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C'était jour férié, le jeudi 10 septembre, à Goma, sur les rives du lac
Kivu: le maréchal Mobutu, chef de l'Etat zairois, recevait ses pairs et
voisins burundais et rwandais, pour un sommet décidé au débotté, une
semaine après le putsch qui, au Burundi, avait chassé du pouvoir le
colonel Jean-Baptiste Bagaza. Accueil bruyant et coloré pour le major
Pierre Buyoya, le nouvel homme fort de Bujumbura, qui, pour sa première
sortie es qualités, avait troqué l'uniforme militaire contre le costume
croisé.
Surprise sur la piste: parmi les personnalités alignées pour la
traditionnelle poignée de main s'était glissé, tout sourire, Mgr
Evariste Ngoyagoyé, le président de la conférence épiscopale du Burundi.
Beaucoup mieux disposé que son prédécesseur à l'égard de l'Eglise
catholique les lieux de culte, récemment fermés, notamment la cathédrale
de Gitega, ont été rouverts le chef des putschistes échangeait avec le
prélat quelques amabilités.
Trois heures d'entretien à trois dans le jardin de la résidence du
président Mobutu, dans un climat détendu, pour lier connaissance avec ce
nouveau venu sur la scène africaine. Bref sommet, conclu par la lecture
d'un communiqué commun, dans lequel le major Buyoya se félicite du
"soutien spontané" apporté à son régime par ses "frères". De leur côté,
ceux-ci prennent acte du retour à la normale au Burundi et insistent sur
"l'importance fondamentale d'une politique de bon voisinage".
Le "grand frère" zairois
La veille, en prélude à ce sommet-éclair, le major Buyoya avait, en
quelque sorte, "régularisé" sa situation. Lors de sa première réunion,
le comité militaire de salut national, au sein duquel un comité exécutif
de dix membres vient d'être formé, l'avait élu président de la
République du Burundi.
Le major Buyoya aura-t-il réussi son examen de passage devant son "grand
frère" zairois ? Déjà en janvier 1986, le jour même de sa prestation de
serment comme chef de l'Etat ougandais, M. Yoweri Museveni avait fait un
rapide voyage à Goma, pour se présenter à ses pairs africains les plus
proches, notamment au président Mobutu. Celui-ci souhaite en effet
s'assurer des alliés le long de la bordure orientale du Zaire, dans des
régions et périphéries sous-administrées, où des mouvements d'opposition
armés à son régime ont de longue date pris racine et font de temps à
autres le coup de feu.