De notre correspondante à Kigali.
Entourée des femmes de son association, Godeliève Mukasarasi commence la réunion par une séance de relaxation, des techniques de tapotement du visage et du cou pour libérer le stress… «
Il faut toujours maintenant cet aspect psychosocial, parce que même si le trauma a diminué, le trauma ne guérit pas tout à fait. Il y a des crises. Lorsque c’est le moment des commémorations, tu te rappelles des choses malheureuses que tu as vécues », dit-elle.
Une volonté d’aider les groupes les plus vulnérables
Depuis 30 ans, l’association Sevota, créée par Godeliève accompagne des femmes victimes de violences sexuelles pendant le génocide. Une volonté d’aider les groupes les plus vulnérables. «
La plupart des femmes survivantes du génocide sont aussi survivantes de violences sexuelles, soit des viols, soit des mariages forcés ou conditionnés. Et parmi ces femmes-là, il y a celles qui ont des enfants nés de viols », indique-t-elle.
Le premier groupe de femmes se forme à Taba, la commune de Godeliève, à une trentaine de kilomètres de Kigali. Un engagement également auprès de la justice pour la fondatrice de Sevota, dont les proches témoignent auprès du TPIR en préparation du procès du bourgmestre Jean-Paul Akayesu. Mais en décembre 1996, à quelques mois du début des audiences, la famille est attaquée. «
Lorsque les jugements du Tribunal international pour le Rwanda ont commencé, comme mon mari était témoin, il fut fusillé par les infiltrés. Donc c’était pas facile pour moi. Mais comme c’était une œuvre de moi-même, que j’avais commencé, j’ai continué à travailler avec ces femmes-là », explique-t-elle.
Le travail de soutien continue
En 1998, Jean-Paul Akayesu est condamné à la perpétuité… Un jugement historique, premier au monde à qualifier les violences sexuelles comme éléments de crimes de génocide. Dans l’organisation Sevota, désormais étendue à 66 groupes de plus de 500 femmes, le travail de soutien continue. «
La plupart des femmes étaient restées orphelines. Alors le fait de se visiter, c’est une façon de recréer et de s’autoguérir des traumas. Parce qu’elles considèrent leurs autres amies comme ses soeurs, comme ses tantes », raconte-t-elle.
Après 30 ans d’engagement, Godeliève Mukasarasi a encore de nombreux projets, dont la création d’un musée des femmes et d’un jardin pour les Justes situés dans son district, à Kamonyi.