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Suite à une plainte contre X, elle a auditionné des témoins la semaine dernière, à propos du rôle de militaires français en 1994.
Citation
Des militaires français engagés au Rwanda en 1994 vont-ils devoir répondre devant la justice de leur pays de «complicité de génocide» et de «complicité de crimes contre l’humanité» ? A la suite d’une plainte «contre X» déposée le 16 février 2005, la juge d’instruction du Tribunal aux armées de Paris (TAP) Brigitte Raynaud s’est rendue au Rwanda le 22 novembre pour entendre les plaignants. Estimant la plainte insuffisamment fondée, la juge d’instruction voulait obtenir des éléments supplémentaires avant de la juger recevable, ce qui ouvrirait la porte à un procès à Paris. Sa décision n’est pas encore prise. Le Tribunal aux armées est seul compétent pour juger les crimes et délits impliquant des militaires français à l’étranger. Il est formé de magistrats civils qui relèvent de la chancellerie.
Auditions
Durant les quarante-huit heures passées au Rwanda, la magistrate -- qui n'a pas souhaité répondre à nos questions -- aurait auditionné six plaignants, défendus par deux avocats français connus, Antoine Comte et William Bourdon.
La plainte concerne des épisodes de l'opération militaire Turquoise, déclenchée en 1994, durant le génocide rwandais. Des militaires français, en particulier des membres des forces spéciales, sont accusés d'avoir délibérément laissé des miliciens hutus massacrer des Tutsis. Deux épisodes sont dénoncés, à Bisesero et à Murambi. Le cas le plus documenté est celui de Bisesero, un secteur de l'ouest du pays. Depuis plusieurs années, l'actuel gouvernement (tutsi) du Rwanda et, désormais, les plaignants, accusent un détachement français du Commandement des opérations spéciales d'avoir retardé de trois jours son intervention pour laisser des massacres s'y dérouler. Après l'analyse des comptes rendus, l'audition de témoins et d'acteurs, notamment le capitaine de frégate Marin Gillier, la mission d'information parlementaire française sur ces événements concluait en 1998 : «Rien ne vient sérieusement à l'appui de ces accusations.» La juge Raynaud doit désormais décider si on en reste là.
«Inopportun»
Son déplacement au Rwanda a donné lieu à une petite polémique. D’abord convoqués à Paris, les plaignants n’ont pu s’y rendre, vraisemblablement pour des raisons financières. Le 6 octobre, le procureur a finalement autorisé ce voyage que le ministère de la Défense jugeait d’un mauvais œil. Une «note blanche» de la Direction du renseignement militaire, transmise à la magistrate, le jugeait «inopportun du fait de l’actualité médiatique et judiciaire». Une référence explicite à la sortie de deux ouvrages très critiques à l’égard des autorités rwandaises, dont celui de Pierre Péan.