Le chef de l’Etat allemand, Frank-Walter Steinmeier, a demandé «
pardon » mercredi 1
er novembre pour les exactions commises par les forces coloniales de son pays en Tanzanie, lors d’une visite à Songea, lieu d’un massacre de Maji-Maji au début du XX
e siècle. «
Je m’incline devant les victimes de la domination coloniale allemande. Et en tant que président allemand, je voudrais demander pardon pour ce que les Allemands ont fait subir ici à vos ancêtres », a-t-il déclaré, selon le texte d’un discours diffusé par ses services en Allemagne.
Entre 1905 et 1907, les troupes coloniales allemandes ont massacré entre 200 000 et 300 000 représentants des Maji-Maji après un soulèvement de ces derniers, selon des estimations fournies par les historiens. Le président allemand a évoqué le sort du chef Songea Mbano, un leader de la rébellion à l’époque, pendu et décapité par les Allemands avec 66 de ses combattants. «
Quiconque en Allemagne en sait plus sur l’histoire coloniale allemande doit être horrifié par l’ampleur de la cruauté » avec laquelle le pays a agi, a-t-il poursuivi.
Une responsabilité longtemps occultée
«
J’ai honte ! J’ai honte de ce que les soldats coloniaux allemands ont fait subir à vos ancêtres », a-t-il dit devant les descendants du chef Songea, selon le texte du discours. La visite en Tanzanie du chef d’Etat, dont la fonction est essentiellement honorifique en Allemagne mais qui a un rôle de caution morale du pays, intervient au même moment que celle du roi Charles III au Kenya, qui a lui aussi condamné les abus coloniaux de son pays, le Royaume-Uni. L’empire colonial allemand, plus petit que ceux des Français ou des Britanniques, s’étendait sur plusieurs pays africains, dont le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la Namibie et le Cameroun. Il a cessé d’exister après la première guerre mondiale.
Longtemps, cette responsabilité a été occultée par les guerres mondiales et la Shoah au XX
e siècle, mais au cours des deux dernières décennies le pays a néanmoins entamé un travail de mémoire sur son passé colonial, qui l’a conduit à procéder à des restitutions : il a notamment rendu des ossements de membres des tribus Herero et Nama en Namibie, colonisée de 1884 à 1915, où il a reconnu en mai 2021 avoir commis un «
génocide ».
«
Nous (…) devons faire face à cette histoire afin de pouvoir construire ensemble un avenir meilleur, a déclaré Frank-Walter Steinmeier.
C’est aussi pour cela que je suis venu ici à Songea : pour emporter ces histoires avec moi en Allemagne, afin que davantage de personnes dans mon pays en prennent connaissance. Ce qui s’est passé ici est notre histoire partagée – l’histoire de vos ancêtres et l’histoire de nos ancêtres en Allemagne. »
Le Monde avec AFP