait que
[…] nous demandons beaucoup aux victimes : d’être patients, de gérer leur trauma et leur sentiment, de cohabiter à nouveau avec leurs bourreaux… Nous pensons que c’est déjà trop, surtout en
comparaison des concessions que nous faisons aux génocidaires. […] Mais nous n’avons pas le choix.
(Mujawayo 2006, 216–217)
Si les génocidaires sont encouragés à rompre la loi du silence – ceceka – et se voient
récompensés pour leurs aveux, les survivant·es eux, sont enjoints de demeurer silencieux et de ne prendre la parole publiquement que dans le cadre hautement codifié et
policé des procédures judiciaires ou des commémorations officielles. L’une des conséquences directes de cette injonction à ne témoigner qu’au sein d’espaces de parole
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dont les survivant·es ne définissent pas les modalités est que nombre d’entre eux se
voient incapables de souscrire aux règles du forum qui leur est offert pour inscrire
leur histoire personnelle dans la sphère publique et finissent par garder leur histoire
en eux-mêmes. Ainsi, au moment même où se multiplient les discours et aveux au sujet
du passé, s’accumule également cette masse de paroles suffoquées et refoulées car en
porte-à-faux avec l’orthodoxie mémorielle en vigueur. Face à cet encadrement politique
et idéologique qui codifie la parole des survivant·es afin d’en « conjurer les pouvoirs et
les dangers [et] d’en maîtriser l’événement aléatoire » (Foucault 1971, 11), nombreux
sont les rescapé·es qui se sentent dépossédé·es de l’énonciation de leur histoire et, du
coup, demeurent silencieux, craignant d’être en conflit avec les représentations légitimes du génocide. La nouvelle ère testimoniale inaugurée par les juridictions gacaca, si
elle a institué un espace de parole qui a stimulé et libéré toute une série de discours, a
donc également généré de nouvelles formes d’autocensure qui font que certains silences
se sont vus remplacés par d’autres. En dépit du florilège d’aveux et de témoignages, de
multiples survivant·es se révèlent dès lors incapables d’affronter leur passé traumatisant parce qu’ils ne trouvent pas au sein de la société à laquelle ils s’adressent des espaces d’écoute dépolitisés et régis par la promesse d’une reconnaissance humaine de l’altérité qu’ils incarnent au cœur du présent.
Pour les survivant·es du génocide contre les Tutsi du Rwanda, témoigner de ce qu’ils
ont vécu et continuent d’endurer représente en ce sens un impératif à la fois politiquement délicat et psychologiquement périlleux. Évoquer la mort des siens, conférer une
visibilité sociale à tant d’existences oblitérées sans générer de ressentiment ou aviver
des haines fraîchement enfouies, forger au cœur des représentations culturelles une
médiation inédite pour rendre audible les défis de la survie, ou encore œuvrer à faire
circuler le savoir dérangeant dont ils et elles sont porteurs, constituent un faisceau de
motivations qui signale chez les survivant·es la nécessité d’un travail de deuil inabouti,
un désir de reconnaissance de leurs besoins et un devoir moral de rendre justice à ce
million de personnes exterminées pour le seul fait d’être Tutsi. Dans le contexte politico-juridique mis en place par le Front patriotique rwandais après juillet 1994, témoigner n’a ainsi jamais été une démarche sans risques. Chaque prise de parole relative
au génocide de 1994 se sait en effet de facto mise en dialogue avec une série de médiations officielles qui concourent à imposer une version politico-juridique de ce qui a
rendu pensable et possible le génocide des Tutsi, tout comme ce qui a permis d’y mettre
un terme. Ainsi, tout témoin se doit de se positionner vis-à-vis des témoignages recueillis
dans le cadre d’une justice transitionnelle qui a vu comparaître plus d’un million de
Rwandais·es ou vis-à-vis de la politique mémorielle du gouvernement qui supervise les
mémoriaux du génocide et les thèmes des commémorations d’avril. Témoigner publiquement ne serait donc être envisagé comme un acte neutre qui n’engagerait que le survivant dans sa relation au passé, voire sa seule capacité de se souvenir et de mettre en
récit ce qu’il a vécu en recourant à des représentations en vigueur ou en en forgeant
de nouvelles. Témoigner est une prise de parole qui est toujours déjà une prise de position au cœur du présent en ce qu’elle renvoie tout autant aux demandes contemporai-
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nes nées d’un passé traumatique qui ne cesse d’être présent, voire pour certains plus
présent que le présent lui-même (Kayitesi 2009, 61–62).
Les survivant·es qui décident de témoigner doivent ainsi évaluer ce qui anime la
volonté de savoir de leurs interlocuteurs et interlocutrices et anticiper les effets potentiels de leur prise de parole au cœur des divisions politiques qui prévalent au Rwanda.
En effet, à l’ère de la réconciliation nationale, l’adoption d’une loi en 2002 contre le divisionnisme sanctionne tout discours déviant de la version officielle des causes du génocide, du rôle des puissances coloniales et étrangères, tout comme de l’injonction gouvernementale visant à transcender les identités ethniques par le biais d’un discours
nationaliste (Lemarchand 2008 ; Longman et Rutagengwa 2006 ; Straus et Waldorf
2011). Chaque survivant tutsi, même s’il trouve en lui-même les ressources psychiques
pour témoigner, est ainsi amené à négocier ces autres variables que sont la capacité
d’écoute des tiers auxquels il s’adresse, ce qui motive leur désir de savoir tout comme
les potentiels effets et manipulation de leurs propos. Dans ce contexte très policé, ce
sont ainsi avant tout l’orthodoxie mémorielle et la volonté politico-judiciaire de donner
la parole qui déterminent la marge de manœuvre des survivant·es, ce qu’il est possible
de dire et ce qui se révèle être non pas ineffable mais bien plutôt politiquement et socialement irrecevable.
Parce qu’elle ne saurait souscrire à l’amnésie et à la violence symbolique que la
mémoire officielle du génocide instille trop souvent au nom de la réconciliation, la
parole du survivant et de la survivante potentiellement dérange à plus d’un titre ceux
et celles qui ont intérêt à ce que l’on tourne la page du génocide. Toutefois, pour les survivant·es, refouler ou bâillonner leurs expériences traumatiques est impossible, ce qui
n’est pas sans générer des formes d’incompréhension et de tension qui signalent l’irrecevabilité des demandes et des besoins des survivant·es. Comme le relève Mujawayo,
auteure de SurVivantes (2004), il existe, entre la petite communauté des rescapé·es du
génocide et ceux auxquels ils et elles s’adressent, un fossé existentiel et un ordre de priorité divergeant qui concourent à exiler plus d’un·e survivant·e dans une solitude vertigineuse :
Une solitude [...] parce que c’est trop horrible et que celui qui nous écoute a la télécommande et peut
arrêter la cassette lorsque ça devient insoutenable, tandis que les survivants ont perdu la télécommande. Le film tourne en boucle, et même lorsque l’écoutant n’écoute plus, chez le rescapé, la cassette tourne encore. Le film se déroule sans fin. Et les images comme les sons ou les odeurs sont
d’une violence inouïe […] qui en fin de compte se retourne contre le rescapé. (Mujawayo 2009, 177)
Ce qu’il importe de ne jamais perdre de vue dans l’analyse des différents témoignages
relatifs au génocide des Tutsi – et ce avant même qu’un témoin s’avance pour prendre
la parole –, ce sont donc les effets de censure que différentes attentes sociales, orthodoxies mémorielles ou conventions judiciaires exercent alors même qu’elles offrent un
espace où l’histoire du génocide peut s’écrire. Si les témoins ne se conforment pas à ces
différents paradigmes discursifs, le savoir, l’expérience et les demandes de justice qu’ils
et elles cherchent à exprimer risquent fort de demeurer lettres mortes car socialement
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inaudibles et irrecevables. En ce sens, cette solitude que ressentent de nombreux survivants ne décroit pas nécessairement au moment même où se multiplient les injonctions
officielles à se souvenir. Tant que l’ordre politique et judiciaire dicte le cadre testimonial
prescriptif au sein duquel les survivant·es peuvent témoigner, leurs prises de parole se
doivent de souscrire autant à une fidélité aux morts qu’aux différents cadres mémoriels
que constituent et instituent les commémorations d’avril, les mémoriaux créés par Aegis
Trust tout comme les juridictions gacaca. Le défi social et politique que les témoignages
des survivant·es du génocide des Tutsi soulèvent peut être formulé comme suit : jusqu’où et au sein de quels espaces sociaux la société rwandaise contemporaine est-elle
prête à écouter une minorité qui ne saurait pleinement épouser les mêmes évidences,
aspirations et normes que la majorité ? Comme le souligne Mujawayo, ce dilemme
demeure d’actualité plus d’une décennie après la fin du génocide :
Depuis un certain temps, déjà, des politiciens ou des citoyens anonymes nous suggèrent, par un
bruissement les lèvres excédé, qu’‹ il faut qu’on avance maintenant… Oui ‹ ça › s’est passé, et on
comprend que c’est terrible pour vous, mais il faut qu’on avance tous maintenant… › Ceux-là considèrent que, dans l’actualité du pays, la question de notre survivance occupe trop de place douze ans
après, alors qu’elle n’est plus une priorité du pays. Cependant, si les rescapés sont farouchement
attachés à la mémoire du génocide, ce n’est pas par idéologie, mais ‹ tout simplement › parce qu’ils
ne peuvent pas, eux, passer à autre chose. Alors c’est certain, ils encombrent. Tu as un pays qui
doit avancer et toi, le survivant, tu es un peu la tumeur qui l’empêche de se prétendre en bonne
santé. (2006, 217)
Témoigner d’un génocide publiquement exige de prendre position au sein des différentes médiations qui œuvrent à assigner une place et un sens à ce passé éminemment
dérangeant qui symbolise la faillite du lien social tout comme celle de notre humanité
partagée. Chaque témoin se retrouve ainsi projeté dans l’actualité des débats sociohistoriques et politiques où se joue la relation que la société rwandaise actuelle cherche
à établir avec son passé au nom du présent et du projet sociétal auquel les Rwandais·es
et leur gouvernement aspirent – ce plan est résumé dans le rapport Vision 2020 qui a
guidé la politique rwandaise depuis plus d’une décennie (République du Rwanda 2012).
Au sein de la société rwandaise les mémoriaux, les associations de survivant·es
comme Ibuka (Korman 2013 ; 2017), les manuels d’histoire tout comme leur absence
(Brinker 2017), les angles morts des histoires nationales tout comme la guerre des
mémoires qui sévit entre le Rwanda et la France plus de vingt ans après (Robinet 2017)
créent un espace énonciatif pour le moins miné et contraignant. À cela s’ajoute encore
le fait que la majorité de la population Hutu a des liens familiaux avec les génocidaires,
ce qui n’est pas sans influencer la résonance ou les silences du passé au cœur du présent.
Prendre la parole pour inscrire dans la sphère publique la violence génocidaire afin d’en
refuser l’oblitération doit donc être envisagé comme une démarche qui engage autant les
témoins dans leur relation au passé et aux mort·es que leurs multiples destinataires et les
liens que ces derniers entretiennent avec les représentations dominantes du génocide et
l’oubli institutionnalisé que toute mémorialisation officielle du passé implique.
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Comme le rappelle Henri Rousso dans son analyse du mythe résistancialiste Le syndrome de Vichy, la mise en place d’une mémoire officielle va toujours de pair avec l’institutionnalisation d’un oubli étatique et collectif (1987). De plus, relève Rousso, il y a une
corrélation entre la fétichisation de la mémoire et une peur obsessive du passé qui veut
qu’une attention excessive à certaines facettes du passé signale le plus souvent une difficulté d’assumer ce passé et un désir d’éluder les défis du présent :
Le trop-plein de passé, qui est tout autant un effet qu’une cause de l’idéologie de la mémoire, me
paraît à la réflexion une chose aussi préoccupante que le déni du passé. Les deux sont d’ailleurs
les symptômes inversés d’une même difficulté à assumer celui-ci, donc à affronter le présent et à
imaginer l’avenir. (1998, 30)
De par la responsabilité de l’État dans la mise en œuvre de tout génocide, il importe
d’autant plus d’examiner cette corrélation symptomatique entre une idéologie promouvant un trop plein de mémoire et le déni de certaines facettes du passé afin d’en taire les
implications et les responsabilités présentes. C’est pourquoi, selon Rousso, chaque
société ou État dans sa relation à ses crimes passés doit définir des rituels et des formes
de transmission de ce passé dérangeant afin que ses héritiers puissent
vivre avec le souvenir de la tragédie plutôt que d’essayer de vivre sans lui … ou contre lui, comme
aujourd’hui. Et là, l’histoire peut jouer son rôle de mise à distance, en essayant d’être moins tributaire des enjeux politiques, communautaires et identitaires qui se cachent derrière le devoir de
mémoire. (1998, 47)
Selon Longman dans son étude sur la mise en place de l’enseignement de l’histoire dans
le Rwanda de l’après-génocide (2011), ce diagnostic s’applique tout à fait dans la mesure
où l’État rwandais n’a pas encouragé une approche critique des médiations héritées du
passé ou une analyse des sources historiques, privilégiant au contraire une politique
mémorielle où le débat n’a pas de place, de même que d’autres crimes contre l’humanité
qui ne renvoient pas au génocide contre les Tutsi.
Dans ce contexte mémoriel policé et sélectif, si les témoignages ne sauraient jouir
du même capital symbolique que les travaux des historien·nes, il n’en demeure pas
moins qu’ils constituent un des vecteurs privilégiés de la représentation et de la transmission du passé. Les témoignages peuvent être envisagés à la fois comme des mémoriaux rendant hommage à ceux qui ne sont plus et comme des mémoriaux où se laissent
décrypter le travail de mémorialisation et les luttes qui ont pour enjeu l’imposition des
représentations légitimes d’un passé qui ne cesse de hanter le présent et de cautionner
ou d’infirmer la vision politique et les réformes socio-économiques que l’État rwandais
suit depuis 2000.
26 Témoigner du génocide contre les Tutsi du Rwanda
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3 Fonctions du témoignage
3.1 La force performative du témoignage
L’acte de témoigner d’un génocide ne saurait être envisagé comme isolé ou individuel
dans la mesure où celui-ci implique toujours déjà une adresse et la présence d’un
« tiers » (Coquio 2004) ou « témoignaire » (Waintrater 2003) – qu’il soit présent, absent,
sollicitant, désiré, singulier ou collectif. En ce sens, le témoignage est une énonciation
qui renvoie à un faisceau de destinataires et, qui plus est, obéit à une pluralité de motivations et de desseins (↗15 Seconde Guerre mondiale – Témoignages de la Résistance ;
↗16 Shoah – Littérature de témoignage : œuvres et réception critique). Témoigner du
génocide des Tutsi constitue une gestion du deuil à l’endroit des morts pour leur assigner une place symbolique tout comme un besoin de reconnaissance sociale des souffrances subies et de leurs effets à long terme. Simultanément, la démarche testimoniale
est aussi une quête de justice face aux compromis imposés par une politique de réconciliation nationale et, dans certains cas, une demande visant réparation matériel et symbolique. Enfin, le témoignage constitue également une tentative de distanciation vis-àvis d’un passé traumatisant par le biais de sa mise en récit, ou encore l’amorce d’un dialogue inédit avec soi-même tout comme avec autrui en vue de rétablir le lien social que
le génocide avait annihilé. Envisagé selon ces multiples dynamiques, le témoignage
œuvre à créer un pont intérieur entre le passé et le présent du survivant tout comme
« un pont entre ceux que le génocide a séparés des humains et ceux qui, conscients ou
non de cette séparation, ne l’ont pas vécu » (Coquio 2003, 7). L’acte de témoigner ne saurait en ce sens être confiné à la preuve juridique ou historienne, ni à l’injonction politique du devoir de mémoire visant à honorer la vie de ceux et celles qui ont été exterminé·es. La prise de parole testimoniale qui rend hommage aux mort·es en suscitant un
dialogue avec et entre les vivants recèle en effet une dimension performative qui réaffirme au sein du présent la survie même du témoin tout comme l’unicité de sa position
énonciative qui veut que personne d’autre ne puisse témoigner à sa place (Felman
1992, 206) :
Le témoignage […] ne se contente pas de raconter, de rapporter, d’informer, de décrire, de constater – ce qu’il fait aussi –, il fait à l’instant ce qu’il dit, il ne se réduit pas essentiellement à un rapport,
à une relation narrative ou descriptive, c’est un acte. L’essence du témoignage ne se réduit pas
nécessairement à la narration, c’est-à-dire aux rapports descriptifs, informatifs, au savoir ou au
récit ; c’est d’abord un acte présent. (Derrida 1998, 49)
En ce sens, témoigner revient pour le survivant à signifier en premier lieu l’échec du
dessein génocidaire qui visait son oblitération. Dans les premières pages de son témoignage, Élise Rida Musomandera signale clairement la corrélation entre sa prise de
parole, sa survie et la dimension performative d’une résistance idéologique qu’actualise
l’acte de témoigner deux décennies après le génocide de 1994 :
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Alexandre Dauge-Roth
Je veux parler de la trahison de ceux en qui nous avions confiance, je veux parler de la trahison des
personnes qu’on aimait. […] je ne me lasserai jamais de témoigner. […] Votre courage et votre force
pour tuer plus d’un million de Tutsi en seulement cent jours, c’est ce même courage que j’ai pour
dire au monde le diable que j’ai croisé dans mon pays. C’est ce même courage qui me fait vaincre
le chagrin, le traumatisme, c’est ce même courage qui me donne l’envie de vivre après avoir
embrassé la mort. Je dois vivre pour moi et pour les morts. (Rida Musomandera 2014, 17)
Apostrophes, adresses directes, prises à partie, Le livre d’Élise multiplie des espaces de
dialogue inédits et polémiques pour témoigner de son passé qui n’en finit pas de surdéterminer son présent. Ainsi, pour Rida Musomandera, faire face au passé exige une série
de face-à-face trop longtemps différés afin de prendre position dans l’espace public. À
coups de ‹ tu ›, de ‹ vous ›, de ‹ nous ›, son énonciation refuse de confiner son témoignage
à l’intimité d’un dialogue intérieur. La récurrence des mises en dialogue, souvent sur le
mode de la confrontation à l’endroit des génocidaires, interdit aux tiers tout retrait ou
croyance que la page du génocide serait tournée. Sa parole happe ses ‹ témoignaires ›,
les confronte à son histoire tout comme à eux-mêmes, les exhorte à lui répondre et à
répondre de leurs actes passés, voire de leur inaction présente. Si elle partage ses craintes et ses rages, c’est pour mieux entraîner son lectorat dans ses errements, lui faire imaginer la perspective qui nourrit ses frustrations et conférer ainsi une légitimité à ses
colères et requêtes trop longtemps contenues quand il s’agit d’honorer ses mort·es ou
de leur rendre justice.
Assez, c’est assez ! Il est temps que vous sachiez, il est temps de parler. Depuis tout ce temps, je retenais ma bouche de mes deux mains, mais il est temps de m’écouter. Je n’ai pas survécu pour vivre,
mais plutôt pour témoigner, pour dire leur vie à eux, et vous dire ce qu’ils avaient comme rêves, et
pour dire leur mort atroce […]. Je ne suis pas là pour moi, je suis là pour eux, pour les personnes
qui ne sont plus parmi nous à cause de la haine. Je n’ai jamais eu soif de me venger, soyez tranquilles, je ne me vengerai pas malgré vos actes inhumains qui m’ont condamnée à vivre dans un village
d’orphelins chefs de ménage, dans le village des traumatisés, des blessés. Je dois vivre cette vie de
chagrin que vous m’avez choisie. (Rida Musomandera 2014, 15)
À travers Le livre d’Élise, son auteure appelle de ses vœux un nouvel espace d’échange et
de reconnaissance, propose un dialogue qui se doit d’être communément investi par
ceux et celles auxquels elle s’adresse en dépit des différences passées, tout en maintenant une conscience aiguë que tous ne sont pas égaux face à l’emprise traumatisant de
ce passé. Pour celle qui a vu son humanité et celle de ses proches bafouée, humiliée et
niée, témoigner constitue une des voies possibles pour honorer ses mort·es, reconquérir
sa dignité tout comme sa voix au cœur du présent. En témoignant de la vie qui précéda
la mort atroce des siens, Rida Musomandera les soustrait à l’oubli, refuse leur oblitération en leur offrant une sépulture textuelle qui réaffirme la dignité de leur existence
tout comme la sienne qui en est la dépositaire.
Écrire son histoire lui permet aussi d’entamer un dialogue intérieur entre celle
qu’elle était et celle qu’elle est devenue vingt ans après. Toutefois pour Rida
Musomandera, s’écrire exige aussi d’agencer une série de dialogues où se joue de
26 Témoigner du génocide contre les Tutsi du Rwanda
399
manière relationnelle sa nouvelle identité de rescapée, d’orpheline chef de ménage,
d’héritière ou encore d’étudiante rwandaise et de commerçante. En convoquant tour à
tour des interlocuteurs d’outre-tombe tout comme des interlocuteurs contemporains –
allant des bourreaux aux rescapé·es en passant par la communauté internationale et
ses lecteurs et lectrices –, l’auteure investit un espace d’énonciation sans précédent où
elle explore et négocie les contours de sa nouvelle identité sociale selon ses propres termes et non plus selon ceux imposés par la politique de réconciliation nationale ou les
conventions sociales qui lui ont fait retenir tant de fois sa bouche avec ses deux mains.
En privilégiant de multiples espaces de dialogue pour honorer les mort·es et interpeller
les vivants, elle atténue la tyrannie du passé, ajoure la chape qui la maintenait dans la
fosse mémorielle du passé et œuvre à la venue d’un avenir qui ne soit plus, en dépit de
ses cicatrices, le ressassement morbide du passé.
Témoigner ne saurait toutefois offrir aux survivant·es ou à leurs interlocuteurs
l’assurance que la seule remémoration du passé génocidaire en exorcise les séquelles
et la possible récurrence. Pour les survivant·es, le face-à-face avec leur passé et la personne qu’ils et elles étaient va toujours de pair avec le risque que l’évocation de ce qu’ils
et elles ont subi durant le génocide éclipse une fois de plus le présent à partir duquel il
est remémoré et les précipite à nouveau dans l’abysse. La remémoration d’un passé
traumatique est en effet une entreprise à risque pour le survivant et son analyse ne saurait donc se limiter au seul devoir de mémoire. Comme le souligne Waintrater dans
Sortir du génocide,
le survivant doit mener une lutte mémorielle sur plusieurs fronts : contre l’oubli et contre la
mémoire […], mais aussi et avant tout contre lui-même. […] Pour la victime de traumatisme massif,
la mémoire a un statut ambigu : à la fois consolation et souffrance, elle est celle qui contient les souvenirs de l’époque prétraumatique et celle qui renferme les scènes du traumatisme extrême. Les
témoins oscillent alors entre deux positions opposées, l’oubli ou l’hypermnésie. (2003, 100)
En ce sens, l’acte de témoigner ne permet pas nécessairement de mettre la souffrance à
une distance plus tolérable, de tourner la page ou d’assurer une forme de résolution
définitive. La plaie demeure ouverte, les cicatrices visibles, tout comme le sentiment
d’être un étranger vis-à-vis de soi-même et de sa société à cause de la violence subie.
J’ai perdu tout ce que j’avais, jusqu’à mon identité, je me sens incomplète. […] Je n’arrête pas de penser à ce qui m’est arrivé. Je ne trouve pas la solution, et le plus grave est que je ne peux pas me séparer de ces souvenirs. […] Alors je me pose des questions. Comment revivre avec toutes ces blessures
du passé, comment vivre avec toutes ces trahisons ? Je dois vivre avec les bourreaux, je dois vivre
dans mon pays, où le sol a bu le sang de ma famille, de mes amies, de mes voisins ; l’odeur des morts
du Rwanda de 1994 ne disparaîtra jamais, vingt ans après, je la sens toujours. (Rida Musomandera
2014, 58)
Cependant, l’énonciation même de cette disjonction, si on conçoit le témoignage comme
un espace de rencontre, peut être entendue comme l’indice d’un désir d’écoute et d’appartenance – hospitalité dont le témoignage cherche justement à négocier les conditions
400
Alexandre Dauge-Roth
de possibilité. L’affirmation de ce double sentiment d’étrangeté signale ainsi en creux un
désir d’intégration qui a pour préalable la reconnaissance sociale d’une différence radicale et traumatique, altérité qui exige de remettre en question les lisibilités de la scène
sociale à laquelle les survivant·es s’adressent afin d’y renégocier ce qui est recevable,
audible et plus encore digne de mémoire. S’il importe tant de prendre en considération
l’existence d’une compétition de discours hétérogènes dans l’interprétation des témoignages, c’est parce que c’est bien au sein de cet espace discursif polyphonique et polémique que les survivant·es négocient la légitimité des catégories sociales, des références
culturelles, des informations historiques, des tropes narratives tout comme celle des
régimes de causalité qui déterminent les modalités du ‹ vrai ›. En problématisant les critères selon lesquels leur histoire personnelle – dont le témoignage est la manifestation
tout comme la trace entêtée – peut s’inscrire dans l’Histoire avec un grand H et être
‹ reconnue › comme véridique, le témoin œuvre à être reconnu comme une source de
connaissance légitime, ayant voix au chapitre de sa propre histoire.
Le livre d’Élise, à la première lecture, ne semble pas être maîtrisé ou obéir à une
cohérence clairement articulée. Il ne suit pas une chronologie avec un début, un milieu
et une fin parce que justement, il ne saurait y avoir de fin pour elle – tout comme
nous, lecteurs et lectrices, ne saurions tourner la page de ce passé une fois pour toute.
Vingt ans après, la déflagration du génocide demeure un héritage épars et fragmenté,
régi par une logique associative qui multiplie les allers-retours entre le passé et le présent tout comme les digressions et les apostrophes. La valeur de ce témoignage ne saurait se trouver dans une tentative de rétablir rétrospectivement l’ordre des faits ou des
souvenirs, mais bien dans l’avènement d’une voix qui se construit au fil des évocations
et des revendications, une voix qui s’affirme progressivement vivante, qui se découvre
capable d’énoncer l’oblitération subie à partir d’un présent inédit, à savoir celui de
l’écriture et de ses mises en dialogue. Témoigner constitue ainsi un processus polyphonique par lequel Rida Musomandera se réapproprie l’énonciation de son histoire afin
de pouvoir en répondre en signant en son nom propre. L’entreprise testimoniale permet
en ce sens aux survivant·es de se réenvisager autre que ceux et celles qu’ils et elles
étaient et autres que ceux que l’idéologie génocidaire aurait voulu qu’ils et elles soient
aux yeux des autres. Dans l’acte présent du témoignage, le survivant se réapproprie le
récit de qui il est mais aussi de ce à quoi il aspire au regard de son passé. Témoigner
revient ainsi à affirmer un pouvoir d’action, d’énonciation tout comme de dénonciation.
3.2 Le témoignage comme espace de réconciliation personnelle et
collective
Dans Worlds of Hurt, Kalí Tal souligne que la possibilité même d’être entendu tout
comme celle de la survivance se voient intimement liées à la manière dont les membres
d’une société définissent, dans leur effort de penser et d’articuler collectivement un
futur, les modalités selon lesquelles les survivant·es de violences extrêmes ont voix au
26 Témoigner du génocide contre les Tutsi du Rwanda
401
chapitre et jusqu’où la différence des réponses à un passé qui dérange a droit de cité
(1996, 7). Ce qui est en jeu pour de nombreux survivant·es d’un génocide, c’est le refus
de mourir une deuxième fois socialement en demeurant silencieux. Silencieux, d’une
part, sur les besoins spécifiques que la gestion de leur passé exige et, d’autre part, muets
face aux différentes formes d’amnésie, de honte, de surdité ou de peur qui relèguent ce
qu’ils ont subi dans l’oubli. Un des obstacles majeurs à surmonter réside dans le fait
que l’appartenance sociale recherchée exige que ce soit les survivant·es eux-mêmes qui
forgent les conditions de leur reconnaissance en transformant par le biais de la démarche testimoniale l’imaginaire de la société à laquelle ils s’adressent et désirent appartenir. Comme le suggère Mujawayo lorsqu’elle analyse la trajectoire de certain·es survivant·es qui travaillent avec des génocidaires dans le cadre de la politique de
réconciliation nationale au Rwanda, ce qui est au cœur de la survivance, c’est aussi la
capacité de s’affranchir du statut de victime passive et muette en devenant une victime
« agissante » capable de transformer la société à laquelle on aspire.
Quand tu sens que ta société veut clore le lourd chapitre du génocide, parfois en trépignant, tu
comprends que les rescapés, eux, resteront en marge. Tu te poses alors la question : et dans tout
ça, comment je vais me positionner ? Te mettre de côté et contempler, comme un spectateur, ce
qui se fait et ce qui se joue ? De toute façon, rescapé, tu n’as plus rien à perdre… Alors, plutôt que
de subir cette exclusion, tu décides d’être victime ‹ agissante ›. Oui toi aussi tu vas participer au projet de ‹ reconstruction › que propose ton pays : autant être dedans et y tenir un rôle. (Mujawayo
2006, 207)
Pour les survivant·es, être capables par le biais du témoignage de définir socialement la
représentation de leur passé est bien une façon d’être ‹ dedans › et de ‹ tenir un rôle ›
actif au cœur du présent. L’acte de témoigner envisagé dans ses dimensions dialogique
et performative inaugure en ce sens un espace social où il est possible d’être une ‹ victime agissante ›, de ne plus subir totalement l’emprise de son passé tout comme le joug
de ses représentations dominantes avec ce qu’elles recèlent d’aliénant. En se posant
par le biais du témoignage comme source et interlocuteur légitime dans la gestion
mémorielle de son passé, le survivant signifie – autant à lui-même qu’à la société à
laquelle il s’adresse – un désir de réappropriation de son histoire et invite à envisager
l’espace testimonial comme un des lieux primordiaux de sa survivance sociale.
Dans cette perspective, Mukagasana, auteure de La mort ne veut pas de moi (1997) et
de N’aie pas peur de savoir (1999), a livré une performance testimoniale unique dans la
pièce du Groupov intitulée Rwanda 94 (2002) puisqu’elle y narre sur scène sa propre
expérience du génocide et prend à parti le public pour nous faire réfléchir sur notre
rôle de ‹ témoignaire ›. Partant, avec Cathy Caruth, du principe que l’histoire tout
comme le traumatisme « is never simply one’s own, that history is precisely the way
we are implicated in each other’s traumas » (1996, 24), il en découle que recevoir un
témoignage attestant une forme de violence traumatique exige chez ‹ le témoignaire ›
non seulement d’interrompre la croyance en une possible innocence ou empathie
mais, plus encore, d’explorer comment l’histoire qui lui est transmise se doit de devenir
402
Alexandre Dauge-Roth
une facette de la sienne. Dans l’ouverture de la pièce de théâtre Rwanda 94, Jacques
Delcuvellerie met remarquablement en scène cette redéfinition des lignes de démarcation que la mise en relation testimoniale inaugure. Il place en effet d’emblée les spectateurs et les spectatrices face à une survivante qui apostrophe le public et met clairement
en avant les responsabilités de chacun. Dès l’ouverture, ce face-à-face entre témoin et
‹ témoignaires › attire précisément l’attention sur le fossé existentiel et culturel qui
sépare – autant qu’il relie – la ‹ scène › à partir de laquelle une survivante témoigne et
la ‹ scène › sociale à laquelle elle s’adresse. S’il importe de mettre en question cette ligne
de démarcation entre le témoin et le public c’est parce qu’elle tend à renforcer, derrière
des élans de pitié et de sympathie, une forme d’écoute qui confine la souffrance du survivant à sa sphère privée et la proclame ainsi « ob-scène » (Chambers 2004), c’est-à-dire
irrecevable au sein de la ‹ scène › sociale à laquelle le témoin s’adresse en vue d’y négocier l’emprise traumatique de ce qu’il a subi.
L’ouverture de Rwanda 94, intitulée « La mort ne veut pas de moi », inscrit d’emblée
les spectateurs et les spectatrices venus écouter et voir cette « tentative de réparation
symbolique envers les morts, à l’usage des vivants » (Groupov 2002) dans un face-à-face
avec Mukagasana que rien ne vient distraire. Celle-ci est seule, assise sur une chaise en
fer sur une scène vidée de tout décor pour que rien ne vienne distraire l’attention des
spectateurs et spectatrices. Après une longue minute de silence, elle relève la tête et
commence à témoigner de ce qu’elle a vécu narrant entre autres la mise à mort de son
mari et de ses enfants durant le génocide contre les Tutsi en 1994. En donnant d’abord
la parole à une survivante, la mise en scène de Jacques Delcuvellerie apostrophe les
spectateurs et spectatrices afin qu’ils et elles réfléchissent sur leur rôle, leur écoute,
leurs responsabilités et questionnent les mécanismes sociaux de mise à distance de
la violence génocidaire – mécanismes auxquels l’art n’est pas sans participer
(Delcuvellerie 2005). D’emblée, dans Rwanda 94, est mise en avant la tension qui est au
cœur de la rencontre testimoniale. D’une part, Mukagasana ne saurait négocier seule
la reconnaissance sociale et historique de son expérience et, d’autre part, c’est à elle de
l’énoncer selon ses propres termes afin de s’y reconnaître et c’est à nous, le public, de
reformuler nos attentes et idées préconçues vis-à-vis de son expérience pour l’envisager
selon sa perspective :
Que ceux qui n’auront pas la volonté d’entendre cela, se dénoncent comme complices du génocide
au Rwanda. Moi, Yolande Mukagasana, je déclare devant vous et en face de l’humanité que quiconque ne veut pas prendre connaissance du calvaire du peuple rwandais est complice des bourreaux. Je ne veux ni terrifier ni apitoyer, je veux témoigner. Uniquement témoigner. (Groupov
2002, 25)
Son monologue dure 40 minutes mais ses mots attestant de la mort des siens sont plus
que des mots ; ils représentent une performance à travers laquelle elle signifie son refus
de mourir socialement et l’affirmation de sa nouvelle identité de survivante : « C’est vrai
qu’il est difficile de constamment répéter mon histoire mais je sais que rien ne saurait
m’empêcher de le faire. C’est la seule chose que je peux faire pour les miens et pour
26 Témoigner du génocide contre les Tutsi du Rwanda
403
l’humanité. […] Je préférerai m’évanouir devant vous que de me taire » (Groupov 2002,
22). Plus que jamais dans Rwanda 94, survivance et témoignage vont de pair, tout comme
la mise en cause des orthodoxies mémorielles que cette survivance requiert. L’apostrophe de Mukagasana vise à susciter une prise de conscience vis-à-vis des stratégies et
dénis que toute scène sociale mobilise pour encadrer, contenir, si ce n’est maintenir
hors-champ la parole dérangeante des survivant·es et l’expérience traumatique dont
elle est l’indice têtu.
Si les voix des survivant·es sont si souvent étouffées, c’est bien parce qu’elles sont le
symptôme d’un ‹ traumatisme culturel › qui exige des transformations sociales et culturelles afin de mettre un terme à l’exclusion mémorielle qui les frappe. Comme le relève
Stevan Weine dans Testimony After Catastrophe (2006), chaque témoignage relatif à des
traumatismes ayant une origine politique force à repenser la collusion qui lie les représentations culturelles dominantes à l’existence d’une forme de violence politique légitime. Témoigner d’une violence politique à potentiel traumatisant signale ainsi un autre
devoir pour la société à laquelle les survivant·es s’adressent au nom du devoir de
mémoire : repenser les modalités du lien social suite à la faillite qui a rendu possible
l’avènement d’une violence politique qui, dans le cas du Rwanda, est allée jusqu’à son
expression ultime, à savoir un génocide – cette négation absolue du vivre en commun :
One thing for certain is that after cultural trauma, a culture can no longer go back to what it once
was. Therefore, responding to cultural trauma requires finding ways to creatively combine some
of the old with some things new in ways that may better facilitate peace and reconciliation. […] If
there is no testimony, no storytelling, no open entrée of survivors’ stories into culture, then what
kind of cultural change can there be? (2006, 130)
Témoigner représente dès lors autant une attestation du passé qu’une injonction au cœur
du présent appelant l’avènement d’un espace social au sein duquel les survivant·es de
1994 peuvent gérer l’écho du passé qui les hante, redéfinir collectivement la résonance
sociale de leurs expériences du génocide et faire entendre les besoins de leur survivance.
Dans leur tentative de se dévisager et de se ré-envisager par le biais du témoignage, les
survivant·es refusent de demeurer subjugué·es à la violence politique passée et revendiquent un droit à la parole et à être écouté·es – condition préalable, selon Mujawayo, à la
possibilité de négocier le sens toujours précaire de sa survivance au cœur du présent :
« Avril 2004, dix ans après. Dix ans après, et finalement le début. Oui, mais le début de
quoi ? […] Se soustraire à la condamnation d’être vivante […] pour épouser le choix de
vivre, tel est le chemin que j’ai suivi ces dix dernières années » (2011 [2004], 29).
4 Conclusion
Dans son essai Dire est impossible, Souâd Belhaddad – co-auteure des témoignages
d’Esther Mujawayo – souligne que notre rôle de ‹ témoignaires › exige que nous réfléchissions sur le rôle que nous jouons au sein de la rencontre testimoniale afin de mesu-
404
Alexandre Dauge-Roth
rer notre impact sur la prise de parole des survivant·es de violences politiques et ses
conditions de possibilité. Selon Belhaddad, pour les survivant·es demeurer silencieux
est interdit, mais dire est impossible, d’où une troisième voie qui nous engage directement : « être écoutés » (2007, 178). Mais qui désire toujours écouter ? Et même si tel est
le cas, en sommes-nous capables et qu’est-ce que cette volonté de savoir implique à notre
endroit ? Comment concevoir et devenir une communauté qui soit à l’écoute des survivant·es ? Dans quelle mesure, en tant que ‹ témoignaires ›, pouvons-nous, devons-nous,
être impliqués dans et par l’acte d’écouter les survivant·es, conscients de l’altérité de
leur trajectoire et souffrance ? En somme, face à la gestion mémorielle des génocides,
qu’exige de chacun d’entre nous l’avènement d’une politique de l’écoute et qu’implique-t-elle ? Selon Naasson Munyandamutsa, un psychiatre rwandais, offrir l’hospitalité d’une écoute aux survivant·es relève d’un devoir d’humanité dans la mesure où,
dans la rencontre testimoniale, se joue la possibilité même pour le survivant de se ressaisir vivant parmi les vivants :
Construire la paix avec les survivants des violences extrêmes […] passe par la détermination de les
aider à restaurer leur amour de soi, à reconstruire la confiance en eux-mêmes et de cette façon, à
récupérer leur auto-estime pour ceux qui l’ont perdue, et en faire un objectif suprême pour ceux
qui ne sont pas encore blessés. (2014, 166)
Face à une société où politicien·nes et historien·nes trop souvent parlent à leur place et
prennent rarement le temps de les écouter, les survivant·es se doivent d’anticiper les
effets de censure qu’exercent à leur endroit ces locuteurs légitimes qui leur coupent la
parole, pensent pour eux, parlent en leur nom et leur refuse ainsi toute possibilité de
devenir une « victime agissante ». Parvenir à faire entendre son histoire selon ses propres termes et motivations est bien ici le point de friction dans la mesure où la version
de l’histoire que proposent de nombreux survivant·es s’avère être en porte-à-faux avec
la mémoire officielle et les priorités politiques qu’elle sert.
La rencontre testimoniale se révèle en ce sens le théâtre d’une double interruption
qui engage autant le survivant que ses interlocuteurs et interlocutrices. D’une part, le
témoin se doit d’interrompre sa mort sociale en mobilisant des ressources psychologiques et culturelles en vue de briser la chape de silence qui confine son expérience à
l’‹ ob-scène ›. D’autre part, ses interlocuteurs et interlocutrices, en tant que hôtes de
son témoignage, acceptent d’être interrompus en eux-mêmes pour se retrouver transfigurés – voire aliénés – par la déflagration d’une parole qui ne peut être audible que si
on lui laisse la possibilité de redéfinir les seuils de la scène mémorielle et culturelle à
laquelle elle s’adresse. Ce que cette double interruption met fondamentalement en jeu,
c’est la possibilité même pour le survivant et sa communauté de négocier la manière
dont il convient de gérer l’héritage traumatique du génocide des Tutsi que la survivance
exige, que ce soit en fonction des sollicitations du présent ou du devoir de mémoire à
l’endroit de ceux et celles qui ont été tué·es. À la fin de SurVivantes, Mujawayo identifie
comme suit les défis inhérents à l’hospitalité à laquelle elle aspire et œuvre en témoi-
26 Témoigner du génocide contre les Tutsi du Rwanda
405
gnant de son expérience culturellement ‹ ob-scène › tout comme l’engagement que cette
hospitalité exige de nous :
Certes le propos de ces conférences peut mettre mal à l’aise ainsi que les récits qui l’illustrent. Mais
je mets mal à l’aise à la hauteur du supportable. L’histoire de Rachelle asphyxiée dans la merde,
avant ce livre, je ne l’avais jamais racontée à personne. Par pudeur aussi : ce sont les miens qui
sont salis dans ce génocide, alors pourquoi je raconterai aisément cette offense ? Et puis, je crains
terriblement la pitié, je n’en voudrais surtout pas. En conférence, j’utilise très peu de chiffres, surtout ronds. Lorsqu’on dit qu’un million de personnes ont été exterminées, c’est énorme, c’est horrible, scandaleux, puis on ferme les yeux, on éteint la télévision et on reprend une vie normale le
lendemain […]. Or je voudrais déranger. Je ne veux pas que tu dormes tranquilles ; tu as du pouvoir,
joues-en. (2011 [2004], 260)
À nous de jouer, et d’en jouer donc, en fonction de nos positions respectives pour que
l’injonction du devoir de mémoire soit plus qu’une posture convenue, faute de quoi, la
rencontre testimoniale ne saurait devenir cet espace mutuellement transformateur
pour les survivant·es de violence extrême et ceux et celles à qui ils et elles s’adressent.
5 Bibliographie / filmographie
5.1 Œuvres citées
5.1.1 Fictions
100 Days. Réal. Nick Hughes. Rwanda, États-Unis. 2001.
Behind the Word. Réal. Clémentine Dusabejambo. Rwanda. 2013.
Charcoal. Réal. Yves Gahinde. Rwanda. 2009.
Confession. Réal. Kivu Ruhorahoza. Rwanda. 2008.
Hôtel Rwanda. Réal. Terry George. États-Unis. 2004.
Imbabazi [Le Pardon]. Réal. Joel Karekezi. Rwanda, États-Unis. 2013.
Isugi. Réal. Jacques Rutabingwa, François Woukoache et Odile Gakire Katese. Rwanda. 2005.
J’ai serré la main du diable. Réal. Roger Spottiswoode. Canada. 2007.
Kinyarwanda. Réal. Alrick Brown. États-Unis. 2011.
Le jour où Dieu est parti en voyage. Réal. Philippe Van Leeuw. France. 2009.
Lignes de front. Réal. Jean-Christophe Klotz. France. 2010.
Long Coat. Réal. Edouard Bamporiki. Rwanda. 2009.
Love Letter to My Country. Réal. Thierry Dushimirimana. Rwanda. 2006.
Maibobo. Réal. Yves Montand Niyongabo. Rwanda. 2009.
Matière grise [Grey Matter]. Réal. Kivu Ruhorahoza. Rwanda, Australie. 2011.
Munyurangabo. Réal. Issac Chung. États-Unis, Rwanda. 2007.
Opération Turquoise. Réal. Alain Tasma. France. 2007.
Shooting Dogs. Réal. Michael Caton-Jones. Royaume-Uni. 2005.
Sometimes in April. Réal. Raoul Peck. États-Unis, France. 2005.
Un dimanche à Kigali. Réal. Robert Favreau. Canada. 2006.
Where is the Truth ? Réal. Edouard Bamporiki. Rwanda. 2006.
406
Alexandre Dauge-Roth
5.1.2 Documentaires
À mots couverts. Réal. Violaine Baraduc et Alexandre Westphal. France. 2014.
After Years of Walking. Réal. Sarah Vanagt, Belgique. 2003.
Après, un voyage dans le Rwanda. Réal. Denis Gheerbrant, France. 2004.
As We Forgive. Réal. Laura Waters Hinson. États-Unis. 2008.
Au nom du Père, de tous, du ciel. Réal. Marie-Violaine Brincard. France. 2010.
Au Rwanda on dit… La famille qui ne parle pas meurt. Réal. Anne Aghion. France, États-Unis. 2004.
Begin Began Begun. Réal. Sarah Vanagt. Belgique. 2005.
Bruxelles-Kigali. Réal. Marie-France Collard. Belgique. 2011.
Chronique d’un génocide annoncé. Réal. Yvan Patry et Danièle Lacourse. Canada, États-Unis. 1996.
D’Arusha à Arusha. Réal. Christophe Gargot. France. 2008.
Earth Made of Glass. Réal. Deborah Scranton. États-Unis. 2010.
Gacaca, revivre ensemble au Rwanda ? Réal. Anne Aghion. France, États-Unis. 2002.
Gardiens de la mémoire. Réal. Eric Kabera. Rwanda. 2004.
Génocidé. Réal. Stéphane Valentin. France, 2008, 26 min.
Ghosts of Rwanda. Réal. Greg Barker, États-Unis. 2004.
Homeland. Réal. Jacqueline Kalimunda. France. 2005.
Icyizere. Réal. Patrick Mureithi. Kenya. 2009.
In the Tall Grass. Inside the Citizen-Based Justice System Gacaca. Rwanda’s Search for Redemption. Réal. Coll
Metcalfe. États-Unis. 2006.
Iseta : Behind the Roadblock. Réal. Juan Reina. Rwanda. 2008.
Kigali, des images contre un massacre. Réal. Jean-Christophe Klotz. France. 2006.
La France au Rwanda : une neutralité coupable. Réal. Robert Genoud et Claudine Vidal. France. 2009.
Ma douleur, sa liberté. Réal. Aimable Karirima Ngarambe. Rwanda. 2009.
Mémoires partagées. Réal. Ygal Egry. France. 2014.
Mon voisin mon tueur [My Neighbor My Killer]. Réal. Anne Aghion. France, États-Unis. 2009.
Nous ne sommes plus morts ! Réal. François Woukoache. Rwanda, Cameroun, Belgique, France. 2000.
Par-delà la fosse mortelle. Réal. Ndahayo, Gilbert. Rwanda, États-Unis. 2010.
Par le raccourci [By The Shortcut]. Réal. Dady de Maximo Mwicira Mitali. Rwanda. 2009.
Rwanda pour mémoire. Réal. Samba Félix N’Diaye. Sénégal, France. 2003.
Rwanda : Par-delà la fosse mortelle [Rwanda : Beyond the Deadly Pit]. Réal. Gilbert Ndahayo. Rwanda, États-Unis.
2010.
Rwanda, la surface de réparation. Réal. François-Xavier Destors et Marie Thomas-Penette. France. 2014.
Rwanda, les collines parlent. Réal. Bernard Bellefroid. Belgique. 2005.
Rwanda, un cri d’un silence inouï. Réal. Anne Lainé. France. 2003.
Rwanda. À travers nous, l’humanité... Réal. Marie-France Collard. Belgique. 2006.
Shake Hands With The Devil : The Journey of Romeo Dallaire. Réal. Peter Raymont. Canada. 2004.
Sonatubes-Nyanza. Réal. Arnaud Sauli. France. 2012.
Sortir de l’abîme. Réal. Jacques Rutabingwa. Rwanda. 2005.
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5.2 Lectures complémentaires
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Coret, Laure, Verschave, François-Xavier. L’horreur qui nous prend au visage. L’État français et le génocide au
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Dauge-Roth, Alexandre. Writing and Filming the Genocide of the Tutsis in Rwanda. Dismembering and Remembering Traumatic History. Lanham, Maryland : Lexington Books, 2010.
Dauge-Roth, Alexandre. «‹ Comment faire entrer cela dans le cadre ? › Réponses cinématographiques au
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Semujanga, Josias. Le génocide, sujet de fiction ? Analyse des récits du massacre des Tutsi dans la littérature
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