Félicité Lyamukuru a 16 ans lorsqu’en avril 1994, se déchaîne au Rwanda le massacre des Tutsis qui allait faire près d’un million de victimes, dont ses parents et cinq de ses frères et sœurs.
Mercredi 5 juin, à La Pommeraye (Maine-et-Loire), à l’initiative de Jeanne Macé, ancienne lycéenne de Saint-Joseph, elle est venue témoigner devant les élèves de terminale, le matin, et du public venu nombreux au cinéma Grand Écran, le soir, où était projeté le documentaire
Rwanda, vers l’apocalypse.
Stigmatisée dès l’école
Digne, sur un ton posé, voire apaisé, Félicité Lyamukuru raconte par le menu l’histoire de cette minorité tutsie dans un contexte de colonisation belge, celle de sa famille et de son histoire à elle.
«
C’est à l’école que j’ai appris que j’étais tutsie, quand l’instituteur m’a donné un coup de règle sur la tête. Mais pourquoi ce n’est pas bien d’être tutsie ? », demande-t-elle naïvement à sa maman. Même les auteurs des massacres peinent à répondre à cette question lors de leur procès.
« On tuait ses voisins »
Pendant trois mois, d’avril à juillet 1994, les trois quarts des Tutsis ont été massacrés : «
Du fœtus au vieillard, tous devaient disparaître. Partout, dans les églises, les écoles, les hôpitaux et les collines, les victimes étaient chassées, les maisons brûlées, les femmes violées, et assassinées à la machette, sans relâche. On tuait ses voisins. Mon pays de collines, qui était un paradis, était devenu un enfer. »
Et le préfet local approuvait : «
Le travail a été bien fait ! » C’est ainsi que l’adolescente qu’elle était a vu la quasi-totalité de sa famille exterminée, ne retrouvant que sept rescapés sur 37.
Alors, comment vivre après un tel traumatisme ? Félicité Lyamukuru fait partie de ces femmes résilientes qui ont choisi de vivre et de témoigner pour se reconstruire. «
Même si je ne pardonne pas, je ne veux pas répondre à la haine par la haine, mais travailler pour la mémoire et l’éducation. »
« Devoir de mémoire »
En 2014, elle retourne pour la première fois au Rwanda : «
Avec un mélange de peur, de colère et de curiosité, je voulais rencontrer les bourreaux de ma famille, m’asseoir à côté d’eux, parler et comprendre. » Mais les procès auxquels elle ne manque pas de témoigner le confirment : «
Tous les prévenus plaident non coupables. »
Aujourd’hui mère de quatre enfants, elle aime parler d’avenir et d’espoir, préparant les générations de demain à se défendre et se protéger : «
Je veux les sensibiliser au devoir de mémoire, au vivre ensemble et à leur rôle de citoyen. »
L’ouragan a frappé Nyundo, récit de Félicité Lyamukuru écrit avec Nathalie Caprioli, aux éditions Cerisier (296 p., 14,50 €).