Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
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MINISTERE République Française
DES
AFFAIRES ETRANGERES
Paris, le 5 juillet 1994
DIRECTION DES AFFAIRES
AFRICAINES ET MALGACHÊS
N°1810/DAM
_ 9.E.5. Compte rendu de l’entretien avec le ministre du plan
du gouvernement intérimaire rwandais, 5 juillet 1994
Déclassifié
COMPTE-RENDU
Objet : Entretien avec le Ministre du Plan du gouvernement intérimaire
rwandais.
Je me suis entretenu le 4 juillet avec M. Augustin Ngarabatware, Ministre du Plan du gouvernement intérimaire rwandais. Originaire de Gisenyi, jouissant de la confiance du Président Habyarimana, qu'il accompagnait fréquemment dans ses déplacements à l'étranger, il était un interlocuteur apprécié des bailleurs de fonds en raison de ses compétences et de sa connaissance des dossiers. Il devait abandonner son portefeuille dans le gouvernement à base élargie.
Assez désemparé, mon interlocuteur m‘a fait part de son intention de quitter
discrètement le gouvernement à bref délai (son attitude après l'attentat du 6 avril
témoignait déjà de ses hésitations).
Il s'est montré très pessimiste. Pour lui, le FPR va maintenant constituer un
gouvernement qu'il va installer à Kigali, dans lequel figureront ces "Hutus modérés”
soutenus par la communauté internationale mais que la population rwandaise
considère comme complices du Front. Le FPR va poursuivre son offensive au nord-
ouest pour briser définitivement le gouvernement intérimaire et les FAR. Les
autorités françaises peuvent s'attendre a voir affluer des centaines de milliers de
déplacés dans leur zone de protection humanitaire, d'autres se réfugieront au-delà
des frontières. Quant aux partisans du gouvernement, ils lutteront jusqu'au dernier,
malgré l'extrême pénurie de munitions (dûe à l'embargo et à l'absence de moyens
financiers), car ils savent que le FPR entend de toutes façon les liquider et préfèrent
tomber les armes à la main.
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Seule une initiative politique de la France et des Etats-Unis pourrait selon
mon interlocuteur stopper cette évolution, en contraignant Museveni à interrompre
son soutien au FPR et ce dernier à reprendre le dialogue, sur la base des accords
d'Arusha, avec le gouvernement intérimaire. Mais la communauté internationale est
elle—même divisée et s'accommode fort bien de voir le FPR prendre le pouvoir au
Rwanda, même si cela doit l'amener à financer durablement une aide humanitaire
aux millions de déplacés et réfugiés...
J'ai saisi l'occasion de cet entretien pour exposer à M. Ngarabatwara, qui
repartait ce soir pour Goma via Kinshasa, ce que nous attendons du gouvernement
intérimaire dans la zone de sécurité. J'ai aussi attiré son attention sur le caractère
inadmissible des émissions de la radio des Mille Collines. Il s'est borné à dénoncer
l’indulgence de la communauté internationale envers le FPR, qui massacre lui aussi,
et sa radio (Radio Muhabura).
Je note enfin que, selon mon interlocuteur, M. Mbangura, qui était jusqu'au 6
avril Ministre de l'Enseignement Supérieur, exerce les fonctions de directeur de
cabinet du Président de la République a.i. depuis la défection de M. Ruhigira. Il a
été remplacé à son précédent poste par le directeur général du Ministère./.
J.M. Marlaud
Diffusion :
Elysée : M. Delaye
Matignon : M. de Montferrand
Cabinet : M. Emié
Mme Loiseau—Ducoulombier
DAM. : M. de.La Sablière
Mme Boivineau