C’est une figure de l’histoire politique congolaise qui s’est éteinte dans la nuit de lundi à mardi, à Kinshasa. Abdoulaye Yerodia Ndombasi, 86 ans, a rendu l’âme à l’hôpital du Cinquantenaire après avoir lutté pendant plusieurs années contre le diabète et l’hypertension.
Au sein du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, de Joseph Kabila), il faisait figure de « patriarche et de médiateur », décrit le diplomate Barnabé Kikaya Bin Karubi, dernier chef du collège diplomatique de Joseph Kabila.
Liens inoxydables avec le clan Kabila
Albert Mukulubundu, qui fut conseiller politique et chargé de mission de Ndombasi, dépeint pour sa part un homme «
qui était vu comme le continuateur des œuvres et de l’idéologie du Mzee » et qui a «
su résister aux sirènes de certains pays étrangers qui voulaient l’utiliser contre Joseph Kabila ».
Preuve de ces liens inoxydables entre Abdoulaye Yerodia Ndombasi et la famille Kabila, outre son épouse et quelques membres de sa famille, seuls Joseph Kabila, son frère cadet Zoé et sa sœur jumelle Jaynet -- qui considéraient le défunt comme leur «
propre père », selon des proches --, pouvaient lui rendre visite lors de ses derniers jours à l’hôpital.
En 1997, lorsqu’il rejoint officiellement l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, Ndombasi est déjà présenté aux nouvelles recrues comme un des «
plus proches compagnons du Mzee », rapporte Barnabé Kikaya Bin Karubi.
Parcours de maquisard
Psychiatre et philosophe, formé en France, Abdoulaye Yerodia Ndombasi a alors déjà derrière lui un long passé de luttes révolutionnaires. Soutien déclaré de Patrice Lumumba au début des années 1960, il se rangera par la suite derrière Pierre Mulele, qui sera torturé et exécuté en 1968 par le régime de Mobutu Sese Seko.
Son activisme révolutionnaire le conduira tout naturellement à Alger, où il rencontrera Ernesto Che Guevara, en 1964, et se verra confier la tête d’un « conseil suprême de la révolution » en RDC.
Le révolutionnaire cubain atterrira, lui, un an plus tard dans l’est du pays, le 24 avril 1965. Les deux hommes arpenteront côte à côte les montagnes pendant les sept mois que durera cette éphémère et vaine tentative de Che Guevara d’importer la révolution au Congo.
Sorti du maquis, le compagnon de route de Laurent-Désiré Kabila devient son directeur de cabinet à la présidence. Il sera ensuite nommé plusieurs fois ministres, aux Affaires étrangères, puis à l’Éducation.
Vice-président de transition
En 2003, lorsque se met en place la transition autour de Joseph Kabila, qui prend le pouvoir suite à l’assassinat de son père, Abdoulaye Yerodia Ndombasi accède à la plus haute fonction de son parcours politique. Il devient l’un des quatre vice-présidents, aux côtés de Jean-Pierre Bemba, d’Azarias Ruberwa et d’Arthur Z’ahidi Ngoma (décédé le 21 octobre 2016 en France).
Un système mis en place à la faveur d’un accord signé quelques mois plus tôt entre Joseph Kabila et les principales rébellions du pays.
Jean-Pierre Bemba a d’ailleurs été l’un des premiers à présenter ses condoléances, saluant «
un partenaire de la réunification et de la transition en RDC ».
Dans un Kinshasa où les lieux de pouvoir se partagent au gré des accords passés, Jean-Pierre Bemba s’installe alors à la primature. Ndombasi, lui, prend ses quartiers au palais de marbre, où a été assassiné son ami Laurent-Désiré Kabila trois ans plus tôt. «
C’était une pièce dans laquelle le Mzee prenait les grandes décisions concernant le pays », souligne Albert Mukulubundu, l’ancien conseiller politique de Ndombasi.
Propos haineux envers les Tutsi de RDC
Le parcours d’Abdoulaye Yerodia Ndombasi est marqué par de nombreuses polémiques et accusations. L’homme n’hésitait pas à s’en prendre extrêmement violemment aux Tutsi vivant en RDC. En 1998, il a livré des diatribes haineuses, appelant à «
écraser les insectes Tutsi ». Des propos qui ont «
provoqué la mort de plusieurs centaines de Tutsi dans la province de Kinshasa ainsi que des internements abusifs, des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires et des procès inéquitables des membres de ce groupe ethnique », selon l’ONG Trial International.
En avril 2000, un juge d’instruction belge, Damien Vandermeersch, lance un mandat d’arrêt international à son encontre pour ces propos. Deux ans plus tard, la Cour internationale de justice (CIJ), qui relève de l’ONU, et dont les décisions sont «
définitives, sans recours et obligatoires pour les parties », avait rejeté ce mandat après une requête de Kinshasa.
Ndombasi a par la suite assuré que ses propos faisaient allusion aux «
forces d’invasion du Rwanda et de l’Ouganda qui ont soutenu la révolte » et non pas un groupe ethnique spécifique.