Fiche du document numéro 33857

Num
33857
Date
2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
26357
Pages
4
Urlorg
Titre
Gicanda, Rosalie
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Biographie
Langue
FR
Citation
Gicanda, Rosalie

Dates




Existence: 1928 - 1994

Biographie



Née en 1928, à Kiziguro, Rosalie Gicanda est la fille de Martin Gatsinzi et de Christiana Makwindigiri. Elle est née au sein du clan des Banyiginya et du lignage des Bahebera.

Rosalie Gicanda passe son enfance au Ndorwa où son père s’est installé avec sa famille.

À l’âge de 13 ans, elle est sélectionnée parmi les autres belles filles du Rwanda afin de faire partie des fiancées royales. En effet, le roi Mutara III Rudahigwa divorcé, en 1940, de sa première femme, Nyiramakomari, forme le vœu de se remarier et d’avoir une descendance, surtout un héritier, qu’il n'avait pas alors eu.

À la fin de 1941, Gicanda se rend alors à Shyogwe, au palais de la reine-mère du Rwanda, Nyiramavugo III Kankazi. Aux côtés de Rosalie Mukamutara, la candidate favorite, d’Euphrasie Kayirangwa et de Valérie Mukansoroza, Gicanda est soumise à l’épreuve par la reine-mère ainsi que par la sœur cadette de celle-ci, Immaculée Kabanyana. Elle y est notamment observée. Ses faits et gestes, ses qualités et défauts sont repérés et annotés. Lors de l’ultime test, Gicanda est choisie par le roi Mutara III Rudahigwa charmé par sa pudeur naturelle.

Rosalie Gicanda et Mutara Rudahigwa se marient religieusement, le 18 janvier 1942, lors d’une cérémonie célébrée dans la basilique de Kabgayi. Elle rejoint par la suite son mari au palais royal de Rukari. Les deux forment un couple fusionnel. Gicanda conseille discrètement son époux et met un point d’honneur à se distancer de l’exercice du pouvoir. Elle est toujours aux côtés de son mari dans tous les grands événements du pays et l’accompagne lors des voyages à l’étranger en 1955 ainsi qu’en 1958. En parallèle, elle parfait sa formation intellectuelle et religieuse auprès des Sœurs Benebikira de Nyanza.

Le 25 juillet 1959, Mutara III Rudahigwa meurt inopinément sans que lui et Gicanda aient eu des enfants. De ce fait, trois jours plus tard, Jean-Baptiste Ndahindurwa succède à son frère ainé au trône. Le nouveau roi du Rwanda, fils de Yuhi V Musinga et de Bernadette Mukashema, est investi sous le nom dynastique de Kigeli V. Terrassée par le décès de son époux, Rosalie Gicanda est inconsolable. Elle continue de vivre au palais royal de Rukari pendant que son beau-frère, le roi Kigeli V, vit dans un autre palais de Nyanza (Nyanza ku bigega).

Lors des troubles de novembre 1959, Gicanda prête assistance aux familles tutsi menacées d’exécution. Elle les héberge et se charge de leurs exodes vers les pays limitrophes du Rwanda. Elle-même, victime des menaces, des humiliations et des persécutions de toutes sortes, envisage de s’exiler. Un an après l’indépendance du Rwanda survenue en 1962, Gicanda fuit Nyanza. Elle emprunte le chemin d’exil, mais s’arrête avant le passage de la frontière. Songeant à sa mère et aux autres proches, elle rebrousse chemin et rentre à Nyanza. Résolue à son sort et à rester au Rwanda quoi qu’il arrive, Gicanda vit avec sa mère, ses sœurs et ses belles-sœurs à Nyanza. Plus tard, ces dames sont rejointes par le prince Joseph Ruzindana, le frère de Mutara Rudahigwa et de Kigeli Ndahindurwa. Tout juste libéré de prison et d’une résidence surveillée, Joseph Ruzindana prend la ferme résolution de rester au Rwanda et de porter assistance à la famille de Mutara.

Le 1 avril 1964, Rosalie Gicanda est expulsée du palais royal de Rukari. Elle est même interdite de séjourner dans l’arrondissement de Nyanza sur ordre du gouvernement de Kayibanda. Avec sa mère, son beau-frère Ruzindana, ses 2 sœurs, ses nièces ainsi que ses domestiques, elle s’établit à Butare (ex-Astrida) dans une maison modeste mise à sa disposition par l'administration préfectorale. Pour subvenir aux besoins alimentaires de la maisonnée, Joseph Ruzindana travaille dur et se surpasse courageusement. De temps à temps, la maison de Gicanda reçoit des messages et des colis des proches exilés et supporte ainsi les privations et les humiliations infligées par les extrémistes de la Ière république de Kayibanda.

Comme un malheur n’arrive pas qu’une fois dans la vie humaine, Joseph Ruzindana meurt tragiquement dans un accident de circulation, le 15 avril 1972. Profondément affectée par cette nouvelle perte, Rosalie Gicanda reste digne et trouve du réconfort dans la prière de même que dans les gestes amicaux de quelques personnes.

Pour survivre, elle prend la décision de revendre du lait et très rapidement, son produit connait du succès auprès des Butaréens attirés par son goût délicieux. Toujours ouverte, la maison de Gicanda devient aussi un havre pour les démunis, les persécutés, les voyageurs et d’autres nécessiteux. La population de Butare et bientôt de tout le pays l’apprécie pour sa dignité face à l’adversité, sa piété, sa générosité, son hospitalité, son affabilité, son humour, sa convivialité, son ouverture d’esprit, sa beauté, sa droiture, son amour infinie pour son défunt époux et par-dessus tout son humilité. En effet, bien de familles rwandaises ont toujours été surprises de la voir honorer leurs invitations aux fêtes parfois triviales.

Le 1er octobre 1990, le Front patriotique rwandais, un mouvement politico-militaire composé majoritairement d’exilés tutsi, déclenche une guerre de retour au Rwanda. Au lendemain de cette attaque et suite à la montée subséquente de l’extrémisme anti-tutsi, Rosalie Gicanda est de plus en plus menacée pour son appartenance au groupe des Tutsi ainsi que pour ses liens familiaux. En effet, le leader de la branche armée du FPR, le général Paul Kagame, n’est nul autre que son neveu (le grand-père maternel de Kagame, Kanamugire, est le petit-frère de Gatsinzi, le père de Gicanda; la mère de Kagame, Astérie Bisinda, est la fille de Kanamugire et donc la cousine de Gicanda)!

Gicanda reçoit par la suite des appels anonymes terrifiants et ceux-ci accélèrent sa tension artérielle.

En novembre 1993, Gicanda se rend en Belgique pour y bénéficier de soins médicaux. Lors de sa guérison, plusieurs proches la supplient d’éviter de rentrer immédiatement au Rwanda en raison de la croissance de la haine ethnique et de l’idéologie prônant l’extermination systématique des Tutsi. Pensant à sa mère et à ses nièces restées seules, Gicanda rentre au Rwanda en mars 1994.

Quelques semaines plus tard, à la mort du président Juvénal Habyarimana, le génocide contre les Tutsi est déclenché à Kigali et dans plusieurs préfectures du pays. La ville de Butare où vit Gicanda est épargnée pendant deux semaines. Aucun massacre, aucune persécution des Tutsi n’y sont entrepris grâce à la ténacité et à l’humanité du préfet de Butare, le Dr Jean-Baptiste Habyarimana.

Déterminé à étendre le génocide contre les Tutsi à tout le pays, le président intérimaire du Rwanda, le Dr Théodore Sindikubwabo, se rend personnellement dans la préfecture de Butare, le 19 avril 1994, et appelle, dans un discours codé, la population hutu à exterminer leurs compatriotes tutsi. Au lendemain de ce discours incendiaire, le lieutenant Jean-Pierre Bizimana, à la tête d’un peloton constitué de soldats extrémistes hutu, se rend chez Rosalie Gicanda. Sur ordre du capitaine Ildephonse Nizeyimana, en charge du renseignement et des opérations militaires dans la ville de Butare, le lieutenant Bizimana et ses subordonnés s’emparent de Gicanda et de ses nièces, puis les transportent dans les jardins du Musée national du Rwanda, situé à quelques kilomètres de là, et les assassinent dans des conditions mêlant la cruauté à l’humiliation. Deux jours après, les mêmes soldats retournent à la maison de Gicanda et y assassinent sa mère restée alors seule.

L’assassinat de Rosalie Gicanda donne le signal du début du génocide des Tutsi dans la ville de la préfecture de Butare. En effet, elle est la première personne à tomber sous les coups des génocidaires dans cette préfecture immunisée auparavant contre le crime des crimes. Aussitôt que la nouvelle de son meurtre est repandue, les bandes extrémistes hutu de Butare massacrent systématiquement leurs compatriotes, leurs voisins tutsi.

Après le génocide contre les Tutsi, le corps de Gicanda est récupéré et inhumé, dans la dignité, auprès de la dépouille de son mari, le roi Mutara III Rudahigwa. Les deux reposent au mémorial royal de Mwima, à Nyanza.

Grâce à sa bonté et à son aura, Rosalie Gicanda a été l’objet de plusieurs compositions artistiques, à l’instar de la chanson « Inyange » composée à son honneur par la diva rwandaise Cécile Kayirebwa.

Auteur : Dantès Singiza

Sources: Bahujimihigo Kizito (Mgr), "Rozaliya Gicanda:Umwamikazi n'Umukristukazi w'imena", Kigali, Pallotti-Presse, 2015 ; Codere Helen, "The biography of an african society, Rwanda 1900-1960; based on forty-eight rwandan autobiographies", Tervuren, MRAC, n°79, 1973, p.166-178 ; Delmas Léon, "Généalogies de la noblesse (les Batutsi) du Ruanda", Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950, p. 78, 123; Imfura Loïc, Facebook post, 05-04-2021.
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