Sous titre
Un documentaire, riche d’archives inédites, montre le processus de maturation de la haine qui mena au génocide
Citation
FRANCE 5
DIMANCHE 7 - 21 H 05
DOCUMENTAIRE
Un compte à rebours, un décompte avant le dernier génocide du XXe siècle. Le documentaire Rwanda, vers l’apocalypse analyse de façon chronologique les mécanismes et les événements qui ont conduit au génocide des Tutsi au printemps 1994.
Le film montre que la haine suit un processus de maturation. Elle est d’abord banalisée afin d’imprégner les esprits, puis elle va crescendo. Il faut ensuite un signal, un détonateur. Ce sera l’attentat perpétré contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Alors que ce dernier s’apprêtait à atterrir à Kigali après avoir signé les accords de paix d’Arusha, son Falcon a été percuté par deux missiles tirés du sol. Quelques dizaines de minutes plus tard, des barrages furent érigés et les massacres commencèrent. Ils dureront trois mois et feront entre 800 000 et 1 million de morts (des corps ont encore été retrouvés en mars).
Enrichi par les mots de Gaël Faye, le documentaire s’intéresse donc à la période préparatoire. Les coréalisateurs (Michaël Sztanke, Seamus Haley et Maria Malagardis) distinguent cinq phases avant l’embrasement final de 1994 : la genèse (1959), la guerre (1990), le test (1991), la cible (1992) et la cruauté (1993).
Témoignages de rescapés
Au début, il y a le colonisateur belge, qui instaure la racialisation de la société en imposant que la race de chaque individu soit mentionnée sur sa carte d’identité. A la fin, il y a la Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM) qui offre des récompenses aux tueurs entre deux airs de musique congolaise.
Grâce à de nombreuses archives, dont certaines inédites, le film rappelle les pires heures du Rwanda. Il montre des images atroces où des centaines de cadavres s’amoncellent le long des routes. Grâce à un ton juste et à des intervenants rigoureux, il révèle l’engrenage du génocide et démontre par exemple comment le massacre de 2 000 Bagogwe en 1991 a servi de « répétition générale » avant la solution finale planifiée trois ans plus tard.
Le documentaire est passionnant car, en plus des témoignages émouvants des rescapés, il donne la parole à d’anciens génocidaires, tels qu’Hussain Longo Longo, responsable des milices Interahamwe de Rugenge (1990-1994), ou Valérie Bemeriki, animatrice phare de la RTLM, condamnée à perpétuité par les gacaca, les tribunaux populaires. Ce film montre enfin comment des officiers tels que Jean Varret, à la tête de la coopération militaire, ont tenté vainement en France d’alerter leur hiérarchie ou les pouvoirs publics.
La soirée se poursuit avec l’émission « La Case du siècle » et un autre documentaire, Rwanda, désobéir ou laisser mourir ?, qui montre les hésitations de la communauté internationale pendant la tragédie rwandaise. Le 21 avril 1994, alors que le génocide entrait dans sa phase la plus active, le Conseil de sécurité de l’ONU a réduit les effectifs de la mission onusienne à seulement 270 personnes, soit une diminution de 90 % des casques bleus.
Avec des archives encore inédites, le film interroge sur la question de savoir s’il faut donner aux militaires un devoir de désobéissance quand ils reçoivent un ordre manifestement illégal.
Le Monde en face : Rwanda, vers l’apocalypse, de Michaël Sztanke, Maria Malagardis et Seamus Haley (Fr., 2024, 70 min)