Fiche du document numéro 31875

Num
31875
Date
Samedi 25 juin 1994
Amj
Hms
13:00:00
Auteur
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Fichier
Taille
34597
Pages
5
Sur titre
Journal de 13 heures
Titre
Les troupes françaises ont découvert plusieurs fosses communes dans le Sud-Ouest du Rwanda, sans pouvoir déterminer à quelle ethnie appartenaient les victimes
Sous titre
La principale difficulté des Français, c'est de faire en sorte que les gens acceptent de dire s'ils sont Tutsi ou Hutu.
Nom cité
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Résumé
- Playing the role of a military salute, to use the title of Liberation, the French soldiers of Operation Turquoise continued this morning in the South-West of Rwanda their mission of reconnaissance and humanitarian needs assessment. A total of about 200 men were engaged yesterday [June 24] in Rwandan territory.

- Rather warm welcome on the ground for a controversial operation Turquoise before its launch. The mission of the first paratroopers who entered Rwanda yesterday [June 24] is to secure the Tutsi populations in danger, in this western part of the country controlled by government troops.

- The reception is more circumspect when the convoy reaches its first objective: the Nyarushishi camp where 8,000 Tutsi refugees are threatened every day by Hutu militias favorable to the government.

- In this southwestern part of Rwanda, the French troops discovered several mass graves, without being able to determine to which ethnic group the victims belonged.

- Reconnaissance and surveillance patrols now criss-cross these regions. 200 paratroopers in all who, in small groups, are responsible for identifying areas where civilians need their protection.

- A helicopter went to Kibuye where there is a religious community and orphanages. About forty French soldiers also entered the northwest of the country for other reconnaissance missions.

- In total, around 2,500 French soldiers will be engaged in this Operation Turquoise, of which 1,500 were already prepositioned on the African continent. A thousand others being sent from mainland France. All these men are spread over two rear bases on the Zaire border.

- Operation Turquoise is underway. The French do not want to waste time. Paris is transporting men and materials to Bangui, the capital of the Central African Republic. Russian cargo planes, Antonov 125s, provide transport. In Bangui, first checks, first briefing around the military maps.

- The soldiers and their equipment then re-embark on board smaller planes to reach the two bridgeheads of Operation Turquoise in Zaire: Goma in the north, Bukavu further south. These two cities serve as a rear base for refugee protection operations inside Rwanda.

- At present, a thousand French soldiers, many of whom belong to the marine infantry and the foreign legion, are stationed in Goma and Bukavu. Pierre-Jean Segnier, "commander": "The experience of the humanitarian operations which have taken place recently proves that in fact, it is necessary to be able to show enough force precisely to avoid using it and being obliged to engage the fight".

- A total of 2,500 French people are expected in this region of Africa. Senegal will send 200 men. Other countries will provide materials and medical aid.

- Admiral Lanxade, Chief of Defense Staff, believes that so far things are going satisfactorily. Jacques Lanxade: "What we are trying to do is to judge the situation, to see what is happening, gradually, in this area. And at the same time, by our presence, to try to calm things down".

- While the soldiers are preparing their reconnaissance missions inside Rwanda, the logistics are being put in place. The headquarters of the French forces is located in Goma. A medical military unit is being set up further south towards Bukavu.

- Benoît Duquesne: "This morning we went to Rwandan territory again. The atmosphere is almost always just as 'relaxed'. Bukavu, since they are waiting for a lot of medical equipment to set up a hospital. There are of course soldiers, still in place in Rwandan territory and in particular at the Nyarushishi camp. We went there this morning. They remain there to secure the camp. But their main difficulty is to make sure that tongues are loosened and that people agree to say if they are Tutsi or Hutu and also if there are people who have taken refuge in houses and who do not dare out for fear of being arrested at roadblocks".

- In the center of the country this time, the capital Kigali was again the scene this morning of sporadic clashes between government forces and combatants of the Rwandan Patriotic Front. Laurent Boussié: "Despite a slightly calmer situation, despite a ceasefire patiently negotiated with the belligerents, the UN did not succeed this morning in carrying out the medical evacuations planned. And among others the 300 orphaned children refugees in the parish of Saint-Paul, whose security on the government side is increasingly threatened. It must be said that for four days now there have been no evacuations of the wounded and therefore the health and medical situation is becoming dramatic. So this is perhaps why, despite the few shells which still fell around the Red Cross hospital this morning, the officials of the ICRC and the United Nations still managed to transfer 70 people to King Faisal hospital which is a little less saturated than that of the Red Cross. The situation is a little calmer in the Rwandan capital but there is obviously no question of relaxation. As usual we can think that it is rather a downtime during which and each of the belligerents regains strength".
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[Bruno Masure :] Madame, Monsieur, bonjour. Jouant le rôle d'un salut militaire, pour reprendre le titre de Libération, les soldats français de l'opération Turquoise ont poursuivi ce matin dans le Sud-Ouest du Rwanda leur mission de reconnaissance et d'évaluation des besoins humanitaires. Au total environ 200 hommes ont été engagés, euh, hier [24 juin] en territoire rwandais. Jérôme Bony.

[Jérôme Bony :] Accueil plutôt chaleureux sur le terrain pour une opération Turquoise pourtant controversée avant son lancement [on voit des gens qui acclament les militaires français le long de la route en brandissant un panneau sur lequel est écrit "VIVE LA FRANCE" ; la scène suivante montre un camion militaire chargés de soldats français passer devant une pancarte qui donne la direction de Cyangugu]. La mission des premiers parachutistes entrés hier [24 juin] au Rwanda est de sécuriser les populations tutsi en danger, dans cette partie ouest du pays contrôlée par les troupes gouvernementales.

L'accueil est plus circonspect quand le convoi atteint son premier objectif : le camp de Nyarushishi où 8 000 réfugiés tutsi sont menacés chaque jour par des milices hutu favorables au pouvoir [gros plans sur le camp de Nyarushishi et sur un enfant réfugié].

Dans cette partie sud-ouest du Rwanda, les troupes françaises ont découvert plusieurs fosses communes, sans pouvoir déterminer à quelle ethnie appartenaient les victimes [diffusion d'images de réfugiés du camp de Nyarushishi].

Des patrouilles de reconnaissance et de surveillance sillonnent maintenant ces régions. 200 paras en tout qui par petits groupes sont chargés de repérer les secteurs où des civils ont besoin de leur protection [on voit un camion militaire français équipé d'une automitrailleuse suivi d'une jeep].

Un hélicoptère s'est rendu à Kibuye où se trouve une communauté religieuse et des orphelinats. Une quarantaine de soldats français ont également pénétré dans le Nord-Ouest du pays pour d'autres missions de reconnaissance [diffusion d'une carte du Rwanda et de l'Est du Zaïre localisant notamment les villes de Goma, Bukavu, Gisenyi, Cyangugu et Nyarushishi ; une flèche pointe de Nyarushishi vers Kibuye et une autre de Goma vers Gisenyi et la ligne de front représentée passe loin à l'Est de Kibuye].

[Bruno Masure :] Je vous propose de retrouver maintenant en direct au téléphone l'un de nos envoyés spéciaux, Benoît Duquesne, qui se trouve à la frontière zar…, zaïroise à Bukavu. Euh, Benoît, euh…, les soldats, on l'a dit, les soldats français ont été plutôt bien accueillis hier [24 juin], euh, par les réfugiés, les populations locales. Est-ce qu'à votre connaissance il en est de même aujourd'hui ?V Benoît [deux incrustations "Bukavu (Zaïre), direct" et "Benoît Duquesne, par téléphone" s'affichent respectivement en haut et en bas de l'écran] ?… Ah. Nous avons un problème de liaison. Vous le… Ouais. Vous le constatez, euh…, Benoît Duquesne, nous avions la liaison une petite minute mais y'a un petit problème [on entend une tonalité qui sonne dans le vide]. Nous le rejoin…, nous…, nous retrentrons [sic] cette liaison dans quelques minutes. Au total en tout cas ce sont environ, euh, 2 500 soldats français qui vont être engagés dans cette opération Turquoise, dont 1 500 étaient déjà prépositionnés -- comme l'on dit -- sur le continent africain. Un millier d'autres étant acheminés de métropole. Tous ces hommes sont répartis sur deux bases arrières à la frontière du Zaïre. Précisions avec Florence Mavic.

[Florence Mavic :] L'opération Turquoise est en route [on entend un militaire crier à ses hommes : "Allez en avant !", puis on voit une automitrailleuse légère s'avancer lentement]. Les Français ne veulent pas perdre de temps [une incrustation "Bangui, Centrafrique" s'affiche à l'écran]. Paris achemine hommes et matériels vers Bangui, la capitale du Centrafrique [on voit des militaires en train de bâcher des automitrailleuses].

Ce sont avions-cargos russes, des Antonov 125 qui assurent le transport [gros plan sur des avions gros-porteurs]. À Bangui, premières vérifications, premiers briefing autour des cartes d'état-major [on voit un groupe de soldats consulter une carte et on entend l'un d'eux dire : "Là, la hauteur, on…, on voit pas [inaudible]. Un autre interroge : "Les courbes de niveau ?". Un autre soldat : "Nan, elles n'y sont pas les courbes de niveau"].

Les soldats et leur équipement réembarquent ensuite à bord d'avions plus petits pour rejoindre au Zaïre les deux têtes de pont de l'opération Turquoise : Goma au nord, Bukavu plus au sud [diffusion d'une carte du centre de l'Afrique montrant notamment la Centrafrique, le Zaïre et le Rwanda ; deux flèches partent de Bangui en direction de Bukavu et Goma]. Ces deux villes servent de base arrière pour les opérations de protection des réfugiés à l'intérieur du Rwanda.

À l'heure actuelle, un millier de soldats français appartenant pour beaucoup à l'infanterie de marine et à la Légion étrangère sont répartis à Goma et à Bukavu [gros plans sur des avions gros-porteurs].

[Pierre-Jean Segnier, "commandant" [il porte un béret vert] : "Euh, l'expérience des… ex…, euh, des opérations humanitaires qui ont eu lieu, euh, dernièrement prouve que, en fait, il faut pouvoir montrer suffisamment de force pour éviter justement de s'en servir et d'être obligé d'engager le combat".]

Au total 2 500 Français sont attendus dans cette région d'Afrique. Le Sénégal enverra 200 hommes. D'autres pays fourniront matériels et aide médicale.

L'amiral Lanxade, chef d'état-major des armées, estime que jusqu'à présent les choses se déroulent de façon satisfaisante [on voit des soldats français en train de vérifier leur matériel].

["Amiral Lanxade, Chef d'Etat Major des Armées" [on le voit en train de donner une conférence de presse] : "C'que nous cherchons à faire c'est à… juger de la situation, voir ce qui se passe, progressivement, dans cette, euh, dans cette zone. Et en même temps, par notre présence, euh, d'essayer de calmer le jeu".]

Alors que les soldats préparent leurs missions de reconnaissance à l'intérieur du Rwanda, la logistique se met en place. Le quartier général des forces françaises est installé à Goma. Une unité militaire médicale est en train d'être montée plus au sud vers Bukavu [on voit un groupe de soldats français marcher sur le tarmac d'un aéroport].

[Bruno Masure interviewe à présent Benoît Duquesne en duplex de Bukavu.]

Bruno Masure : Précisément nous avons rétabli la liaison avec Benoît Duquesne qui est là-bas à Bukavu. Benoît est-ce que vous m'entendez ?

Benoît Duquesne : Oui. J'vous entends mieux là, oui.

Bruno Masure : Alors, euh, je disais que hier [24 juin] les… -- vous en aviez été témoins --, les soldats français étaient plutôt bien accueillis par les réfugiés et les populations locales. Est-ce qu'à votre connaissance il en est de même aujourd'hui ?

Benoît Duquesne : Écoutez pour l'instant… En fait ce matin nous avons à nouveau… [deux incrustations "Bukavu (Zaïre), direct" et "Benoît Duquesne, par téléphone" s'affichent respectivement en haut et en bas de l'écran ; une carte du Rwanda et de l'Est du Zaïre localisant notamment la ville de Bukavu est également projetée], nous sommes à nouveau allés en territoire rwandais. Effectivement, l'ambiance est toujours aussi, je dirais, presque "décontractée" entre guillemets. Mais il faut dire que les militaires ici ont ralenti le rythme de leurs opérations -- en tout cas en ce qui concerne Bukavu -- puisqu'ils attendent beaucoup de matériel médical pour monter un…, un hôpital. Restent bien sûr des mol…, des militaires toujours en place en territoire rwandais et notamment au camp de Nyarushishi. Nous y sommes allés ce matin. Ils sont là, ils restent là pour sécuriser le camp -- c'est ce qui vient d'être dit. Mais leur principale difficulté c'est de faire en sorte que les langues se délient et que les gens acceptent de dire s'ils sont Tutsi ou Hutu et aussi s'il y a dans, euh, les villes -- comme c'est semble-t-il encore le cas -- des personnes qui sont réfugiées dans des maisons et qui n'osent pas sortir de peur de se faire arrêter sur des barrages.

Bruno Masure : Merci Benoît pour ces précisions. Nous vous retrouverons bien sûr dans notre édition de 20 heures.

Au centre du pays cette fois, la capitale Kigali a été de nouveau le théâtre ce matin d'affrontements sporadiques entre les forces gouvernementales et les combattants du Front patriotique rwandais.

[Bruno Masure interviewe à présent en duplex de Kigali Laurent Boussié.]

Bruno Masure : Nous avons en direct au téléphone notre envoyé spécial Laurent Boussié, qui est là-bas avec, euh, Jean-Marie Lemaire et Gérard Flegeau. Laurent est-ce que vous m'entendez ?

Laurent Boussié : Oui tout à fait Bruno.

Bruno Masure : Alors à Kigali, euh, apparemment c'est la situation sanitaire qui est en train de se dégrader très, très rapidement.

Laurent Boussié : Oui absolument [deux incrustations "Kigali (Rwanda), direct" et "Laurent Boussié, par téléphone" s'affichent respectivement en haut et en bas de l'écran ; une carte du Rwanda localisant notamment la ville de Kigali est également projetée]. Euh…, malgré, euh, une situation un p'tit peu plus calme, malgré un cessez-le-feu patiemment négocié avec les belligérants, l'ONU n'a pas réussi ce matin à faire, euh, les évacuations sanitaires prévues. Et entre autres les 300 enfants orphelins réfugiés dans la paroisse Saint-Paul dont la sécurité côté gouvernemental est de plus en plus menacée. Il faut dire que depuis quatre jours maintenant il n'y a pas eu d'évacuations de blessés et donc la situation sanitaire et médicale devient dramatique. Alors c'est peut-être pour ça que, malgré -- comme vous le disiez -- les quelques obus qui sont tombés encore ce matin autour de l'hôpital de la Croix-Rouge, les responsables du CICR et les Nations unies ont quand même réussi à transférer 70 personnes vers l'hôpital King Faisal qui est un peu moins saturé que celui de la Croix-Rouge. Alors c'est vrai, c'est…, la situation est un peu plus calme sur la capitale rwandaise mais il n'est évidemment pas question de détente. Euh, comme d'habitude on peut penser que c'est plutôt un temps d'arrêt, euh, pendant lesquels [sic], euh, chacun des belligérants reprend des forces.

Bruno Masure : Merci Laurent Boussié.

Je rappelle que vous êtes en direct de Kigali et que bien sûr nous vous retrouverons vous aussi ce soir à 20 heures. En effet [il tousse], en dépit d'évidentes difficultés de transmission des reportages de nos envoyés spéciaux au cœur de l'Afrique, la rédaction de France 2 organise ce soir dans notre journal de 20 heures une édition spéciale avec, euh, toutes nos équipes sur place et un certain nombre d'invités à Paris afin de mieux comprendre ce qui se passe actuellement là-bas au Rwanda et les conséquences que pourrait avoir cette opération.
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