Citation
C O U R INTERNATIONALE D E JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
AFFAIRE REILATIVE AU MANDAT D'ARRÊT
DU I I AVRIL 2000
(RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUE DU CONGO c. BELGIQUE)
INTERNATIONAL C O U R T O F JUSTICE
IiEPORTS O F JUDGMENTS,
ADVI SORY OPINIONS AND OItDERS
CASE CONCE,RNING THE ARRE ST WARRANT
OF 11 APRIL 2000
(DEMOCRATIC REPUBLIC O F THE CONGO v. BELGIUM)
JUDGMENT OF 14 FEBRUARY 2002
Mode officiel de citation:
Mandut d'urrêt du I l avril 2000 (République dérnocrutique
du Congo c. Belgique), arrêt,
C.I. J. Recueil 2002, p. 3
Officia1 citation :
Avrest Warrant of 1I April2000 (Democrutic Republic
of the Congo v. Belgium), Judgment,
I.C.J. Reports 2002, p. 3
e n t e :
ISSN 0074-4441
ISBN 92- 1-070940-3
Sales number
837
1
MANDAT D'ARRET DU 1 1 AVRIL 2000
(RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO c. BELGIQUE)
ARREST WARRANT O F 11 APF.IL 2000
(DEMOCRATIC REPUBLIC O F THE C O K G 0 v. BELGIUM)
14 FEBRUARY 2002
JUDGMENT
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2002
2002
14 février
Rôle général
no 121
14 février 2002
AFFAIRE RELATIVE AU MANDAT D'ARRÊT
D U 11 AVRIL 2000
(REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO c. BELGIQUE)
Circon.statzce.s de I'uffuire - Etnission, pur un juge d'in.~tructionbelge, d'un
((tnanclat cl'arrit internationul par cléfaut» ù l'encontre du trlzinistre des afj'air~.~
étrangères en e.uercice d~rCongo, 1'inr.ulpant d'infractions graves aux convention.~de Genève de 1949 et aux protocoles additionnels y relrtifs, ainsi que de
critne.~contre I'lzunzunité
Dij"usiotî ititertzatiotzule (lu matîdat d'clrrit par le
biais d'Interpol
Int~;re.s.sécryutzt <.e.s.sépur Ici .suite r/'c..rercer /a ,fbtzctiotî c/e
tnitzi.~fr~
cies uffclires étrungère.~.
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Première e-uception c/e 11 Belgique
ConzpPtetzce de, lu Cour - Statut de la
Cour, parugruplze 2 de I'crrticle 36 - Esi.stence d'un (( diffrrendjuridique))entre
les Parties uu tnotnent du dépôt de lu rr~quêtei n t r o ~ / u c t(l'instance
i~~~
Evénenlrnts postérieurs au (/&pot(le lu rc.qu6fe ne privant pus la Cour de su cotiîpétence.
Deu.uiètne e.uception dc, /ILI Belgique
Non-lieu - Fuit que I'int4re.s.sé
n'p.uercr plzis la fi)nctiotz de ministre (les (if'iiires i'tratzgtres tze tnettant pas un
teune U L I d~ffereticlentre les Purtie.~et ne prii~atitpas la requête de son objet.
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,
TroisiGtne e.uception de lu Belgiclur ---- Rc,cevcthilité
Fczit.~.sur 1esquc~l.sreposait la requite introductiite d'in.sruticr~tz'uj>antpas Gr4 trlzod(fiés u'c. nzunière telle
que le difjzrend initialetnent porté dei~antla Cour ait PtP trcrn.sfornié en un uutrc.
u'iffiretztl dotzt 1~.ccrrcrcti'rr ne sercrit pas le metne.
Qucztriètïîe e.rc,eption de la Belgique - RecevubilitP
Action du Congo ne
visant pus ù protéger l'un de ses re.s.sorti.s.sunts
Noti-crpplicahilité des règles
cwmwuint /'c;puisenzent cles voies (le recours ititertzes.
Argunzetzt~ition sub.siriirtire (le lu Belgique
RPgIe non ultra petita
Reqirete inrroductiite d'in.vtritice rsl~osuntque Ici prétention dc~lu Belgique ù
exercer une cotrlzpétetîcr univer.sellc~et1 ktnettatit le tnunclut d'crrrêt est contraire
au droit internationcil
Question tzoti repri.sc tfurzs les conc1u.siotî.sJltzules du
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INTEIRNATIONAL COURT O F .IUSTICE
Y EAR 2002
2002
14 February
General List
No. 121
14 February 2002
CASE CONCERNING THE ARREST WARRANT
OF 11 APRIL 2000
(DEMOCRATIC REPUBLIC O F THE CONGO v. BELGIUM)
Fuct.7 of the case - Issue hy a Belgiun investigatiny rnagistrate itf'"an internutionul arrest ivurrunt in absentia" uguinst the irzcumbent Minister,fir Foreign
A,ffair.s of the Congo, ulleging grave hreaclzes i f th? Ceneva convention.^ of
1949 und of' the Additional Protocols thereto and cr,mes against lzuwiunitj~
Internutionul circzilutiorî of' urrext tvcwrunt through Interpol - Person (.oni.crt1c.d slrhsequerzt~ceusing to hold office us Mini.ste.,for Foreign Afjcairs.
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First objection of Belgiurn - Juris~l'ictionof the Court - Statute of' the
Court, Article 36, paragruplî 2 - Euistence ( ? f a "li~galdispute" betiveen the
Parties crt the tiine of',filing of' the Appliccltiori N1,stituting procerdings
Events
s~lhsrq~retzt
to the ,filing f' the. Apl~lic.utionclo not clep +*ivethe Court of',juri.stliction.
Second objection of Belgizirn
i2footrie.s.c. Fuct thut the person conc,c.rned
had cru.seri to holc/ ofji'ce us Minister for Foreign Affi irs does rlot put un end to
the dixpute hetii3eetz the Parties und ciues not cleprlve the Applicutiorî of' i f s
objc7ct.
Third objection of i5elgiuni - Adrnissihility - Facfs underlying the Application instituting procet,ding.~rzot chringed in (1 tvay th&/ trun.-fi~rrîzedthe dispute
originull~~
hrought h ~ f i r ethe Court into unother rchic.i is d$rercnt in churuc,ter.
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Fourth ohjection of' Belgiuni - Admis.sihility - Ccngo not acting in the corztest of'protection of' one c!f' its nationuls
Inupplic~~hilitj,
of' rules reluting to
eshc~~rstiotz
of' loccil rc-riiedirs.
S ~ r h . ~ i d i unrgurîzent
r~.
of Belginnz
Non ultra peti a rule - Cluim in Applic.cztion irlstituting proceeeling.~that Belgiui?z'.s cluirn to esercisr LI ur~ii,~rstrl
jurisdiction in i.ssuing the arrest it.arrunt i.s corztrury to ir terncrtionrrl 1u1v
Cluim
r~otnicrcic iii ,fïrzrll .s~~hr~ii.s.siorz~
of' the Corigo - Court ~rrzahletu rule on tlîat ques-
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MANDAT D'ARRET (ARRET)
Congo - La Cour ne pouvant trancher cette question dans le dispositif de son
arrêt, mais pouvant en aborder certains uspects dans les motgr de cet arrêt.
Immunité de juridiction pénale et inviolabilité ù l'étranger d'un ministre des
affaires étrangères en exercice
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du I N avril 1961, préambule et urticle 32 - Convention de Vienne sur
Convention de Ne~c,York sur 1e.s
les relations consuluires du 24 avril 1963
missions spéciu1e.s du 8 décembre 1969, paragraphe 2 de l'article 21 - Règles de
droit international coutumier
Nuture des finctions e.uercée.s pur un niinistre
des affaires étrungères - Fonctions d'un ministre des affaires étrungères exigeant que, pendant toute la durée de .su cliurge, celui-ci hénéjcie ù I'étrunger
d'une immunité de juridiction pénale et d'une inviolabilité totales
Absence de
distinction dans ce contexte entre les actes uccotnplis 2 titre « ofJici~,I»et ceux
qui ~'auruientété a titre «privé».
Absence d'exception u I'in~rnunitéde juridiction pénule et 2 l'inviolabilité d'un
ministre des affuires étrangères en exercice lorsque celui-ci est soupçonné
d'avoir comniis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité - Distinction entre compétence des tribunaux tiutionuus et imtnunités juridictiorznel1e.s
Distinction entre itnniunité de juridiction et impunité.
Ernission d'un niandut d'arrêt uyunt vocation ù pertnettre I'urrestation, sur le
territoire belge, d'un rninistre des uffuires étrangères en exercice - Enlission du
mandat constituurzt en soi une atteinte l'immunité et u l'inviolabilité du ministre des aJjruires étrangères
Diffiusion internationale du mandat d'arrêt
visant ù établir lu buseiuridique d'une arrestation du ministre des ufluires étrangères dans un Etut tiers et de son e.wtradition ultérieure vers la Belgique - Diffusion internationale du mandat d'arrêt constituant une atteinte ù I'inimunité et
ci l'inviolabilité du ministre des uffuires étrangères.
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Remèdes detnandés pur le Congo
Con.statation, pur lu Cour, d'une responsabilité internationule de lu Belgique, et répurution de ce seu1,fuit du préjudice
moral invoqué pur le Congo
Obligation pour lu Belgique, par les moyens de
son chois, (le mettre a néunt le mandat d'arrêt et d'en infbrnier les autorités
aziprès desquelles il a été d$fu.sé.
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Présents: M. GUILLAUME,
président; M. SHI, vice-président; MM. ODA,
RANJEVA,HERCZEGH,FLEISCHHAUER,
KOROMA,VERESHCHETIN,
Mme HIGGINS,
MM. PARRA-ARANGUREN,
KOOIJMANS,
REZEK,ALjuges; M. BULA-BULA,
Mm" VAN DEN
KHASAWNEH,
BUERGENTHAL,
WYNGAERT,
juges ad hoc; M. COUVREUR,
gr~ffïer.
En l'affaire relative a u mandat d'arrêt du 11 avril 2000,
entre
la République démocratique du Congo,
représentée par
S. Exc. M . Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République démocratique du Congo auprès du
Royaume des Pays-Bas,
comme agent;
S. Exc. M. Ngele Masudi, ministre de la justice et garde des sceaux,
Me Kosisaka Kombe, conseiller juridique à la présidence de la République.
M. François Rigaux, professeur émérite de l'université catholique de Louvain,
Mm' Monique Chemillier-Gendreau, professeur à l'université de Paris VI1
(Denis Diderot),
M. Pierre d'Argent, chargé de cours à l'université catholique de Louvain,
M. Moka N'Golo, bâtonnier,
M. Djeina Wembou, professeur à l'université d'Abidjan,
comme conseils et avocats;
M. Mazyambo Makengo, conseiller juridique au ministère de la justice,
comme conseiller,
le Royaume de Belgique,
représenté par
M. Jan Devadder, directeur général des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères,
comme agent;
M. Eric David, professeur de droit international public à l'université libre de
Bruxelles,
M. Daniel Bethlehem, Burrister, membre du barreau d'Angleterre et du pays
de Galles, Felloiv of Clure Hull et directeur adjoint du Lauterpacht
Research Centre for International Law de l'université de Cambridge,
comme conseils et avocats;
S. Exc. le baron Olivier Gillès de Pélichy, représentant permanent du Royaume
de Belgique auprès de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques, en charge des relations avec la Cour internationale de Justice.
M. Claude Debrulle, directeur général de la législation pénale et des droits de
l'homme du ministère de la justice,
M. Pierre Morlet, avocat général auprès de la cour d'appel de Bruxelles,
M. Wouter Detavernier, conseiller adjoint à la direction générale des affaires
juridiques du ministère des affaires étrangères,
M. Rodney Neufeld, Research Associate au Lauterpacht Research Centre
for International Law de l'université de Cambridge.
M. Tom Vanderhaeghe, assistant à l'université libre de Bruxelles,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil.
rend l'arrêt suii~uizt.
represented by
H.E. Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza. Ambassldor Extraordinary and
Plenipotentiary of the Democratic Republic of the Congo to the Kingdom
of the Netherlands.
as Agent;
H.E. Mr. Ngele Masudi, Minister of Justice and Keeper of the Seals,
Maître Kosisaka Kombe, Legal Adviser to the Pr~:sidencyof the Republic,
Mr. François Rigaux, Professor Emeritus at the Catholic University of Louvain,
Ms Monique Chemillier-Gendreau. Professor at the University of Paris VI1
(Denis Diderot),
Mr. Pierre d'Argent, Chargé de cours, Catholic Uiiiversity of Louvain,
Mr. Moka N'Golo, Bâtonnier,
Mr. Djeina Wembou, Professor at the University of Abidjan,
as Counsel and Advocates;
Mr. Mazyambo Mirkengo, Legal Adviser to the Ministry of Justice,
as Counsellor,
the Kingdom of Belgium,
represented by
Mr. Jan Devadder, Director-General, Legal Matters, Ministry of Foreign
Affairs.
as Agent;
Mr. Eric David, Professor of Public International Law, Université libre de
Bruxelles,
Mr. Daniel Bethlehem, Barrister, Bar of England aiid Wales, Fellow of Clare
Hall and Deputy Director of the Lauterpacht Research Centre for International Law, Uiniversity of Cambridge,
as Counsel and Advocates;
H.E. Baron Olivier Gillès de Pélichy. Permanent Rcpresentative of the Kingdom of Belgium to the Organization for the Prohibition of Chemical
Weapons. responsible for relations with the International Court of Justice,
Mr. Claude Debrulle, Director-General. Criminal Legislation and Human
Rights, Ministry of Justice,
Mr. Pierre Morlet, Advocate-General, Brussels Cour d'Appel,
Mr. Wouter Detavernier, Deputy Counsellor, Cirectorate-General Legal
Matters, Ministr:y of Foreign Affairs,
Mr. Rodney Neufeld, Research Associate, Lauterpacht Research Centre for
International Law. University of Cambridge,
Mr. Tom Vanderhaeghe. Assistant at the Universi é libre de Bruxelles,
T H ECOUKT.
composed as above,
after deliberation,
tlrlivrrs tllr ,fi)lloiviilg Judgnient :
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MANDAT D'ARRÊT (ARRÊT)
1. Le 17 octobre 2000, la République démocratique du Congo (dénommée
ci-après le «Congo») a déposé au Greffe de la Cour une requête introduisant
une instance contre le Royaume de Belgique (dénommé ci-après la «Belgique»)
au sujet d'un différend concernant un «mandat d'arrêt international qu'un juge
d'instruction belge ... a décerné le I I avril 2000 contre le ministre des affaires
étrangères en exercice de la République démocratique du Congo, M. Abdulaye
Yerodia Ndombasi ».
Dans cette requête, le Congo soutenait que la Belgique avait violé le ((principe selon lequel un Etat ne peut exercer son pouvoir sur le territoire d'un autre
Etat)), le ((principe de l'égalité souveraine entre tous les Membres de l'organisation des Nations Unies, proclamé par l'article 2, paragraphe 1, de la Charte
des Nations Unies)), ainsi que ((l'immunité diplomatique du ministre des
affaires étrangères d'un Etat souverain, reconnue par la jurisprudence de la
Cour et découlant de l'article 41, paragraphe 2, de la convention de
Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques».
Pour fonder la compétence de la Cour, le Congo invoquait. dans ladite
requête, le fait que «[l]a Belgique a[vait] accepté la juridiction de la Cour et,
[qu']en tant que de besoin, [ladite] requête [valait] acceptation de cette juridiction par la République démocratique du Congo».
2. Conformément au paragraphe 2 de l'article 40 du Statut, la requête a été
immédiatement communiquée au Gouvernement belge par le greffier; et, conformément au paragraphe 3 de cet article, tous les Etats admis i ester devant la
Cour ont été informés de la requête.
3. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d'elles a procédé, dans l'exercice du droit que lui confère le paragraphe 3 de l'article 31 du Statut, i la désignation d'un juge ad hoc pour
siéger en l'affaire: le Congo a désigné M. Sayeman Bula-Bula, et la Belgique
Mm" Christine Van den Wyngaert.
4. Le 17 octobre 2000, jour du dépôt de la requête, le Gouvernement congolais a également déposé au Greffe de la Cour une demande en indication de
mesure conservatoire fondée sur l'article 41 du Statut de la Cour. Au cours des
audiences consacrées a l'examen de ladite demande. la Belgique a présenté pour
sa part une demande tendant à ce que l'affaire soit rayée du rôle.
Par ordonnance du 8 décembre 2000, la Cour, d'une part, a rejeté cette
demande tendant a ce que l'affaire soit rayée du rôle et, d'autre part, a dit que
les circonstances, telles qu'elles se présentaient alors à la Cour, n'étaient pas de
nature à exiger l'exercice de son pouvoir d'indiquer, en vertu de l'article 41 du
Statut, des mesures conservatoires. Dans la même ordonnance, la Cour a par
ailleurs déclaré qu'«il [était] souhaitable que les questions soumises A la Cour
soient tranchées aussitôt que possible)) et que, «dès lors, il conv[enait] de parvenir à une décision sur la requête du Congo dans les plus brefs délais)).
5 . Par ordonnance du 13 décembre 2000, le président de la Cour, compte
tenu de l'accord des Parties tel qu'exprimé lors d'une réunion tenue avec leurs
agents le 8 décembre 2000, a fixé des délais pour le dépôt d'un mémoire du
Congo et d'un contre-mémoire de la Belgique portant à la fois sur les questions
de compétence et de recevabilité et sur le fond. Par ordonnances des
14 mars 2001 et 12 avril 2001, ces délais, compte tenu des raisons invoquées par
le Congo et de l'accord des Parties, ont été successivement prorogés. Le
mémoire du Congo a été déposé le 16 mai 200 1, dans le délai tel que finalement
prescrit.
6. Par ordonnance du 27 juin 2001, la Cour, d'une part, a rejeté une
1. On 17 October 2000 the Democratic Republic c~fthe Congo (hereinafter
referred to as "the Congo") filed in the Registry of !.he Court an Application
instituting proceedings against the Kingdom of Belgi~~m
(hereinafter referred to
as "Belgium") in respect of a dispute concerning an 'international arrest warrant issued on 11 April 2000 by a Belgian investigating judge . . . against the
Minister for Foreign Affairs in office of the Democratic Republic of the Congo,
Mr. Abdulaye Yerodia Ndombasi".
In that Application the Congo contended that Iielgium had violated the
"principle that a State may not exercise its authority on the territory of another
State", the "principle of sovereign equality among al1 Members of the United
Nations, as laid dowii in Article 2, paragraph 1, of the Charter of the United
Nations", as well as "the diplomatic immunity of the Minister for Foreign
Affairs of a sovereign State, as recognized by the jurisprudence of the Court
and following from Article 41, paragraph 2, of the Vienna Convention of
18 April 1961 on Diplomatic Relations".
In order to found the Court's jurisdiction the Coiigo invoked in the aforementioned Application the fact that "Belgium ha[d] a(:cepted the jurisdiction of
the Court and, in so Far as may be required, the [aforementioned] Application
signifie[d] acceptance of that jurisdiction by the De:nocratic Republic of the
Congo".
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Starute, the Application was
forthwith communicated to the Government of Belgiiim by the Registrar; and,
in accordance with paragraph 3 of that Article, al1 States entitled to appear
before the Court were notified of the Application.
3. Since the Court included upon the Bench no jiidge of the nationality of
either of the Parties, each Party proceeded to exercise the right conferred by
Article 31, paragraph 3, of the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the
case; the Congo chose Mr. Sayeman Bula-Bula, and Belgium Ms Christine Van den Wyngaert.
4. On 17 October 2000, the day on which the P pplication was filed, the
Government of the Congo also filed in the Registry of the Court a request for
the indication of a provisional measure based on AI ticle 41 of the Statute of
the Court. At the hearings on that request, Belgium, l'or its part, asked that the
case be removed froni the List.
By Order of 8 December 2000 the Court, on the ont: hand, rejected Belgium's
request that the case be removed from the List and, c,n the other, held that the
circumstances, as they then presented themselves to tl-e Court, were not such as
to require the exercisi: of its power under Article 41 of the Statute to indicate
provisional measures. In the same Order, the Cour. also held that "it [was]
desirable that the issues before the Court should be d':termined as soon as possible" and that "it [was] therefore appropriate to ensiire that a decision on the
Congo's Application be reached with al1 expedition"
5. By Order of 1:3 December 2000, the President of the Court, taking
account of the agreement of the Parties as expresse1 at a meeting held with
their Agents on 8 December 2000, fixed time-limits for the filing of a Memorial
by the Congo and of a Counter-Memorial by Belgiun, addressing both issues
of jurisdiction and admissibility and the merits. By Orders of 14 March 2001
and 12 April 2001, thi:se time-limits, taking account of the reasons given by the
Congo and the agreement of the Parties, were successively extended. The
Memorial of the Corigo was filed on 16 May 2001 within the time-limit thus
finally prescribed.
6. By Order of 27 .rune 2001, the Court, on the o n i hand, rejected a request
demande de la Belgique tendant à autoriser, en dérogation des ordonnances
déjà rendues par le président de la Cour, la présentation par la Belgique
d'exceptions préliminaires entraînant la suspension de la procédure sur le fond
et, d'autre part, a prorogé le délai prescrit dans l'ordonnance du 12 avril 2001
pour le dépôt par la Belgique d'un contre-mémoire portant a la fois sur les
questions de compétence et de recevabilité et sur le fond. Le contre-mémoire de
la Belgique a été déposé le 28 septembre 2001, dans le délai ainsi prorogé.
7. Conformément au paragraphe 2 de l'article 53 de son Règlement, la Cour,
après s'être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires des
pièces de procédure et des documerits annexés seraient rendus accessibles au
public à l'ouverture de la procédure orale.
8. Des audiences publiques ont Sté tenues du 15 au 19 octobre 2001, au
cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses:
Pour le Congo:
S. Exc. M. Jacques Masangu-a-Mwanza,
S. Exc. M. Ngele Masudi,
Me Kosisaka Kombe,
M. François Rigaux,
M'"' Monique Chemillier-Gendreau,
M. Pierre d'Argent.
Pour la Belgique: M . Jan Devadder,
M. Daniel Bethlehem,
M. Eric David.
9. A l'audience, des membres de la Cour ont posé à la Belgique des questions
auxquelles il a été répondu ou par oral ou par écrit, conformément au paragraphe 4 de l'article 61 du Règlement. Le Congo a présenté des observations
écrites sur la réponse qui avait été fournie par écrit à l'une de ces questions,
conformément à l'article 72 du Règlement.
*
10. Dans la requête, la décision demandée par le Congo a été ainsi formulée:
((11 est demandé à la Cour de dire que le Royaume de Belgique devra
annuler le mandat d'arrêt international qu'un juge d'instruction belge,
M. Vandermeersch, du tribunal de première instance de Bruxelles, a décerné
le 11 avril 2000 contre le ministre des affaires étrangères en exercice de la
République démocratique du Congo, M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, en
vue de son arrestation provisoire préalablement à une demande d'extradition vers la Belgique, pour de prétendus crimes constituant des ((violations
graves de droit international humanitaire)), mandat d'arrêt que ce juge a
diffusé à tous les Etats, y compris la République démocratique du Congo
elle-même, qui l'a reçu le 12 juillet 2000. »
11. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présentées par
les Parties:
Au non? du Gouvernement du Congo,
dans le mémoire:
«A la lumière des faits et des arguments exposés ci-dessus, le Gouvernement de la République démocratique du Congo prie la Cour de dire et
juger:
by Belgium for authorization, in derogation from th: previous Orders of the
President of the Court, to submit preliminary objecti sns involving suspension
of the proceedings on the merits and, on the other, exiended the time-limit prescribed in the Order of 12 April 2001 for the filing by Belgium of a CounterMemorial addressing both questions of jurisdiction and admissibility and the
merits. The Counter-Memorial of Belgium was filecl on 28 September 2001
within the time-limit thus extended.
7. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of the Rulcs, the Court, after ascertaining the views of the Parties, decided that copies oi'the pleadings and documents annexed would be made available to the public it the opening of the oral
proceedings.
8. Public hearings vtere held from 15 to 19 October 2001, at which the Court
heard the oral arguments and replies of:
For tlîe Congo: H.E Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza,
H.E Mr. Ngele Masudi,
Maître Kosisaka Kombe,
Mr. François Rigaux,
Ms IMonique Chemillier-Gendreau,
Mr. Pierre d'Argent.
For Belgiunî:
Mr. Jan Devadder,
Mr. Daniel Bethlehem,
Mr. Eric David.
9. At the hearings, Members of the Court put cuestions to Belgium, to
which replies were given orally or in writing, in accsrdance with Article 61,
paragraph 4, of the Rules of Court. The Congo provided its written comments
on the reply that was given in writing to one of the:e questions, pursuant to
Article 72 of the Rules of Court.
10. In its Application, the Congo formulated the decision requested in the
following terms :
"The Court is requested to declare that the Kingdom of Belgium shall
annul the international arrest warrant issued on 1 I April2000 by a Belgian
investigating jud,ge, Mr. Vandermeersch, of tkie Brussels Tribunal de
première instance against the Minister for Foreign Affairs in office of the
Democratic Repiiblic of the Congo, Mr. Abdu aye Yerodia Ndombasi,
seeking his provisional detention pending a requc st for extradition to Belgium for alleged crimes constituting 'serious vislations of international
humanitarian law', that warrant having been circulated by the judge to al1
States, including ithe Democratic Republic of the Congo, which received it
on 12 July 2000."
1 1 . In the course of the written proceedings, the fo lowing submissions were
presented by the Parties:
On hehalf' of' the Governrnetzt of' tlze Congo.
in the Memorial :
"In light of the facts and arguments set out al)ove, the Government of
the Democratic R.epublic of the Congo requests ihe Court to adjudge and
declare that :
1. Que, en émettant et en diffusant internationalement le mandat d'arrêt
d u 11 avril 2000 délivré à charge de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi,
la Belgique a violé, à l'encontre de la RDC, la règle de droit international coutumier relative à l'inviolabilité et l'immunité pénale absolues
des. ministres des affaires étrangères en fonction ;
2. Que la constatation solennelle par la Cour du caractère illicite de ce fait
constitue une forme adéquate de satisfaction permettant de réparer le
dommage moral qui en découle dans le chef de la R D C ;
3. Que la violation du droit international dont procèdent l'émission et la
diffusion internationale du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 interdit a
tout Etat, en ce compris la Belgique, d'y donner suite;
4. Que la Belgique est tenue de retirer et mettre à néant le mandat d'arrêt
dli lil avril 2000 et de faire savoir auprès des autorités étrangères auxq u d h ledit mandat fut diffusé qu'elle renonce à solliciter leur coopération,pour l'exécution de ce mandat illicite suite à l'arrêt de la Cour.))
Au norn du Goui~ernementde lu Belgique,
dans le contre-mémoire :
((Pour les motifs développés dans la Partie II du présent contremémoire, la Belgique demande à la Cour, a titre préliminaire, de dire et de
juger que la Cour n'est pas compétente etlou que la requête de la République démocratique du Congo contre la Belgique n'est pas recevable.
Si, contrairement aux conclusions ci-dessus. la Cour devait conclure
qu'elle était compétente et que la requête de la République démocratique
du Congo était recevable, la Belgique demande a la Cour de rejeter les
conclusions finales de la République démocratique du Congo sur le fond
de la demande et de rejeter la requête.))
12. Dans la procédure orale, les conclusions ci-après ont été présentées par
les Parties:
Au nom du Gouilernernent du Congo,
« A la lumière des faits et des arguments exposés au cours de la procédure écrite et orale, le Gouvernement de la République démocratique du
Congo prie la Cour de dire et juger:
1. Que, en émettant et en diffusant internationalement le mandat d'arrêt
du 11 avril 2000 délivré à charge de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi,
la Belgique a violé, à l'encontre de la République démocratique du
Congo, la règle de droit international coutumier relative à l'inviolabilité
et l'immunité pénale absolues des ministres des affaires étrangères en
fonction; que, ce faisant, elle a porté atteinte au principe de l'égalité
souveraine entre les Etats;
2. Que la constatation solennelle par la Cour du caractère illicite de ce fait
constitue une forme adéquate de satisfaction permettant de réparer le
dommage moral qui en découle dans le chef de la République démocratique du Congo;
3. Que les violations du droit international dont procèdent l'émission et la
diffusion internationale du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 interdisent
à tout Etat, en ce compris la Belgique, d'y donner suite;
4. Que la Belgique est tenue de retirer et mettre à néant le mandat d'arrêt
du 11 avril 2000 et de faire savoir auprès des autorités étrangères aux-
1. by issuing and internationally circulating the rrest warrant of 11 April
2000 against Mr. Abdulaye Yerodia Ndombasi, Belgium committed a
violation in regard to the D R C of the rule of customary international
law concerning the absolute inviolability and immunity from criminal
process of inciumbent foreign ministers;
2. a forma1 finding by the Court of the unlawfiilness of that act constitutes an appropriate form of satisfaction, providing reparation for the
consequent moral injury to the D R C ;
3. the violation o'f international law underlying tlie issue and international
circulation of the arrest warrant of 11 April 2 000 precludes any State,
including Belgium, from executing it;
4. Belgium shall be required to recall and cantel the arrest warrant of
11 April 2000 and to inform the foreign auth ~ritiesto whom the warrant was circulated that, following the Coitrt's Judgment, Belgium
renounces its request for their CO-operationi l executing the unlawful
warrant."
On behaif qf the Governnlent of'Brlgiurn,
in the Counter-Memorial:
"For the reasons stated in Part II of this Co~~nter-Memorial,
Belgium
requests the Couirt. as a preliminary matter, to iidjudge and declare that
the Court lacks jiirisdiction in this case andlor that the application by the
Democratic Repuiblic of the Congo against Belgium is inadmissible.
If, contrary to the preceding submission, the Court concludes that it
does have jurisdiction in this case and that the application by the Democratic Republic of the Congo is admissible, Belgiiim requests the Court to
reject the submisisions of the Democratic Repuhlic of the Congo on the
merits of the case and to dismiss the application."
12. At the oral proceedings, the following submissiclns were presented by the
Parties :
On hehcilf of the Governnlent o f t h e Congo,
"In light of the facts and arguments set out during the written and oral
proceedings, the Government of the Democratic Republic of the Congo
requests the Court to adjudge and declare that:
1. by issuing aiid internationally circulating the arrest warrant of
11 April 2000 against Mr. Abdulaye Yerodia IJdombasi, Belgium committed a violaition in regard to the Democrati: Republic of the Congo
of the rule of customary international law concerning the absolute
inviolability and immunity from criminal process of incumbent foreign
ministers; in so doing, it violated the princi1)le of sovereign equality
among States;
2. a foi-mal finding by the Court of the unlawfiilness of that act constitutes an apprc~priateform of satisfaction, providing reparation for the
consequent moral injury to the Democratic Republic of the Congo;
3. the violations of international law underlyin4 the issue and international circulatiion of the arrest warrant of 11 April 2000 preclude any
State, including Belgium. from executing it;
4. Belgium shall be required to recall and cancel the arrest warrant of
11 April 2000 and to inform the foreign authorities to whom the war-
quelles ledit mandat fut diffusé qu'elle renonce à solliciter leur coopération pour l'exécution de ce mandat illicite. ))
Au nom du Goui~ernemerztde la Belgiqicc.,
«Pour les motifs développés dans le contre-mémoire de la Belgique et
dans ses conclusions orales, la Belgique demande à la Cour, à titre préliminaire, de dire et de juger que la Cour n'est pas compétente etlou que la
requête de la République démocratique du Congo contre la Belgique n'est
pas recevable.
Si, contrairement aux conclusions de la Belgique sur la compétence et la
recevabilité de la demande, la Cour devait conclure qu'elle était compétente et que la requête de la République démocratique du Congo était recevable, la Belgique demande a la Cour de rejeter les conclusions finales de la
République démocratique du Congo sur le fond de la demande et de rejeter la requête. »
* * *
13. Le 11 avril 2000, un juge d'instruction près le tribunal de première
instance de Bruxelles a émis un ((mandat d'arrêt international par défaut))
à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, sous l'inculpation, en
tant qu'auteur ou coauteur, de crimes constituant des infractions graves
aux conventions de Genève de 1949 et aux protocoles additionnels à ces
conventions, ainsi que de crimes contre l'humanité.
A u moment de l'émission d u mandat d'arrêt, M. Yerodia était ministre
des affaires étrangères du Congo.
14. Ce mandat d'arrêt a été transmis au Congo le 7 juin 2000 et reçu
par les autorités de celui-ci le 12 juillet 2000. Selon la Belgique, il a simultanément été transmis a l'organisation internationale de police criminelle
(Interpol), organisation dont la fonction est de renforcer et faciliter la
coopération transfrontière entre les services de police judiciaire sur le
plan universel; le mandat aurait fait l'objet, par l'intermédiaire de cette
dernière, d'une diffusion internationale.
15. Dans le mandat d'arrêt, il est reproché a M. Yerodia d'avoir tenu
certains discours incitant à la haine raciale a u cours du mois d'août 1998.
Les crimes dont M. Yerodia était ainsi accusé étaient punissables en Belgique a u titre de la loi du 16 juin 1993 ((relative à la répression des infractions graves aux conventions internationales de Genève du 12 août 1949
et aux protocoles 1 et II du 8 juin 1977, additionnels a ces conventions)),
telle que modifiée par la loi du 10 février 1999 ((relative à la répression
des violations graves de droit international humanitaire)) (dénommée ciaprès la ((loi belge))).
L'article 7 d e la loi belge dispose que «les juridictions belges sont compétentes pour connaître des infractions prévues à la présente loi, indépendamment du lieu où celles-ci auront été commises)). En l'espèce, selon la
Belgique, les plaintes à l'origine de la procédure dans le cadre de laquelle
a été émis le mandat d'arrêt émanaient de douze personnes, toutes résidant en Belgique, dont cinq de nationalité belge. Il n'est cependant pas
contesté par la Belgique que les faits allégués auxquels se rapporte le
rant was circ~ilatedthat Belgium renounces its request for their cooperation in executing the unlawful warrant."
On hrhulf i f 't l i ~Governnîrnt of' Belgiuni,
"For the reasons stated in the Counter-Memorial of Belgium and in its
oral submissions, Belgium requests the Court, as a preliminary matter, to
adjudge and declare that the Court lacks jurisdi':tion in this case andlor
that the Application by the Democratic Repubtic of the Congo against
Belgium is inadmissible.
If, contrary to the submissions of Belgium wiih regard to the Court's
jurisdiction and tlhe admissibility of the Applicat on, the Court concludes
that it does have jurisdiction in this case and that the Application by the
Democratic Republic of the Congo is admissib e, Belgium requests the
Court to reject the submissions of the Democratii Republic of the Congo
on the merits of the case and to dismiss the Appication."
13. O n 11 April 2!000 a n investigating judge 01' the Brussels Tribunal
de première instance issued "an international arrest warrant in absentiu"
against Mr. Abdulaye Yerodia Ndombasi, charging him, as perpetrator
o r co-perpetrator, with offences constituting grave breaches of the Geneva
Conventions of 1949 and of the Additional Protocols thereto, and with
crimes against humanity.
At the tiine when the arrest warrant was issuecl Mr. Yerodia was the
Minister for Foreign. Affairs of the Congo.
14. The arrest warrant was transmitted to the Congo on 7 June 2000,
being received by the Congolese authorities on l:! July 2000. According
to Belgium, the warrant was at the same time trinsmitted to the International Criminal Police Organization (Interl,ol), an organization
whose function is ta' enhance and facilitate cross.border criminal police
co-operation worldwide; through the latter, it vas circulated internationally.
15. In the arrest warrant, Mr. Yerodia is accused of having made various speeches inciting, racial hatred during the month of August 1998. The
crimes with which Mr. Yerodia was charged were punishable in Belgium
under the Law of 16 June 1993 "concerning the Punishment of Grave
Breaches of the International Geneva Conventions of 12 August 1949
and of Protocols 1 and II of 8 June 1977 A~iditional Thereto", as
amended by the Law of 10 February 1999 "concerning the Punishment of
Serious Violations of International Humanitarian Law" (hereinafter
referred to as the "Elelgian Law").
Article 7 of the B,elgian Law provides that "The Belgian courts shall
have jurisdiction in respect of the offences provlded for in the present
Law. wheresoever they may have been cornmittecl". In the present case,
according to Belgium. the cornplaints that initiatcd the proceedings as a
result of which the arrest warrant was issued emanated from 12 individuals al1 resident in Belgium, five of whom were of Belgian nationality.
It is not contested by Belgiun~,however, that th: alleged acts to which
mandat d'arrêt ont été commis hors du territoire belge; que, au moment
des faits, M. Yerodia n'était pas ressortissant belge; et qu'il ne se trouvait
pas sur le territoire belge lorsque a été émis et diffusé le mandat d'arrêt.
Il n'est pas davantage contesté qu'aucun ressortissant belge ne figurait
parmi les victimes des violences qui auraient résulté des infractions imputées à M. Yerodia.
Le paragraphe 3 de I'article 5 de la loi belge dispose en outre que
«[l]'immunité attachée à la qualité officielle d'une personne n'empêche
pas l'application de la présente loi)).
16. A l'audience, la Belgique a soutenu par ailleurs avoir offert «de
confier le dossier aux autorités compétentes [du Congo] pour enquête et
poursuite éventuelle)) et a fait état d'un certain nombre de démarches
qu'elle aurait entreprises à cet égard à partir de septembre 2000, soit
avant le dépôt de la requête introductive d'instance. Le Congo a quant à
lui indiqué ce qui suit: «On a peu d'informations sur les formes [de ces
propositions belges].)) Il a ajouté que «[c]'est ... à un moment très tardif
que ces propositions semblent avoir été faites, c'est-à-dire après qu'un
mandat d'arrêt a été lancé contre M. Yerodia)).
17. Le 17 octobre 2000, le Congo a déposé au Greffe une requête
introductive d'instance (voir paragraphe 1 ci-dessus), dans laquelle il était
demandé à la Cour «de dire que le Royaume de Belgique devra annuler
le mandat d'arrêt international ... décerné le Il avril 2000». Le Congo y
faisait valoir deux moyens de droit distincts. Il soutenait en premier lieu
que de la loi en cause)) constituait une
c<[v]iolationdu principe selon lequel un Etat ne peut exercer son
pouvoir sur le territoire d'un autre Etat et du principe de l'égalité
souveraine entre tous les Membres de l'organisation des Nations
Unies, proclamé par I'article 2, paragraphe 1, de la Charte des
Nations Unies)).
11 y affirmait en deuxième lieu que «[l]'exclusion, qui découle de l'article 5 ... de la loi belge, de l'immunité du ministre des affaires étrangères
en exercice))constituait une «[v]iolation de l'immunité diplomatique du ministre des affaires étrangères d'un Etat souverain, reconnu[e] par la jurisprudence de la Cour et découlant de l'article 41, paragraphe 2, de la
convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques)).
18. Le jour même du dépôt de sa requête introductive d'instance, le
Congo a présenté à la Cour, en application de I'article 41 du Statut de
cette dernière, une demande en indication de mesure conservatoire. Au
cours des audiences consacrées à l'examen de cette demande, la Cour a
été informée qu'en novembre 2000 un remaniement ministériel était intervenu au Congo, à la suite duquel M. Yerodia avait cessé d'exercer les
fonctions de ministre des affaires étrangères et s'était vu confier le portefeuille de ministre de l'éducation nationale. La Belgique en a conclu que
la requête du Congo était devenue sans objet et a demandé à la Cour,
the arrest warrant relates were committed outside Belgian territory, that
Mr. Yerodia was ncit a Belgian national at the time of those acts, and
that Mr. Yerodia wals not in Belgian territory at ihe time that the arrest
warrant was issued and circulated. That no Belgian nationals were victims of the violence that was said to have resultrd from Mr. Yerodia's
alleged offences was also uncontested.
Article 5, paragraph 3, of the Belgian Law further provides that
"[ilmmunity attachirig to the official capacity of ;t person shall not prevent the application of the present Law".
16. At the hearing,~,Belgium further claimed th it it offered "to entrust
the case to the comptent authorities [of the Gong>] for enquiry and possible prosecution", and referred to a certain nu~nberof steps which it
claimed to have taken in this regard from September 2000, that is, before
the filing of the Application instituting proceedirigs. The Congo for its
part stated the following: "We have scant infornation concerning the
form [of these Belgian proposals]." It added tha "these proposals . . .
appear to have been made very belatedly, namely ujter an arrest warrant
against Mr. Yerodia had been issued".
17. On 17 October 2000, the Congo filed in the Registry an Application instituting the present proceedings (see paragi aph 1 above), in which
the Court was requested "to declare that the Kingdom of Belgium shall
annul the international arrest warrant issued o ~ i11 April 2000". The
Congo relied in its ,4pplication on two separate legal grounds. First, it
claimed that "[tlhe universal jurisdiction that the 13elgian State attributes
to itself under Article 7 of the Law in question" constituted a
"[v]iolation of the principle that a State may not exercise its authority on the territory of anothei- State and of the principle of sovereign
equality among al1 Members of the United hations, as laid down in
Article 2, paragraph 1, of the Charter of the United Nations".
Secondly, it claimed that "[tlhe non-recognition, on the basis of
Article 5 . . . of the Belgian Law, of the immunit) of a Minister for Foreign Affairs in officc" constituted a "[v]iolation of the diplomatic immunity of the Minister for Foreign Affairs of a so~ereignState, as recognized by the jurispriudence of the Court and foll3wing from Article 41,
paragraph 2, of the Vienna Convention of 18 A ~ r i l1961 on Diplornatic
Relations".
18. On the same day that it filed its Application instituting proceedings, the Congo submitted a request to the Court for the indication of a
provisional measure under Article 41 of the Statute of the Court. During
the hearings devoted to consideration of that request, the Court was
informed that in November 2000 a ministerial rejhuffle had taken place
in the Congo, folloviiing which Mr. Yerodia had zeased to hold office as
Minister for Foreigri Affairs and had been entrusted with the portfolio of
Minister of Education. Belgium accordingly cla~medthat the Congo's
Application had become moot and asked the Coiirt, as has already been
ainsi qu'il a déjà été rappelé, de rayer l'affaire du rôle. Par ordonnance en
date du 8 décembre 2000, la Cour a rejeté a la fois les conclusions de la
Belgique en vue d'une telle radiation et la demande en indication de
mesures conservatoires du Congo (voir paragraphe 4 ci-dessus).
19. A partir de la mi-avril 2001, lorsque a été constitué un nouveau
gouvernement au Congo, M. Yerodia a cessé d'occuper le poste de ministre de l'éducation. Il n'occupe plus aujourd'hui aucun poste ministériel.
20. Le 12 septembre 2001, le bureau central national belge d'Interpol a
prié le secrétariat général d'Interpol d'émettre une notice rouge visant
M. Yerodia. De telles notices concernent des individus dont l'arrestation
est demandée en vue de leur extradition. Le 19 octobre 2001, lors des
audiences publiques tenues aux fins d'entendre les Parties en leurs plaidoiries en l'affaire, la Belgique a informé la Cour qu'en réponse a cette
demande Interpol avait sollicité des inforinations supplémentaires le
27 septembre 2001 et qu'aucune notice rouge n'avait encore été diffusée.
21. Bien que, dans sa requête, le Congo ait initialement fait valoir
deux moyens de droit distincts (voir paragraphe 17 ci-dessus), les conclusions que le Congo a formulées dans son mémoire, comme les conclusions finales qu'il a présentées à l'issue de la procédure orale, ne font état
que d'une violation, ((à [son] encontre ..., [de] la règle de droit international coutumier relative à l'inviolabilité et l'immunité pénale absolues
des ministres des affaires étrangères en fonction)) (voir paragraphes 1 1
et 12 ci-dessus).
22. Les Parties, dans leurs écritures et leurs plaidoiries, ont traité des
questions de compétence et de recevabilité ainsi que des questions de
fond (voir paragraphes 5 et 6 ci-dessus). La Belgique a soulevé à cet égard
un certain nombre d'exceptions que la Cour commencera par examiner.
23. La première exception soulevée par la Belgique est ainsi formulée:
«Etant donné que M. Yerodia Ndombasi n'est plus ni ministre
des affaires étrangères [du Congo,] ni ministre chargé d'une quelconque autre fonction au sein du Gouvernement [du Congo], il n'y
a plus de ((différend juridique)) entre les Parties au sens des déclarations facultatives d'acceptation de la juridiction de la Cour déposées
par les Parties et la Cour n'est, en conséquence, pas compétente en
l'instance. >)
24. La Belgique ne conteste pas qu'un tel différend ait existé entre les
Parties au moment où le Congo a déposé sa requête introductive d'instance, et que la Cour ait été correctement saisie par cette requête. Elle
soutient toutefois que la question n'est pas de savoir si un différend juri-
recalled, to remove the case from the List. By Order of 8 December 2000,
the Court rejected both Belgium's submissions to that effect and also the
Congo's request for the indication of provisional measures (see paragraph 4 above).
19. From mid-April2001, with the formation of a new Government in
the Congo, Mr. Yerodia ceased to hold the post ~f Minister of Education. He no longer holds any ministerial office today.
20. On 12 September 2001, the Belgian Natiorial Central Bureau of
Interpol requested the Interpol General Secretariat to issue a Red Notice
in respect of Mr. Yerodia. Such notices concern infiividuals whose arrest
is requested with a view to extradition. On 19 October 2001, at the public
sittings held to hear the oral arguments of the Parti-s in the case, Belgium
informed the Court that Interpol had responded on 27 September 2001
with a request for additional information, and that no Red Notice had
yet been circulated.
21. Although the ,4pplication of the Congo ortginally advanced two
separate legal groundls (see paragraph 17 above), I he submissions of the
Congo in its Memorial and the final submissions which it presented at the
end of the oral proceedings refer only to a violatio 1 "in regard to the . . .
Congo of the rule of customary international law cl~ncerningthe absolute
inviolability and immunity from criminal process of incumbent foreign
ministers" (see paragraphs 1 1 and 12 above).
22. In their written pleadings, and in oral argument, the Parties
addressed issues of jurisdiction and admissibility as well as the merits (see
paragraphs 5 and 6 above). In this connection, 13elgium raised certain
objections which the Court will begin by addressiiig.
23. The first objection presented by Belgium reiids as follows:
"That, in the light of the fact that Mr. Yerodia Ndombasi is no
longer either Minister for Foreign Affairs of the [Congo] or a minister occupying any other position in the . . . Government [of the
Congo], there iij no longer a 'legal dispute' between the Parties
within the meanung of this term in the Optionil Clause Declarations
of the Parties and that the Court accordingly lacks jurisdiction in
this case."
24. Belgium does not deny that such a legal d spute existed between
the Parties at the t i n ~ ewhen the Congo filed its Application instituting
proceedings, and that the Court was properly seised by that Application.
However, it contends that the question is not whether a legal dispute
dique existait a l'époque, mais de savoir si un différend juridique existe
présentement. La Belgique se réfère notamment a cet égard a l'affaire du
Cameroun septentrional, dans laquelle la Cour avait jugé que «[s]a
fonction ... est de dire le droit, mais [qu']elle ne peut rendre des arrêts
qu'a l'occasion de cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un litige réel impliquant un conflit d'intérêts juridiques entre les
parties » (C.I.J. Recueil 1963, p. 33-34), ainsi qu'aux affaires des Essais
nucléuires (Au.~traliec. Frunce) (Nouvellr-Zklunde cc.. France), dans lesquelles elle avait précisé ce qui suit: «La Cour, comme organe juridictionnel, a pour tâche de résoudre des différends existant entre Etats ... Le
différend dont la Cour a été saisie doit donc persister au moment où elle
statue.» (C.I.J. Recueil 1974, p. 270-271, par. 55; p. 457, par. 58.) La
Belgique soutient que la fonction de ministre des affaires étrangères exercée par M. Yerodia était au centre de la requête introductive d'instance
du Congo. Or, souligne-t-elle, des changements sont intervenus dans les
circonstances qui étaient au cœur même de l'affaire, puisqu'il a été mis fin
aux fonctions de ministre des affaires étrangères de M. Yerodia au mois
de novembre 2000 et que, depuis le 15 avril 2001, celui-ci n'occupe plus
aucune fonction au sein du Gouvernement du Congo (voir paragraphes 18 et 19 ci-dessus). Selon la Belgique, bien qu'une différence de
points de vue puisse subsister entre les Parties quant à l'étendue et au
contenu des dispositions de droit international régissant les immunités
d'un ministre des affaires étrangères, celle-ci revêt aujourd'hui davantage
une portée abstraite qu'une portée concrète. 11 en découle, de l'avis de la
Belgique, que l'instance s'est désormais transformée en une tentative du
Congo d'«obtenir un avis consultatif de la Cour», qu'il ne s'agit plus
d'un «cas concret » recouvrant ((un litige réel » entre les Parties et que dès
lors la Cour n'a pas compétence pour connaître de l'affaire.
25. Le Congo rejette cette exception de la Belgique. Il soutient qu'il
existe bien un différend juridique entre les Parties dans la mesure où il
affirme que le mandat d'arrêt a été délivré en violation de l'immunité de
son ministre des affaires étrangères, que ce mandat était illégal ab initio et
que ce vice juridique persiste malgré les changements intervenus ultérieurement dans les fonctions exercées par l'intéressé, alors que la Belgique
affirme que l'émission et la diffusion du mandat d'arrêt n'étaient pas
contraires au droit international. Le Congo ajoute que le fait que M. Yerodia n'exerce plus de fonctions officielles n'a nullement eu pour effet
d'effacer le fait illicite et le dommage qui en découle, dommage dont le
Congo continue a demander réparation.
26. La Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante, sa compétence doit s'apprécier au moment du dépôt de l'acte introductif d'instance. Ainsi, si elle est compétente à la date à laquelle une affaire lui est
soumise, elle le demeure quels que soient les événements survenus ultérieurement. De tels événements peuvent éventuellement conduire a cons-
existed at that time, but whether a legal dispute exijts at the present time.
Belgium refers in this respect inter alia to the Nor, herrz Cameroons case,
in which the Court found that it "may pronounce iudgment only in connection with concrete cases where there exists at th: time of the adjudication an actual controversy involving a conflict of legal interests between
the parties" (I.C.J. Reports 1963, pp. 33-34), as well as to the Nucleur
Tests cases ('Austrulitz v. France)(New Zealurzd v. France), in which the
Court stated the following: "The Court, as a court of law, is called upon
to resolve existing disputes between States . . . The dispute brought
before it must therefore continue to exist at the time when the Court
makes its decision" (1.C.J Reports 1974, pp. 270-27 1, para. 55; p. 476,
para. 58). Belgium argues that the position of M I . Yerodia as Minister
for Foreign Affairs was central to the Congo's Application instituting
proceedings. and emphasizes that there has now be:n a change of circumstances at the very heart of the case, in view of the fact that Mr. Yerodia
was relieved of his position as Minister for Foreign Affairs in November 2000 and that, since 15 April2001, he has occupied no position in the
Government of the Congo (see paragraphs 18 and 19 above). According
to Belgium, while there may still be a difference cf opinion between the
Parties on the scope and content of internatioral law governing the
immunities of a Minister for Foreign Affairs, thai difference of opinion
has now become a matter of abstract, rather than of practical, concern.
The result, in Belgiurn's view, is that the case has become an attempt by
the Congo to "[seek] an advisory opinion from the Court", and no longer
a "concrete case" involving an "actual controvers) " between the Parties,
and that the Court accordingly lacks jurisdiction in the case.
25. The Congo rej~ectsthis objection of Belgium It contends that there
is indeed a legal dispute between the Parties, in ihat the Congo claims
that the arrest warrant was issued in violation of the immunity of its
Minister for Foreign Affairs, that that warrant v/as unlawful ah initio,
and that this legal defect persists despite the sub'equent changes in the
position occupied by the individual concerned, wliile Belgium maintains
that the issue and circulation of the arrest warrant were not contrary to
international law. The Congo adds that the termination of Mr. Yerodia's
officia1 duties in no way operated to efface the wrongful act and the
injury that flowed from it, for which the Congo CO ltinues to seek redress.
26. The Court recalls that, according to its settled jurisprudence, its
jurisdiction must be determined at the time that he act instituting proceedings was filed. Thus, if the Court has jurisdiction on the date the case
is referred to it, it continues to do so regardless of subsequent events.
Such events might lead to a finding that an application has subsequently
tater qu'une requête a été par la suite privée d'objet et à prononcer un
non-lieu à statuer; ils ne sauraient en revanche priver la Cour de sa compétence (voir Nottebolznz, exception prélimilzaire, arrêt, C.1.J. Recueil
1953, p. 122; Droit de passage sur territoire indien, exceptions préliminaires, arrêt, C.I. J. Recueil 1957, p. 142; Questions d'interprétation et
d'upplicution de lu convention de Montréal rie 1971 ri..sultant de l'incident
uérien [le Lockerbie (Janzahiriya arabe libyenne c. Royaume- Uni), c2xceptions prélin~inuires,arrêt, C.I. J. Recueil 1998, p. 23-24, par. 38 ; et Questions d'irzterprétation et d'clpplicution d~ lu convention de Montréal de
1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jar?lulziriyu arube
libyenne c. Etats- Uni5 d'At?zériyue),exceptions pré lit ni na ire.^, arrêt, C.I. J.
Recueil 1998, p. 129, par. 37).
27. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut:
«Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel
moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et
sans convention spéciale, a l'égard de tout autre Etat acceptant la
même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends
d'ordre juridique ayant pour objet:
C I ) l'interprétation d'un traité;
b ) tout point de droit international;
c ) la réalité de tout fait qui, s'il était établi. constituerait la violation d'un engagement international;
d ) la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. »
Le 17 octobre 2000, date à laquelle a été déposée la requête introductive
d'instance du Congo, chacune des deux Parties se trouvait liée par une
déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour effectuée conformément à cette disposition: la Belgique par une déclaration
du 17 juin 1958 et le Congo par une déclaration du 8 février 1989. Ces
déclarations ne comportaient aucune réserve applicable au cas d'espèce.
Par ailleurs, il n'est pas contesté par les Parties qu'un différend les
opposait alors quant à la licéité au regard du droit international du mandat d'arrêt du 1 1 avril 2000 et quant aux conséquences à tirer d'une éventuelle illicéité de ce mandat. Un tel différend constituait bien un différend
juridique au sens de la jurisprudence de la Cour, à savoir ((un désaccord
sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de
thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes)), dans lequel «la réclamation de l'une des parties se heurte a l'opposition manifeste de l'autre»
(Que.stions d'interprétation et d'applicutiotî de lu converztion de Molztréul
cie 1971 r~;.sultcrntde I'irzcident uérien de Lockerhie (Janzulziriya clrube
libyetzne c. Royciume- Uni), exceptions prélitîîinuir~.s,clrrêt, C.1.J. Recueil
1998, p. 17, par. 22; et Questions d'interprétatiorz et d'application de lu
convention de Montréal de 1971 résultunt de l'incident uérier~de Lockerbie (Jatnalziriya clrahe libj~erznec. Etats-Unis d'Amérique), e.-cc~ptions
prélinzinuires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 122-123, par. 21).
28. La Cour en conclut qu'au moment où elle a été saisie de l'affaire
elle avait compétence pour en connaître. Elle est demeurée compétente
pour ce faire. La première exception soulevée par la Belgique doit par
suite être rejetée.
29. La deuxième exception présentée par la Belgique est la suivante:
«Etant donné que M. Yerodia Ndombasi n'est plus ni ministre
des affaires étrangères [du Congo,] ni ministre chargé d'une quelconque autre fonction au sein du Gouvernement [du Congo], la
demande [de ce dernier] n'a plus d'objet et la Cour devrait, en
conséquence, refuser de juger au fond. »
30. La Belgique invoque également, à l'appui de cette exception,
l'affaire du Cuineroun septentrionul, dans laquelle la Cour a estimé
qu'elle ne s'acquitterait pas des devoirs qui sont les siens si elle examinait
plus avant une affaire à l'égard de laquelle tout arrêt qu'elle pourrait prononcer serait «sans objet)) (C.I.J. Recueil 1963, p. 38), ainsi que les affaires des Essais i~ucl6uires,dans lesquelles la Cour n'a vu aucune ((raison
de laisser se poursuivre une procédure qu'elle [savait] condamnée a rester
stérile)) (C.I.J. Recueil 1974, p. 271, par. 58; p. 477, par. 61). La Belgique
soutient que les demandes du Congo contenues dans les première et
deuxième conclusions de celui-ci tombent de toute évidence sous le COUD
des principes ainsi énoncés par la Cour dans ces affaires, dans la mesure
où un arrêt de la Cour sur le fond ne pourrait en l'espèce avoir d'autre
objet que de clarifier le droit en la matière pour les besoins du futur ou de
renforcer la position de l'une ou de l'autre des parties. Elle tire à cet égard
argument de ce que le Congo ne fait état d'aucun préjudice matériel et ne
demande pas de dommages et intérêts compensatoires. Elle ajoute que
l'émission et la diffusion du mandat d'arrêt n'étaient aucunement fondées
sur les fonctions ministérielles de l'intéressé, que ce dernier n'est plus ministre, et que dès lors l'affaire est désormais dépourvue d'objet.
31. Le Congo conteste l'argumentation ainsi développée par la Belgique et souligne que l'objectif du Congo
faire annuler le mandat litigieux et obtenir réparation du dommage moral subi - n'est toujours pas
réalisé au moment où la Cour est appelée a trancher le différend. Selon le
Congo, pour que l'affaire soit devenue sans objet au cours de la procédure, il aurait fallu que la cause de la violation du droit ait disparu et que
la réparation demandée soit intervenue.
-
32. La Cour a déjà affirmé à plusieurs reprises que des événements
postérieurs à l'introduction d'une requête pouvaient priver celle-ci de son
objet, de telle sorte qu'il n'y avait plus lieu pour la Cour de statuer sur
cette requête (voir Questions d'interprétution et d'upplicution de lu conven-
.ARREST WARRANT
(JUDGMENT)
14
of the case it had jurisdiction to deal with it. and that it still has such
jurisdiction. Belgium's first objection must therefore be rejected.
29. The second objection presented by Belgium is the following:
"That in the light of the fact that Mr. Yerodia Ndombasi is no
longer either Miriister for Foreign Affairs of the [Congo] or a minister occupying any other position in the . . Government [of the
Congo], the case is now without object and the Court should accordingly decline to proceed to judgment on the rrerits of the case."
30. Belgium also ri:lies in support of this objection on the Nortlzern
Cumeroon.~case, in which the Court considered tliat it would not be a
proper discharge of ils duties to proceed further iii a case in which any
judgment that the Court might pronounce would be "without object"
(I. C.J. Reports 1963, p. 38), and on the Nucleur T e ~ tcases,
s
in which the
Court saw "no reasori to allow the continuance of proceedings which it
knows are bound to be fruitless" ( I .C.J. Reports 1974, p. 271, para. 58;
p. 477, para. 61). Belgium maintains that the decllrations requested by
the Congo in its first and second submissions would clearly fall within the
principles enunciated by the Court in those cases, since a judgment of the
Court on the merits in this case could onlv be direthe position of one or other Party. It relies in support of this argument on
the fact that the Congo does not allege any material injury and is not
seeking compensatory damages. It adds that the issue and transmission
of the arrest warrant were not predicated on the ministerial status of the
person concerned, that he is no longer a minister, and that the case is
accordingly now devoid of object.
31. The Congo contests this argument of Belgium, and emphasizes
that the aim of the Congo - to have the disputed arrest warrant
annulled and to obtain redress for the moral injury suffered
remains
unachieved at the point in time when the Court is called upon to decide
the dispute. According to the Congo, in order for the case to have
become devoid of ob-ject during the proceedings, the cause of the violation of the right would have had to disappear, a l d the redress sought
would have to have been obtained.
-
32. The Court has already affirmed on a number csf occasions that events
occurring subsequent ito the filing of an application rlay render the application without object such that the Court is not called lpon to give a decision
thereon (see Qurstiorzc, oflnterprrtrition und Applplicution of tlzc 1971 Mont-
tion de Montrkal de 1971 résultant de I'incident aérien de Lockerbie
(Jrrmalziriyu arabe libyenne c. Royaume- Uni), exceptions prélinzinuires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 26, par. 46; et Questions d'interprétation et
d'upplicution (le la convention & Montrécd de 1971 résultant de l'incident
uérien de Lock~>rbie(Jarnuhiri.ya arabe libyenne c. Etats-Utlis d ' A n ~ é rique), e-uceptions préli~ninuire.~,
C.I. J. Recueil 1998, p. 13 1, par. 45).
Elle estime toutefois que tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, le
changement intervenu dans la situation de M. Yerodia n'a pas mis fin a u
différend entre les Parties et n'a pas privé la requête d'objet. Le Congo
maintient sa thèse selon laquelle le mandat d'arrêt délivré par les autorités judiciaires belges à l'encontre de M. Yerodia était et demeure illicite.
11 demande à la Cour de proclamer cette illicéité et de réparer ainsi le
préjudice moral que le mandat d'arrêt lui aurait causé. Le Congo continue par ailleurs de demander la mise à néant dudit mandat. Quant à la
Belgique, elle maintient que ses actions n'étaient pas contraires au droit
international et elle s'oppose aux conclusions du Congo. De l'avis de la
Cour, il résulte d e ce qui précède que la requête du Congo n'est pas
aujourd'hui dépourvue d'objet et que, par suite, il y a lieu pour la Cour
d e statuer sur ladite requête. La deuxième exception de la Belgique doit
en conséquence être rejetée.
33. La troisième exception de la Belgique est ainsi libellée:
((Etant donné que l'affaire soumise aujourd'hui à la Cour est
substantiellement différente de celle formulée dans la requête introductive d'instance [du Congo], la Cour n'est, en conséquence, pas
compétente etlou la requête [du Congo] n'est pas recevable. ))
34. Selon la Belgique, il serait contraire a la sécurité juridique et à la
bonne administration de la justice qu'un demandeur poursuive une procédure judiciaire lorsque les faits sur lesquels reposait la requête introductive d'instance se sont radicalement modifiés, étant donné que, en de
telles circonstances, le défendeur resterait jusqu'au tout dernier moment
dans l'incertitude quant a la teneur des demandes dirigées contre lui. La
Belgique fait valoir que le préjudice subi par le défendeur serait dans ce
cas du même ordre que lorsque 1'Etat demandeur formule de nouvelles
prétentions en cours de
Elle se réfère à la jurisprudence de la
Cour concluant a l'irrecevabilité de demandes nouvelles formulées en
cours d'instance qui, si elles avaient été accueillies, auraient transformé
l'objet du différend originellement porté devant elle aux termes de la
requête (voir Conzpétcr~cren I N L ~ ~ I ~de~ Y~ ~P < . I ~ L I I . (~ EL J~sp u g n ec. Ccltzndu),
cot~zpétcncc~
clr lu Cour, urrêt, C.I.J. Recueil lYY8, p. 447-448, par. 29).
Dans ces conditions, la Belgique soutient que, si le Congo souhaitait
maintenir ses griefs, il conviendrait d'exiger qu'il dépose une nouvelle
requête ou, à tout le moins, qu'il demande à la Cour la permission de
modifier sa requête initiale.
reul Convention urising,fi.om the Aeviul Incident ut Lockerbie ( L i h y u ~Arub
Jumalziriyu v. United Kingdom), Prelitninury Ohjections, Judgment, I. C.J.
Reports 1998, p. 26, para. 46; and Questions of Inte.pretution und Application of the 1971 Montreal Convention urising from the Aeriul Incident ut
Lockerhie (Lihyan Aruh Jumuhiriyu v. United Stute.; of Americu), Preliminu- Objections, Judgment, 1.C.J. Reports 1998, p. 131, para. 45).
However. it considlers that this is not such a case. The change which
has occurred in the situation of Mr. Yerodia has not in fact put an end to
the dispute between the Parties and has not deprilied the Application of
its object. The Congo argues that the arrest warrant issued by the Belgian
judicial authorities against Mr. Yerodia was and remains unlawful. It
asks the Court to hold that the warrant is unl,iwful, thus providing
redress for the moral injury which the warrant alleyedly caused to it. The
Congo also continues to seek the cancellation ol' the warrant. For its
part, Belgium contends that it did not act in violation of international
law and it disputes the Congo's submissions. In th: view of the Court. it
follows from the foregoing that the Application of the Congo is not now
without object and that accordingly the case is not moot. Belgium's
second objection must accordingly be rejected.
33. The third Belgian objection is put as follows
"That the case as it now stands is materialiy different to that set
out in the [Congol's Application instituting prlxeedings and that the
Court accordingly lacks jurisdiction in the case andlor that the application is inadmissible."
34. According to Belgium, it would be contrarJ1to legal security and
the sound administration of justice for an applicant State to continue
proceedings in circurnstances in which the factua dimension on which
the Application was based has changed fundamentally, since the respondent State would in those circumstances be uncertain, until the very last
moment, of the substance of the claims against it. Belgium argues that
the prejudice sufferecl by the respondent State in ihis situation is analogous to the situation in which an applicant State lormulates new claims
during the course of the proceedings. It refers to tl-e jurisprudence of the
Court holding inadmissible new claims formulatecl during the course of
the proceedings which, had they been entertained. would have transformed the subject ol' the dispute originally brought before it under the
terms of the Application (see Fislzeric~sJ~vi~sdiction
(Spciin v. Crinadu),
Jurisclic.tiotz of' th@ Court, Judgm~tzt,I. CI J. R e p o ~ts 1998, pp. 447-448,
para. 29). In the circumstances, Belgium contencls that, if the Congo
wishes to maintain its claims, it should be required to initiate proceedings
afresh or, at the very least, apply to the Court for p:rmission to amend its
initial Application.
16
MANDAT D'ARRÊT
(ARRÊT)
35. En réponse, le Congo conteste que les termes de sa requête aient
été substantiellement modifiés, et insiste sur le fait qu'il n'a présenté
aucune demande nouvelle, au plan matériel ou au plan formel, qui aurait
transformé l'objet du différend. Le Congo soutient n'avoir rien fait
d'autre, à travers les différentes étapes de la procédure, que de << resserrer
et préciser)) ses demandes, comme le font la plupart des Etats qui se présentent devant la Cour, et qu'il aurait simplement fait usage de la faculté
laissée aux parties de modifier leurs conclusions jusqu'à la fin de la procédure orale.
36. La Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante, elle <saurait admettre, en principe, qu'un différend porté devant elle par
requête puisse être transformé, par voie de modifications apportées aux
conclusions, en un autre différend dont le caractère ne serait pas le
même)) (Société commerciale de Belgique, arrêt, 1939, C. P.J. I. skrie AIB
no 78, p. 173; cf. Activités militaires et parainilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci ( Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), compktence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 427, par. 80; voir aussi Certaines terres ù phosphates ù Nauru (Nauru c. Australie), e'tceptions prélirninuires, arrêt, C.I. J. Recueil 1992, p. 264-267, en particulier par. 69 et
70). Toutefois, la Cour estime qu'en l'espèce les faits sur lesquels reposait
la requête n'ont pas été modifiés de manière telle que le différend dont la
Cour était saisie ait subi une transformation de cette nature. En effet, la
question qui est soumise à la Cour pour décision reste de savoir si I'émission et la diffusion, par les autorités judiciaires belges, d'un mandat
d'arrêt a l'encontre d'une personne étant alors ministre des affaires étrangères du Congo étaient ou non contraires au droit international. Aussi
bien les conclusions finales du Congo découlent-elles ((directement de la
question qui fait l'objet de la requête)) (Cornpktence en matiPre de pêclzeries (R4puhlique fé&mle d'Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I. J.
Recueil 1974, p. 203, par. 72; voir aussi Temple de Prkalz Viizkur, fond,
arrêt, C.I. J. Recueil 1962, p. 36).
Dans ces conditions, la Cour estime que la Belgique ne peut valablement affirmer que le différend porté devant la Cour aurait été transformé
de manière telle que la capacité de la Belgique à préparer sa défense
aurait été affectée, ou qu'il aurait été porté atteinte aux exigences d'une
bonne administration de la justice. La troisième exception de la Belgique
doit partant être rejetée.
37. La quatrième exception de la Belgique se lit comme suit:
(action visant ii recréer la protection diplomatique en faveur de
35. In response, the Congo denies that there has been a substantial
amendment of the terms of its Application, and nsists that it has presented no new claim, whether of substance or of iorm, that would have
transformed the subject-matter of the dispute. The Congo maintains that
it has done nothing through the various stages i 1 the proceedings but
"condense and refine" its claims, as do most States that appear before the
Court, and that it is simply making use of the riglit of parties to amend
their submissions until the end of the oral proceec ings.
36. The Court notes that, in accordance with scttled jurisprudence, it
"cannot, in principle, allow a dispute brought befctre it by application to
be transformed by amendments in the submissions into another dispute
which is different in character" (Société commerciale de Belgique, Judgment, 1939, P. C.I. J., Series AIB, No. 78, p. 173 ; 4:f. Militury and Paramilitary Actiiities in arzci uguinst Nicaragua (Nica,agua v. United States
of' Arnerica), Jurisdiction and Adnzissihility, J u d ~ m e n t ,1.C.J. Reports
1984, p. 427, para. 80; see also Certain Phospjzate Lands in Nauru
(Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, 1.C.J. Reports
1992, pp. 264-267, ini particular paras. 69 and 70:l. However, the Court
considers that in the present case the facts undeilying the Application
have not changed in a way that produced such a transformation in the
dispute brought before it. The question submitted to the Court for decision remains whether the issue and circulation of the arrest warrant by
the Belgian judicial authorities against a person wlho was at that time the
Minister for Foreign Affairs of the Congo were coiîtrary to international
law. The Congo's firial submissions arise "directly out of the question
which is the subject-matter of that Application" (Fisheries Jurisdiction
(Federal Republic qf' Gerrnuny v. Iceland), Me.-its, Judgment, 1.C.J.
Reports 1974, p. 203, para. 72; see also Temple of Preuh Vilzear, Merits,
Judgmen t, 1.C.J. Reports 1962, p. 36).
In these circumst;~nces,the Court considers that Belgium cannot
validly maintain thai; the dispute brought before the Court was transformed in a way that affected its ability to prepare its defence, or that
the requirements of the sound administration of justice were infringed.
Belgium's third objection must accordingly be rejccted.
37. The fourth Bel.gian objection reads as follo~vs:
"That, in the light of the new circumstances concerning Mr. Yerodia Ndombasi, the case has assumed the character of an action of
diplornatic protection but one in which the individual being pro-
17
MANDAT D'ARRÊT (ARRET)
M. Yerodia Ndombasi alors que ce dernier n'a pas épuisé toutes les
voies de recours internes; la Cour n'est, en conséquence, pas compétente etlou la requête [du Congo] n'est pas recevable. »
38. La Belgique reconnaît à cet égard que, lorsque l'instance a été
introduite, un intérêt juridique direct du Congo était effectivement en
cause et que cet Etat faisait alors valoir une demande en son nom propre
a raison de la prétendue violation, par la Belgique, de l'immunité de son
ministre des affaires étrangères. Toutefois, selon la Belgique, l'instance
aurait été radicalement transformée après le dépôt de la requête, à savoir
le 15 avril 2001, lorsque M. Yerodia a cessé de faire partie du Gouvernement congolais. La Belgique affirme que deux des demandes faites à la
Cour par le Congo dans ses conclusions finales concernent en pratique les
effets juridiques d'un mandat d'arrêt délivré à l'encontre d'une personne
privée ayant la nationalité congolaise, et que ces questions relèvent d'une
action en protection diplomatique. Elle ajoute que l'intéressé n'a pas
épuisé toutes les voies de recours ouvertes en droit belge, condition nécessaire pour que le Congo puisse prendre fait et cause, dans une procédure
internationale. Dour son ressortissant.
39. Le Congo, en revanche, nie qu'il s'agisse en l'espèce d'une action
en protection diplomatique. Il soutient que son action a été présentée au
nom de I'Etat congolais, à raison de la violation de I'immunité de son
ministre des affaires étrangères. Le Congo nie également que des voies de
recours aient été disponibles en droit belge. Il fait observer à cet égard
que ce n'est que lorsque le procureur du Roi est saisi du dossier et prend
des réquisitions devant la chambre du conseil que l'inculpé peut se défendre devant cette dernière et demander une ordonnance de non-lieu.
40. La Cour note que le Congo n'a jamais entendu se prévaloir devant
elle de droits individuels de M. Yerodia. Elle estime que, malgré les changements intervenus dans la situation professionnelle de celui-ci, le caractère du différend dont elle a été saisie par la requête demeure inchangé: ce
différend concerne toujours la licéité du mandat d'arrêt délivré le
11 avril 2000 à l'encontre d'une personne qui était alors ministre des
affaires étrangères du Congo, ainsi que la question de savoir si les droits
du Congo ont ou non été violés par ce mandat d'arrêt. Le Congo n'agissant pas dans le cadre de la protection d'un de ses ressortissants, la Belgique ne saurait exciper des règles concernant l'épuisement des voies de
recours internes.
En tout état de cause, la Cour rappelle que l'exception tirée du nonépuisement des voies de recours internes a trait à la recevabilité de la
requête (voir Interlzundel, excc.ptions pr6liminaires, arrêt, C.I. J. Recueil
1959, p. 2 6 ; Elettronicu Sicula S.p. A. ( E L S I ) , urrêt, C. I. J. Recueil 1989,
p. 42, par. 49). Or, selon une jurisprudence constante, la date pertinente
aux fins d'apprécier la recevabilité d'une requête est celle a laquelle cette
tected has failed to exhaust local remedies, and that the Court
accordingly lacks jurisdiction in the case andlor that the application
is inadmissible."
38. In this respect, Belgium accepts that, when the case was first instituted, the Congo had a direct legal interest in the niatter, and was asserting a claim in its own name in respect of the allegetl violation by Belgium
of the immunity of the Congo's Foreign Minister. 1-Iowever, according to
Belgium, the case was radically transformed aftei the Application was
filed, iiamely on 15 April 2001. when Mr. Yerodia ceased to be a member
of the Congolese Government. Belgium maintains that two of the requests
made of the Court in the Congo's final submissions in practice now conCern the legal effect of an arrest warrant issued aga nst a private citizen of
the Congo, and that 1 hese issues fa11 within the rea m of an action of diplomatic protection. It adds that the individual concerned has not
exhausted al1 available remedies under Belgian law a necessary condition
before the Congo can espouse the cause of one 01' its nationals in international proceedings
39. The Congo, on the other hand, denies that this is an action for
diplomatic protection. It maintains that it is brin:$& these proceedings
in the name of the Congolese State, on account of the violation of the
immunity of its Minister for Foreign Affairs. The Congo further denies
the availability of rennedies under Belgian law. It p i n t s out in this regard
that it is only when the Crown Prosecutor has betome seised of the case
file and makes submissions to the Chambre du conseil that the accused
can defend himself before the Chambre and seek i O have the charge dismissed.
40. The Court notes that the Congo has never sought to invoke before
it Mr. Yerodia's persona1 rights. It considers that, despite the change in
professional situation of Mr. Yerodia, the character of the dispute submitted to the Court by means of the Application has not changed: the
dispute still concerris the lawfulness of the arr:st warrant issued on
11 April 2000 against a person who was at the tine Minister for Foreign
Affairs of the Congo, and the question whether the rights of the Congo
have or have not been violated by that warrant. As the Congo is not acting in the context of protection of one of its nationals, Belgium cannot
rely upon the rules relating to the exhaustion of local remedies.
In any event, the Court recalls that an objectior, based on non-exhaustion of local remedies relates to the admissibility of the application (see
Interlzundel, Prelirninary Objections, Judgment, 1. C.J. Reports 1959,
p. 2 6 ; Elettrunica Siculu S.p.A. ( E L S I ) , Judgment, 1. C J. Reports 1989,
p. 42, para. 49). Under settled jurisprudence, the critical date for determining the admissibility of an application is the (late on which it is filed
18
M A N D A T D'ARRET (ARRET)
dernière a été déposée (voir Questions d'interprétution et d'application de
lu convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de
Lockerbie (Jamahiriya arabe libj~ennec. Roj~uun~cUni), exceptions préliminaires, arrêt, C I.J. Recueil 1998, p. 25-26, par. 43-44; et Questions
d'interprétatiot~et d'application de lu conver~tionde Montréal de 1971
résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Junzahiriju uruhe libyenne
c. Etuts- Unis d'iltnérique) ; exceptions prÉlirwinuire.r, arrêt, C.I. J.
Recueil 1998, p. 130-131, par. 42-43). La Belgique reconnaît que, au
moment du dépôt de la requête introductive d'instance par le Congo, ce
dernier avait un intérêt juridique directement en cause et faisait valoir
une demande en son nom propre. La quatrième exception de la Belgique
doit par suite être rejetée.
41. A titre subsidiaire, la Belgique fait encore valoir que, «au cas ou la
Cour [déciderait] qu'elle est compétente et que la requête était recevable, ...
la règle non ultra petita limite[rait] [sa] compétence ... aux questions qui
font l'objet des conclusions finales [du Congo])). La Belgique expose que,
si le Congo avait initialement avancé un double argument fondé, d'une
part, sur l'incompétence du juge belge et, d'autre part, sur l'immunité de
iuridiction dont bénéficiait son ministre des affaires étrangères. dans ses
conclusions finales, le Congo ne prétendait plus que la Belgique s'était
arrogé à tort une compétence universelle par défaut. Selon la Belgique, le
Congo se limite désormais à soutenir que le mandat d'arrêt du
11 avril 2000 était illicite parce qu'il violait l'immunité de juridiction de
son ministre des affaires étrangères; en conséquence, la cour ne saurait
de la compétence universelle dans toute décise prononcer sur la questio~~
sion qu'elle rendrait sur le fond de l'affaire.
u
42. Le Congo précise pour sa part que ce qui l'intéresse en l'espèce est
de faire constater par la Cour qu'il a été victime d'un fait internationalement illicite, la question de savoir s'il y a eu en l'occurrence ((exercice
d'une compétence universelle excessive)) ne revêtant à cet égard qu'une
importance secondaire. Le Congo expose que, si la Cour devait examiner
les problèmes soulevés en droit international par la question de la compétence universelle, elle le ferait, non pas à la demande du Congo, mais
en conséquence du système de défense adopté par la Belgique, qui semble
affirmer que l'exercice d'une telle compétence pourrait ((valablement
contrebalancer le respect des immunités)).
43. La Cour rappellera le principe bien établi selon lequel elle a «le
devoir de répondre aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment
dans leurs conclusions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur
des points non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées)) (Droit
(see Questions of' Interpretation and Applicution of' the 1971 Montreal
Converztion uri.singjkorn the Aeriul Incident ut Lockerbie (Libyun Arub
Jamahirij~uv. United Kingdom), Prelirninary Objections, Judgrnent, 1. C.J.
Reports 1998, pp. 25-26, paras. 43-44; and Questions of Interpretation
und Applicution of the 1971 Montreal Convention clrising.frorn the Aerial
Incident ut Lockerhie (Libyun Arab Jarnuhiriy~ v. United States qf
Anzerica), Prelimincrry Objections, Judgtrzetzt, L C.J. Reports 1998,
pp. 130-131, paras. 4.2-43). Belgium accepts that, on the date on which
the Congo filed the A.pplication instituting proceecings, the Congo had a
direct legal interest i n the matter, and was asserting a claim in its own
name. Belgium's fourth objection must accordingly be rejected.
41. As a subsidiary argument, Belgium further contends that "[iln the
event that the Court t-lecides that it does have jurisdiction in this case and
that the application iij admissible, . . . the non ultra petita rule operates to
limit the jurisdiction of the Court to those issues that are the subject of
the [Congol's final isubmissions". Belgium points out that, while the
Congo initially advanced a twofold argument, based, on the one hand,
on the Belgian judge's lack of jurisdiction, and, on the other, on the
immunity from jurisdiction enjoyed by its Ministcr for Foreign Affairs,
the Congo no longer claims in its final submissions that Belgium wrongly
conferred upon itself universal jurisdiction in ubse~ltia.According to Belgium, the Congo novi confines itself to arguing that the arrest warrant of
11 April 2000 was unlawful because it violated th<.immunity from jurisdiction of its Minister for Foreign Affairs, and that the Court consequently cannot rule on the issue of universal juristiiction in any decision
it renders on the merits of the case.
42. The Congo, for its part, states that its intt:rest in bringing these
proceedings is to obtilin a finding by the Court that it has been the victim
of an internationally wrongful act, the question whether this case involves
the "exercise of an excessive universal jurisdiction ' being in this connection only a secondary consideration. The Congo asserts that any consideration by the Court of the issues of international aw raised by universal
jurisdiction would be undertaken not at the request of the Congo but,
rather, by virtue of the defence strategy adopttd by Belgium, which
appears to maintain 1 hat the exercise of such jurisdiction can "represent a
valid counterweight ito the observance of immunities".
43. The Court would recall the well-established principle that "it is the
duty of the Court not only to reply to the questions as stated in the final
submissions of the parties, but also to abstain frc'm deciding points not
included in those submissions" (Asylunz, Judgment. 1. C.J. Reports 1950,
19
MANDAT D'ARRÊT
(ARRET)
d'asile, arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402). Si la Cour ne peut donc pas
trancher des questions qui ne lui ont pas été soumises, en revanche la
règle non ultra petita ne saurait l'empêcher d'aborder certains points de
droit dans sa motivation. Aussi la Cour ne saurait-elle en l'espèce se prononcer, dans le dispositif de son arrêt, sur la question de savoir si le mandat d'arrêt litigieux, émis par le juge d'instruction belge en vertu de la
compétence universelle dont il se réclame, est conforme sur ce point aux
règles et principes du droit international gouvernant les compétences des
juridictions nationales. Toutefois, il ne s'ensuit pas que la Cour ne puisse
aborder, si elle l'estime nécessaire ou souhaitable, tel ou tel aspect de
cette question dans les motifs de son arrêt.
44. La Cour conclut de ce qui précède qu'elle a compétence pour
connaître de la requête du Congo, que cette requête n'est pas dépourvue
d'objet et que, par suite, il y a lieu de statuer sur celle-ci, et que ladite
requête est recevable. La Cour se penchera donc maintenant sur le fond
de l'affaire.
45. Comme il a déjà été indiqué ci-dessus (voir paragraphes 41 a 43), le
Congo, dans sa requête introductive d'instance, a initialement contesté la
licéité du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 en s'appuyant sur deux moyens
distincts: d'une part, la prétention de la Belgique à exercer une compétence universelle et, d'autre part, la violation alléguée des immunités du
ministre congolais des affaires étrangères alors en fonction. Toutefois,
dans les conclusions figurant dans son mémoire, ainsi que dans les
conclusions finales présentées au terme de la procédure orale, le Congo
n'invoque que le second de ces moyens.
46. D'un point de vue logique, le second moyen ne devrait pouvoir
être invoqué qu'après un examen du premier, dans la mesure où ce n'est
que lorsqu'un Etat dispose, en droit international, d'une compétence a
l'égard d'une question particulière qu'un problème d'immunité peut se
poser au regard de l'exercice d'une telle compétence. Cependant, en
l'espèce, et compte tenu du dernier état des conclusions du Congo, la
Cour examinera d'emblée la question de savoir si, a supposer que la Belgique ait été compétente, au plan du droit international, pour émettre et
diffuser le mandat d'arrêt du 11 avril 2000, elle a violé ce faisant les
immunités du ministre des affaires étrangères du Congo alors en fonction.
47. Le Congo soutient que, pendant toute la durée de ses fonctions, le
ministre des affaires étrangères d'un Etat souverain bénéficie d'une invio-
p. 402). While the Court is thus not entitled to decide upon questions not
asked of it, the noui ultvu petitu rule nonetheless cannot preclude the
Court from addressing certain legal points in its reasoning. Thus in the
present case the Court may not rule, in the operative part of its Judgment, on the question whether the disputed arrest warrant, issued by the
Belgian investigating judge in exercise of his purported universal jurisdiction, complied in tl-iat regard with the rules anci principles of international law governinj; the jurisdiction of national courts. This does not
mean, however, that the Court may not deal with certain aspects of that
question in the reasoning of its Judgment, shoulc it deem this necessary
or desirable.
44. The Court coincludes from the foregoing that it has jurisdiction to
entertain the Congol's Application, that the Application is not without
object and that accordingly the case is not moot and that the Application is admissible. T'hus. the Court now turns to the merits of the case.
45. As indicated above (see paragraphs 41 to 4: above), in its Application instituting these proceedings, the Congo originally challenged the
legality of the arrest warrant of 11 April 2000 on two separate grounds:
on the one hand, Belgium's claim to exercise a universal jurisdiction and,
on the other, the alleged violation of the immunities of the Minister for
Foreign Affairs of the Congo then in office. However, in its submissions
in its Memorial, ancl in its final submissions at the close of the oral proceedings, the Congo invokes only the latter grouiid.
46. As a matter alf logic, the second ground should be addressed only
once there has been a determination in respect of the first, since it is only
where a State has jui-isdiction under international law in relation to a particular matter that there can be any question of immunities in regard to
the exercise of that jurisdiction. However, in the present case, and in view
of the final form of the Congo's submissions. the Court will address first
the question whether, assuming that it had jurijdiction under international law to issue and circulate the arrest warrant of 11 A ~ r i 2000.
i
Belgium in so doing violated the immunities of the then Minister for Foreign
Affairs of the Cong~o.
.a
47. The Congo maintains that, during his or hcr term of office, a Minister for Foreign Affairs of a sovereign State is entitled to inviolability
labilité et d'une immunité de juridiction pénale qui sont ((absolues ou
intégrales)), en ce sens qu'elles ne souffrent aucune exception. Le Congo
affirme en conséquence qu'aucune poursuite pénale ne peut être engagée
a l'encontre d'un ministre des affaires étrangères devant une juridiction
étrangère aussi longtemps qu'il exerce ses fonctions, et que toute constatation de sa responsabilité pénale par une juridiction interne étrangère,
ou tout acte d'instruction ou d'enquête visant à le traduire en justice, est
contraire au principe de l'immunité de juridiction. Selon le Congo, le fondement de cette immunité pénale est purement fonctionnel, celle-ci n'étant
accordée par le droit international coutumier que pour permettre au
représentant de I'Etat étranger qui en bénéficie de remplir librement et
sans entrave les fonctions dont il a la charge. Le Congo ajoute que
l'immunité ainsi reconnue aux ministres des affaires étrangères en exercice couvre tous leurs actes, y compris ceux qui auraient été commis avant
leur entrée en fonctions, et qu'il importe peu que les actes commis durant
l'exercice de leurs fonctions puissent être ou non qualifiés d'«actes de la
fonction D.
48. Le Congo précise par ailleurs qu'il ne conteste pas l'existence d'un
principe de droit international pénal, qui trouverait son origine dans la
jurisprudence des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de
Tokyo, selon lequel la qualité officielle de l'accusé au moment des faits ne
pourrait constituer une ((cause d'exonération de sa responsabilité pénale
ou un motif de réduction de sa peine)) devant quelque juridiction que ce
soit, interne ou internationale. Et le Congo de souligner que le fait qu'une
immunité fasse obstacle à l'exercice de poursuites devant un juge déterminé, ou durant une période déterminée, n'empêche pas que les mêmes
poursuites pourront être exercées, le cas échéant, devant un autre juge
non lié par l'immunité, ou à un moment où il n'y aura plus lieu de tenir
compte d'une telle immunité. Il conclut qu'immunité ne signifie pas
impunité.
49. La Belgique soutient quant à elle que, alors que les ministres des
affaires étrangères en exercice jouissent en général d'une immunité de
juridiction devant les tribunaux d'un Etat étranger, cette immunité ne
s'applique qu'aux actes accomplis dans le cadre de leurs fonctions officielles, et qu'une telle immunité ne saurait protéger ces personnes dans
leurs actions privées ou lorsqu'elles agissent autrement en dehors de
I'exercice de leurs fonctions officielles.
50. La Belgique fait par ailleurs valoir qu'en l'espèce M. Yerodia ne
bénéficiait d'aucune immunité à la date a laquelle il aurait commis les
actes qui lui sont reprochés, et que rien n'indique qu'il ait alors agi à titre
officiel. Elle fait remarquer que le mandat d'arrêt a été émis à l'encontre
de M. Yerodia à titre personnel.
51. La Cour observera tout d'abord qu'il est clairement établi en droit
international que, de même que les agents diplomatiques et consulaires,
and to immunity fr'om criminal process being "ibsolute or complete",
that is to say, they are subject to no exception. P~ccordingly,the congo
contends that no criininal prosecution may be brought against a Minister
for Foreign Affairs in a foreign court as long a i he or she remains in
office, and that any finding of criminal responsibility by a domestic court
in a foreign country, or any act of investigation iindertaken with a view
to bringing him or her to court, would contravene the principle of immunity from jurisdiction. According to the Congo, th? basis of such criminal
immunity is purely hnctional, and immunity is azcorded under customary international law simply in order to enable the foreign State representative enjoying siich immunity to perform his or her functions freely
and without let or tiindrance. The Congo adds that the immunity thus
accorded to Ministers for Foreign Affairs when i 1 office coverç al1 their
acts, including any ccsmmitted before they took of ice, and that it is irrelevant whether the act:s done whilst in office may be characterized or not as
"official acts".
48. The Congo states further that it does not ileny the existence of a
principle of international criminal law, deriving fr2m the decisions of the
Nuremberg and Tokyo international military tribunals, that the accused's
official capacity at the time of the acts cannot, before any court, whether
domestic or international, constitute a "ground 2f exemption from his
criminal responsibiliity or a ground for mitigation of sentence". The
Congo then stresses ithat the fact that an immunitb might bar prosecution
before a specific court or over a specific period coes not mean that the
same prosecution cannot be brought, if appropriate, before another court
which is not bound by that immunity, or at anothc r time when the immunity need no longer be taken into account. It concludes that immunity
does not mean impunity.
49. Belgium maintains for its part that, while Ministers for Foreign
Affairs in office generally enjoy an immunity from jurisdiction before the
courts of a foreign State, such immunity applies only to acts carried out
in the course of theii- officia1 functions, and cannot protect such persons
in respect of private acts or when they are acting otherwise than in the
performance of their officia1 functions.
50. Belgium further states that, in the circumstances of the present
case, Mr. Yerodia erijoyed no immunity at the t i r e when he is alleged to
have committed the acts of which he is accused, and that there is no evidence that he was then acting in any official capacity. It observes that the
arrest warrant was iijsued against Mr. Yerodia personally.
51. The Court would observe at the outset thaf in international law it
is firmly established that, as also diplomatic and consular agents, certain
certaines personnes occupant un rang élevé dans l'Etat, telles que le chef
de I'Etat, le chef du gouvernement ou le ministre des affaires étrangères,
jouissent dans les autres Etats d'immunités de juridiction, tant civiles que
pénales. Aux fins de la présente affaire, seules l'immunité de juridiction
pénale et l'inviolabilité d'un ministre des affaires étrangères en exercice
doivent être examinées par la Cour.
52. Un certain nombre de textes conventionnels ont été évoqués par
les Parties à cet égard. Il en a été tout d'abord ainsi de la convention de
Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961. Dans son préambule, celle-ci précise que le but des privilèges et immunités diplomatiques
est «d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des Etats)). Elle dispose en son article 32 que seul 1'Etat accréditant peut renoncer à cette immunité. Sur ces
points, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, à laquelle
tant le Congo que la Belgique sont parties, reflète le droit international
coutumier. Il en est de même des dispositions correspondantes de la
convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, à
laquelle le Congo et la Belgique sont également parties.
Le Congo et la Belgique se réfèrent en outre à la convention de
New York du 8 décembre 1969 sur les missions spéciales à laquelle ils ne
sont cependant pas parties. Ils rappellent que, selon le paragraphe 2 de
l'article 2 1 de cette convention:
« L e chef de gouvernement, le ministre des affaires étrangères et les
autres personnalités de rang élevé, quand ils prennent part à une
mission spéciale de 1'Etat d'envoi, jouissent dans 1'Etat de réception
ou dans un Etat tiers, en plus de ce qui est accordé par la présente
convention, des facilités, privilèges et immunités reconnus par le
droit international. ))
Des enseignements utiles peuvent être tirés de ces conventions sur tel
ou tel aspect de la question des immunités. Elles ne contiennent toutefois
aucune disposition fixant de manière précise les immunités dont jouissent
les ministres des affaires étrangères. C'est par conséquent sur la base du
droit international coutumier que la Cour devra trancher les questions
relatives aux immunités de ces ministres soulevées en l'espèce.
53. En droit international coutumier, les immunités reconnues a u ministre des affaires étrangères ne lui sont pas accordées pour son avantage
personnel, mais pour lui permettre de s'acquitter librement de ses fonctions pour le compte de 1'Etat qu'il représente. Afin de déterminer I'étendue de ces immunités, la Cour devra donc d'abord examiner la nature des
fonctions exercées par un ministre des affaires étrangères. Celui-ci assure
la direction de l'action diplomatique de son gouvernement et le représente généralement dans les négociations internationales et les réunions
intergouvernementales. Les ambassadeurs et autres agents diplomatiques
sont appelés a exercer leurs fonctions sous son autorité. Ses actes sont
susceptibles de lier 1'Etat qu'il représente, et un ministre des affaires
étrangères est considéré, au titre des fonctions qui sont les siennes,
holders of high-ranking office in a State, such as ttle Head of State, Head
of Government and Minister for Foreign Affairs, enjoy immunities from
jurisdiction in other States, both civil and crimin;il. For the purposes of
the present case, it is only the immunity from criminal jurisdiction and
the inviolability of an incumbent Minister for Foribign Affairs that faIl for
the Court to consider.
52. A certain numiber of treaty instruments wer: cited by the Parties in
this regard. These included, first, the Vienna Convention on Diplomatic
Relations of 18 April 1961, which states in its pre imble that the purpose
of diplomatic privileges and immunities is "to e lsure the efficient performance of the func;tions of diplomatic missions as representing States".
It provides in Article 32 that only the sending State may waive such
immunity. On these points, the Vienna Conventicn on Diplomatic Relations, to which both the Congo and Belgium are parties, reflects customary international lavi. The same applies to the corresponding provisions
of the Vienna Convention on Consular Relations of 24 April 1963. to
which the Congo and Belgium are also parties.
The Congo and I3elgium further cite the Ne- York Convention on
Special Missions of 8 December 1969, to which ~ h e yare not, however.
parties. They recall ihat under Article 21, paragrilph 2, of that Convention :
"The Head of the Government, the Minis~erfor Foreign Affairs
and otlier persoils of high rank, when they ta1.e part in a special mission of the sencling State, shall enjoy in the receiving State or in a
third State, in alddition to what is granted by the present Convention, the facilities, privileges and immunitier, accorded by international law."
These conventions, provide useful guidance on certain aspects of the
question of immuniities. They do not, however, contain any provision
specifically defining the immunities enjoyed by Ministers for Foreign
Affairs. It is consequently on the basis of custornary international law
that the Court must decide the questions relatin;: to the immunities of
such Ministers raisecl in the present case.
53. In customary international law, the immunities accorded to Ministers for Foreign Afjàirs are not granted for their oersonal benefit, but to
ensure the effective performance of their functions on behalf of their
respective States. In order to determine the exterit of these immunities,
the Court must therefore first consider the nature of the functions exercised by a Minister for Foreign Affairs. He or sh: is in charge of his or
her Government's diplomatic activities and generally acts as its representative in internatilonal negotiations and intergovernmental meetings.
Ambassadors and oither diplomatic agents carry out their duties under
his or her authority. His or her acts may bind the State represented, and
there is a presumptioln that a Minister for Foreign Affairs, simply by virtue of that office, has full powers t o act on behalf of the State (see, for
comme doté des pleins pouvoirs pour agir au nom de 1'Etat (voir par
exemple l'alinéa a ) du paragraphe 2 de l'article 7 de la convention de
Vienne de 1969 sur le droit des traités). Dans l'exercice de ses fonctions,
il est fréquemment appelé a se déplacer à l'étranger et doit dès lors être en
mesure de le faire librement dès que la nécessité s'en fait sentir. Il doit
également demeurer en liaison constante avec son gouvernement ainsi
qu'avec les missions diplomatiques que celui-ci entretient dans le monde
entier, et pouvoir a tout moment communiquer avec les représentants
d'autres Etats. La Cour fait en outre observer qu'un ministre des affaires
étrangères, responsable de la conduite des relations de son Etat avec tous
les autres Etats, occupe une position qui fait qu'à l'instar du chef de
1'Etat et du chef du gouvernement il se voit reconnaître par le droit international la qualité de représenter son Etat du seul fait de I'exercice de sa
fonction. Il n'a pas à présenter de lettres de créance: tout au contraire,
c'est généralement lui qui décide des pouvoirs à conférer aux agents
diplomatiques et qui contresigne leurs lettres de créance. Enfin, c'est
auprès du ministère des affaires étrangères que les chargés d'affaires sont
accrédités.
54. La Cour en conclut que les fonctions d'un ministre des affaires
étrangères sont telles que, pour toute la durée de sa charge, il bénéficie
d'une immunité de juridiction pénale et d'une inviolabilité totales a
I'étranger. Cette immunité et cette inviolabilité protègent l'intéressé contre
tout acte d'autorité de la part d'un autre Etat qui ferait obstacle a l'exercice de ses fonctions.
55. A cet égard, il n'est pas possible d'opérer de distinction entre les
actes accomplis par un ministre des affaires étrangéres à titre «officiel» et
ceux qui l'auraient été à titre «privé», pas plus qu'entre les actes accomplis par l'intéressé avant qu'il n'occupe les fonctions de ministre des affaires étrangéres et ceux accomplis durant I'exercice de ces fonctions. C'est
ainsi que, si un ministre des affaires étrangères est arrêté dans un autre
Etat a la suite d'une quelconque inculpation, il se trouvera à l'évidence
empêché de s'acquitter des tâches inhérentes à ses fonctions. Les obstacles ainsi apportés a l'exercice de telles fonctions officielles ont des conséquences aussi graves, que le ministre des affaires étrangères, au moment
de son arrestation, ait été présent à titre officiel ou privé sur le territoire
de 1'Etat ayant procédé a cette arrestation, que celle-ci concerne des actes
qu'il aurait accomplis avant d'occuper le poste de ministre des affaires
étrangères ou des actes accomplis dans le cadre de ses fonctions, ou
encore qu'elle concerne des actes qu'il aurait accomplis a titre «officiel»
ou des actes qu'il aurait accomplis a titre «privé». En outre, le simple fait
qu'en se rendant dans un autre Etat ou qu'en traversant celui-ci un ministre des affaires étrangères puisse être exposé a une procédure judiciaire
peut le dissuader de se déplacer à I'étranger lorsqu'il est dans l'obligation
de le faire pour s'acquitter de ses fonctions.
example, Article 7, paragraph 2 ( u ) , of the 1969 Vienna Convention on
the Law of Treaties). In the performance of thesr: functions, he or she is
frequently required to travel internationally, and thus must be in a position freely to do so whenever the need should arise. He or she must also
be in constant comrnunication with the Government, and with its diplomatic missions around the world, and be capable at any time of communicating with represi:ntatives of other States. The Court further observes
that a Minister for Foreign Affairs, responsible for the conduct of his or
her State's relations with al1 other States, occupii:~a position such that,
like the Head of State or the Head of Governmt:nt, he or she is recognized under international law as representative of the State solely by virtue of his or her office. He or she does not halle to present letters of
credence: to the contrary, it is generally the Minister who determines the
authority to be conferred upon diplomatic agents and countersigns their
letters of credence. Finally, it is to the Minister f3r Foreign Affairs that
chargés d'affaires are accredited.
54. The Court accordingly concludes that the 'unctions of a Minister
for Foreign Affairs (are such that, throughout the duration of his or her
office, he or she when abroad enjoys full immun ty from criminal jurisdiction and inviolability. That immunity and that lnviolability protect the
individual concernecl against any act of authority of another State which
would hinder him 01- her in the performance of his or her duties.
55. In this respect, no distinction can be drawn between acts performed by a Minister for Foreign Affairs in an "official" capacity, and
those claimed to have been performed in a "privat~:capacity", or, for that
matter, between acts performed before the person concerned assumed
office as Minister for Foreign Affairs and acts committed during the
period of office. Thus, if a Minister for Foreigr~Affairs is arrested in
another State on a ci-iminal charge, he or she is cli,arly thereby prevented
from exercising the functions of his or her office. The consequences of
such impediment to the exercise of those officia functions are equally
serious, regardless of whether the Minister for Foreign Affairs was, at the
time of arrest, preseilt in the territory of the arre:,ting State on an "official" visit or a "private" visit, regardless of whether the arrest relates to
acts allegedly perforined before the person becam: the Minister for Foreign Affairs or to acts perforrned while in office, and regardless of
whether the arrest relates to alleged acts performed in an "official" capacity or a "private" capacity. Furthermore, even the mere risk that, by
travelling to or transiting another State a Minister for Foreign Affairs
might be exposing himself or herself to legal proceedings could deter the
Minister from travelling internationally when required to do so for the
purposes of the performance of his or her official functions.
56. La Cour passera maintenant à l'examen de l'argumentation de la
Belgique selon laquelle les immunités reconnues aux ministres des affaires
étrangères en exercice ne peuvent en aucun cas protéger ceux-ci lorsqu'ils
sont soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes
contre l'humanité. Aux fins d'étayer cette position, la Belgique se réfère
dans son contre-mémoire a divers instruments juridiques créant des
juridictions pénales internationales, à des exemples tirés de législations
nationales, ainsi qu'à la jurisprudence de juridictions internes et internationales.
La Belgique précise tout d'abord que des dispositions des instruments
créant des juridictions pénales internationales prévoient expressément
que la qualité officielle d'une personne n'est pas un obstacle a l'exercice
de leur compétence par ces juridictions.
Elle insiste également sur certaines décisions rendues par des juridictions nationales et tout particulièrement sur les décisions rendues le
24 mars 1999 par la Chambre des lords du Royaume-Uni et le
13 mars 2001 par la Cour de cassation française, respectivement dans les
affaires Pinoclzet et Kudlzafi, dans lesquelles une exception à la règle de
I'immunité aurait été admise en cas de crimes graves de droit international. Ainsi, selon la Belgique, la décision Pinochet reconnaît une exception
à la règle de I'immunité lorsque lord Millet dit qu'«on ne peut supposer
que le droit international ait institué un crime relevant du jus cogens tout
en prévoyant une immunité ayant la même portée que l'obligation qu'il
cherche à imposer)), ou que lord Phillips of Worth Matravers expose
qu'<(aucune règle établie de droit international n'exige que I'immunité
d'un Etat ratione muteriae soit accordée dans le cadre de poursuites pour
crime international)). Quant a la Cour de cassation française, en décidant
que, «en l'état du droit international, le crime dénoncé [faits de terrorisme], quelle qu'en soit la gravité, ne relève pas des exceptions au principe de I'immunité de juridiction des chefs d'Etat étrangers en exercice)),
elle aurait reconnu explicitement, selon la Belgique, l'existence de telles
exceptions.
57. Le Congo soutient pour sa part que, en l'état actuel du droit international, rien ne permet de soutenir qu'il existerait une quelconque
exception au principe de I'immunité pénale absolue du ministre des
affaires étrangères en exercice dans le cas où il serait accusé d'avoir
commis des crimes de droit international.
A l'appui de cette affirmation, le Congo se réfère à la pratique des
Etats, examinant notamment A ce titre les affaires Pinoclzet et Kudhufi,
pour constater que cette pratique ne correspond pas à ce que la Belgique
prétend, mais consacre au contraire le caractère absolu de I'immunité
pénale des chefs d'Etat et des ministres des affaires étrangères. Ainsi,
s'agissant de la décision Pir~oclzet,le Congo cite lord Browne-Wilkinson,
selon lequel l'«immunité dont jouit un chef d'Etat en fonction ou un
ambassadeur en exercice est une immunité totale liée a la personne du
chef d'Etat ou de l'ambassadeur et qui exclut toute action ou poursuite
judiciaire à son encontre...)).Selon le Congo, la Cour de cassation fran-
56. The Court will now address Belgium's argument that immunities
accorded to incumbent Ministers for Foreign Affi~irscan in no case protect them where the:y are suspected of having coinmitted war crimes or
crimes against humanity. In support of this position, Belgium refers in its
Counter-Memorial 1:o various legal instruments creating international
criminal tribunals, to examples from national legislation, and to the jurisprudence of national and international courts.
Belgium begins by pointing out that certain piovisions of the instruments creating international criminal tribunals state expressly that the
officia1 capacity of a person shall not be a bar to the exercise by such
tribunals of their jurisdiction.
Belgium also places emphasis on certain decisions of national courts,
and in particular on the judgments rendered on 24 March 1999 by the
House of Lords in the United Kingdom and on 13 March 2001 by the
Court of Cassation in France in the Pinochet ancl Qudduji cases respectively, in which it cclntends that an exception to the immunity rule was
accepted in the case of serious crimes under inernational law. Thus,
according to Belgiurn, the Pinochet decision recognizes an exception to
the immunity rule when Lord Millett stated that "(ilnternational law cannot be supposed to have established a crime having the character of a jus
cogens and at the saime time to have provided an immunity which is coextensive with the obligation it seeks to impose", or when Lord Phillips
of Worth Matravers said that "no established rule of international law
requires state immuinity vatione muteriue to be t~ccordedin respect of
prosecution for an international crime". As to the French Court of Cassation, Belgium contends that, in holding that, "under international law
as it currently stands, the crime alleged [acts of terrorism], irrespective of
its gravity, does not come within the exceptions to the principle of immunity from jurisdiction for incumbent foreign Heacls of State", the Court
explicitly recognized the existence of such exceptions.
57. The Congo, for its part, States that, under international law as it
currently stands, there is no basis for asserting tha there is any exception
to the principle of absolute immunity from crimin;tl process of an incumbent Minister for Foreign Affairs where he or she is accused of having
committed crimes under international law.
In support of this contention, the Congo refers to State practice, giving
particular consideration in this regard to the Pinochet and Qudduji cases,
and concluding that such practice does not correspond to that which Belgium claims but, on the contrary, confirms the ;~bsolutenature of the
immunity from criminal process of Heads of State and Ministers for Foreign Affairs. Thus, in the Pinoclzet case, the Congo cites Lord BrowneWilkinson's statemenit that "[tlhis immunity enjoycd by a head of state in
power and an ambasisador in post is a complete immunity attached to the
person of the head of state or ambassador and rendering him immune
from al1 actions or prosecutions . . .". Accordil~gto the Congo, the
24
MANDAT D'ARRÊT
(ARRÊT)
çaise aurait adopté la même position dans son arrêt Kadhafi en affirmant
que «la coutume internationale s'oppose à ce que les chefs d'Etat en exercice puissent, en l'absence de dispositions internationales contraires
s'imposant aux parties concernées, faire l'objet de poursuites devant les
juridictions pénales d'un Etat étranger)).
Quant aux instruments créant des juridictions pénales internationales
et à la jurisprudence de ces dernières, ils ne concernent, selon le Congo.
que ces seules juridictions internationales et rien ne saurait en être tiré en
ce qui concerne les actions pénales devant des juridictions nationales ii
l'encontre des personnes jouissant d'une immunité en vertu du droit
international.
58. La Cour a examiné avec soin la pratique des Etats, y compris les
législations nationales et les quelques décisions rendues par de hautes
juridictions nationales, telle la Chambre des lords ou la Cour de cassation
française. Elle n'est pas parvenue à déduire de cette pratique l'existence,
en droit international coutumier, d'une exception quelconque à la règle
consacrant l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité des ministres
des affaires étrangères en exercice, lorsqu'ils sont soupçonnés d'avoir
commis des crimes de guerre ou des crimes contre I'humanité.
La Cour a par ailleurs examiné les règles afférentes à l'immunité ou à
la responsabilité pénale des personnes possédant une qualité officielle
contenues dans les instruments juridiques créant des juridictions pénales
internationales et applicables spécifiquement à celles-ci (voir statut du
Tribunal militaire international de Nuremberg, art. 7; statut du Tribunal
militaire international de Tokyo, art. 6; statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, art. 7, par. 2; statut du Tribunal pénal
international pour le Rwanda, art. 6, par. 2; statut de la Cour pénale
internationale, art. 27). Elle a constaté que ces règles ne lui permettaient
pas davantage de conclure à l'existence, en droit international coutumier,
d'une telle exception en ce qui concerne les juridictions nationales.
Enfin, aucune des décisions des tribunaux militaires internationaux de
Nuremberg et de Tokyo, ainsi que du Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie, que cite la Belgique ne traite de la question des immunités des ministres des affaires étrangères en exercice devant les juridictions nationales lorsqu'ils sont accusés d'avoir commis des crimes de
guerre ou des crimes contre I'humanité. La Cour note, par conséquent,
que ces décisions ne contredisent en rien les constatations auxquelles elle
a procédé ci-dessus.
Au vu de ce qui précède, la Cour ne saurait donc accueillir I'argumentation présentée par la Belgique à cet égard.
59. Il convient en outre de relever que les règles gouvernant la compétence des tribunaux nationaux et celles régissant les immunités juridictionnelles doivent être soigneusement distinguées: la compétence n'implique pas l'absence d'immunité et l'absence d'immunité n'implique pas
French Court of Cassation adopted the same position in its Qudduj judgment, in affirming that "international custom birs the prosecution of
incumbent Heads of State, in the absence of any contrary international
provision binding on the parties concerned, beforc: the criminal courts of
a foreign State".
As regards the instruments creating internaticmal criminal tribunals
and the latter's jurisprudence, these, in the Congo's view, concern only
those tribunals, and no inference can be drawn from them in regard to
criminal proceedingij before national courts against persons enjoying
immunity under international law.
58. The Court has carefully examined State practice, including national
legislation and those few decisions of national higher courts, such as the
House of Lords or the French Court of Cassation. It has been unable to
deduce from this practice that there exists under c lstomary international
law any form of exception to the rule according irilmunity from criminal
jurisdiction and inviolability to incumbent Ministc rs for Foreign Affairs,
where they are susgected of having committed war crimes or crimes
against humanity.
The Court has also examined the rules conceining the immunity or
criminal responsibility of persons having an officia1 capacity contained in
the legal instruments creating international criminiil tribunals, and which
are specifically applicable to the latter (see Chartlx of the International
Military Tribunal of Nuremberg, Art. 7; Charter of the International
Military Tribunal of Tokyo, Art. 6; Statute of the International Criminal
Tribunal for the former Yugoslavia, Art. 7, para. Z; Statute of the International Criminal Tribunal for Rwanda, Art. 6, para. 2; Statute of the
International Criminal Court, Art. 27). It finds tliat these rules likewise
do not enable it to conclude that any such an exception exists in customary international law in regard to national courts.
Finally, none of the decisions of the Nuremberg and Tokyo international military tribunals, or of the lnternational Criminal Tribunal for
the former Yugoslavia, cited by Belgium deal with the question of the
immunities of incumbent Ministers for Foreign Affairs before national
courts where they are accused of having committed war crimes or crimes
against humanity. The Court accordingly notes tliat those decisions are
in no way at variance with the findings it has reac hed above.
In view of the foregoing, the Court accordingly cannot accept Belgium's argument in this regard.
59. It should further be noted that the rules go erning the jurisdiction
of national courts must be carefully distinguished from those governing
jurisdictional immunities: jurisdiction does not irriply absence of immunity, while absence of immunity does not imply jurisdiction. Thus,
la compétence. C'est ainsi que, si diverses conventions internationales tendant à la prévention et à la répression de certains crimes graves ont mis à
la charge des Etats des obligations de poursuite ou d'extradition, et leur
ont fait par suite obligation d'étendre leur compétence juridictionnelle,
cette extension de compétence ne porte en rien atteinte aux immunités
résultant du droit international coutumier, et notamment aux immunités
des ministres des affaires étrangères. Celles-ci demeurent opposables
devant les tribunaux d'un Etat étranger, même lorsque ces tribunaux
exercent une telle compétence sur la base de ces conventions.
60. La Cour souligne toutefois que l'immunité de juridiction dont
bénéficie un ministre des affaires étrangères en exercice ne signifie pas
qu'il bénéficie d'une impuniti. au titre de crimes qu'il aurait pu commettre, quelle que soit leur gravité. Immunité de juridiction pénale et responsabilité pénale individuelle sont des concepts nettement distincts. Alors
que I'immunité de juridiction revêt un caractère procédural, la responsabilité pénale touche au fond du droit. L'immunité de juridiction peut
certes faire obstacle aux poursuites pendant un certain temps ou a l'égard
de certaines infractions; elle ne saurait exonérer la personne qui en bénéficie
de toute responsabilité pénale.
61. Les immunités dont bénéficie en droit international un ministre ou
un ancien ministre des affaires étrangères ne font en effet pas obstacle à
ce que leur responsabilité pénale soit recherchée dans certaines circonstances.
Ils ne bénéficient, en premier lieu, en vertu du droit international
d'aucune immunité de juridiction pénale dans leur propre pays et peuvent
par suite être traduits devant les juridictions de ce pays conformément
aux règles fixées en droit interne.
En deuxième lieu, ils ne bénéficient plus de I'immunité de juridiction a
l'étranger si 1'Etat qu'ils représentent ou ont représenté décide de lever
cette immunité.
En troisième lieu, des lors qu'une personne a cessé d'occuper la fonction de ministre des affaires étrangères, elle ne bénéficie plus de la totalité
des immunités de juridiction que lui accordait le droit international dans
les autres Etats. A condition d'être compétent selon le droit international,
un tribunal d'un Etat peut juger un ancien ministre des affaires étrangères d'un autre Etat au titre d'actes accomplis avant ou après la période
pendant laquelle il a occupé ces fonctions, ainsi qu'au titre d'actes qui,
bien qu'accomplis durant cette période, l'ont été a titre privé.
En quatrième lieu, un ministre des affaires étrangères ou un ancien ministre des affaires étrangères peut faire l'objet de poursuites pénales
devant certaines juridictions pénales internationales dès lors que celles-ci
sont compétentes. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, établis par des résolutions du Conseil de sécurité adoptées en application du chapitre VI1 de
la Charte des Nations Unies, ainsi que la future Cour pénale internationale instituée par la convention de Rome de 1998, en sont des exemples.
Le statut de cette dernière prévoit expressément, au paragraphe 2 dg son
although various international conventions or the prevention and
punishment of certain serious crimes impose or States obligations of
prosecution or extraclition, thereby requiring them to extend their criminal
jurisdiction, such extension of jurisdiction in no way affects immunities
under customary international law, including those of Ministers for
Foreign Affairs. These remain opposable before he courts of a foreign
State, even where those courts exercise such a jurisdiction under
these conventions.
60. The Court emphasizes, however, that the i~nmunityfrom jurisdiction enjoyed by incumbent Ministers for Foreign Affairs does not mean
that they enjoy impunity in respect of any crimes they might have committed, irrespective of their gravity. Immunity from criminal jurisdiction
and individual crimiinal responsibility are quite separate concepts. While
jurisdictional immuriity is procedural in nature, criminal responsibility
is a question of substantive law. Jurisdictional i~nmunitymay well bar
prosecution for a certain period or for certain offences; it cannot exonerate the person to whom it applies from al1 criminal responsibility.
61. Accordingly, the immunities enjoyed under Bnternational law by an
incumbent or former Minister for Foreign Affairs do not represent a bar
to criminal prosecution in certain circumstances.
First, such persoris enjoy no criminal immunity under international
law in their own countries, and may thus be tried by those countries'
courts in accordance with the relevant rules of dcmestic law.
Secondly, they will cease to enjoy immunity frorn foreign jurisdiction if
the State which they represent or have represente~ldecides to waive that
immunity.
Thirdly, after a person ceases to hold the office of Minister for Foreign
Affairs, he or she will no longer enjoy al1 of the iinmunities accorded by
international law in other States. Provided that it has jurisdiction under
international law, a court of one State may try a former Minister for
Foreign Affairs of another State in respect of acts committed prior or
subsequent to his oir her period of office, as we 1 as in respect of acts
committed during that period of office in a private capacity.
Fourthly, an incurnbent or former Minister for Foreign Affairs may be
subject to criminal proceedings before certain international criminal
courts, where they have jurisdiction. Examples inAude the International
Criminal Tribunal for the former Yugoslavia, and the International
Criminal Tribunal for Rwanda, established pursuant to Security Council
resolutions under Clnapter VI1 of the United Nations Charter, and the
future International Criminal Court created by tl-e 1998 Rome Convention. The latter's Statute expressly provides, in Article 27, paragraph 2,
that "[i]mmunities or special procedural rules wliich may attach to the
26
M A N D A T D'ARRET (ARRÊT)
article 27, que «les immunités ou règles de procédure spéciales qui
peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du
droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer
sa compétence à l'égard de cette personnep.
62. Compte tenu des conclusions auxquelles la Cour est parvenue cidessus quant à la nature et à la portée des règles afférentes à l'immunité
de juridiction pénale des ministres des affaires étrangères en exercice, il
lui faut à présent examiner si, dans le cas d'espèce, l'émission du mandat
d'arrêt du 11 avril 2000 et la diffusion de celui-ci sur le plan international
ont contrevenu à ces règles. La Cour rappelle en effet qu'aux termes de sa
première conclusion finale le Congo la prie de dire et juger:
«Que, en émettant et en diffusant internationalement le mandat
d'arrêt du 11 avril 2000 délivré à charge de M . Abdulaye Yerodia
Ndombasi, la Belgique a violé, à l'encontre de la République démocratique du Congo, la règle de droit international coutumier relative
à l'inviolabilité et l'immunité pénale absolues des ministres des affaires étrangères en fonction; que, ce faisant, elle a porté atteinte au
principe de l'égalité souveraine entre les Etats. »
63. A l'appui de cette conclusion, le Congo affirme que le mandat
d'arrêt du 11 avril 2000 constitue comme tel un «acte iuridiaue coercitifii
portant atteinte à l'immunité et aux droits souverains du Congo, dans la
mesure où il vise à ((soumettre à un pouvoir juridictionnel répressif
interne un gouvernant étranger qui lui échappe en principe)) et est exécutoire de plein droit et sans formalité particulière en Belgique.
Le Congo considère que la simple émission de ce mandat constituait
ainsi un acte de contrainte dirigé contre la personne de M. Yerodia,
même en l'absence d'exécution.
64. Quant à la diffusion internationale dudit mandat d'arrêt, elle a non
seulement, selon le Congo, emporté de nouvelles violations des règles susmentionnées, mais a en outre aggravé le préjudice moral qu'il a subi, en
raison de l'opprobre «ainsi jeté sur l'un des membres les plus éminents de
son gouvernement)). Le Congo fait valoir de surcroît qu'une telle diffusion a fondamentalement porté atteinte à ses droits souverains en ce
qu'elle a considérablement limité le libre et plein exercice, par son ministre des affaires étrangères, des fonctions de négociation internationale
et de représentation dont il s'était vu confier la charge par l'ancien président
du Congo. Selon lui, la Belgique «exprime[rait] [ainsi] l'intention de voir
la personne concernée arrêtée là où elle se trouve, en vue d'obtenir son
extradition)). Le Congo souligne par ailleurs qu'il convient d'éviter toute
confusion entre les arguments relatifs à l'effet juridique du mandat d'arrêt
à l'étranger et la question de la responsabilité des Etats tiers lui donnant
effet. Il expose à ce sujet qu'aucun Etat n'a donné suite au mandat d'arrêt
et qu'il ne convient dès lors pas de ((s'interroger plus avant sur la respon-
official capacity of a person, whether under national or international law,
shall not bar the Court from exercising its ju-isdiction over such a
person".
62. Given the conclusions it has reached above concerning the nature
and scope of the rules governing the immunity frcm criminal jurisdiction
enjoyed by incumberit Ministers for Foreign Affairs, the Court must now
consider whether in the present case the issue 01' the arrest warrant of
11 April 2000 and ils international circulation violated those rules. The
Court recalls in this regard that the Congo requests it, in its first final
submission, to adjuclge and declare that:
"[Bly issuing and internationally circulating the arrest warrant of
11 April 2000 against Mr. Abdulaye Yerodia Ndombasi, Belgium
committed a violation in regard to the Democratic Republic of the
Congo of the rule of customary internatior~allaw concerning the
absolute inviolability and immunity from crirlinal process of incumbent foreign ministers; in so doing, it viclated the principle of
sovereign equaliity among States."
63. In support of this submission, the Congo maintains that the arrest
warrant of I I April 2000 as such represents a "ccercive legal act" which
violates the Congo's immunity and sovereign righis, inasmuch as it seeks
to "subject to an organ of domestic criminal juri:diction a member of a
foreign government who is in principle beyond its reach" and is fully
enforceable without special formality in Belgium.
The Congo consiclers that the mere issuance of the warrant thus constituted a coercive measure taken against the persan of Mr. Yerodia, even
if it was not executed.
64. As regards the international circulation of ihe said arrest warrant,
this, in the Congo's view, not only involved further violations of the rules
referred to above, but also aggravated the moral injury which it suffered
as a result of the opprobrium "thus cast upon one of the most prominent
members of its Government". The Congo further argues that such circulation was a fundaniental infringement of its sokereign rights in that it
significantly restricted the full and free exercise, t y its Minister for Foreign Affairs, of the international negotiation and representation functions entrusted to him by the Congo's former Prcsident. In the Congo's
view, Belgium "[thus] manifests an intention to h.tve the individual concerned arrested at the place where he is to be fouiid, with a view to procuring his extraditilon". The Congo emphasizej moreover that it is
necessary to avoid any confusion between the arguments concerning the
legal effect of the ari-est warrant abroad and the ciuestion of any responsibility of the foreign authorities giving effect to it. It points out in this
regard that no State has acted on the arrest warrart, and that accordingly
sabilité spécifique qui pourrait en résulter dans le chef de 1'Etat qui I'exécute, ni sur la manière dont celle-ci devrait s'articuler)) avec celle de I'Etat
belge. Le Congo observe que, dans une telle hypothèse, «il y [aurait] une
relation causale immédiate entre le mandat d'arrêt délivré en Belgique et
l'acte d'exécution qui serait [opéré] ailleurs)).
65. La Belgique rejette l'argumentation du Congo au motif que «la
nature du mandat d'arrêt du 1 1 avril 2000 [serait] telle [que celui-ci] n'a ni
violé la souveraineté [du Congo] ni créé aucune obligation pour [ce dernier] ».
S'agissant des effets juridiques du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 en
droit belge, la Belgique expose que l'objet manifeste du mandat était
d'obtenir que, dans le cas ou M. Yerodia serait trouvé en Belgique, I'intéressé soit détenu par les autorités belges compétentes, aux fins de le poursuivre Dour crimes de euerre et crimes contre l'humanité. Selon elle. le
juge d'instruction belge aurait toutefois clairement distingué dans le mandat entre, d'une part, immunité de juridiction et, d'autre part, immunité
d'exécution pour les représentants d'Etats étrangers visitant la Belgique à
la suite d'une invitation officielle, en précisant que ces personnes seraient
à l'abri de l'exécution d'un mandat d'arrêt en Belgique. La Belgique prétend également que, par ses effets, le mandat d'arrêt en cause revêt un
caractère national puisqu'il exige I'arrestation de M. Yerodia, si celui-ci
devait se trouver en Belgique, mais qu'il n'a pas un tel effet à l'étranger.
L-
66. Pour ce qui a trait aux effets juridiques du mandat d'arrêt hors de
la Belgique, celle-ci soutient que le mandat n'impose aux autorités d'aucun
autre Etat une quelconque obligation d'arrêter M. Yerodia en l'absence
d'une démarche supplémentaire de la Belgique consistant à compléter ou
valider le mandat d'arrêt (sous la forme par exemple d'une demande de
mise en détention provisoire de M. Yerodia), ou de l'émission d'un mandat d'arrêt par les autorités compétentes de 1'Etat concerné à la suite
d'une demande en ce sens, ou encore de la diffusion d'une notice rouge
d'Interpol. Dès lors, en dehors de la Belgique, l'objet du mandat aurait
certes été ((d'établir une base juridique pour I'arrestation de M. Yerodia ...
ainsi que [pour] son extradition ultérieure vers la Belgique)), mais le mandat n'aurait eu d'effet juridique que s'il avait été assorti d'un acte préalable ((exigeant I'arrestation de M. Yerodia ... par les autorités compétentes dans un Etat tiers)). La Belgique fait valoir par ailleurs que, «si un
Etat avait exécuté le mandat d'arrêt, il aurait, peut-être, porté atteinte à
l'immunité pénale de M. Yerodia)), mais que (tl'auteur direct de l'atteinte
aurait été cet Etat [et] non la Belgique)).
67. La Cour rappellera tout d'abord que le «mandat d'arrêt international par défaut)), délivré le 1 1 avril 2000 par un juge d'instruction près le
tribunal de première instance de Bruxelles, vise M. Yerodia en précisant
ARREST WARRANT (JUDGMENT)
27
"no further consideration need be given to the specific responsibility
which a State executing it might incur, or to tlie way in which that
responsibility should be related" to that of the Belgian State. The Congo
observes that, in such circumstances, "there [woiild bel a direct causal
relationship between the arrest warrant issued in Relgium and any act of
enforcement carried out elsewhere".
65. Belgium rejects the Congo's argument on the ground that "the
character of the arrest warrant of 1 1 April 2000 is :;uch that it has neither
infringed the sovereignty of, nor created any obligation for, the [Congo]".
With regard to the legal effects under Belgian l a ~ vof the arrest warrant
of 1 1 April 2000, Belgium contends that the clear purpose of the warrant
was to procure that, if found in Belgium, Mr. Yerctdia would be detained
by the relevant Belgian authorities with a view to bis prosecution for war
crimes and crimes against humanity. According to Belgium, the Belgian
investigating judge did, however, draw an explicit distinction in the warrant between, on the one hand, inlmunity from j~irisdictionand, on the
other hand, immuniity from enforcement as regards representatives of
foreign States who visit Belgium on the basis of an official invitation,
making it clear that such persons would be immune from enforcement of
an arrest warrant in Belgium. Belgium further coniends that, in its effect,
the disputed arrest warrant is national in charactcr, since it requires the
arrest of Mr. Yerodia if he is found in Belgium b~t it does not have this
effect outside Belgiurn.
66. In respect of thie legal effects of the arrest warrant outside Belgium,
Belgium maintains that the warrant does not creite any obligation for
the authorities of any other State to arrest Mr. Ye*.odia in the absence of
some further step by Belgium completing or validating the arrest warrant
(such as a request for the provisional detention O ' Mr. Yerodia), or the
issuing of an arrest warrant by the appropriate authorities in the State
concerned following a request to d o so, or the issuing of an Interpol Red
Notice. Accordingly, outside Belgium, while the Furpose of the warrant
was admittedly "to establish a legal basis for the arvest of Mr. Yerodia . . .
and his subsequent extradition to Belgium", the warrant had no legal
effect unless it was validated or completed by sonie prior act "requiring
the arrest of Mr. Yerodia by the relevant authorities in a third State".
Belgium further argues that "[ilf a State had executed the arrest warrant,
it might infringe Mr. [Yerodia's] criminal immunit q", but that "the Party
directly responsible for that infringement would have been that State and
not Belgium".
67. The Court will first recall that the "international arrest warrant
in cth.serztin", issued on 1 1 April 2000 by an investigating judge of the
Brussels Tribunal de première instance, is directec against Mr. Yerodia,
que celui-ci est ((actuellement ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, ayant sa résidence professionnelle au
ministère des affaires étrangères à Kinshasa)). Le mandat indique que
M. Yerodia est inculpé, «comme auteur ou coauteur)), de:
((-
-
Crimes de droit international constituant des infractions graves
portant atteinte par action ou omission aux personnes et aux
biens protégés par les conventions signées à Genève le
12 août 1949 et par les protocoles 1 et I I additionnels à ces
conventions (article 1, paragraphe 3, de la loi du 16 juin 1993
modifiée par la loi du 10 février 1999 relative à la répression des
violations graves de droit international humanitaire)
Crimes contre l'humanité (article 1, paragraphe 2, de la loi du
16 juin 1993 modifiée par la loi du 10 février 1999 relative à la
répression des violations graves de droit international humanitaire). »
Le mandat fait état de ((différents discours incitant à la haine raciale)) et
de ((propos particulièrement virulents)) que M. Yerodia aurait tenus lors
d'«interventions publiques relayées par les médias)) en date des 4 août et
27 août 1998. Il y est ajouté ce qui suit:
Ces discours auraient eu pour effet d'inciter la population à s'en
prendre aux résidents tutsi de Kinshasa: il fut question d'opérations
de ratissage, de chasse à l'homme (l'ennemi tutsi), de scènes de lynchage.
Les discours incitant à la haine raciale auraient ainsi eu pour
résultat la mort de plusieurs centaines de personnes et l'internement
de Tutsi, des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires et
des procès injustes. ))
68. Il est dit en outre dans le mandat que «la qualité de ministre des
affaires étrangères que possède à l'heure actuelle l'inculpé n'entraîne pas
d'immunité de juridiction et d'exécution>). Le juge d'instruction observe
toutefois dans le mandat que ((la régle de l'absence d'immunité en droit
humanitaire ... paraît devoir connaître un tempérament sur le plan de
l'immunité d'exécution)) et explique ce qui suit:
((En vertu du principe général de loyauté de l'action de la justice,
une immunité d'exécution doit être, à notre sens, reconnue à tout
représentant d'un Etat qui est accueilli sur le territoire belge en tant
que tel (en ((visite officielle))). L'accueil d'une telle personnalité
étrangère en tant que représentant officiel d'un Etat souverain met
en jeu non seulement des relations entre individus mais également
des relations entre Etats. Dans cet ordre d'idées, il inclut I'engagement de 1'Etat accueillant et de ses différentes composantes de ne
prendre aucune mesure coercitive à l'égard de son hôte et cette invitation ne pourrait devenir le prétexte pour faire tomber l'intéressé
dans ce qui devrait alors être qualifié de guet-apens. Dans I'hypo-
ARREST WARRANT (JUDGMENT)
28
stating that he is "currently Minister for Foreign Affairs of the Democratic Republic of the Congo, having his business ziddress at the Ministry
of Foreign Affairs in Kinshasa". The warrant statrs that Mr. Yerodia is
charged with being "the perpetrator or CO-perpetritor"of:
"-
-
Crimes under international law constiiuting grave breaches
causing harm by act or omission to perssns and property protected by the Conventions signed at Geni:va on 12 August 1949
and by Additional Protocols 1 and II to those Conventions
(Article 1, paragraph 3, of the Law of 16 .lune 1993, as amended
by the Law of 10 February 1999 concerning the punishment of
serious violations of international humaiiitarian law)
Crimes against humanity (Article 1, paragraph 2, of the Law of
16 June 1993, as amended by the Law of 10 February 1999 concerning the punishment of serious violations of international
humanitarian law)."
The warrant refers to "various speeches inciting racial hatred" and to
"particularly virulent remarks" allegedly made b : ~Mr. Yerodia during
"public addresses reported by the media" on 4 August and 27 August
1998. It adds:
"These speeches allegedly had the effect of inciting the population
to attack Tutsi residents of Kinshasa: there were dragnet searches,
manhunts (the Tutsi enemy) and lynchings.
The speeches inciting racial hatred thus arc: said to have resulted
in several hundred deaths, the internment of 7 utsis, summary executions, arbitrary arrests and unfair trials."
68. The warrant fiirther states that "the position of Minister for Foreign Affairs currently held by the accused does not entai1 immunity from
jurisdiction and enfc)rcement". The investigating judge does, however,
observe in the warrant that "the rule concerning the absence of immunity
under humanitarian law would appear . . . to reqiiire some qualification
in respect of immuni ty from enforcement" and ex Aains as follows :
"Pursuant to the general principle of fairnt ss in judicial proceedings, immunity from enforcement must, in Our view, be accorded to
al1 State representatives welcomed as such onco the territory of Belgium (on 'officia1 visits'). Welcoming such foreign dignitaries as
official representatives of sovereign States i~ivolvesnot only relations between individuals but also relations between States. This
implies that suchi welcome includes an undertaking by the host State
and its various components to refrain froni taking any coercive
measures against its guest and the invitation cannot become a pretext for ensnaring the individual concerned in what would then have
to be labelled a trap. In the contrary case, failure to respect this
thèse contraire, le non-respect de cet engagement pourrait entraîner
la responsabilité de 1'Etat hôte sur le plan international. »
69. Le mandat d'arrêt s'achève sur l'injonction suivante:
((Mandons et ordonnons à tous huissiers de justice et agents de la
force publique à ce requis de mettre le présent mandat d'arrêt à exécution et de conduire l'inculpé à la maison d'arrêt de Forest;
Enjoignons au directeur de la prison de recevoir I'inculpé(e) et de
le (la) garder dans la maison d'arrêt en vertu du présent mandat
d'arrêt;
Requérons tous dépositaires de la force publique, auxquels le présent mandat sera exhibé, de prêter main-forte à son exécution. »
70. La Cour note que l'&mission du mandat d'arrêt litigieux, comme
telle, constitue un acte de l'autorité judiciaire belge ayant vocation à permettre l'arrestation, sur le territoire belge, d'un ministre des affaires étrangères en exercice inculpé de crimes de guerre et de crimes contre I'humanité. Le caractére exécutoire du mandat ressort clairement de l'injonction
adressée <(à tous huissiers de justice et agents de la force publique ... de
mettre le présent mandat d'arrêt à exécution)) (voir paragraphe 69 cidessus), ainsi que de l'affirmation, faite dans le mandat, que ((la qualité de
ministre des affaires étrangères que possède à l'heure actuelle l'inculpé
n'entraîne pas d'immunité de juridiction et d'exécution)). La Cour observe
certes que le cas de visite officielle de M. Yerodia en Belgique a été
réservé dans le cadre dudit mandat, et que M. Yerodia n'a fait l'objet
d'aucune arrestation en Belgique. Elle doit toutefois constater que, compte
tenu de la nature et de l'objet du mandat, la seule émission de celui-ci
portait atteinte à l'immunité de M. Yerodia en sa qualité de ministre des
affaires étrangères en exercice du Congo. La Cour en conclut que I'émission dudit mandat a constitué une violation d'une obligation de la Belgique a l'égard du Congo, en ce qu'elle a méconnu l'immunité de ce
ministre et, plus particulièrement, violé l'immunité de juridiction pénale et
l'inviolabilité dont il jouissait alors en vertu du droit international.
71. La Cour constate également que la Belgique reconnaît que la diffusion sur le plan international du mandat d'arrêt litigieux avait pour objet
((d'établir une base juridique pour l'arrestation de M. Yerodia ... a
l'étranger ainsi que [pour] son extradition ultérieure vers la Belgique)). La
Partie défenderesse soutient toutefois que l'exécution dudit mandat dans
des Etats tiers aurait «dépend[u] de l'existence d'autres démarches préliminaires)) et que, étant donné le caractère c>
du mandat à
l'égard des Etats tiers, il n'y aurait pas eu «violation de la souveraineté
[du Congo])). Elle souligne en outre qu'une notice rouge n'a été demandée a Interpol que le 12 septembre 2001, à un moment où M. Yerodia
n'était plus ministre.
La Cour ne saurait partager ce point de vue. Comme dans le cas de
l'émission du mandat, la diffusion de celui-ci dès juin 2000 par les autorités belges sur le plan international, compte tenu de sa nature et de son
undertaking could give rise to the host State':. international responsibility."
69. The arrest warrant concludes with the following order
"We instruct and order al1 bailiffs and ageiits of public authority
who may be so required to execute this arrest warrant and to conduct the accused to the detention centre in Forest;
We order the warden of the prison to receive the accused and to
keep him (her) in custody in the detention c:ntre pursuant to this
arrest warrant;
We require al1 those exercising public authority t o whom this warrant shall be shown to lend al1 assistance in e ~ e c u t i n git."
70. The Court notes that the issuance, as such, of the disputed arrest
warrant represents ari act by the Belgian judicial kuthorities intended to
enable the arrest on Belgian territory of an incuml~entMinister for Foreign Affairs on charges of war crimes and crimes against humanity. The
fact that the warrant is enforceable is clearly apparent from the order
given to "al1 bailiffs and agents of public authority . . . to execute this
arrest warrant" (see paragraph 69 above) and f r o n the assertion in the
warrant that "the position of Minister for Foreign Affairs curreritly held
by the accused does not entai1 iminunity from jurisdiction and enforcement". The Court notes that the warrant did admittedly make an exception for the case of a11 officia1 visit by Mr. Yerodi;,. to Belgium, and that
Mr. Yerodia never suffered arrest in Belgium. The Court is bound, however, to find that, given the nature and purpose of' the warrant, its mere
issue violated the imrnunity which Mr. Yerodia eiijoyed as the Congo's
incumbent Minister for Foreign Affairs. The Court accordingly concludes that the issue csf the warrant constituted a lriolation of an obligation of Belgiuin towards the Congo, in that it failecl to respect the immunity of that Minister and, more particularly, infringed the immunity from
criminal jurisdiction and the inviolability then eîjoyed by him under
international law.
71. The Court also notes that Belgium admit: that the purpose of
the international circ~ulutionof the disputed arrest ~varrantwas "to establish a legal basis for the arrest of Mr. Yerodia . . . abroad and his subsequent extradition to Belgium". The Respondent maintains, however,
that the enforcement of the warrant in third Statr:s was "dependent on
some further prelimiiiary steps having been taken" and that, given the
"inchoate" quality of the warrant as regards thirci States, there was no
"infringe[ment of] thie sovereignty of the [Cong~~]".
It further points
out that no Interpol Red Notice was requestetl until 12 September
2001, when Mr. Yeraldia no longer held ministerial office.
The Court cannot subscribe to this view. As ir the case of the warrant's issue, its interriational circulation from Juni: 2000 by the Belgian
authorities, given its nature and purpose, effectively infringed Mr. Yero-
30
M A N D A T D'ARRÊT (ARRET)
objet, portait en effet atteinte à l'immunité dont M. Yerodia jouissait en
tant que ministre des affaires étrangères en exercice du Congo et était de
surcroît susceptible d'affecter la conduite par le Congo de ses relations
internationales. L'intéresse étant appelé, en cette qualité, à entreprendre
des voyages dans l'exercice de ses fonctions, la seule diffusion du mandat
sur le plan international, en l'absence même ((d'autres démarches)) de la
part de la Belgique, aurait pu en particulier conduire i son arrestation
lors d'un déplacement à l'étranger. La Cour observe à cet égard que la
Belgique elle-même fait état d'une information selon laquelle M. Yerodia
((aurait appris, lors d'une demande de visa pour se rendre dans deux
pays, qu'il risquait d'être arrêté en raison du mandat d'arrêt lancé contre
lui par la Belgique)) et qu'elle a ajouté que «[c]'est d'ailleurs ce que [le
Congo] ... laisse entendre lorsqu'[il] écrit que le mandat d'arrêt a obligé
<(leministre Yerodia ... à emprunter des voies parfois moins directes pour
voyager)). Par voie de conséquence, la Cour conclut que la diffusion
dudit mandat, qu'elle ait ou non entravé en fait l'activité diplomatique de
M. Yerodia, a constitué une violation d'une obligation de la Belgique à
l'égard du Congo, en ce qu'elle a méconnu l'immunité du ministre des
affaires étrangères en exercice du Congo et, plus particulièrement, violé
l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité dont il jouissait alors en
vertu du droit international.
72. La Cour se penchera maintenant sur la question de la réparation
demandée par le Congo en raison de la violation, par la Belgique, des
règles de droit international susvisées. Aux termes des deuxième, troisième et quatrième conclusions du Congo, la Cour est priée de dire et
juger :
«Que la constatation solennelle par la Cour du caractère illicite
[de l'émission et de la diffusion internationale du mandat d'arrêt]
constitue une forme adéquate de satisfaction permettant de réparer
le dommage moral qui en découle dans le chef de la République
démocratique du Congo;
Que les violations du droit international dont procèdent l'émission
et la diffusion internationale du mandat d'arrêt du 1 1 avril 2000
interdisent à tout Etat, en ce compris la Belgique, d'y donner suite;
Que la Belgique est tenue de retirer et mettre à néant le mandat
d'arrêt du 11 avril 2000 et de faire savoir auprès des autorités étrangères auxquelles ledit mandat fut diffusé qu'elle renonce à solliciter
leur coopération pour l'exécution de ce mandat illicite.>)
73. A l'appui desdites conclusions, le Congo fait valoir que le fait qu'il
ait été mis fin aux fonctions officielles de M. Yerodia n'a nullement eu
pour conséquence d'effacer le fait illicite et le dommage qui en découle,
lesquels demeurent. Il expose que le mandat est illicite uh initio, que
«[s]on vice est radical)), et qu'il ne saurait dès lors produire aujourd'hui
dia's immunity as tht: Congo's incumbent Ministcr for Foreign Affairs
and was furthermore liable to affect the Congo's conduct of its international relations. Since: Mr. Yerodia was called upon in that capacity to
undertake travel in the performance of his duties, ihe mere international
circulation of the warrant, even in the absence of "further steps" by Belgium, could have resiilted, in particular, in his arrest while abroad. The
Court observes in this respect that Belgium itself cites information to the
effect that Mr. Yerodia, "on applying for a visa tcl go to two countries,
[apparently] learned that he ran the risk of being arrested as a result of
the arrest warrant issued against him by Belgium", adding that "[tlhis,
moreover, is what the [Congo] . . . hints when it writes that the arrest
warrant 'sometimes forced Minister Yerodia to travel by roundabout
routes"'. Accordingly, the Court concludes that ihe circulation of the
warrant, whether or not it significantly interfered with Mr. Yerodia's diplomatic activity, con:;tituted a violation of an obligation of Belgium
towards the Congo, in that it failed to respect the inimunity of the incumbent Minister for Foreign Affairs of the Congo and, more particularly,
infringed the immunity from criminal jurisdiction and the inviolability
then enjoyed by him i~nderinternational law.
72. The Court will i ~ o waddress the issue of the rcmedies sought by the
Congo on account of Belgium's violation of the above-mentioned rules of
international law. In its second, third and fourth submissions, the Congo
requests the Court to adjudge and declare that:
"A formal finding by the Court of the unlawfulness of [the issue
and international circulation of the arrest w;irrant] constitutes an
appropriate form of satisfaction, providing reparation for the consequent moral injury to the Democratic Repu1)lic of the Congo;
The violations of international law underlyirig the issue and international circulation of the arrest warrant of 1 April 2000 preclude
any State. including Belgium, from executing it;
Belgium shall be required to recall and cancel the arrest warrant
of 11 April 2000 and to inform the foreign authorities t o whom the
warrant was circiilated that Belgium renouncez its request for their
co-operation in executing the unlawful warrant."
73. In support of tl-iose submissions, the Congo :isserts that the termination of the official duties of Mr. Yerodia in no way operated to efface
the wrongful act and the injury flowing from it, which continue to exist.
It argues that the warrant is unlawful al? initio, that "[ilt is fundamentally
flawed" and that it carinot therefore have any legal i:ffect today. It points
31
MANDAT D'ARRÊT (ARRÊT)
aucun effet de droit. Le Congo observe que sa demande a pour objet la
réparation du dommage causé, réparation qui imposerait que soit restauré l'état qui aurait selon toute probabilité existé si ce fait n'avait pas
été commis. Il précise que, dans la mesure où le fait illicite consistait en
un acte juridique interne, seul le «retrait» et la ((miseà néant» de celui-ci
pourraient dès lors constituer une réparation appropriée.
Le Congo souligne par ailleurs qu'il ne demande nullement à la Cour
de procéder elle-même au retrait ou à la mise à néant du mandat, ni de
déterminer le moyen par lequel la Belgique devrait se conformer à son
arrêt. Il explique qu'un tel retrait et qu'une telle mise à néant du mandat,
par les moyens que la Belgique estimera les plus appropriés, «ne constitue[raient] pas des moyens d'exécution de l'arrêt de la Cour mais la
mesure même de réparation-restitution juridique en nature sollicitée)). Le
Congo soutient que, par voie de conséquence, la Cour est seulement priée
de dire que la Belgique, au titre de la réparation du dommage causé aux
droits du Congo, est tenue de procéder, par le moyen de son choix, au
retrait et à la mise à néant de ce mandat d'arrêt.
74. La Belgique estime quant à elle que l'éventuelle constatation, par
la Cour. d'une violation de l'immunité dont bénéficiait M. Yerodia en
tant que ministre des affaires étrangères n'implique aucunement qu'il y
ait lieu d'annuler le mandat d'arrêt. Elle expose que ce dernier continue à
produire ses effets et que «[r]ien n'indique qu'il porte aujourd'hui atteinte
à l'immunité du ministre des affaires étrangères)) du Congo. La Belgique
considère que ce que sollicite en réalité le Congo par ses troisième et quatrième conclusions c'est que la Cour dicte à la Belgique la manière dont
celle-ci devrait donner effet à un arrêt de la Cour constatant que le mandat d'arrêt a violé l'immunité du ministre des affaires étrangères du
Congo.
75. La Cour a déjà conclu ci-dessus (voir paragraphes 70 et 71) que
l'émission et la diffusion, par les autorités belges, du mandat d'arrêt du
11 avril 2000 avaient méconnu l'immunité du ministre des affaires étrangères en exercice du Congo et, plus particulièrement, violé l'immunité de
juridiction pénale et l'inviolabilité dont jouissait alors M. Yerodia en
vertu du droit international. Ces actes ont engagé la responsabilité internationale de la Belgique. La Cour estime que les conclusions auxquelles
elle est ainsi parvenue constituerit une forme de satisfaction permettant
de réparer le dommage moral dont se plaint le Congo.
76. Cependant, ainsi que la Cour permanente de Justice internationale
l'a dit dans son arrêt du 13 septembre 1928 en l'affaire relative à l'Usine
de Cltorz(j~t,
:
«[l]e principe essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite
et qui semble se dégager de la pratique internationale, notamment de
la jurisprudence des tribunaux arbitraux, est que la réparation doit,
autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite
ARREST WARRANT
(JUDGMENT)
31
out that the purpose of its request is reparation for the injury caused,
requiring the restoration of the situation which would in al1 probability
have existed if the said act had not been comnitted. It States that,
inasmuch as the wrongful act consisted in an intr:rnal legal instrument,
only the "withdrawal" and "cancellation" of the latter can provide appropriate reparation.
The Congo further emphasizes that in no way is it asking the Court
itself to withdraw or cancel the warrant, nor to determine the means
whereby Belgium is tcs comply wit1.i its decision. It :xplains that the withdrawal and cancellation of the warrant, by the means that Belgium deems
most suitable. "are riot means of enforcement oi' the judgment of the
Court but the requeijted measure of legal repara ion/restitution itself".
The Congo maintains that the Court is consequently only being requested
to declare that Belgium, by way of reparation for i he injury to the rights
of the Congo, be recluired to withdraw and canc~:l this warrant by the
means of its choice.
74. Belgium for its part maintains that a findinp by the Court that the
immunity enjoyed by Mr. Yerodia as Miriister for Foreign Affairs had
been violated would in no way entai1 an obligaticn to cancel the arrest
warrant. It points out that the arrest warrant is s il1 operative and that
"there is no suggestion that it presently infringes the immunity of the
Congo's Minister for Foreign Affairs". Belgium considers that what the
Congo is in reality asking of the Court in its third and fourth final submissions is that the Court should direct Belgium as to the method by
which it should give effect to a judgment of the Court finding that the
warrant had infringecl the immunity of the Congo'; Minister for Foreign
Affairs.
75. The Court has already concluded (see parapraphs 70 and 71) that
the issue and circulation of the arrest warrant of 11 April 2000 by the
Belgian authorities failed to respect the immunity cthe immunity from criminal jurisdiction and the involability then en-joyed
by Mr. Yerodia under international law. Those acts engaged Belgium's
international responsibility. The Court considers that the findings so
reached by it constitute a form of satisfaction whic h will make good the
moral injury complaii~edof by the Congo.
76. However, as the Permanent Court of Interr ational Justice stated
in its Judgment of 13 September 1928 in the case concerning the Fcrctoi
at C'horzciw :
"[tlhe essential pi-inciple contained in the actuil notion of an illegal
act - a principle which seems to be estab1i;hed by international
practice and in particular by the decisions of 2 rbitral tribunals
is
that reparation inust, as far as possible, wipe out al1 the conse-
et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte
n'avait pas été commis)) (C.P.J.I. série A no 17, p. 47).
Or, dans le cas d'espèce, le rétablissement de ((l'état qui aurait vraisemblablement existé si [l'acte illicite] n'avait pas été commis» ne saurait
résulter simplement de la constatation par la Cour du caractère illicite du
mandat d'arrêt a u regard d u droit international. Le mandat subsiste et
demeure illicite nonobstant le fait que M. Yerodia a cessé d'être ministre
des affaires étrangères. Dès lors la Cour estime que la Belgique doit, par
les moyens de son choix, mettre à néant le mandat en question et en
informer les autorités auprès desquelles ce mandat a été diffusé.
77. La Cour ne voit aucune autre mesure de réparation a prescrire:
elle ne saurait en particulier indiquer. dans un arrêt statuant sur un différend entre le Congo et la Belgique, quelles en seraient les implications
éventuelles pour des Etats tiers, et ne saurait par suite accueillir sur ce
point les conclusions du Congo.
78. Par ces motifs,
1) A) Par quinze voix contre une,
Rejette les exceptions d'incompétence, de non-lieu et d'irrecevabilité
soulevées par le Royaume de Belgique;
POUR:
M. Guillaume, pré.sirient; M. Shi, vice-président; MM. Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mn" Higgins, MM. ParraAranguren, Kooijmans, Rezek. Al-Khasawneh, Buergenthal, juges;
M. Bula-Bula, Mt"' Van den Wyngaert. juges ad hoc:
CONTRE: M. Oda, juge;
B) Par quinze voix contre une,
Dit qu'elle a compétence pour connaître de la requête introduite le
17 octobre 2000 par la République démocratique du Congo;
POUR:
M. Guillaume, prksir/ent: M. Shi, vice-président; MM. Ranjeva. Herczegh, Fleischhauer. Koroma, Vereshchetin, Mn" Higgins. MM. ParraAranguren. Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal. juges;
M. Bula-Bula, Mn" Van den Wyngaert, j~1gr.rad hoc:
COILTKL: M. Oda, ,juge;
C ) Par quinze voix contre une,
Dit que la requête de la République démocratique du Congo n'est pas
dépourvue d'objet et que, par suite, il y a lieu de statuer sur ladite
requête;
POUR : M. Guillaume, pré.tir/ent; M. Shi, vice-prksident ; MM. Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer. Koroma, Vereshchetin, Mn" Higgins, MM. Parra-
quences of the illegal act and reestablish the :situation which would,
in al1 probabilit:~,have existed if that act hacl not been committed"
(P.C.I.J., Series A, No. 17, p. 47).
In the present case, "the situation which would, in al1 probability, have
existed if [the illegal act] had not been committed" cannot be re-established merely by a fiinding by the Court that the arrest warrant was unlawful under international law. The warrant is still extant, and remains
unlawful, notwithstanding the fact that Mr. Yersdia has ceased to be
Minister for Foreign Affairs. The Court accordin:ly considers that Belgium must, by means of its own choosing, cancel the warrant in question
and so inform the auithorities to whom it was circulated.
77. The Court seel, n o need for any further rerredy: in particular, the
Court cannot, in a judgment ruling o n a dispute bitween the Congo and
Belgium, indicate wkiat that judgment's implications might be for third
States, and the Court cannot therefore accept thc Congo's submissions
o n this point.
78. For these reasons,
(1) (A) By fifteen votes to one,
Rejects the objections of the Kingdom of B e l g i ~ mrelating to jurisdiction, mootness and admissibility;
I N FAVOUR:
Presidenl Guillaume: Vice-Puesident Shi ; Judges Ranjeva, Herczegh. Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Higgins, Parra-Aranguren,
Kooijmans. Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal; Jucfgrs ad hoc BulaBula. Van den Wyngaert;
AGAINST : Jirdge Oda :,
(B) By fifteen votes to one,
Find.~that it has jurisdiction to entertain the Application filed by the
Democratic Republic of the Congo on 17 October 2000;
IN ~ A V O U
President
R:
Guillaume; Vicc-Presiderzt Shi Judges Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Higgins, Parra-Aranguren,
Kooijmans, Rezek., Al-Khasawneh, Buergenthal Jirdges ad hoc BulaBula, Van den Wyngaert;
AGAINST:
Jtrdge Oda;
(C) By fifteen votes to one,
Finds that the Application of the Democratic R e ~ u b l i cof the Congo is
not without object and that accordingly the case i: not moot;
IN
FAVOUK:
President Guillaume; Vice-President Shi. J u d g ~ sRanjeva. Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Hig:ins, Parra-Aranguren,
Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Kliasawneh, Buergenthal, juge.^;
M. Bula-Bula, Mm" Van den Wyngaert, juges ad hoc;
CONTRF:
M. Oda, juge;
D) Par quinze voix contre une,
Dit que la requête de la République démocratique du Congo est recevable ;
M. Guillaume, prksident ; M. Shi, vice-président; MM. Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mm' Higgins, MM. ParraAranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, ,juges;
M. Bula-Bula, Mm' Van den Wyngaert, juges ad hoc;
CONTRE:
M. Oda, juge;
POUR :
2) Par treize voix contre trois,
Dit que l'émission, à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi,
du mandat d'arrêt du 1 1 avril 2000, et sa diffusion sur le plan international ont constitué des violations d'une obligation juridique du
Royaume de Belgique à l'égard de la République démocratique du
Congo, en ce qu'elles ont méconnu l'immunité de juridiction pénale
et l'inviolabilité dont le ministre des affaires étrangères en exercice
de la République démocratique du Congo jouissait en vertu du droit
international ;
M. Guillaume, prksident ; M. Shi, vice-prksident ; M M . Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mm' Higgins, MM. ParraAranguren, Kooijmans, Rezek, Buergenthal, juges; M. Bula-Bula, juge
ad hoc;
CONTRE:
MM. Oda, Al-Khasawneh, juges; M'"' Van den Wyngaert, juge
ad hoc;
POUR :
3) Par dix voix contre six,
Dit que le Royaume de Belgique doit, par les moyens de son choix,
mettre à néant le mandat d'arrêt d u 11 avril 2000 et en informer les autorités auprès desquelles ce mandat a été diffusé.
M. Guillaume, président; M. Shi, vice-prksiu'ent; MM. Ranjeva, HercPOUR:
zegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin. Parra-Aranguren, Rezek.
,juges; M. Bula-Bula, juge ad hoc;
CONTRE:
M. Oda, MIn' Higgins, MM. Kooijmans, AI-Khasawneh, Buergenthal, juges; Mn" Van den Wyngaert, juge ad hoc.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, a u Palais
d e la Paix, à La Haye, le quatorze février deux mille deux, en trois
exemplaires, dont l'un restera déposé aux archives d e la C o u r et les
autres seront transmis respectivement a u Gouvernement d e la Répu-
Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal; Judges ad hoc BulaBula, Van den Wyngaert;
AGAINST : Judge Oda ;
( D ) By fifteen votes to one,
Fin& that the Application of the Democratic Republic of the Congo
is admissible;
President Guillaume; Vice-President Shi; Judges Ranjeva, Herczegh. Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Higgins. Parra-Aranguren,
Kooijmans, Rezelc, Al-Khasawneh. Buergenthal; Judges ad hoc BulaBula, Van den Wyngaert;
A G A I N S T : Jz~rigeOda ;
I N FAVOUK:
(2) By thirteen votes to three,
Finds that the issue against Mr. Abdulaye Yerodia Ndombasi of the
arrest warrant of 11 ,4pril 2000, and its internatio~ialcirculation, constituted violations of a legal obligation of the Kingdom of Belgium towards
the Democratic Repuiblic of the Congo, in that thvy failed to respect the
immunity from crimirial jurisdiction and the inviola Aity which the incumbent Minister for Foreign Affairs of the Democratic Republic of the
Congo enjoyed under international law;
: Presiclent Guillaume; Vice-President Shi, Judges Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Higgins, Parra-Aranguren,
Kooijmans, Rezek, Buergenthal ; Judge ad hoc Biila-Bula ;
rN F A V O C R
AGAINT:
Jirc1ge.c Oda, Al-Khasawneh; Judge ad hoc Van den Wyngaert;
(3) By ten votes to six,
Finds that the Kingdom of Belgium must, t'y means of its own
choosing, cancel the arrest warrant of 11 April 2Ci00 and so inform the
authorities to whom lhat warrant was circulated.
FAVOIJR : Presi~i'ent Guillaun~e;Vice-Pre.~identShi Judge., Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma. Vereshchetin, Parra-Aranguren, Rezek;
Judgb'e ad hoc Bula-Bula ;
AGAINST:
J u ~ / g e .Oda,
~
Higgins, Kooijmans, Al-Khasawneh, Buergenthal;
Jutlge ad hoc Van den Wyngaert.
Done in French anid in English, the French text I~eingauthoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this fourteenth day of February, two thousand and two, in three copies, one of which will be placed in the archives
of the Court and the others transmitted to the Govc:rnment of the Demo-
34
MANDAT D'ARRET
(ARRÊT)
blique démocratique du Congo et au Gouvernement du Royaume de
Belgique.
Le président,
(Signé) Gilbert GUILLAUME.
Le greffier,
(Signé) Philippe COUVREUR.
M. GUILLAUME,
président, joint à I'arrêt I'exposé de son opinion individuelle; M. ODA,juge, joint à I'arrêt I'exposé de son opinion dissidente;
M. RANJEVA,
juge, joint une déclaration à I'arrêt; M. KOROMA,
juge, joint
à l'arrêt l'exposé de son opinion individuelle; Mm' HICIGINS
et MM. KOOIJM A N S et BUERGENTHAL,
juges, joignent à l'arrêt I'exposé de leur opinion
juge, joint à I'arrêt I'exposé de son
individuelle commune; M. REZEK,
juge, joint à l'arrêt I'exposé de
opinion individuelle; M. AL-KHASAWNEH,
juge udl?oc,joint à l'arrêt I'exposé
son opinion dissidente; M. BULA-BULA,
juge ad Iloc, joint
de son opinion individuelle; Mln' VANDEN WYNGAERT,
à I'arrêt l'exposé de son opinion dissidente.
(Paraphé) G.G.
(Parc~pl7P)Ph.C.
cratic Republic of the Congo and the Government of the Kingdom of
Belgium, respectively.
(Signed) Gilbert GUILLAUME,
President.
(Signed) Philippe COUVREUR,
Registrar.
President G U I L L A U appends
ME
a separate opinion to the Judgment of
the Court; Judge ODAappends a dissenting opinion to the Judgment of
the Court; Judge RAN.IEVA
appends a declaration I O the Judgment of the
Court; Judge KOROMA
appends a separate opinic~nto the Judgment of
the Court; ~ u d g e sHIGGINS,
KOOIJMANS
and BCERGENTHAL
append a joint
separate opinion to the Judgment of the Court; Jiidge REZEKappends a
separate opinion to ithe Judgment of the Court; ludge AL-KHASAWNEH
appends a dissenting opinion to the Judgment of the Court; Judge
ad hoc BULA-BULA
appends a separate opinion to the Judgment of the
Court; Judge rid hoc VAND E N WYNGAERT
appends a dissenting opinion
to the Judgment of tlhe Court.
(Znitiulled) G.G.
(Znitiulled) Ph.C.