Fiche du document numéro 33999

Num
33999
Date
Lundi 8 avril 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
162793
Pages
1
Titre
Rwanda : retour au plus près du génocide
Sous titre
Trente ans après les faits, Bernard Bellefroid mène l’enquête au cœur d’un village sur l’extermination de trois enfants. Un film choc.
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Une des mille collines, le titre du documentaire choc de Bernard Bellefroid, disponible sur Arte.tv jusqu’au 8 mai, exprime un choix audacieux. Celui de filmer, trente ans après le génocide des Tutsis par les Hutus, les habitants d’un village niché sur l’une des collines du Rwanda. Le réalisateur belge promène sa caméra dans le bourg où, en 1994, trois enfants, Olivier, 9 ans, sa soeur Fédéline, 5 ans, et leur petit frère Fiacre, 4 ans, ont été exterminés par ceux qui étaient leurs voisins, parfois même leurs amis, avant le déferlement de violence qui fit plus d’un million de morts à travers tout le pays, à partir du 7 avril et pendant cent jours.

« Je voulais trouver une autre façon de m’adresser au téléspectateur, qui soit la plus proche possible de lui, explique Bernard Bellefroid. L’histoire spécifique de ces jeunes victimes n’est pas un fait divers mais correspond à l’un des axes du génocide. En évoquant ces trois destinées emblématiques, l’idée est d’accéder à l’universel. » Une façon de rendre hommage aux milliers d’autres enfants massacrés avec une incroyable sauvagerie lors de ce printemps sanglant.

Quelles ont été les circonstances exactes de la mort de la progéniture de Fidèle, l’agronome du village, et de Christiane ? Comment ces bambins ont-ils vécu les dernières heures de leur courte existence, alors qu’ils erraient sans savoir où se trouvaient leurs parents, sans oser imaginer la vérité, à savoir qu’ils avaient déjà été assassinés ?

La complexité du drame

Le calvaire de ces petits, a priori indicible, est pourtant raconté par petites touches, de la bouche même des villageois survivants mais aussi des génocidaires. C’est aussi toute la complexité du drame qui apparaît, notamment à travers le témoignage de Marguerite, une femme hutue qui avait l’habitude de garder les trois gamins qui, juste avant leur trépas, s’étaient réfugiés chez elle. Ainsi, en pleine nuit, une bande de tueurs emmenée par un certain Rekeraho fait irruption chez Marguerite. « Il m’a attrapée par le cou et m’a dit : “C’est toi qui protèges des serpents ?” (nom donné alors aux Tutsis par les Hutus, NDLR), se souvient-elle. Et il m’a jetée dehors avec la petite fille. Puis il a fait sortir brutalement ses deux frères. » Marguerite précise : « Rekeraho avait en main son gourdin orné de clous qu’il avait nommé “Pas de pitié pour l’ennemi”. Il menaçait les enfants avec. » Le regard soudain vide, Marguerite, qui a échappé à la mort de justesse, précise : « J’étais tétanisée parce qu’il avait demandé à ses sbires de me tuer aussi. » L’inéluctable exécution, dans d’atroces souffrances, d’Olivier, de Fidéline et de Fiacre, elle, a bien eu lieu. Rekeraho, comme tous les génocidaires qui prennent la parole dans le film, a été condamné lors des procès Gacaca (prononcer « gatchacha ») organisés au début des années 2000 dans chaque village, selon la justice traditionnelle. « Une des mille collines est issue d’un long processus, qui commence avec mon premier documentaire, en 2005, Rwanda, les collines parlent, consacré aux tribunaux Gacaca que j’avais filmés dans tout le pays. Après la crise du Covid, je voulais retourner dans ce village où j’avais suivi le procès des meurtriers d’Olivier, Fidéline et Fiacre et m’interroger sur les notions de résilience et de réconciliation », détaille encore Bernard Bellefroid.

Une réconciliation nécessaire mais difficile, du fait des limites de la réponse judiciaire face à des génocidaires n’avouant pas toute la vérité et rejetant volontiers la faute sur d’autres. « L’État rwandais est dans son rôle en incitant au rapprochement entre Tutsis et Hutus, estime le réalisateur. Mais je dirais que ceux qui ont payé un prix exorbitant sont les survivants. » Parmi ces derniers, certains ont choisi le pardon ; l’un d’eux, bouleversant, apparaît à l’écran. D’autres ont préféré fuir leur village et s’installer à Kigali. Comme dit l’un d’eux, pour ne pas avoir à « croiser tous les jours au marché ceux qui ont tué ma famille ».
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024