Jean-François Etienne des Rosaies a longtemps été un homme de l’ombre, occupant des postes qui n’apparaissent jamais sur les organigrammes.
« Chargé de mission » au sein de l’équipe de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, entre 2007 et 2010, il n’a fait l’objet d’aucun arrêté de nomination ou de fin de fonctions. Durant cette période, on ne lui connaît qu’une seule attribution officielle au
« Château », qui concerne la filière équestre et équine, pour laquelle son expertise est reconnue.
Mais depuis la fin du quinquennat Sarkozy, la justice découvre progressivement des pans inconnus des activités élyséennes de l’ex-préfet hors cadre. Déjà mis en cause dans l’affaire du « Kazakhgate », en mars 2015, M. Etienne des Rosaies a été mis en examen le 12 mai 2022 pour trafic d’influence et recel d’abus de confiance dans une tout autre affaire, selon les informations du
Monde.
Cette fois, il n’est pas question de soupçons de corruption internationale et de rétrocommissions en marge d’un contrat d’armement, mais d’un lobbying intense opéré depuis l’Elysée au profit de Delubac – l’une des dernières banques familiales françaises, dont le siège social est en Ardèche.
La justice soupçonne M. Etienne des Rosaies d’avoir
« multiplié entre les mois de juillet 2009 et mai 2010 les interventions et sollicitations » au sein de la présidence de la République et auprès de différents ministères
« en vue d’obtenir une décision favorable » pour la banque dans le cadre de ses relations avec l’autorité de régulation bancaire. Le litige portait sur le ratio de solvabilité demandé à l’établissement dans un contexte de crise économique et bancaire. Très peu de temps après cet épisode, le haut fonctionnaire a quitté l’Elysée et obtenu un siège au conseil de surveillance de Delubac, où il a perçu plus de 500 000 euros d’émoluments entre 2010 et 2014.
Son arrivée au sein de la banque et la rémunération généreuse dont il a bénéficié – plus importante que dans certaines entreprises du CAC 40 – venaient-elles récompenser le travail accompli par Jean-François Etienne des Rosaies à la présidence de la République ? C’est en tout cas pour cette raison que le juge d’instruction a mis en examen le préfet – après avoir fait de même avec la banque Delubac, en mars 2022, et son dirigeant, Serge Bialkiewicz, mis en examen pour trafic d’influence en janvier 2022.
La banque nie tout renvoi d’ascenseur
Depuis le début de cette affaire judiciaire, la direction de Delubac nie tout comportement illégal et rejette l’idée d’un lien entre les rémunérations de M. Etienne des Rosaies et l’aide qu’il aurait pu apporter à la banque dans le cadre de ses fonctions publiques. Mais alors, comment justifier le paiement des 500 000 euros ?
« Nous voulions atteindre le CAC 40 car nous étions surtout une banque de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, a expliqué Serge Bialkiewicz à la justice
. Nous espérions donc qu’il nous introduise dans ce milieu. » Mais il reconnaît que cela n’a pas fonctionné : l’ex-préfet n’a
« malheureusement rien apporté de concret », a reconnu le banquier face à un magistrat pour le moins étonné, qui lui demandait
« pour quelle raison une banque, qui connaît mieux que personne le prix de la valeur de l’argent, s’est-elle entêtée à verser plus de 500 000 euros à une personne qui n’a rien produit, ni rien apporté de concret à la banque ».