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La justice française a « toujours en ligne de mire » le cas d’Agathe Habyarimana, veuve du président du Rwanda mort en 1994, visée par des investigations pour son rôle dans le génocide des Tutsi, a indiqué à l’AFP le procureur antiterroriste Jean-François Ricard.
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« C’est un dossier qui fait partie des plus complexes que nous avons toujours en ligne de mire, nous ne perdons pas du tout de vue ce dossier », a déclaré le magistrat, qui s’est rendu au Rwanda mi-mars, à l’approche de la commémoration des 30 ans du génocide contre les Tutsi.
L’assassinat le 6 avril 1994 du président hutu Juvénal Habyarimana, tué dans l’attentat contre son avion, avait déclenché les massacres contre la minorité tutsi.
Sa veuve, née Agathe Kanziga, est accusée de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité depuis une plainte déposée en France en 2007 par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Une enquête a été ouverte en 2008.
Aujourd’hui âgée de 81 ans, elle est présentée par ses accusateurs comme l’une des dirigeantes -- ce qu’elle réfute -- de l’« Akazu », le premier cercle du pouvoir hutu qui aurait orchestré le génocide.
Elle avait été exfiltrée le 9 avril 1994 en Europe avec sa famille à la demande du président français François Mitterrand, proche de son mari.
Depuis, la France a refusé de l’extrader au Rwanda, sans toutefois lui accorder l’asile, en raison des soupçons pesant sur elle. Installée en France depuis 1998, elle y vit sans statut légal.
En 2016, elle a été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté. En février 2022, soit 14 ans après l’ouverture d’une procédure la visant, la juge d’instruction chargée du dossier a annoncé la clôture des investigations, une décision qui augurait d’un non-lieu, aucune mise en examen n’ayant été prononcée dans cette affaire.
M. Ricard a indiqué avoir requis, après la clôture des investigations, « la réalisation d’un certain nombre d’actes supplémentaires puisqu’il s’agit de lui reprocher en quelque sorte les mots d’ordre qu’elle aurait pu donner, les incitations » et a assuré qu’un certain nombre de ces actes étaient « en cours de réalisation ».
Interrogé par l’AFP, l’avocat de Mme Habyarimana, Me Philippe Meilhac, a estimé qu’il n’existait « aucun élément sérieux justifiant la poursuite des investigations ».
« En dépit de la dimension politique de sa situation, dont elle n’est pas dupe, Mme Habyarimana attend donc avec confiance et dans la sérénité que la juge d’instruction en charge du dossier rende la seule décision qu’elle puisse prendre et qui s’impose : un non-lieu », a-t-il ajouté, en soulignant que la durée de la procédure la visant, vieille de 17 ans, n’était « plus raisonnable ».