Citation
Face à cette persécution continue, le Rwanda a fait le seul choix rationnel : couper les ponts avec la Belgique. La décision de rompre les relations diplomatiques avec le Royaume n’était pas un acte d’agression, mais un acte d’auto-préservation.
Il ne s’agissait pas d’un acte impulsif, mais d’un rejet nécessaire d’une relation toxique.
La réaction de la Belgique fut, comme on pouvait s’y attendre, théâtrale : indignation choquée, innocence blessée, et les habituelles lamentations face à « l’hostilité » du Rwanda. Mais la vérité est simple : le Rwanda ne doit rien à la Belgique. Ni gratitude, ni obéissance, ni silence.
Comment le Rwanda peut-il continuer à dialoguer avec un pays qui abrite des fugitifs coupables de génocide, qui promeut les négationnistes du génocide et qui porte constamment atteinte à la souveraineté du Rwanda ? Aucune nation ne le tolérerait.
Imaginons un instant que le Rwanda ait fait à la Belgique ce que la Belgique a fait au Rwanda. Imaginez une administration coloniale rwandaise arrivant à Bruxelles en 1920 et décidant que les Belges devaient être divisés en races supérieure et inférieure.
Imaginez aussi des bureaucrates rwandais mesurant des crânes belges et décidant que les Wallons étaient « plus proches des Africains » et donc aptes à gouverner, tandis que les Flamands étaient des « travailleurs primitifs » à faire disparaître.
Imaginez qu'après des décennies à propager cette hiérarchie raciale, le Rwanda change soudainement de politique, incite les Flamands à massacrer les Wallons, puis se retire, laissant derrière lui un bain de sang.
Imaginez maintenant que, 70 ans plus tard, le Rwanda ait l'audace de faire la leçon à la Belgique en matière de démocratie, de Droits de l'homme et de bonne gouvernance, tout en refusant de reconnaître ses propres crimes.
La Belgique accepterait-elle une telle hypocrisie ? Filip Reyntjens trouverait-il plaisant cet exercice intellectuel ? Bien sûr que non. L'esprit belge répugne à une telle idée. Car la Belgique s'accroche au mythe de sa supériorité morale, même lorsque l'histoire prouve le contraire.
Revenons au temps présent. Imaginez un hôpital unique en son genre : un lieu où médecins et infirmières ne sont pas là pour soigner le patient, mais pour veiller à ce que la maladie se développe, que les plaies s'enveniment et que le corps se dégrade lentement, tandis que des visiteurs souriants applaudissent leur exploit à son chevet.
Dans ce service, le patient est le Rwanda : un organisme autrefois robuste, doté d'une vitalité et d'une cohésion ancestrales, aujourd'hui devenu, meurtri et respirant à peine après avoir enduré les longs tourments de la chirurgie coloniale, de l'infection idéologique et des erreurs médicales post-génocide.
Penchés sur ce patient, en blouse blanche et armés des bistouris de la vertu, on ne retrouvent personne d'autres que les héritiers de l'administration hospitalière du roi Léopold : les Belges.
Il est important de rappeler que le Rwanda d'avant le colonialisme n'a pas toujours été dans cet état de sujétion. C'était autrefois une société remarquablement bien organisée, dotée d'un système de gouvernance complexe et avancé.
Bien avant que le scalpel européen ne le tranchât, le Rwanda possédait une monarchie centralisée, un système juridique structuré et un puissant sentiment d'unité.
Mais lorsque le gouvernement colonial belge est arrivé – ayant déjà perfectionné sa doctrine de cruauté et de contrôle au Congo –, il n'était pas muni d'instruments pour guérir.
Il est arrivé avec un catalogue d'ordonnances déjà rempli d'anthropologie raciste, d'arrogance ecclésiastique et d'une soif de domination totale. Le mal à diagnostiquer ? L'identité tutsi. Le remède ? Diviser pour régner.
La Belgique a hérité le Rwanda de l'Allemagne après la Première Guerre mondiale et n'a pas tardé à ouvrir le corps de la nation lors d'une opération chirurgicale plutôt contraire à l'éthique.
Le Royaume s'est mis au travail avec bistouris et seringues, désireux de remodeler la société rwandaise conformément à son image raciste. Il a injecté au Rwanda le pathogène le plus mortel de tous : l'idéologie de la supériorité raciale.
Avant que la Belgique s'en mêle, l'identité rwandaise était fluide. Hutu, Tutsi et Twa étaient des classifications sociales et économiques, et non des catégories raciales rigides.
Mais la Belgique, forte de ses théories raciales européennes et de son besoin pathologique de contrôle, déclara que les Rwandais avaient besoin d'une classification « scientifique ».
Elle mesura les crânes, examina les nez et déclara que les Tutsis étaient « grands, aristocratiques et plus proches de l'idéal européen », tandis que les Hutus étaient « petits, trapus et mieux adaptés au travail manuel ». Les Twa ? Une réflexion après coup.
Cette classification raciale absurde n'était pas une observation, mais l'injection d'un agent pathogène importé destiné à attiser des divisions là où il n'y en avait pas auparavant.
Pour officialiser cette théorie démente, la Belgique délivra en 1935 des cartes d'identité qui figèrent ces distinctions sociales dans des catégories raciales rigides.
Les conséquences furent immédiates et désastreuses. Le régime colonial belge éleva les Tutsis au rang d'élite dirigeante tout en opprimant systématiquement les Hutus, créant ainsi les conditions idéales pour le ressentiment, la discorde et, à terme, la catastrophe.
Puis, tel un médecin dévoyé de plus en plus ennuyé par sa propre expérience, la Belgique changea de cap dans les années 1950 et commença à attiser le ressentiment des Hutus contre les Tutsis, encourageant la violence et orchestrant les premiers massacres de Tutsis en 1959.
Voici le chirurgien, scalpel toujours à la main, feignant maintenant l'horreur devant le patient ensanglanté.
Le Congo du roi Léopold servit de terrain d'entraînement à cette médecine toxique. C'est là que le serment du médecin fut réécrit pour privilégier le profit à la vie.
On coupait des mains non pas pour sauver des vies, mais pour rappeler aux esclaves que même le travail sans membres était attendu. Ce que le Congo avait connu dans les chaînes, le Rwanda allait le subir idéologiquement.
Les colonisateurs belges, avec leurs assistants administratifs, abordaient le Rwanda non pas comme des gardiens de la dignité humaine, mais comme des taxonomistes de la biologie raciale.
Ils arrivèrent avec des mètres à ruban phrénologiques, des compas crâniens et des livres affirmant que les Tutsis étaient plus « nobles » et les Hutus plus « terre-à-terre », sur la base de théories raciales farfelues importées d'Europe.
Mais ce diagnostic n'a jamais été une question de vérité. Il s'agissait de créer des fractures permanentes, figeant les gens dans des catégories raciales rigides. Le Rwanda était condamné à une pathologie de division à long terme.
La Belgique ne s'est pas contentée de coloniser le Rwanda ; elle l'a infecté. Elle a joué le rôle d'un savant fou, injectant ses propres théories raciales perverses dans le sang de la société rwandaise.
Les classifications pseudo-scientifiques imposées par la Belgique – distinguant Hutus et Tutsis selon des critères raciaux fabriqués de toutes pièces – n'étaient pas de simples bizarreries administratives. C'était une condamnation à mort ; une bombe à retardement inscrite dans le temps.
Dès les années 1930, les administrateurs belges, avec le soutien enthousiaste des missionnaires catholiques, entreprirent une campagne d'ingénierie ethnique.
Ils ont dépouillé les Tutsis de leur identité autochtone et les ont requalifiés en une race venus de loin – une aristocratie étrangère qui aurait prétendument soumis les Hutus « autochtones ».
L'absurdité de ce récit était sans importance ; ce qui comptait, c'était son utilité. Il offrait à la Belgique un levier pour diviser afin de mieux régner, un mécanisme pour fracturer la société rwandaise en camps irréconciliables.
Les tristement célèbres cartes d'identité n'étaient pas de simples documents ; c'étaient des incisions chirurgicales contaminées, classant les Rwandais dans des catégories raciales rigides.
D'un trait de plume, la Belgique a institutionnalisé la division, garantissant que les Rwandais ne se percevraient plus comme un seul peuple.
Ces documents serviraient plus tard de listes de personnes à tuer lors du génocide des Tutsis de 1994, lorsque les tueurs exigeraient une identification avant de décider qui vivait et qui mourait.
Les Belges – ce même empire qui avait organisé un zoo humain à Bruxelles – avaient réussi à injecter au Rwanda une maladie étrangère : le racisme comme politique d'État.
Et puis, dans un acte de détachement cynique propre à tous les mauvais médecins, la Belgique s'est tout simplement retirée.
Lorsqu'ils ont quitté le Rwanda au début des années 1960, ils n'ont pas renvoyé le patient avec des instructions de soins. Ils ont confié le scalpel à ceux qu'ils avaient déjà formés à la dissection.
Au lieu d'un peuple souverain, ils ont laissé derrière eux une société fracturée, affaiblie par l'idéologie et manipulée par la peur.
Ils ont renforcé des factions extrémistes qui avaient intériorisé la hiérarchie raciale, leur ont fourni des instruments de répression, puis ont documenté les pogroms qui en ont résulté comme s'il s'agissait de symptômes sans rapport avec le « racisme africain ».
Si le colonialisme avait eu une composante hospitalière, le Rwanda en aurait été le patient le plus tragique. Le médecin colonial n'était jamais seul dans ses erreurs médicales. Il avait des infirmières – fidèles – en soutane et se signant en murmurant des bénédictions sur le poison.
La Belgique était le médecin principal, cisailles à la main, avec une infirmière nommée Église catholique dosant le kit intraveineux d'idéologie et de sédation. L'Église catholique n'était pas un spectateur passif de la pathologie coloniale du Rwanda. Elle en était, dans bien des cas, la main agissante.
Même après le génocide, nombre de ces « infirmières » ecclésiastiques refusèrent d'avouer. Certains ont fui vers l'Europe, notamment en Belgique et en France, où ils ont été protégés ou ignorés, malgré les accusations de complicité de crimes contre l'humanité. D'autres sont restés, s'abritant dans leur fonction sacerdotale, évoquant le pardon tout en refusant de rendre des comptes.
Ensemble, ils ont élaboré un plan de traitement qui n'avait rien à voir avec la guérison, mais tout à voir avec la déformation de l'âme d'une nation. Ils ne voulaient pas que le Rwanda soit guéri.
Ils voulaient qu'il soit dépendant, soumis et irrémédiablement brisé. Et aujourd'hui, alors que le Rwanda commence – contre toute attente – à panser ses plaies, les mains mêmes qui autrefois resserraient le bandage sur ses plaies sanguinolentes sont revenues, non pas pour s'excuser, mais avec un manque de respect envers le chirurgien qui voulait sauver le patient.
Le génocide des Tutsis de 1994 n'était pas une fièvre soudaine, mais un échec catastrophique dû à un empoisonnement long et délibéré.
La Belgique, avec l'arrogance d'un médecin dont la distance et la couleur de peau protègent des erreurs médicales, a instrumentalisé les classifications ethniques comme des scalpels, dépeçant une société qu'elle prétendait diagnostiquer.
Elle a fait des Hutus et des Tutsis des catégories immuables et a insufflé au Rwanda haine, division et distorsion spirituelle. Lorsque le corps a finalement été pris de convulsions dans une agonie génocidaire, le médecin a haussé les épaules, plié bagage et quitté l'hôpital.
Telle est la tragédie du Rwanda : son génocide n'a pas commencé en 1994. Il n'était que l'apogée d'une longue maladie non traitée, délibérément mal gérée par les acteurs coloniaux et postcoloniaux. Et la Belgique, le médecin colonial qui a semé le cancer, siège désormais dans les forums internationaux pour donner des conférences sur les « droits de l'homme » et la « démocratie », comme si elle était une autorité en matière de guérison.
Le relèvement du Rwanda
Le Rwanda, meurtri mais pas brisé, a entamé son propre redressement. Contre toute attente, il a réussi à se reconstruire grâce à la vérité, à la réconciliation, à la réforme économique et à la diplomatie régionale. Il a mis en place des mécanismes de responsabilisation, reconstruit ses institutions et refusé d'accepter le statut de victime comme identité.
Pourtant, les anciens médecins et infirmiers ne sont pas satisfaits. Ils froncent les sourcils face à la volonté du patient. Ils reprochent au Rwanda de s'affirmer, de rechercher la justice, de refuser d'être manipulé. Ils murmurent que le Rwanda est « autoritaire », qu'il réprime « l'opposition », comme si l'alternative était un retour au pluralisme malsain qui a conduit au génocide.
Pendant ce temps, la même Belgique qui accueille des négationnistes du génocide tolère également la vente de littérature incitant à la haine, accorde un laissez-passer aux prêtres en fuite et donne la parole à des « experts » qui affirment que le génocide n'en était pas vraiment un, mais simplement une guerre civile aux excès regrettables.
Certains de ces « experts » vont même jusqu’à affirmer que le Front patriotique rwandais (FPR), qui a mis fin au génocide, ne faisait que « prendre le pouvoir ». C’est comme accuser le chirurgien qui arrête une hémorragie de vouloir monopoliser le bloc opératoire.
Nous devons donc nous demander : que veut le médecin ? Que prie l’infirmière ? Il devient évident, de manière troublante, que la guérison n’est pas leur objectif. Un Rwanda en bonne santé révèle leur propre complicité. Un Rwanda prospère et sûr de lui contredit le discours selon lequel l’Afrique doit être gérée, sermonnée ou sauvée par ses anciens colonisateurs.
Le refus du Rwanda de s’incliner est perçu non pas comme une guérison, mais comme un acte de défiance. Et le défi, pour ceux qui se croyaient auteurs de l’histoire de l’Afrique, est la trahison ultime.
Dans ce drame, la RDC joue le rôle d’un service voisin du même hôpital. Mais ici, on a laissé la maladie se propager. L'État congolais, sous ses dirigeants successifs, a laissé prospérer les idéologies génocidaires, notamment contre les Tutsis congolais.
Des milices comme les FDLR, composées des derniers génocidaires rwandais, circulent librement et sont même intégrées à l'armée congolaise. Des discours de haine sont diffusés, les communautés tutsies sont attaquées et la communauté internationale détourne la tête.
Et la Belgique ? Elle publie des déclarations soigneusement équilibrées, exhortant « les deux camps » à la retenue, comme si le Rwanda était également responsable du réveil de son propre traumatisme dans un pays voisin.
Cette même Belgique, incapable d'arrêter des suspects de génocide connus sur son territoire, donne des leçons au Rwanda en matière militaire et de paix régionale. Ce n'est pas de la diplomatie. C'est de la malhonnêteté intellectuelle.
Dans un véritable hôpital, le médecin présenterait ses excuses et l'infirmière avouerait. Ils accompagneraient le patient dans sa guérison sans arrogance ni sabotage. Mais à l'hôpital des relations internationales, le Rwanda est souvent traité non pas comme un survivant, mais comme un sujet problématique, qui insiste sur l'autodétermination, la responsabilité et la mémoire.
Pourtant, le Rwanda persiste. Il est devenu son propre médecin. Il a rédigé de nouvelles prescriptions, privilégiant l'unité plutôt que la division, la compétence plutôt que la dépendance, et la vérité plutôt que les astuces rhétoriques. Et il a averti le monde : « plus jamais ça » n'est pas un slogan. C'est un engagement.
Pourtant, les anciens médecins refusent de quitter la pièce. Ils rôdent au pied du lit, insinuant des diagnostics qui servent leur réputation, et non celle du patient. Mais le Rwanda n'écoute plus. Il se rétablit. Non pas grâce à eux, mais malgré eux.
Et c'est là le véritable scandale. Mais la tragédie, pour eux, c'est que le patient n'est pas mort.
Sous le Front patriotique rwandais (FPR), les nouveaux soignants ont refusé de laisser le corps pourrir. Ils n'ont pas suivi les prescriptions qui mènent à la décomposition. Au lieu de cela, ils ont nettoyé les plaies, cautérisé les foyers d'infection et exigé des comptes de ceux qui avaient transformé les scalpels en machettes. Pour ces médecins dévoyés, c'était une hérésie.
Voyez-vous, si le patient guérit sans eux, si le corps retrouve des forces sans leur aide, alors toute leur carrière – tout leur mythe – s'effondre. Ils deviennent les méchants, et non les sauveurs. C'est ce que la Belgique ne peut pas supporter.
D'où le besoin obsessionnel de saper le redressement du Rwanda. Les médias occidentaux, nourris par l'inquiétude et la nostalgie coloniale, diagnostiquent de l'autoritarisme là où règne la discipline, la répression là où règne la justice, et le silence là où règne une guérison digne.
La Belgique, en particulier, a conçu le langage du paternalisme post-génocide. Elle ne crie plus ; elle murmure ses inquiétudes lors des conférences, rédige des résolutions et salue d'un hochement de tête approbateur les révisionnistes et les négationnistes déguisés en opposants.
Ils amplifient des voix pestilentielles comme celle de Victoire Ingabire, une promotrice condamnée de l'idéologie génocidaire, non pas parce qu'ils croient en la liberté d'expression, mais parce que chaque mot qu'elle prononce rouvre une cicatrice.
Ils soutiennent des groupes comme Jambo Asbl, non pas malgré leurs liens avec des génocidaires, mais grâce à eux. Jambo Asbl est un groupe qui blanchit les meurtres de masse avec des intonations académiques et un charme juvénile.
Il ne s'agit pas de négligence. Il s'agit de la continuation d'une faute professionnelle. L'infirmière se fait désormais passer pour une lanceuse d'alerte, accusant le FPR de maltraiter le patient, tout en distribuant discrètement du poison sous la table.
Et où circule ce poison ? Dans l'arène internationale, le Rwanda est réprimandé pour son « implication » en RDC, tandis que les FDLR – descendants de génocidaires – opèrent librement, sous le regard aveugle du monde entier.
Lorsque le Rwanda renforce ses frontières, on l'accuse de militarisme. Lorsqu'il parle de justice, on lui demande de se réconcilier. Lorsqu'il refuse de mourir, on l'accuse d'arrogance.
Le mécontentement de la Belgique envers le FPR n'est pas politique, il est psychologique. Ils ne supportent pas de voir leur ancien patient marcher. Pire encore, ils ne supportent pas que le patient refuse de les remercier.
Un Rwanda guéri, debout et parlant sans trembler, est insupportable pour un système qui a bâti son ego sur l'effondrement africain.
N'oublions pas le Congo du roi Léopold, ce théâtre cauchemardesque où la même doctrine d'extraction et de mutilation a été perfectionnée. La même illusion médicale a guidé ce régime : la croyance que les Africains sont une matière première, et non des êtres humains.
Au Congo de Léopold, les membres étaient amputés pour non-respect des quotas ; au Rwanda colonial, les esprits étaient amputés de l'accès à la vérité. Aujourd'hui, lorsque la Belgique affiche son engagement en matière de Droits humains, elle le fait au-dessus des tombes qu'elle a creusées et abandonnées.
La preuve la plus accablante de cette hypocrisie réside dans son traitement de la justice. La Belgique accueille, protège et parfois même donne la parole à des négationnistes et sympathisants notoires du génocide. Le gouvernement belge donne la parole à des hommes comme Gaspard Musabyimana, le cerveau des émissions de la RTLM, qui transforment la douleur d'un million de morts en un fléau conspirationniste.
Le médecin qui a supervisé la mutilation remet désormais en question les méthodes de celui qui a recousu les plaies.
Non, le Rwanda n'est pas parfait. Aucun chirurgien n'opère sans risque. Mais il est obscène de prétendre que ceux qui ont saigné le pays pendant des décennies aient désormais l'autorité morale pour critiquer son rétablissement.
Le FPR a refusé de traiter le Rwanda comme un cadavre. Il a remis en question l'obsession universelle et malsaine de la fragilité africaine. Il a déclaré : nous ne mourrons pas en silence pour remettre de l'ordre dans vos manuels scolaires.
Le Rwanda guérit – lentement, douloureusement, volontairement. Et ceux qui sont le plus bouleversés par cette situation ne sont pas les victimes, mais les anciens médecins qui croyaient avoir posé le diagnostic final.
Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Le ressentiment de la Belgique envers le FPR ne concerne ni la démocratie, ni la justice, ni les Droits humains. Il est question de contrôle, de refus d'accepter que les Africains puissent être les artisans de leur propre résurrection. Le scalpel colonial a peut-être changé de mains, mais son appétit demeure.
Il n'est pas nécessaire que le Rwanda meurt pour que la Belgique se sente moins coupable. Il n'est pas nécessaire d'apaiser les egos européens par le silence ou de déformer son système judiciaire pour satisfaire des tueurs qui portent aujourd'hui de nouveaux costumes.
L'histoire du Rwanda est celle d'une résistance miraculeuse. C'est l'histoire d'une patiente qui, refusant l'anesthésie, s'est réveillée pendant l'opération, a pris les instruments des mains des médecins et a commencé à se soigner elle-même.
Cette histoire est trop puissante, trop dangereuse pour ceux qui ont bâti leur réputation sur sa mort.
Aujourd'hui, la Belgique se pose en infirmière bien intentionnée. Elle fronce les sourcils solennellement face aux défis du Rwanda, hochant la tête avec inquiétude. Mais derrière les gants blancs se cache une main qui finance, héberge et protège les négationnistes du génocide, les génocidaires en fuite et des organisations comme Jambo Asbl, un groupe qui blanchit les meurtres de masse avec des intonations académique et un charme juvénile.
Ce qui blesse le plus la Belgique et ses sympathisants, c'est que le Rwanda n'est pas resté mort. Le Front patriotique rwandais (FPR), né des camps de réfugiés ougandais et des cendres d'un génocide que le monde observait en silence, a refusé ce pronostic.
Le FPR a mis fin au génocide – pas l'ONU, ni la France, et certainement pas la Belgique.
Il a bâti un système de santé, sorti des millions de personnes de la pauvreté, instauré l'éducation universelle et créé l'une des sociétés les plus sûres du continent. Il a appris à la patiente à remarcher, à parler et à être fière de
ses cicatrices.
La culpabilité du médecin et l'envie de l'infirmière
Si le Rwanda saignait encore, ils organiseraient des conférences au sommet. Si le Rwanda était un État en faillite, ils organiseraient des think-tanks. Si le Rwanda restait plongé dans le chaos, la Belgique resterait le médecin-chef, faisant occasionnellement la charité tout en veillant à ce que la patiente ne menace jamais le système qui l'a rendue malade.
Mais le Rwanda d'aujourd'hui est un miroir – et la Belgique y voit son propre visage, déformé par la culpabilité, l'envie et la lâcheté morale.
Le patient non seulement survit, mais il s'épanouit d'une manière qui remet en question les méthodes obsolètes du médecin. Cela les effraie. Car si le Rwanda peut s'élever, les questions le peuvent aussi : pourquoi la Belgique a-t-elle menti ? Pourquoi le monde a-t-il abandonné le Rwanda ? Pourquoi abrite-t-elle encore ceux qui ont assassiné son peuple ?
La colère de la Belgique envers le Rwanda n'est pas liée aux Droits humains, mais au droit des colonisés à guérir avec leurs propres méthodes.
La réalité est qu'il y a une patiente, qui rédige désormais sa propre ordonnance. Aujourd'hui, le Rwanda est à la fois patient et médecin. Elle est prudente, consciente des ombres qui planent. Elle construit des hôpitaux, pas des armées d'experts d'ONG. Elle parle doucement, mais porte les cicatrices d'un million de voix.
Ce que le Rwanda exige, ce n'est pas la sainteté, mais l'équité. Pas le silence, mais la vérité. Il veut que le monde comprenne que guérir ne signifie pas oublier, que la résilience ne signifie pas consentir aux abus, et que la justice ne signifie pas tolérer le déni au nom du « débat ».
La Belgique et ses alliés peuvent choisir de devenir de véritables partenaires de la guérison. Mais cela impliquerait qu'ils reconnaissent ce qu'ils ont fait – et pire, ce qu'ils permettent encore.
D'ici là, le Rwanda a parfaitement le droit de préserver son rétablissement, de protéger son récit national et de rejeter le remède de l'hypocrisie morale.
Cette patiente vit. Et elle ne sera plus jamais l'objet d'une expérience pour qui que ce soit.