Fiche du document numéro 34561

Num
34561
Date
Mardi 8 octobre 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
95964
Pages
4
Urlorg
Titre
Procès de Rwamucyo à la Cour d’assises de Paris - 5ème jour
Sous titre
Compte rendu de l’audience du 7 octobre 2024
Nom cité
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
La deuxième semaine d’audiences a débuté par le remplacement du premier juré par un juré supplémentaire, celui-ci étant absent. De plus, au cours de la journée, il a été annoncé qu’en raison de son état de santé Monsieur Alphonse KAREMERA ne témoignera pas mercredi 9 octobre. Le premier témoin de la journée à avoir été entendu est Aimable RWABUKUMBA, de père tutsi et de mère Hutu, ancien étudiant de la faculté de médecine de Butare. Celui-ci a connu Eugène RWAMUCYO lors de ses études à la faculté de médecine ; Monsieur RWAMUCYO était son professeur d’hygiène et d’assainissement lorsqu’il était étudiant en troisième année. A cet égard il souligne qu’Eugène RWAMUCYO connaissait bien son sujet et qu’il n’avait constaté aucun dérapage de sa part lors des cours. Il précise qu’en dehors des cours, il ne le voyait pas et ne l’avait pas vu à l’hôpital durant les semaines suivant le 6 avril 1994.

Le témoin résidait dans la résidence étudiante qui se trouvait à proximité de l’hôpital universitaire lorsque le génocide débute. Il se rendait quotidiennement à l’hôpital afin de s’occuper des patients. Celui-ci affirme qu’il n’avait connaissance d’aucune liste de noms de Tutsi. Il ajoute qu’il n’avait pas eu connaissance d’étudiants tués à la barrière de l’hôpital ou encore à la cafétéria de l’université. Néanmoins, il reconnaissait avoir entendu parler d’assassinats de Tutsi à l’arboretum. Ce dernier souligne qu’à cette période « tout le monde se sentait en insécurité ». Il affirme qu’il était au courant d’assassinats ayant lieu à l’hôpital, néanmoins il n’a assisté à aucun massacre. Il avait constaté que des patients disparaissaient dans la nuit. Lorsque ces patients disparaissaient, il était raconté que les interahamwe les enlevaient pour aller les tuer. Concernant le passage des barrières, le témoin affirme que les personnes qui n’avaient pas de carte d’identité n’étaient pas forcément considérées d’emblée comme Tutsi, celui-ci notamment affirmait présenter sa carte étudiante pour passer les barrières afin de ne pas montrer sa carte d’identité sur laquelle était inscrite la mention « Tutsi ». De plus, il souligne que durant toute cette période il n’avait jamais vu de corps près des barrières, ni assisté a aucun massacre.

Le deuxième témoin de la journée à être entendu est Laetitia HUSSON, juriste à l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ancienne juriste au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Ce témoin de contexte a exposé le fonctionnement du TPIR et les différents modes de responsabilité. Elle précise que l’incitation directe et publique à commettre un génocide n’a pas été reconnue pour des faits s’étant déroulés avant le 6 avril 1994, néanmoins l’incitation à la haine de la part des médias aurait été reconnue. Concernant « l’Affaire des Média » (procès commun devant le TPIR de Jean BOSCO BARAYAGWIZA, Ferdinand NAHIMANA et Hassan NGEZE), elle souligne que le rôle de la RTLM a été confirmé en appel. Le rôle des médias va devenir explicite, il y a une intensification des appels à la violence. Outre les condamnations pour chef d’entente en vue de commettre un génocide, celle-ci précisa qu’il y a aussi eu des condamnations pour entreprise criminelle commune. Interrogée par la défense sur la contradiction entre l’acquittement de six ministres et le constat d’une entreprise criminelle commune par le Tribunal, Madame HUSSON renvoie aux raisons de ces acquittements qui sont notamment pour certains dus à des raisons procédurales. La journée se poursuivit avec l’audition d’un troisième témoin, Jean-François DUPAQUIER, journaliste et coauteur d’un rapport d’expertise du 15 décembre 2001 devant le TPIR. Monsieur DUPAQUIER met en avant l’expression d’une haine raciste et genrée à travers le texte Les 10 commandements du Hutu apparu dès décembre 1990. Il souligne que Vincent NTEZIMANA serait l’auteur de ce texte. Lors de son audition, le témoin met en avant l’idéologie raciste de la CDR et du Cercle des républicains progressistes (CRP). Monsieur DUPAQUIER souligne, en référence au rapport du 15 décembre 2001, l’implication et le rôle d’Eugène RWAMUCYO au sein du CRP ainsi que son rôle dans le journal Kangura. Monsieur DUPAQUIER affirme qu’« Eugène RWAMUCYO a été l’un des pires criminels du génocide des Tutsi au Rwanda », il le compte parmi la quarantaine de personnes qu’il évalue comme ayant joué un rôle durant le génocide. Interrogé à ce sujet, le témoin affirme que le génocide a été prémédité et organisé. Il signale que les acquittements du chef d’entente par la chambre d’appel du TPIR s’expliquent notamment par la compétence temporelle de celle-ci qui impliquait que les faits allégués s’inscrivent dans le prolongement direct de 1994 alors que l’entente s’examine sur la durée.

Le dernier témoin de la journée est père Fortunatus RUDAKEMWA, docteur en histoire de l’Église et auteur de « Rwanda. A la recherche de la vérité historique pour une réconciliation nationale ». Le témoin, qui se trouvait à l’université pontificale grégorienne de Rome au moment du génocide, souligne que les prêtres ne tuaient pas les personnes qui se réfugiaient dans les églises pendant le génocide. Lors de son audition Monsieur RUDAKEMWA affirme que les sœurs de SOVU ont été acquittées alors même que ces dernières ont été condamnées par la Cour d’assises de Bruxelles en 2001 pour leur implication dans les massacres. Malgré le rappel de cette condamnation par le Président de la Cour, celui-ci maintient que ces reproches aux sœurs de SOVU sont des « mensonges ». De même, il affirme que les faits pour lesquels l’Abbé Athanase Seromba condamné par le TPIR pour son rôle dans la destruction de l’église de NYANGE, sont complètement faux. Il affirme aussi qu’il s’agit selon les Nations Unies d’un « génocide rwandais » et que celui a fait « plus de morts Hutu que de Tutsi ». En outre, ce dernier souhaita saluer Monsieur RWAMUCYO pendant son audition.

Enfin la journée s’acheva avec la diffusion de deux vidéos. La première vidéo représentait une interview de 1993 de Monsieur Jean Carbonare dans laquelle il soulignait déjà une responsabilité « jusqu’à un niveau élevé dans le pouvoir ». La seconde vidéo était un court documentaire intitulé Confronting Evil : Genocide in Rwanda de publié par Human Rights Watch sur YouTube.

Ella Grappin

Stagiaire Commission Justice Ibuka France
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024