Fiche du document numéro 34453

Num
34453
Date
Mardi 10 août 2021
Amj
Fichier
Taille
36097
Pages
4
Urlorg
Titre
Qui est Emmanuel Abayisenga, qui s’accuse d’avoir tué un prêtre en Vendée et incendié la cathédrale de Nantes ?
Sous titre
La violence du génocide rwandais, une succession d’échecs en France et une agression à Nantes auraient précipité les passages à l’acte d’Emmanuel Abayisenga, ce Rwandais de 40 ans déclaré aujourd’hui comme « instable psychologiquement ».
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Qui est Emmanuel Abayisenga, qui s’est accusé d’avoir tué un prêtre lundi 9 août, un an après avoir avoué l’incendie de la cathédrale de Nantes ? Décrit comme instable psychologiquement, ce Rwandais de 40 ans, fervent catholique, est arrivé illégalement en France en 2012.

Dans la communauté des Montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée, où la mort du supérieur provincial Olivier Maire a été vécue comme un « choc », certains décrivaient Emmanuel Abayisenga comme une personne discrète.

« Emmanuel ne faisait rien de particulier. Il mangeait et participait à l’eucharistie. Il entendait mal », en raison de problèmes d’audition, a expliqué le père Jean-Baptiste Dombélé.

« Il n’y avait pas de problème. Il ne parlait pas de la cathédrale. C’est Olivier qui était le plus proche de lui, qui s’occupait de lui pour tout. »

Une enfance empreinte de violence



De son enfance au Rwanda, la journaliste de « la Croix » Héloïse de Neuville a livré quelques enseignements, au micro de France-Inter ce mardi 10 août : un père exécuté sommairement pour avoir participé au génocide des Tutsis, un oncle purgeant une peine de prison à vie…

Emmanuel Abayisenga, né le 1er janvier 1981, « a grandi dans cette extrême violence-là, lui n’a que 13 ans à ce moment-là mais il évolue dans ce contexte extrêmement dégradé avec une famille impliquée du mauvais côté de l’histoire génocidaire », explique-t-elle, précisant qu’il était ensuite entré dans la police rwandaise.

Toujours selon les informations de « la Croix », après l’exécution de son père, Emmanuel Abayisenga poursuit sa scolarité jusqu’au secondaire où il obtient un bac « commerce et comptabilité ». Suivent des années de chômage et de petits boulots. Le jeune homme tente alors le concours de la police nationale, qu’il réussit en 2005, à 24 ans.

En quelques années, il parvient au grade d’officier de police judiciaire mais quitte finalement la police peu après. Il confiera à des amis nantais avoir assisté, au sein de la police, à des règlements de compte d’une violence inouïe, visant notamment des Hutus. Il aurait lui-même subi des tortures, lui laissant de sévères séquelles physiques.

La désillusion en France



Arrivé en Loire-Atlantique en 2012, Emmanuel Abayisenga, qui fait partie d’une fratrie de douze enfants au sein d’une famille catholique très pieuse, ne fréquente guère la diaspora rwandaise mais participe à la vie de la communauté catholique nantaise, selon la même source.

Ainsi, en 2016, il fait partie d’une délégation de Nantais se rendant à Rome à l’occasion du jubilé de personnes socialement exclues et rencontre le pape François, comme le montre un cliché diffusé par « la Croix ».

Son parcours administratif motivé par le souhait de devenir réfugié politique est jalonné d’échecs. « Le ministère de l’Intérieur et l’Ofpra ont refusé sa demande d’asile », a confié Gérald Darmanin venu lundi à Saint-Laurent-sur-Sèvre. « Cette personne a fait l’objet de trois arrêtés de reconduite à la frontière depuis son arrivée sur le territoire national illégalement en 2012 », a expliqué le ministre de l’Intérieur.

Un homme de confiance mais perturbé



Sa troisième obligation de quitter le territoire français (OQTF), de novembre 2019, qui fait toujours l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Nantes, est non exécutable en raison de son contrôle judiciaire après sa mise en cause dans l’incendie de la cathédrale.

Car à l’été 2020, Emmanuel Abayisenga, bénévole au sein de la paroisse, avait été arrêté pour l’incendie qui avait gravement endommagé l’édifice, notamment le grand orgue. Il avait avoué les faits avant d’être mis en examen pour « destructions et dégradations par incendie », puis placé en détention provisoire le 20 juillet 2020.

Des aveux qui avaient surpris au sein de la communauté catholique nantaise où ce servant d’autel apparaissait comme un homme de confiance, calme et courtois, bien que perturbé par sa situation administrative dans l’impasse, comme il le décrivait dans un courriel envoyé à des membres de la communauté catholique avant son geste.

Une agression extrêmement traumatisante, subite en janvier 2018, pourrait aussi expliquer en partie son basculement. Le soir du réveillon du 31 décembre, Emmanuel Abayisenga, alors en mission bénévole à la cathédrale de Nantes, est agressé devant la sacristie. Un individu s’est jeté sur lui, lui mettant une veste sur la tête, avant de le griffer violemment au visage et de le pousser au sol.

« Cette agression a été un tournant dévastateur. À partir de là, dans son psychisme, la cathédrale était devenue un lieu de violence », assure son ancienne avocate, Maître Amandine Le Roy, à « la Croix ».

Dans un message décousu envoyé à plus de 250 contacts, il évoque en filigrane la possibilité de s’attaquer à la cathédrale pour y exorciser une menace diabolique.

« S’il y a un fantôme ou esprit diable qui m’a agressé au sein de vos services et a caché à vos yeux la dégradation de mon état de santé depuis, avant de continuer du bénévolat toujours pour l’intérêt commun, je dois d’abord sécuriser le lieu comme mon agresseur : en y cherchant et en y faisant d’abord sortir plus loin ce diable. »

Hospitalisé en psychiatrie 10 jours avant le drame



A la fin de sa détention provisoire le 31 mai dernier, il avait été placé sous contrôle judiciaire, avec obligation de résidence au sein de la communauté religieuse vendéenne, selon le parquet de La-Roche-sur-Yon.

Mais le 20 juin, la gendarmerie avait été sollicitée par le père Olivier Maire car le suspect « voulait quitter son hébergement ». Il avait alors été hospitalisé en psychiatrie, avant de revenir dans la communauté une dizaine de jours avant le drame, selon la même source.

Lundi, François Jacolin, évêque de Luçon, a demandé de ne pas polémiquer alors que le cas d’Emmanuel Abayisenga défraie la chronique sur les réseaux sociaux et est devenu un sujet inflammable politiquement à moins d’un an de la présidentielle.

« C’est difficilement concevable, mais c’était un homme dans une grande détresse psychologique », a expliqué François Jacolin. « Nous prions pour tout le monde. Nous prions aussi pour celui qui a fait ce geste. »

Par L'Obs avec AFP
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