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Félicien Kabuga, accusé d’avoir financé le génocide au Rwanda en 1994 et souffrant de « démence sévère », se voit finalement accorder une « suspension indéfinie » de la procédure engagée contre lui.
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Le grand âge – 90 ans – et les lenteurs de la justice internationale ont fini par sauver Félicien Kabuga, communément présenté comme le « financier du génocide » au Rwanda, en 1994. Il bénéficie d’une « suspension indéfinie » de la procédure en cours contre lui. Ainsi en a décidé à La Haye la chambre d’appel du Mécanisme international résiduel pour les tribunaux pénaux, qui a pris la relève du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda).
Début juin, le prévenu avait été déclaré inapte à subir son procès, souffrant de « démence sévère » sans aucune perspective de guérison. Il sera donc remis en liberté et le procureur ne pourra même plus poursuivre l’exposé des preuves rassemblées et qui avaient conduit à son arrestation. Président de l’association Ibuka, représentant des victimes du génocide qui, en 1994, a fait entre 800.000 et un million de morts, l’historien Marcel Kabanda écrit qu’« il est tout à l’honneur du Mécanisme de l’ONU de donner à Kabuga ce qu’il aurait refusé aux victimes » et il rappelle que « les miliciens qu’il est accusé d’avoir financés n’ont épargné ni les bébés, ni les vieillards, ni les femmes enceintes, ni les fous » et il suggère au Mécanisme onusien d’au moins organiser un procès au civil et donner aux victimes l’accès au dossier Kabuga.
Redoubler d’efforts
Félicien Kabuga, un homme d’affaires considéré dans les années 90 comme l’homme le plus riche du Rwanda, était en effet très lié à la famille de l’ancien président Habyarimana et il était l’un des financiers de la radio des Mille Collines, la radio de la haine. Il est aussi accusé d’avoir, à la veille du génocide, acheté en Chine un million de machettes, ces instruments agricoles qui furent distribués aux miliciens hutus et largement utilisées pour massacrer les Tutsis.
Durant longtemps, Félicien Kabuga, figurant sur la liste des génocidaires dits « de première catégorie » et membre de l’Akazu (la « petite colline », terme qui désignait l’entourage présidentiel), avait réussi à échapper à la justice. Ses proches résidant en Europe (France et Belgique), il a finalement été retrouvé dans un appartement familial à Asnières le 16 mai 2020, où il résidait sous une fausse identité.
Le procureur s’est engagé à « redoubler d’efforts pour mettre aux arrêts d’autres fugitifs », mais Marcel Kabanda relève que ces derniers « savent désormais qu’ils peuvent compter sur une porte de sortie, les effets de l’âge », et il conclut amèrement que « le mécanisme de l’ONU, uniquement préoccupé de servir le droit, a montré son incapacité à rendre justice aux victimes ».