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Num
31370
Date
Mercredi 25 novembre 2009
Ymd
Author
File
Size
59458
Pages
4
Title
Procès de Simugomwa Fidèle devant la juridiction d'appel de Murangara [Résumé]
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Abstract
Simugomwa Fidèle is an Interahamwe who, according to Serge Farnel, affirms that French soldiers took part in the massacre of May 13, 1994 in Bisesero with heavy weapons. He would have said so during his trial before the Gacaca tribunal. But there is no question of that here.
Source
Type
Note
Language
FR
Citation
PROCES EN APPEL DE SIMUGOMWA FIDELE
GACACA : JURIDICTION D’APPEL DE MURANGARA

25/11/2009

A la question qui lui est posée pour savoir s’il souhaite faire des aveux et plaider coupable, il
répond : « Oui, j’avoue mes crimes, j’en plaide coupable et j’en demande pardon ».
Il dit qu’il avoue :
-

L’attaque de Rulinda dans sa cachette ;
L’assassinat de 11 personnes ;
L’attaque dans Bisesero.

C’est là tout ce dont je m’accuse, dit-il.
Usabyimfura Vincent déclare qu’il a sollicité un nouveau jugement de l’affaire Simugomwa
uniquement dans l’intérêt de la justice, que sinon il n’a rien de plus à dire.
Fidèle redit donc qu’il commencera par « demander pardon à la société rwandaise pour les
crimes » qu’il a commis et dont il a fait des aveux spontanés en 2002.
Et s’explique :
1) Pour l’assassinat de Rurinda :
Lui et d’autres ont répondu à l’appel du tambour et d’une annonce que les domiciles
de Ngerageze et Rusine étaient attaqués et qu’il fallait aller les secourir. Il s’y est
rendu en compagnie de Niyonsaba Berchmans le responsable du secteur qui
commandait l’attaque, Nzarora Narcisse, Bankundiye, Pierre, Ngenzahayo Emmanuel,
Nshimiye Alexis, et beaucoup d’autres.
« Nous avons encerclé la maison et Bankundiye et Nzarora sont entrés et l’ont sorti de
la maison tandis que nous, nous gardions la porte d’entrée. M’apercevant, il m’a
supplié de demander grâce pour lui. Je lui ai dit de nous donner de l’argent, et il a
répondu qu’on lui avait dépouillé de la somme qu’il avait, mais qu’il pouvait aller nous
en trouver chez lui. Nous l’avons escorté jusqu’à Ryaruhanga, on lui a pris les clés de
contact de son véhicule et la carte rose, sa sacoche, sa montre et ses chaussures. Je
suis retourné demander de l’argent et on ne me donna que 4 700Frw, après quoi je
m’en suis allé. A mon retour, Nzarora et d’autres l’avaient tué. Moi je portais une
épée, mais je ne l’ai pas coupé avec. Nous nous sommes éloignés croyant qu’il était
mort, mais j’appris par après par Nzabandora que la famille de Rusine s’était occupé
de l’achever. Son cadavre, nous l’avons balancé dans un ravin, nous ne l’avons pas
enterré. Cela je le reconnais et j’en demande pardon ».
2) Le massacre de 11 personnes :

-

« Nous faisions la ronde mais moi je ne m’y étais pas rendu et Nkuranga est venu
frapper à ma porte en disant qu’il y avait des gens qui venaient de Kibuye et qui
s’informaient sur la route pour se rendre à Bisesero et que c’étaient des tutsi. Il me
demandait de venir les aider (à les tuer). Je me suis levé et on est partis ensemble,
nous les avons conduits à une fosse et les y avons tués. Et d’ailleurs nous avons déjà
montré où se trouvaient leurs corps ».
Ceux qui se trouvaient avec moi étaient :
Kaje ;
Rwanteri était présent aussi mais lui et Ntakirutimana ainsi que Habimana Samuel
suppliaient plutôt qu’on épargnât ces gens-là ;
Kaje, moi-même, Nkuranga, Bakanguke, Callixte, nous avons refusé de leur laisser la
vie sauve et les avons tués.

3) Bisesero :
« J’avoue (l’attaque de) Bisesero et j’en demande pardon. Ceux qui m’accompagnaient
là-bas sont :
- Niyonsaba Bernard, Nkuranga, Twagiramungu, Mivumbi, Karoli dit Gipfupfu, Kaje,
Semanyenzi Emile, Léonidas dit Banzuyampe, uwihoreye, Pascal.
Le but de notre expédition là-bas était de massacrer et de piller. Arrivés à Nyiramakware,
nous y avons trouvé un enfant et une vieille que nous avons tués. Rukara, qui gardait neuf
vaches s’est sauvé, et nous avons saisi les 9 vaches que nous nous sommes partagées.
Certains des propriétaires de ces vaches, je les ai indemnisés, d’autres m’ont simplement
accordé leur pardon. Je ne me suis rendu à Bisesero qu’une seule fois, je n’y suis plus
retourné pour les raisons suivantes :
-

Je suis reparti immédiatement à Ruhengeri car on venait tout juste de m’appeler pour
me dire que ma femme et d’autres personnes étaient menacées et j’y suis allé tout de
suite.

Le reste, ce sont des gens qui ont été tués à l’université, et ça aussi j’en ai déjà parlé ».
A la question de savoir ce qu’il avait fait de la grenade dont il s’était muni en se rendant chez
Rurinda pour réclamer de l’argent, il répond qu’il l’a rendue au responsable qui la lui l’avait
donnée.
N’en possédai-t-il pas une autre ? lui est-il demandé.
« Non. Sauf un fusil que j’avais acheté à un militaire qui fuyait. Je l’ai confié plus tard à
Nyarugati contre 20 000Frw, le FPR se trouvait déjà dans la région et demandait que ceux qui
avaient des armes à feu les rendent. On a convenu avec Nyarugati que lorsque la sécurité
serait revenue il le rendrait. Par après j’ai été emprisonné et j’ai expliqué que je l’avais donné
à Nyarugati et lui a reconnu que c’était vrai. Il a dit qu’il y avait dedans 28 cartouches mais
que la personne qui lui avait appris à s’en servir en avait tiré deux. Lorsqu’il eut remis ce fusil,

on voulut me relâcher, mais j’ai dit que j’avais perpétré des massacres et que je voulais
(rester en prison pour) attendre de comparaître devant la justice ».
Cette arme, ne s’en-t-il jamais servi ou ne s’est-il pas baladé avec ?
Il répond qu’il ne s’en est jamais servi, qu’il l’a tout de suite déposée chez lui.
Il précise que ce sont là les crimes qu’il avoue et pour lesquels il plaide coupable et demande
pardon.
Nyakayiro Sylver intervient longuement pour démentir les propos de Fidèle. En substance, il
dit ceci :
-

-

-

-

Tout d’abord, concernant Rurinda, il n’a pas été tué 2 fois, il n’y a pas eu d’appel de
tambour, et c’est le fils de Rusine qui est allé dénoncer ses parents pour avoir offert
cachette à Rurilnda. Surpris par cette trahison, Rusine et Ngerageze ont refusé que
leur ami soit tué chez eux et les tueurs l’ont conduit ailleurs pour le massacrer.
Pour les 11 victimes, Fidèle ment, personne n’est allé le chercher dans son lit, il
participait à cette ronde avec d’autres, car il y avait deux rondes établies pour arrêter
les gens (tutsi).
Pour Bisesero ? il n’est jamais allé là-bas pour faire des aveux et plaider coupable ;
c’est seulement lorsqu’il a su que Nemeye s’y était rendu pour donner des
informations sur les massacres et l’avait dénoncé qu’il s’y est rendu à son tour pour se
dénoncer. Peu après, il est parti à Ruhengeri d’où il a ramené des papiers prouvant
que c’est Nemeye qui était génocidaire, celui-ci…a fini par s’exiler.
Quant aux vaches de Rukara dont il a parlé, il ment car Rukara n’a jamais possédé 9
vaches.

Beaucoup d’autres questions et remarques viennent de l’assistance. On peut noter celle de
Kayibanda Charles demandant comment Fidèle a su acheter un fusil, connaitre sa marque et
le nombre de cartouches qu’il contenait sans avoir fait l’armée. A cela Fidèle répond qu’il n’a
pas été militaire mais que là où il travaillait on leur apprenait l’usage des armes à feu. Le
même Kayibanda fait remarquer que nulle part Fidèle ne démontre de manière claire ses
responsabilités dans les homicides évoqués, par exemple il trouve qu’il reste flou sur
l’assassinat des 11 fuyards en provenance de Kibuye. Fidèle s’explique en disant que
Bakanguke et Callixte abattaient les victimes avec des massues et que lui et les autres
poussaient les corps dans la fosse.
Usabyimfura Vincent demande aux juges de bien analyser le fait que Fidèle a appris le
maniement d’armes à feu avant le génocide et a été un interahamwe et en tirer les
conclusions qui s’imposent.
Fidèle réplique que lui et d’autres apprenaient les armes non pas en qualité d’interahamwe
mais de militaires, et que les instructions venaient des hauts cercles du pouvoir. « J’ai été
entraîné aux armes dans le cadre des employés de l’université », assure-t-il.

Un certain nombre de témoins, dont Nyakayiru Sylver et Vincent Usabyimfura, Uzamukunda
Dorothée, Mazimpaka Melchior, l’accusent de l’arrestation, de la séquestration, des viols
répétés et d’assassinat d’une adolescente élève de première année secondaire que lui et
Kaje avaient arrêtée et enfermée chez Kaje. L’adolescente avait fini par souhaiter qu’on la tue
au lieu de continuer à la violer à chacun de leur retour du ‘‘front’’.
Fidèle nie farouchement et reporte ces crimes sur ses complices Kaje, Bakanguke et
Senyamuhinda.

Le jugement
-

Le tribunal gacaca d’appel de Murangara décide que les aveux et le plaidoyer de
culpabilité de Simugomwa Fidèle sont recevables ;
Il le classe dans la 1ère catégorie, point 3 ;
Il le condamne à 24 ans d’emprisonnement, répartis de la manière suivante :
1/6, soit 4 ans à passer en prison ;
1/3, soit 8 ans, prison avec sursis ;
1/2, soit 12 ans, de TIG.

Comme le condamné a déjà fait 6 ans de prison, sa peine est ramenée à seulement 10 ans de
TIG.
Il est exempté du crime de viol, uniquement imputable à Kaje car c’est lui qui l’avait prise en
charge. Celui-ci est condamné à l’emprisonnement à vie.

Remarques :
Ce procès ne semble pas avoir tenu en compte les témoignages à charge contre le prévenu.
Sa clémence pose question quant à sa compétence ou son impartialité. Cela laisse le
sentiment d’une justice tronquée vis-à-vis des victimes. D’ailleurs, au moins deux témoins
ont exprimé leur désaccord sur le verdict.
Enfin, les termes utilisés par la juridiction pour qualifier la séquestration chez Kaje de
l’adolescente sont à tout le moins choquants.
Une dernière remarque : les dates sont absentes dans ce procès.

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