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Censés mettre fin, en 1993, à la guerre civile qui opposait le Front patriotique rwandais à l'armée hutu, les Accords d'Arusha n'ont pas su empêcher le génocide des Tutsis au Rwanda. Avec Francis Kpatindé, maître de conférence à Sciences Po et Hélène Dumas, historienne, chargée de recherches au CNRS au Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron.
Citation
Signés le 4 août 1993 à l’issue de longues et douloureuses négociations en Tanzanie, sous les auspices de la communauté internationale, les Accords d’Arusha devaient mettre fin à la guerre civile qui opposait la rébellion armée du FPR, le Front Patriotique Rwandais, venue d’Ouganda, à l’armée du président hutu Juvénal Habyarimana. Depuis 1990, le FPR, constitué par des descendants d’exilés tutsis ayant dû quitter le pays par vagues successives depuis 1959 pour fuir les pogroms perpétrés par le régime de Kigali, multipliait les attaques contre l’est du Rwanda. Avec deux buts : obtenir le retour dans leur pays de ceux qu’on a parfois appelés « les plus vieux réfugiés d’Afrique » et instaurer un régime pluripartite de droit au Rwanda. Le compromis d’Arusha prévoyait un véritable partage du pouvoir entre les tutsis et les hutus, un partage qui devait selon l’ONU permettre de mettre fin de façon définitive à la crise. Mais si le président Habyarimana a officiellement joué la carte de l’apaisement, les Accords d’Arusha sont considérés comme un véritable camouflet par les extrémistes hutus au sein du régime, qui ne voulaient se résoudre ni à la diminution de leur pouvoir, ni au rapatriement des exilés tutsis, ni à l’intégration du FPR dans les institutions d’Etat. Jugé inacceptable par ces extrémistes, le plan de paix n’a fait que convaincre l’entourage présidentiel de précipiter le pays dans le chaos pour ne pas de perdre ses privilèges.
A l’époque, personne ne se doute que le compromis d’Arusha conduira au génocide huit mois plus tard. Le jour où l’avion du président Habyarimana est abattu, le 6 avril 1994, les Accords d’Arusha ne tenaient déjà plus qu’à un fil. L’attentat a été le signal de départ du génocide, qui causera la mort de 800 000 Tutsis et Hutus. En 100 jours.
Aurait-il pu en être autrement ? Quel rôle les Accords d’Arusha ont-ils joué dans le déclenchement de ce troisième génocide reconnu de l’histoire, après celui des Arméniens et des Juifs d’Europe ? Pourquoi les Accords d’Arusha n’ont-ils pas été appliqués ? Et quelles leçons peut-on en tirer pour l’avenir ?
Références sonores
Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée en 1991 et 1995 sur France 24 en 2019
Hubert Védrine sur TV5 Monde en 2021
Discours d’Emmanuel Macron à Kigali le 27 mai 2021 (Le Nouvel Obs)
Témoignages de jeunes Rwandais issus du reportage Arte "Rwanda : vingt ans après le génocide (2014)"