Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
PRÉSIDENCE
DE LA Le 18 juillet 1994
RÉPUBLIQUE
Le General
Chef de l'Etat-Major Particulier
- N O T E -
à l'attention de
Monsieur le Président de la République
OBJET : Points chauds - Situation.
Réunion à Matignon le 18 juillet à 9HO0O.
1 - Rwanda
Sur le terrain : le F.P,.R. achève la conquête du "réduit" gouvernemental de Gisenyi, au nord de la zone humanitaire sûre. Il s'est livré hier après-midi à des tirs de mortiers sur la ville de Goma, au Zaïre, faisant 60 à 100 morts dans la population civile.
Par ailleurs, un nouvel accrochage a eu lieu hier avec une de nos patrouilles, à 3 km à l'intérieur du périmètre de la zone humanitaire.
Les forces gouvernementales (F.A.R.) se replient au Zaïre avec armes et bagages. Environ 2.500 d'entre eux ont été désarmés dans notre zone.
Le nombre de réfugiés et de personnes déplacées est évalué à près d'1 million à Goma, au Zaïre, et 2 millions dans la zone humanitaire sûre.
Le "gouvernement intérimaire" a quitté en totalité notre zone pour se replier au Zaïre. M. Balladur estime qu'il serait souhaitable que ce gouvernement s'exprime publiquement à partir de son nouveau lieu de stationnement afin de montrer qu'il n'est plus réfugié dans la zone humanitaire sûre ce qui oterait au F.P.R. tout prétexte d'intervention dans cette zone.
Pour la suite de notre action, le Premier ministre est prêt à accepter un léger renforcement du dispositif Turquoise en moyens d'artillerie pour pouvoir mieux contrer, si nécessaire, des actions hostiles du F.P.R. nous empêchant de remplir notre mission. Néanmoins, toute riposte d'envergure envisagée resterait soumise à votre accord.
Par ailleurs, M. Balladur exclut que nos forces affectuent un travail de police dans la zone humanitaire pour livrer des criminels présumés au F.P.R.
Il estime que notre attitude vis-à-vis des exigences prévisibles du gouvernement désigné par les rebelles victorieux doit être définie par le Conseil de Sécurité. Il s'interroge sur les contacts que nous devons établir avec ces autorités et désire s'entretenir avec vous. Le Quai d'Orsay souhaite envoyer dès que possible une mission officielle à Kigali, conduite par le Directeur des Affaires africaines et malgaches avec un représentant du ministère de la Défense. M. Léotard préférerait que cette mission soit, dans un premier temps, strictement politique et placée à un niveau plus élevé.
À Paris se pose le problème de la repésentativité du chargé d'affaires rwandais qui pourrait être déclaré “persona non grata” et de la reprise de fonction (avec l'aide de la force publique ?) de l'ancien ambassadeur désavoué par le gouvernement intérimaire.
Enfin, le Premier ministre estime qu'il est trop tôt pour décider du calendrier et des modalités de retrait du détachement Turquoise et qu'il convient de ne pas s'exprimer publiquement sur ce sujet dans les jours à venir. Il s'interroge sur l'impact de ces événements sur son prochain voyage en Afrique, M. Roussin lui ayant fait part de l'inquiétude de nos partenaires, très attentifs à notre attitude vis-à-vis du F.P.R.
Malgré les déclarations ambigües du Général Kagame et la nomination comme Président du Rwanda de M. Pasteur Bizimungu (d'origine Hutu mais haut dignitaire F.P.R.) et comme Premier ministre de M. Twagiramungu (également Hutu), l'objectif du F.P.R. reste de vider le pays de sa population afin de procéder à une redistribution des terres au profit des Tutsis dont les paysans Hutus deviendraient les fermiers. Un objectif complémentaire mais psychologiquement important serait de nous humilier et il fera tout pour déconsidérer notre intervention et rendre notre retrait, quelque forme qu'il prenne, difficile (la déstabilisation du Kivu par des tirs de mortiers en est un indice).
2 - Ex-Yougoslavie
La situation est calme en Bosnie à l'exception de Bihac où les affrontements se poursuivent.
Au plan diplomatique le groupe du contact se réunira mercredi à Genève pour recevoir les réponses des parties au plan de paix.
Le parlement bosno-croate a approuvé le plan et le parlement bosno-musulman s'apprête à le faire.
En revanche le parlement bosno-serbe, qui se réunit aujourd'hui à Pale, pourrait rejetter le plan.
Les présidents Tudjman, Izetbegovic et Demirel ont rendu publique une déclaration commune appelant les belligérants à accepter sans condition les termes du plan de paix et évoquant la nécessité pour la communauté internationale, en cas d'échec, de fournir à la partie agressée les moyens de sa défense.
Bruno DELAYE Général QUESNOT