Fiche du document numéro 33437

Num
33437
Date
Mercredi 14 avril 1999
Amj
Auteur
Fichier
Taille
25376
Pages
2
Urlorg
Sur titre
Un « génocidaire » rwandais face à la justice suisse
Titre
Niyonteze accusé d'avoir incité au meurtre des Tutsis
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Genève, de notre correspondant.

C'est une double première. Un tribunal militaire suisse a commencé à juger, cette semaine à Lausanne, un présumé génocidaire rwandais. Quelques semaines plus tôt, ce tribunal s'était déplacé in corpore au Rwanda pour recueillir des témoignages. La Suisse est ainsi le premier pays européen à juger un Rwandais, accusé d'avoir participé à l'extermination des Tutsis et des opposants hutus en 1994. Une décision qui pourrait faire jurisprudence dans d'autres pays européens. D'ores et déjà, la défense dénonce «un procès impossible» et s'apprête à récuser les témoignages qui seront récoltés au Rwanda.

L'ancien maire de Mushubati, Fulgende Niyonteze, est accusé de génocide et de crimes contre l'humanité, ainsi que de diverses violations des lois de la guerre contenues dans la Convention de Genève, commises lors du génocide de 1994. Il risque la prison à vie pour avoir notamment encouragé la foule à tuer des Tutsis, distribué des armes à des extrémistes hutus et fait assassiner des Tutsis et des Hutus modérés. Arrêté à Fribourg le 28 août 1996, le Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPR) n'avait pas voulu de lui. C'est donc un tribunal militaire helvétique, responsable en droit suisse des violations des Conventions de Genève, qui se charge de rendre justice.

Le procès s'est ouvert lundi. Est-ce le manque de volonté politique ou la difficulté de juger, toujours est-il que ni la Belgique, ni la France n'ont poursuivi les présumés génocidaires se trouvant sur leur sol. La justice française s'était déclarée «incompétente» pour juger le père Venceslas. Quant à la Belgique, elle avait prudemment préféré remettre à la justice internationale à Arusha deux prévenus plutôt que d'instruire un procès.

Dénuée de passé colonial et se trouvant à la base des Conventions de Genève, la Suisse a été plus entreprenante : «L'enjeu du procès Niyonteze est énorme», explique François-Xavier Nsanzuwera, ancien procureur rwandais, aujourd'hui établi à Bruxelles. «Si les Suisses parviennent à faire la démonstration de la culpabilité de l'accusé, cela enverra un signal fort à l'opinion publique pour exiger que les génocidaires rwandais se trouvant dans les pays européens soient eux aussi jugés par les différentes justices nationales», affirme-t-il. Les deux défenseurs, Mes Robert Assaël et Vincent Spira ont refusé de se rendre au Rwanda : «Il vaut mieux deux avocats vivant en Suisse, que deux avocats suisses morts au Rwanda», explique ce dernier. Avant d'ajouter : «Nous récusons d'ores et déjà les témoignages recueillis au Rwanda, car les droits de la défense ne sont pas assurés en notre absence, puisque nous n'interrogeons pas les témoins.» Il estime en outre «qu'il s'agit d'un procès impossible qui va se tenir. Des juges vont décider du destin d'un homme, alors qu'ils ignorent presque tout du contexte, de la mentalité, de la culture rwandaise. Quant aux témoins qui vont venir en Suisse, ils vont recevoir des indemnités qui équivaudront à des mois ou à des années de salaire. Imaginez dans quel état d'esprit ces gens qui ne sont jamais sortis de leur pays vont se trouver face à l'autorité qui leur offre tout cela. Et ajoutez-y les risques de collusion entre témoins.» Procès impossible ? Claude Nicati, le procureur suisse, ne le croit pas et souligne au contraire le devoir des Etats contre l'impunité : «Punir des crimes de guerre est une obligation internationale».
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024