Fiche du document numéro 33071

Num
33071
Date
Jeudi 19 octobre 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
107093
Pages
6
Titre
Lettre à France Inter. Objet : Invitation d’Hubert Védrine, 15 octobre 2023
Nom cité
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
Jacques Morel
xxx, le 20 octobre 2023

Madame Adèle Van Reeth
Directrice de France Inter
Maison de la radio
116, avenue du Président Kennedy
75220 Paris cedex 16

Objet : Invitation d’Hubert Védrine, 15 octobre 2023

Madame,
Permettez-moi de vous confier que je comprends très bien l’intervention de l’auditeur  Olivier  de Paris qui a demandé à Hubert Védrine  si ça n’lui pose pas
de problème de conscience d’intervenir souvent à la radio et à la télé après avoir
été. . . l’un des principaux complices du génocide rwandais des Tutsi en 1994 .
Je m’associe à sa protestation :  Et accessoirement à France Inter si ça vous
pose pas d’problème d’inviter, euh. . . , ce complice d’un génocide qui a fait près
d’un million de morts. 
Ces échanges sont conservés sur notre site :
http://francegenocidetutsi.fr/fgtshow.php?num=33058.
J’ajouterais que le rappel par Hubert Védrine de l’intervention de François Mitterrand à la Knesset  il y a 50 ans  est particulièrement cynique vis-à-vis des
Juifs, quand on se souvient de l’amitié de Mitterrand avec René Bousquet, organisateur de la rafle du Vel d’Hiv. Vous savez que je ne fabule pas. Voyez pour
mémoire :
- https://francegenocidetutsi.org/Bousquet15juillet1942.pdf
- https://francegenocidetutsi.org/Bousquet22aout1942.pdf
- https://francegenocidetutsi.org/BousquetLatche1973.pdf
À propos du rôle de la France dans le génocide des Tutsi, le rapport de la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert a conclu sur  des responsabilités accablantes [...] des autorités politiques .  Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État et de la présidence de la

République  (Rapport Duclert, p. 972). Lors du colloque organisé par Vincent
Duclert à Kigali, le nouvel ambassadeur de France au Rwanda, Antoine Anfré, a
déclaré :  La France a rendu possible un génocide qui était prévisible .
https://francegenocidetutsi.org/TemoignageAntoineAnfreSoireeAuCcf17092022.
pdf

M. Hubert Védrine, en tant que secrétaire général de la présidence de la République
en 1994, était donc l’organisateur, l’animateur de cette politique mortifère.
Les archives montrent que l’Élysée a été informé très tôt que le génocide des Tutsi
était commencé :
- le 8 avril 1994, l’ordre d’opération Amaryllis parle de  l’élimination des Tutsi  :
https://francegenocidetutsi.org/OrdreOperationAmaryllis8avril1994.pdf
- Le 11 avril 1994, une note DGSE parle



de massacrer tous les Tutsi



:

https://francegenocidetutsi.org/DGSE18502N11avril1994.pdf
- Le 12 avril 1994, une note de la Direction du renseignement militaire dit que
 Les Forces armées rwandaises (FAR), après avoir assassiné de nombreux responsables de l’opposition hutue, s’en sont pris sans discrimination et avec l’aide
de jeunes hutus à la partie tutsie de la population  :
https://francegenocidetutsi.org/NoteN1202DRM12avril1994.pdf
Compte tenu de ces faits, caractéristiques de l’intention de détruire, en tout ou en
partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, les responsables français
se devaient de respecter les clauses de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide dont la France est signataire.
Au lieu de saisir les Nations unies et de joindre les troupes françaises aux Casques
bleus présents sur place pour faire cesser les massacres, ils ont agi indépendamment
et même à l’insu de l’ONU comme le montre cette note du 8 avril 1994 du général
Quesnot, chef d’état-major particulier, visée par Hubert Védrine :
https://francegenocidetutsi.org/Quesnot8avril1994.pdf
Et cet ordre d’opération Amaryllis a ordonné aux militaires français de ne pas
intervenir contre les massacres.
Le 27 avril 1994, alors que le génocide bat son plein au Rwanda, le ministre des
Affaires étrangères du Gouvernement intérimaire rwandais, mis en place le 9 avril
1994 après la mort du Président Juvénal Habyarimana, Jérôme Bicamumpaka,
et Jean-Bosco Barayagwiza, directeur des Affaires politiques au ministère des
Affaires étrangères et extrémiste notoire, sont reçus à l’Élysée. Le président Mitterrand étant absent, ils ont vraisemblablement été reçus à la cellule africaine. 1
Hubert Védrine est probablement l’organisateur de cette rencontre avec ces deux
ordonnateurs du génocide.
Le 6 mai 1994, Hubert Védrine vise encore une note du général Quesnot suggérant
1. Paris soutient encore les fantoches rwandais, L’Humanité, 30 avril 1994.

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au Président une stratégie indirecte pour rétablir  un certain équilibre  entre
les forces génocidaires soutenues par la France et celles du FPR qui combat le
génocide :
https://francegenocidetutsi.org/Quesnot6mai1994StrategieIndirecte.pdf
Le 15 juillet 1994, alors que plusieurs diplomates du Quai d’Orsay estiment que
les forces françaises présentes au Rwanda doivent procéder à l’arrestation des
membres du Gouvernement intérimaire rwandais connus pour avoir organisé le
génocide, Hubert Védrine empêche cette arrestation :
https://francegenocidetutsi.org/Reuter15juillet1994.pdf
Le comportement d’Hubert Védrine pendant les trois mois du génocide consiste
à nier celui-ci et à ne voir qu’une guerre dans laquelle le FPR est selon lui un
envahisseur. Il tient pour nulles et non avenues toutes les informations sur les
pogroms subis par la minorité tutsi du Rwanda depuis 1959 qui ont été décrits
comme un génocide notamment par le Suisse Vuillemin dans l’extrait de son
témoignage  Les massacres du Ruanda sont la manifestation d’une haine raciale
soigneusement entretenue  publié par Le Monde le 4 février 1964 :
https://francegenocidetutsi.org/LM4-02-1964.jpg
Les critères d’analyse d’Hubert Védrine sont avant tout de type racial (on dit
ethnique maintenant) et sont directement inspirés par L’essai sur l’inégalité des
races humaines du marquis De Gobineau. Selon lui, le fait que le Président du
Rwanda soit hutu est un signe de la légitimité de son régime :
[...] la réputation de M. Habyarimana était bonne à l’époque, le Rwanda
était surnommé la Suisse de l’Afrique et son Président était considéré
comme ayant réussi à apaiser les tensions, même si tout n’était pas réglé.
Le fait que M. Habyarimana fût hutu n’était pas choquant en soi, les Hutus
représentant 80 % de la population. Dans ces conditions, pour quels motifs
et dans quel but la France aurait-elle contribué à son remplacement ? 2
Il exprime des doutes sur la nécessité de partage du pouvoir, dans la mesure où
le Président provenait de l’ethnie majoritaire :
M. Hubert Védrine a souligné que notre politique avait fait l’objet
de critiques inverses de la part de ceux qui se demandaient si la France,
s’appuyant sur la  philosophie de La Baule , avait été bien inspirée de
s’engager à ce point pour demander à un gouvernement hutu majoritaire
de partager le pouvoir avec une infime minorité tutsie, de surcroı̂t armée
et venant de l’étranger. 3
https://francegenocidetutsi.org/AuditionVedrine5mai1998.pdf#page=5
Considérer que le gouvernement rwandais est légitime parce qu’il est  hutu
majoritaire  ce n’est pas seulement du Gobineau. C’est faire chorus avec les
2. Audition d’Hubert Védrine, 5 mai 1998, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, Tome III,
Auditions, Vol. 1, p. 201.
3. Ibidem.

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organisateurs du génocide des Tutsi qui se réclament de l’idéologie du  peuple
hutu majoritaire . Celui-ci se défend des  féodaux tutsi qui veulent reprendre le
pouvoir perdu en 1959 pour remettre les Hutu en esclavage , ainsi que le serinait
la radio RTLM.
À ce titre, Hubert Védrine conteste aux exilés tutsi qui constituent une partie
du FPR le droit de retourner dans leur patrie. Le FPR, constatant que le gouvernement formé le 8 avril 1994 ne respecte pas les accords d’Arusha et que les
Casques bleus ne font rien contre les massacres, reprend les armes pour les faire
cesser, comme il l’explique au président du Conseil de sécurité des Nations unies :
https://francegenocidetutsi.org/DusaidiKeating13avril1994Genocide.pdf
Hubert Védrine ne veut voir dans cette lutte contre les assassins qu’une guerre
du FPR pour reconquérir le pouvoir.
Plus tard, le 15 juin 2004, Hubert Védrine veut faire croire que le génocide n’a
pas été déclenché le 7 avril, quelques heures après l’attentat contre le Président
Habyarimana :  Mais dès l’assassinat de leur président, les plus durs parmi les
Hutus avaient déclenché, sous prétexte de le venger, des massacres de Tutsis à
grande échelle qui tournèrent vite au génocide.  Dans le même document, il
reconnaı̂t que des livraisons d’armes ont été poursuivies après le 7 avril 1994 :
 les dernières livraisons d’armes à l’armée rwandaise contre l’offensive ougandoFPR ont continué quelques jours après le début des massacres, mais bien sûr
ceux-ci n’ont pas eu lieu avec des armes françaises . Le texte intégral se trouve
ici :

https://francegenocidetutsi.org/VedrineRwandaLesFaitsInstitutFrancoisMitterrand
pdf
Tous les témoignages sur les massacres contre les Tutsi regroupés dans des églises,
des stades, des centres de santé, montrent que des armes à feu, fusils, grenades,
mitrailleuses ou mortiers même sont d’abord utilisés avant que les miliciens attaquent les victimes à l’arme blanche. Les armes fournies à la France aux Forces
armées rwandaises ont servi au génocide.
Aucune preuve de l’intervention de l’armée ougandaise au Rwanda en 1994 n’a
pu être établie. Devant la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale,
Hubert Védrine reconnaı̂t que les livraisons d’armes se sont poursuivies pendant
le génocide :  La question des livraisons d’armes qui revient assez souvent :
ce que je crois être le cas – ce que j’ai compris à l’époque ou après, avec le
recul ou maintenant – c’est que, la France a donc armé l’armée rwandaise pour
résister aux attaques du FPR et de l’armée ougandaise. Avec un certain type
d’armement, qui n’a jamais servi au génocide ! Donc ça a été armé dans ce but,
en fait, à partir de 90. Et après, bon. Donc il y a eu des livraisons d’armes pour
que l’armée rwandaise soit capable de tenir le choc. Parce que s’il n’y avait pas
d’armée capable de tenir le choc, vous pouvez oublier Arusha et tout le reste ! Il
n’y a plus les éléments, il n’y a plus le levier pour obtenir un compromis politique.
Donc, il est resté des relations d’armement. Et ce n’est pas la peine de découvrir
sur un ton outragé qu’il y a eu des livraisons qui se sont poursuivies. C’est la suite
de l’engagement d’avant. La France considérant que, pour imposer une solution
politique, il fallait bloquer l’offensive militaire ! Ça n’a jamais été nié ça ! Donc, ce
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n’est pas la peine de nous le découvrir, de le présenter comme étant une sorte de
pratique abominable masquée. C’est dans le cadre de l’engagement, encore une
fois, pour contrer les attaques ! Ça n’a rien à voir avec le génocide. 
La vidéo est ici :
https://www.dailymotion.com/video/x1oypes
La transcription de ses propos est ici :
http://francegenocidetutsi.fr/fgtshow.php?num=24782
Ces aveux de livraisons d’armes à ceux qui organisent et exécutent le génocide
constituent une preuve manifeste de complicité.
Dans cette déclaration comme dans beaucoup d’autres, Hubert Védrine prétend
que c’est la France qui a obtenu la signature des accords d’Arusha. Les faits
montrent le contraire. L’ambassadeur de France a contribué à la formation du
Gouvernement intérimaire et l’a fait accepter alors que le FPR n’y disposait
d’aucun siège contre les cinq prévus et que le Premier ministre n’était pas celui
désigné par les accords mais un extrémiste hutu. De plus, les militaires français
ont refusé le 11 avril 1994 d’évacuer Boniface Ngulinzira, le principal négociateur
rwandais de ces accords. Il a été assassiné le soir même.
Tous ces faits montrent que M. Védrine – un homme très intelligent au demeurant
– a considéré que la Convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide n’était qu’un chiffon de papier. Cette invitation d’Hubert Védrine
à France Inter peut être considérée également comme un acte de négation du
génocide des Tutsi de votre part.
Si vous persistez à considérer qu’Hubert Védrine est l’un des meilleurs experts
français en géopolitique, voyez cette tribune Hutus et Tutsis : à chacun son pays
où il propose la partition du Rwanda :
https://francegenocidetutsi.org/HutusEtTutsisAchacunSonPays23novembre1996.
jpg
Je pourrais ajouter à tout cela qu’alors que votre radio est dite parmi les meilleures,
vous ne cessez d’inviter des leaders d’opinion xénophobes et racistes dont le fonds
de commerce consiste à exciter les Français contre les étrangers accusés selon eux
de nous envahir. Vous pouvez me répondre que vous êtes tenus de les laisser parler pour respecter les règles démocratiques. Je peux vous faire observer qu’Hitler
est arrivé au pouvoir démocratiquement en 1933, que le génocide des Tutsi au
Rwanda en 1994 a été  démocratique  dans la mesure où un grand nombre
de personnes a participé aux tueries, aux viols, aux destructions et aux pillages.
La démocratie se doit de respecter les droits de l’Homme. C’est ce qu’a escamoté ce Président dévoyé qu’était François Mitterrand quand il a dit à propos du
Rwanda en Conseil des ministres le 24 juin 1994 :  Si ce pays devait passer sous
la domination tutsie, ethnie très minoritaire, qui trouve sa base en Ouganda où
certains sont favorables à la création d’un ”Tutsiland” englobant non seulement
ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, il est certain que le processus
de démocratisation serait interrompu .

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https://francegenocidetutsi.org/ConseilDesMinistres22juin1994.pdf
À entendre le président de la République française, après deux mois et demi
de massacres, il fallait poursuivre le soutien au gouvernement organisateur du
génocide pour préserver le processus de démocratisation !
M. Hubert Védrine a agi dans la ligne de ces propos odieux qui salissent l’image
de la France. Croyez bien, Madame, qu’il y a beaucoup de Français qui s’en
indignent.

Je vous prie d’agréer, Madame, l’assurance de ma considération distinguée.

J. Morel
PS :

Je suis ingénieur retraité du CNRS.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024