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[Patrick Poivre d'Arvor :] C'est officiel depuis, euh, une demi-heure maintenant : le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé l'initiative française de mission hum… anitaire et militaire au Rwanda. 10 voix pour, aucune contre, cinq abstentions. Un feu vert, donc, que le gouvernement français attendait avant de déclencher son opération Turquoise dès demain matin [23 juin]. Tout de suite les derniers préparatifs des troupes françaises qui ont commencé à arriver à Goma au Zaïre, c'est-à-dire à la frontière même du Rwanda. En ligne avec nous Marine Jacquemin.
[Marine Jacquemin :] Près de 200 hommes se trouvent ce soir à Goma, l'aéroport zaïrois sur la frontière rwandaise. À un kilomètre, Gisenyi, où s'est retranché le gouvernement provisoire, dans ce qui reste encore le fief hutu le plus dur du Rwanda [on voit à l'image des civils et des soldats de l'armée rwandaise].
Pour éviter d'être accusé de porter assistance à nos anciens amis, c'est finalement plus au sud que commencera l'opération française [on voit notamment à l'écran un avion de chasse, des camions, un blindé AML (automitrailleuse légère), un hélicoptère]. Objectif premier : sauver de la mort certaine quelques milliers de Tutsi réfugiés pas loin de Cyangugu [diffusion d'une carte du Rwanda montrant la ligne de front entre la zone contrôlée par le FPR à l'Ouest et la zone contrôlée par l'armée gouvernementale à l'Est ; la ville de Cyangugu apparaît en clignotant]. Le reste de l'opération sera le résultat des reconnaissances. Une mission donc très prudente, évolutive [on voit à l'écran un panneau indiquant : "Site Mpoko, sur la base vitesse limitée à 20 km/h"] : le moins loin possible, le moins longtemps possible semble être le nouveau mot d'ordre des militaires français.
Il n'empêche que durant toute la nuit et la matinée à Goma, Hercules, Transall, Antonov se sont succédés par rotations, déchargeant hommes et matériels. En ce moment, les militaires s'installent pour la nuit dans le hall de l'aéroport. L'apparence est décontractée et le seul objectif avoué pour cette première journée Turquoise dans le sanglant Rwanda : l'humanitaire, rien que l'humanitaire. C'est juré [diffusion d'images d'archives montrant des gros-porteurs en train d'être déchargés].
[Patrick Poivre d'Arvor :] Marine qui, avec son équipe, venait de quitter Bangui. C'est là donc, dans cette capitale, euh, de la Centrafrique que des avions-cargos chargés de véhicules et d'hélicoptères sont arrivés aujourd'hui. C'est là également que la plupart des appareils de transport de l'armée de l'air sont stationnés. Voici les images de Mario Cantenot [?].
[Marine Jacquemin :] Les paras du 3ème RPIMa chantent tranquillement comme à chacun de leur déplacement [on voit des soldats parachutistes défiler sur la latérite en chantant à gorge déployée]. À Bangui, au camp Béal, PC de commandement des éléments français d'assistance opérationnelle de Centrafrique, pas d'excitation particulière. Une sorte de calme, avant la tempête peut-être.
[Colonel Seignez, "Commandant Forces Françaises d'Assistance Opérationnelle de Centrafrique (EFAO)" : "Je ne sais pas s'il y aura la tempête. Mais en tout cas, c'est…, c'est le calme. C'est la préparation, euh…, de professionnels qui attendent des ordres".]
L'opération Turquoise pour ces militaires n'est donc qu'un classique de ce qu'ils sont entraînés à faire en permanence sur le terrain.
[Colonel Seignez : "Les éléments français d'assistance opérationnelle sont effectivement en Centrafrique, euh, prêts à intervenir, euh, sur très court préavis sur ordre du gouvernement français".]
Ces hommes du RICM -- troupes de marine d'intervention rapide -- viennent de parcourir 450 kilomètres de piste difficile puisqu'ils sont arrivés hier soir [21 juin] de Bouar au nord-ouest de la République Centrafricaine, où il sont stationnés. 350 d'entre eux font partie de l'opération [on voit des soldats démonter la tôle d'un véhicule sur laquelle on peut lire l'inscription "Chazal"]. Quelques vérifications s'imposent donc avant l'embarquement par voie aérienne, vers l'Est du Zaïre, puis le Rwanda. Durant l'intervention, les ordres sont de respecter le chapitre VII de la charte des Nations unies, qui fixe dans quelles conditions ces troupes pourront utiliser leurs armes dans cette opération de rétablissement de la paix [diffusion d'images montrant notamment de longues colonnes de véhicules militaires français].
[Marine Jacquemin : - "Est-ce que l'on peut à votre avis protéger des vies sans l'arme à la main ?". - Colonel Seignez : - "Dans le cas présent je ne pense pas. Euh…, avoir les armes à la main, euh, c'est… une garantie de…, pour cette opération humanitaire. Ça ne veut pas dire qu'on s'en servira".]
[Marine Jacquemin, face caméra, devant une colonne de VAB : "Les militaires français se disent donc très confiants et bien préparés pour cette opération dont le seul but avoué est l'humanitaire. Mais ils ne minimisent pas pour autant les risques qu'elle comporte. Les heures qui viennent seront donc décisives. L'opération Turquoise ne devrait pas toutefois excéder une durée maximum de trois mois".]
[Patrick Poivre d'Arvor :] Pendant ce temps, sur place à Kigali, les obus se sont abattus sur la ville ce matin pendant que la Mission des Nations unies évacuait ses observateurs militaires, euh, francophones, menacés du fait des initiatives françaises, donc. Avant-hier [20 juin], en revanche -- vous le voyez sur ces images --, 200 enfants tutsi avaient pu être évacués sous le regard de ces observateurs de l'ONU mais également des milices hutu [on voit des enfants atrocement mutilés en train de se faire évacuer].
[Patrick Poivre d'Arvor interviewe à présent en plateau François Léotard.]
Patrick Poivre d'Arvor : En direct avec nous, je vous le disais, François Léotard, le ministre de la Défense. Euh, visiblement la France se veut rassurante mais pourtant l'OUA ne s'est pas déclarée favorable à cette intervention. Même chose pour un certain nombre de pays étrangers. Même chose encore -- nous le verrons tout à l'heure -- pour le Front patriotique rwandais. On a l'impression qu'il s'agit quand même, euh, cette fois-ci, d'une initiative bien solitaire.
François Léotard, ministre de la Défense : Je ne crois pas que l'on puisse dire cela. Voyez-vous, nous avons attendu, euh, cette résolution du Conseil de sécurité, qui vient d'avoir lieu il y a quelques limutes…, quelques minutes. Nous avons, bien sûr, préparé les choses avant. Mais nous ne serions pas intervenus -- il faut que ça soit très clair ! -- s'il n'y avait pas eu, euh, de résolution de l'Organisation des Nations unies. Nous ne sommes pas là dans un mouvement national, français. Pas du tout ! Nous sommes là pour appliquer une résolution qui vient d'être votée par l'ONU, et que nous avons souhaité, permettant de mettre un terme à certains massacres et à certaines atrocités.
Patrick Poivre d'Arvor : Donc à partir de ce feu vert, démarrage de l'opération dès demain matin [23 juin] à l'aube ?
François Léotard : Donc, euh, l'opération commencera demain matin [23 juin]. Et elle commencera d'ailleurs -- c'est pour, euh…, bien montrer la…, quelles sont nos intentions -- par une petite zone qui est de l'autre côté de la frontière, euh, de l'autre côté de Bukavu très exactement, euh, localité qui s'appelle Cyangugu. Et dans laquelle se trouvent menacés aujourd'hui quelques milliers, d'ailleurs, de Tutsi. C'est pour bien montrer que, euh…, nous…, nous sauvons les personnes que nous rencontrons, quelle que soit leur ethnie bien entendu, quelle que soit même, pour les étrangers, leur nationalité. Et nous continuerons à partir de cela, en ayant le maximum d'informations, à regarder les lieux où sont menacés des enfants, des civils, éventuellement des communautés religieuses -- ce que nous apprenons petit à petit -- et des personnes qui souffrent de ces massacres. Et…, et voilà le…, l'intention qui est l'intention française.
Patrick Poivre d'Arvor : L'idée d'une…
François Léotard : Action limitée et action humanitaire.
Patrick Poivre d'Arvor : L'idée n'étant pas d'aller jusqu'à Kigali, jusqu'à la capitale ?
François Léotard : Nous voulons nous engager le moins possible, en fait, dans le territoire rwandais. Et nous ne voulons en aucune manière prendre parti dans le conflit d'aujourd'hui. Et, euh…, je le dis très clairement pour ceux qui sont actuellement en train de se déchirer : ce n'est pas notre, euh, intention, notre objectif de prendre parti. Ce que nous voulons, et au nom de l'ONU, c'est sauver des vies humaines. Alors nous allons voir à quel endroit nous pouvons le faire -- euh…, en fonction des renseignements que nous aurons dès demain matin [23 juin] -- et, euh, de quelle manière nous pourrons le faire. Par exemple aller…, aller chercher à tel endroit des enfants qui seraient, euh, menacés de mort ! Et ces images sont tellement affreuses, pour la communauté internationale, que la France considère qu'elle ne peut pas les accepter.
Patrick Poivre d'Arvor : Donc intervention géographiquement limitée. Également limitée dans le temps ?
François Léotard : Limitée dans, euh…
Patrick Poivre d'Arvor : Pas plus de…
François Léotard : Dans le temps de…, de…, nous avons…
Patrick Poivre d'Arvor : Fin juillet ?
François Léotard : Le Premier ministre, de façon très claire cet après-midi à l'Assemblée nationale -- et après que nous en ayons ensemble parlé avec le président de la République --, a évoqué la fin du mois de juillet. C'est-à-dire que nous allons demander à l'ONU d'accélérer le processus de…, de…, de…, d'intervention de la MINUAR -- c'est-à-dire le nom de la force que l'ONU va déployer sur le terrain -- pour faire en sorte qu'ils puissent succéder immédiatement au dispositif français. Si nous avions attendu totalement l'ONU -- hélas nous le savons bien --, nous risquions d'attendre plusieurs mois encore, donc plusieurs dizaines de milliers de morts. Et donc nous…, nous précédons d'une certaine manière cette force de l'ONU, qui elle sera sous Casques bleus, qui j'espère pourra intervenir dans le courant de l'été. Mais entre-temps -- toujours sous résolution du Conseil de sécurité --, nous intervenons, donc, dans les semaines qui viennent, pour essayer de sortir le maximum de ces…, de ces malheureuses, euh, personnes de la situation dans laquelle elles se trouvent.
Patrick Poivre d'Arvor : Alors vous parliez tout à l'heure du président de la République et du Premier ministre. Est-ce qu'il n'y a pas eu dans cette affaire, euh…, très franchement, deux lignes : une ligne assez dure, celle du président de la République et du ministre des Affaires étrangères. Et une ligne plus prudente, celle du Premier ministre et…, et la vôtre ?
François Léotard : Nous avons toujours regardé les tenants et aboutissants de cette affaire. Moi j'ai toujours exprimé mon souci de rester dans un cadre très limité dans le temps. Et, euh, de ne pas, comment dire, faire en sorte que les forces françaises soient petit à petit considérées comme une sorte de gendarmerie internationale qui interviendrait partout dans le monde. Ça, ça n'est pas…, ni mon objectif ni… la conception que j'ai de l'utilisation de l'armée française. Il se trouve que là, nous avons, euh…, la demande expresse de l'Organisation des Nations unies, Monsieur Boutros-Ghali. Nous avons les capacités pour le faire puisque nous avons des forces prépositionnées. Nous nous sommes tournés vers les Européens et vers les Africains ! Car il est tout à fait normal que ce soit d'abord des Africains qui prennent en charge ce…, cette crise, ce conflit. Et nous avons… obtenu des Sénégalais, des Guinéens qui vont intervenir avec nous. Et puis au…, quelques Européens, hélas trop peu, c'est vrai. Mais je pense que vous…, vous le verrez, dès…, dès le premier enfant sauvé, Patrick Poivre d'Arvor -- parce que c'est ça la question --, je pense que vous…, vous verrez un certain nombre de concours internationaux apparaître. Parce que notre objectif c'est de sauver des enfants. Et ça, je ne sais pas qui peut contester cet objectif !
Patrick Poivre d'Arvor : Tout en sachant que c'est une opération à haut risque.
François Léotard : Bien entendu. Mais il n'y a pas d'opération militaire sans risque [sourire]. Et les militaires français sont suffisamment formés, responsables, équipés et…, et…, et volontaires, et enthousiastes même pour ce…, ce type de mission. Car ils savent qu'ils servent profondément une cause humanitaire. Y'a pas beaucoup de choses qui soit plus belle, vous savez, que de sauver des gens menacés de mort. Et ils le font avec beaucoup d'allant. Je crois que, euh…, en plus, il faut bien souligner que les instructions qui leurs sont données, c'est de ne pas entrer en contact avec les forces du FPR, de ne pas entrer en contact avec les gens qui se déchirent actuellement. Et…, euh, vous verrez qu'ils le feront avec, euh, une très grande responsabilité et maîtrise, euh, de…, de…, de l'outil, euh, de force qu'ils ont entre les mains.
[Patrick Poivre d'Arvor fait à présent entrer dans la conversation Jacques Bihozagara, qui se trouve en duplex.]
Patrick Poivre d'Arvor : Alors vous…, vous évoquez le FPR. Nous avons en direct avec nous Jacques Bihozaga [Bihozagara] qui est responsables des…, des relations internationales, donc, du Front patriotique rwandais. Vous, après avoir écouté à l'instant, euh…, François Léotard, après avoir écouté Alain Juppé que vous avez rencontré tout à l'heure, est-ce que vous êtes toujours persuadé du bien-fondé de cette opération ?
Jacques Bihozagara, "Représentant Front Patriotique Rwandais" : Eh bien écoutez, nous pensons que l'opération, euh, de sauvetage des populations en danger avait été, euh…, organisée et pensée au niveau, euh, du Conseil de sécurité. Et que pour ça, euh…, le Conseil de sécurité avait voté une résolution, euh, la résolution 918, qui élargissait le mandat de la MINUAR. Et maintenant, nous ne voyons pas pourquoi c'est la France qui se précipite. Et là, nous nous opposons encore, euh…, pour des raisons que nous avons toujours évoquées : vous savez, la France a été au Rwanda en 1990, euh…, pour soi-disant, euh, protéger des ressortissants afran…, euh…, étrangers et français. Mais, après, nous avons remarqué que la France a pris position, euh, du gouvernement en place, du régime en place. Et il a fallu trois ans pour que la France quitte le Rwanda. Et maintenant, euh…, la France retourne au Rwanda, euh, pour encore, dit-on, une action humanitaire. Eh bien, nous pensons que… il y a d'autres raisons que… la…, les raisons humanitaires.
Patrick Poivre d'Arvor : Vous pensez que l'arrière-pensée, c'est d'essayer pour Paris de maintenir le régime, euh…, actuel à tout prix ?
Jacques Bihozagara : Pourquoi pas. Parce que la France nous a jamais montré le contraire. Et… donc le régime qui massacre aujourd'hui a été aidé, soutenu, armé par, euh, la France ! Et maintenant, euh, nous pensons que… l'action de la France actuelle, euh, c'est exactement de prolonger son aide, euh, au régime en débandade.
Patrick Poivre d'Arvor : François Léotard, là, vous avez face à vous le représentant d'une ethnie que vous… souhaitez sauver. Et il n'est pas d'accord, euh, avec cette intervention.
François Léotard : Bien sûr…, oui. Il…, il n'y a aucune intervention de ce genre. Je voudrais le dire avec beaucoup de…, de…, de respect à Monsieur Bihozagara. Euh…, il a rencontré ce matin Monsieur Juppé. Je crois que l'entretien s'est déroulé de façon très loyale où nous avons vraiment expliqué quels étaient nos objectifs. Et, euh, les inst…, les instructions qui sont données, encore une fois, aux forces françaises, c'est de ne jamais entrer en contact avec le FPR qui…, donc, est représenté par Monsieur Bihozagara. C'est-à-dire de…, à aucun moment de ne chercher à, euh, être partie prenante dans ce conflit. Et je ne vois pas comment, euh…, on peut nous reprocher de sauver des personnes qui sont de…, si j'ai bien compris, euh, des…, des Tutsi. Dans un premier temps ! Pour ces…, ces personnes qui sont à Cyangugu, que nous voulons protéger. Et…, et vraiment, je ne vois pas comment on peut douter de notre bonne foi dans cette affaire. Parce qu'il n'y a pas d'autre intention. Et je le dis avec beaucoup de…, de force et de conviction à Monsieur Bihozagara. Et…, et l'expérience le montrera ! Je souhaite qu'il attende les jours qui viennent avec… Nous resterons en contact avec, euh, avec, euh, le FPR, d'ailleurs ! Nous avons l'intention de rester en contact pour informer quotidiennement, régulièrement, heure par heure de nos intentions, de nos positions. Pour bien montrer qu'à aucun moment il n'y a une intention belliqueuse dans cette affaire. À aucun moment.
Patrick Poivre d'Arvor : Jacques Bihozagara, euh…, vous êtes donc, euh, tutsi, minoritaire là-bas. Euh…, est-ce que vous pensez quand même que… il faut aider par tous les moyens, donc, euh…, à éviter ce…, ce génocide qui était en train de se perpétrer. Est-ce que d'abord vous pouvez confirmer les…, les premiers chiffres qui avaient été donnés ? Et notamment le…, le ministre allemand des Affaires étrangères avait parlé de 500 000 morts. Est-ce que… on…, on est dans cette échelle de…, de valeur si je puis dire ? Et…, et deuxièmement que faire pour, euh, pour arrêter ce génocide si…, s'il n'y a pas d'intervention étrangère ?
Jacques Bihozagara : Écoutez, il est quand même encore une fois erroné de dire que la France va aider les Tutsi ou sauver les Tutsi. Parce que dans ce conflit, dans ce génocide, ce n'est pas seulement les Tutsi qui sont visés mais c'est tout le monde qui ne parle pas le même langage avec le régime, justement, que la France a soutenu pour des raisons, encore une fois, que nous ne comprenons pas. Alors maintenant, la France, euh, veut retourner au Rwanda et, dit-on, pour sauver les Tutsi. Mais vous savez très bien effectivement que, euh…, le Rwanda a perdu plus de 500 000 personnes. Et sur les 500 000 personnes, je dirais que 95 % sont bien sûr de l'ethnie tutsi. Euh…, la population tutsi de l'intérieur a été décimée à deux-tiers. Tandis que l'élite intellectuelle hutu de l'opposition modérée a été décimée à 80 %. Et maintenant, ah…, je pense que si la France retourne là-bas, d'abord c'est trop tard. Et, deuxièmement, nous pensons que plutôt l'intervention française risque de compliquer la situation et d'embraser toute la région.
Patrick Poivre d'Arvor : Euh…, François Léotard, un…, un mot puisqu'on parlait tout à l'heure des…, des Africains. Le maréchal Mobutu n'était pas en odeur de sainteté vis-à-vis des capitales occidentales. Là, il…, il vous donne un coup de main en…, avec ses aéroports, euh…
François Léotard : Nous avons demandé au Zaïre de faire en sorte que les avions puissent se poser, euh, sur des aéroports zaïrois. Euh, il y a eu donc un…, un contact normal entre un gouvernement et un autre gouvernement pour utiliser des plateformes, euh, aéroportuaires. C'est tout à fait normal si on veut, encore une fois, se souvenir que notre, euh, objectif -- et je me souviens des émotions que vous avez suscitées sur vos chaînes, à juste titre ! --, euh…, notre objectif c'est de sauver des vies humaines. Alors je ne vois pas pourquoi il y a une semaine toutes les organisations non gouvernementales -- vous-même, à juste titre ! --, beaucoup d'observateurs internationaux nous disaient : "Qu'est-ce que vous attendez ? Il faut y aller !". Maintenant que nous engageons ce processus, on nous dit : "Mais pourquoi vous y allez ?". Encore une fois nous n'y allons pas…, c'est pas le gouvernement français, c'est l'Organisation des Nations unies qui demande au gouvernement français de faire ce…, ce…, ce…, cette action humanitaire en attendant que… une force plus importante -- de plus de 5 000 hommes d'ailleurs ! -- vienne sous Casques bleus protéger les populations. Nous n'étions pas obligés de le faire, c'est tout à fait vrai. Et nous le faisons. Je peux vous dire que c'est une opération complexe, lourde. Euh, et qui effectivement n'est pas sans risque. Mais nous le faisons, je crois, parce que nous avons une certaine conception de nos responsabilités internationales, du rôle de la France avec ses amis africains. Parce qu'elle a un rôle à jouer bien entendu, avec nos amis africains. Et parmi ces amis, il y a les Rwandais, quelle que soit leur ethnie. Et voilà, euh, c'est aussi simple que ça. Je regrette qu'on oublie aujourd'hui dans ce que j'entends que… il y a quelques minutes, il y a eu une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
Patrick Poivre d'Arvor : Voilà. J'ajoute donc que la France appelle donc ses partenaires, euh, européens et africains à participer à…, à cette, euh…, intervention au Rwanda. Une intervention que nous…, nous suivrons heure par heure. Et qui devrait, donc -- le ministre de la Défense vient de nous le confirmer à l'instant --, euh, commencer, euh, dès demain matin [23 juin] à la frontière du Zaïre et du Rwanda. Merci, euh, à vous François Léotard. Merci à Monsieur Bihozagara.