L’armée congolaise a déployé, depuis dimanche 6 novembre, deux avions de chasse Sukhoï-25 dans le Nord-Kivu (est), où elle est aux prises avec une offensive des rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23). L’un des appareils a été accusé dès lundi par le Rwanda d’avoir violé son espace aérien – un survol «
malencontreux » selon Kinshasa.
Un «
avion de chasse Sukhoï-25 de la République démocratique du Congo [RDC] a violé l’espace aérien rwandais à 11 h 20 ce matin et s’est brièvement posé à l’aéroport de Rubavu, dans la province de l’Ouest », a affirmé le gouvernement rwandais dans un communiqué, sans préciser la raison pour laquelle cet avion s’était posé au Rwanda. «
Aucune action militaire n’a été entreprise par le Rwanda en réponse et l’avion est retourné en RDC. Les autorités rwandaises ont protesté contre cette provocation auprès du gouvernement de la RDC, qui a reconnu l’incident », a-t-il ajouté.
«
Dans le cadre des vols de reconnaissance, un avion congolais de type Sukhoï-25 non armé a malencontreusement survolé l’espace aérien » du Rwanda, à la frontière des deux pays, a ensuite indiqué Kinshasa dans un communiqué diffusé par le ministère de la communication et des médias. Le gouvernement «
réaffirme que de la même manière qu’elle tient à son intégrité territoriale, la République démocratique du Congo n’a jamais nourri l’intention de violer celle de ses voisins », ajoute le texte.
Le M23 gagne du terrain
Les relations sont très tendues entre le Rwanda et la RDC depuis la résurgence du M23, une ancienne rébellion tutsi vaincue en 2013 et qui a repris les armes fin 2021. Kinshasa, qui accuse Kigali de soutenir activement cette rébellion, a expulsé l’ambassadeur du Rwanda.
Lundi matin, les deux Su-25 avaient décollé bruyamment de l’aéroport de Goma pour se diriger vers le territoire de Rutshuru, où le M23 a gagné du terrain ces dernières semaines. «
Un avion de chasse de l’armée vient de survoler Kiwanja », a témoigné dans la matinée un habitant de cette localité passée sous contrôle rebelle fin octobre et située sur la route nationale 2, un axe stratégique desservant Goma, ville de plus d’un million d’habitants.
Sur la même route, Rutshuru-Centre, à environ 70 km de Goma, était tombée aux mains du M23 presque en même temps, suivie de peu de Rumangabo (à 45 km de Goma), site d’un camp militaire congolais – désormais tenu par les rebelles – et du quartier général du parc national des Virunga. Le front se situe maintenant aux environs de Rugari, à quelque 30 km de Goma, où les lignes semblaient figées depuis le milieu de la semaine dernière.
«
Nous sommes en opération. Tant qu’il y aura un seul centimètre occupé par les rebelles, nous continuerons de nous battre. Nous sommes agressés et la RDC a le droit de mettre tous les moyens à sa disposition », a commenté le colonel Guillaume Ndjike Kaiko, porte-parole de l’armée dans la région.
« Je donne ma vie à la nation »
Selon lui, parallèlement aux opérations militaires, des jeunes continuent de s’enrôler en masse dans l’armée congolaise pour contrer l’«
agression » dont la RDC accuse le Rwanda. Un appel à s’engager leur a été lancé jeudi par le président Félix Tshisekedi, qui, dans un message à la nation, leur a également demandé de «
s’organiser en groupes de vigilance ». «
Nous avons déjà enregistré plus de 3 000 candidats qui ont répondu à l’appel du chef de l’Etat », a assuré le colonel Ndjike.
«
Les Rwandais nous maltraitent depuis des années, je viens d’entrer dans l’armée pour défendre mon pays », déclare Rachel, 22 ans, parmi les jeunes recrues qui suivaient lundi matin à Goma un premier entraînement. «
Je veux me battre contre le Rwanda. Je donne ma vie à la nation », appuie Solange, 25 ans.
Non loin d’elles, des garçons, en baskets, tee-shirts ou chemises, ont en main des fusils factices en bois. D’autres se font raser la tête pour avoir une coupe plus réglementaire. «
Les vrais Congolais doivent rejoindre l’armée pour battre les rebelles », estime Daniel, 28 ans, avant d’entonner avec ses camarades des chants prônant l’unité nationale et hostiles au Rwanda. «
Vous allez partir en formation afin que vous puissiez revenir combattre pour le pays », leur a dit le général major Chico Tshitambwa, sous-chef d’état-major chargé des opérations.
Le Monde avec AFP