Author-card of document number 30816

Num
30816
Date
Samedi 17 septembre 2022
Ymd
Author
File
Size
45560
Pages
8
Title
Si la France n'était pas intervenue avec autant de constance en faveur du régime Habyarimana, on aurait évité le troisième grand génocide du XXème siècle
Subtitle
Témoignage lors de la soirée du colloque international sur le génocide des Tutsi au Centre culturel francophone de Kigali.
Tres
Interviewé par Joseph Nsengimana, rescapé du génocide et ancien ministre, le nouvel ambassadeur de France au Rwanda Antoine Anfré rapporte qu'il a été numéro 2 à l'ambassade de France en Ouganda de 1987 à 1991 puis rédacteur « Rwanda » à la division Afrique du Quai d'Orsay où il a été sanctionné pour ses analyses. Il fait sienne la conclusion du rapport Duclert selon laquelle la responsabilité de la France est « lourde et accablante » et celle du rapport Muse pour qui « la France a rendu possible un génocide qui était prévisible ».
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RDC
Keyword
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Source
RTV
Type
Témoignage
Language
FR
Citation
Joseph Nsengimana : Bonsoir. Euh…, nous venons, euh, d'écouter les témoignages. Les témoignages des personnes qui ne sont pas présentes. Euh…, mais nous avons la chance ce soir d'être avec, euh…, l'ambassadeur Antoine Anfré, qui est également un témoin. Un témoin de cette période. Et, euh, c'est une chance, Excellence Monsieur l'ambassadeur, de vous avoir ce soir et, euh…, d'avoir… l'opportunité de vous écouter. Parce que en…, dans la période à…, euh…, dans la période allant de 1990 à 1994, Monsieur Anfré était, euh…, en mission en République de l'Ouganda -- un pays voisin -- et il suivait ce qui se passait ici. Donc, nous avons la chance de l'avoir ce soir. Et je voudrais, euh, qu'il nous parle…, qu'il nous parle de ce qui s'est passé, de ce qu'il a vu, de ce qu'il a compris, de ce qu'il a fait. Je…, j'aimerais, Excellence Monsieur l'Ambassadeur, vous demander : à cette période, essentiellement à partir, euh…, de septembre ou d'octobre 90, qu'est-ce que vous avez vu, qu'est-ce que vous avez compris, qu'est-ce que vous avez fait ?

Antoine Anfré : Me…, merci Monsieur l'ambassadeur. Peut-être d'abord une petite rectification : euh, en fait, euh, j'ai été d'une certaine manière un…, à la fois un acteur et un observateur dans la région, à partir de Kampala. Mais en fait de 1987 à 1991, euh…, à Kampala. Enfin, avril 91. Et ensuite j'ai été effectivement pendant un an rédacteur "Rwanda", euh, donc en 1991-92. Donc en fait c'est vrai que de…, de l'offensive du FPR le 1er octobre 90, euh, jusqu'à mon départ en fait de la Direction d'Afrique au Quai d'Orsay -- j'y reviendrai tout à l'heure -- le 31 octobre 92, euh, j'ai été, euh, euh…, quelqu'un qui a eu beaucoup, beaucoup d'éléments, enfin beaucoup de…, et qui pouvait faire les analyses, euh, qui, rétrospectivement effectivement, peuvent paraître pertinentes. Euh…, alors, pourquoi ? C'est tout simplement parce que j'ai…, j'ai…, j'ai passé -- enfin quand j'avais 24 ans -- un concours pour rejoindre le ministère des…, des Affaires étrangères. Euh…, j'ai été nommé, comme j'avais fait mon service militaire… À l'époque l'Ouganda n'avait pas très bonne presse, hein. Le Président Museveni venait de prendre le pouvoir par les armes, euh, ben un an avant ma nomination. Et en fait j'ai été nommé numéro 2 à Kampala, euh…, où je suis arrivé donc en juillet 1987. Hein, Museveni est au pouvoir depuis…, depuis 18 mois, depuis janvier 86. Euh…, faut savoir que, bon, moi j'avais simplement fait des études à Sciences-Po, euh, et à Sciences-Po on n'a…, on n'apprenait pas grand-chose sur l'Afrique. Euh, simplement comme j'étais un étudiant à peu près, hein…, à…, à peu près correct… Enfin à l'époque y'avait pas Internet, y'avait pas tout ça. Mais avant d'être nommé à Kampala, je suis allé donc à la librairie, euh…, Joseph Gibert. Y'a un…, un grand…, enfin une partie consacrée à l'Afrique, euh, et j'ai essayé de trouver des livres sur le…, sur l'Ouganda et sur la région. Alors j'ai trouvé un…, un livre en anglais de Gérard Prunier. Et puis j'ai surtout trouvé un ouvrage, euh…, ben du premier Monsieur qu'on a vu sur les écrans [un peu plus tôt dans la soirée, NdT], de Jean-Pierre Chrétien, euh, en fait sur l'Afrique des Grands lacs. Et donc je me suis dis que c'était intéressant. Et j'ai lu cet ouvrage. Alors c'est vrai que cet ouvrage ben portait essentiellement sur le Burundi et sur le Rwanda mais en fait ça m'a permis de comprendre effectivement ce qu'étaient les Tutsi, ce qu'étaient les Hutu, ce qu'étaient…, ce qu'était les Twa aussi. Que c'était absolument pas effectivement, euh, le discours absolument caricatural, hein, sur, euh…, les Bantous, euh, les Hamites, euh, euh, les gens qui étaient destinés par nature à…, à ne pas s'entendre et éventuellement s'entretuer. Euh…, et…, et donc j'ai pu…, j'ai pu avoir, euh, ben je dirais sur la base du…, d'une analyse, euh…, enfin… scientifique, euh, une compréhension finalement de la région qui était bien supérieure à celle de mes supérieurs hiérarchiques. Alors quand je dis "mes supérieurs hiérarchiques", c'est à Paris. Parce qu'en fait en Ouganda j'ai eu un bon ambassadeur. Euh, y'a aussi le fait… -- puis après, là, je suis un petit peu long [sourire], je vous repasserai le micro -- mais y'a aussi le fait qu'étant…, qu'étant en Ouganda quand même, j'ai…, j'ai…, j'ai effectivement ben été très vite confronté, euh…, enfin pas confronté, enfin j'ai compris qu'il y avait, euh, la question Banyarwanda que…, comme on disait. C'est-à-dire que énormément de réfugiés rwandais de 59, de 63, de 73 avaient dû se réfugier au Rwanda, euh, en Ouganda pardon. Et une partie de ces réfugiés d'ailleurs était le fer de lance de la NRA, de…, de l'armée de Museveni, hein. Puisque tout le monde sait que le…, l'actuel Président Kagame a été major dans la NRA et que le premier…, le premier chef militaire du FPR, donc Fred Rwigema, hein, lui, a été major général. Il a même eu ses galons, d'ailleurs, devant Habyarimana, hein. Je…, c'était…, c'était à une époque [sourire] où…, où j'avais été chargé d'affaires. Je pense qu'Habyarimana est venu en visite officielle, euh, à Kampala. Euh, que… certainement Museveni a voulu lui adresser un message très fort : c'est-à-dire qu'en fait, euh, les commandeurs de la NRA sont devenus, ont eu leurs grades… -- alors les majors, euh, colonels, euh, euh…, major général, brigadier général, etc. -- euh, ça s'est fait devant…, devant Habyarimana, hein. C'est-à-dire que je crois que c'était un moyen de lui montrer que sa politique de refus absolu de retour des réfugiés -- parce que il…, il était vraiment dans…, dans…, dans…, dans ce refus total -- n'était pas tenable dans la durée. Et qu'en plus y'avait, euh…, y'a…, y'avait effectivement, euh…, parce que il est clair que ces réfugiés, donc ces…, ces…, ces…, ces réfugiés rwandais en…, en Ouganda, euh…, étaient nombreux, occupaient une place importante dans l'appareil militaire, avaient été persécutés sous Obote. C'est la raison pour laquelle ils avaient rejoint…, ils avaient rejoint donc le…, l'armée de Museveni. Euh, et…, et ils étaient pas tous bien acceptés, euh, dans la société ougandaise. Et ils avaient tous le souhait, euh, si ce n'est de retourner au pays, au moins de…, de retrouver une identité rwandaise -- qui avait toujours été la leur --, de retrouver une citoyenneté. Et ça, ça leur était complètement dénié par le régime d'Ha…, d'Habyarimana. Euh…, et puis…, voilà. Je vais peut-être vous ren…, vous relaisser la parole [sourire]. J'ai encore d'autres éléments. Mais c'est-à-dire étant aussi à Kampala, bon, on percevait, on savait à Kampala que, euh…, ce pouvoir rwandais était un pouvoir quand même assez déliquescent, euh, que la situation économique était d'une… grande médiocrité, qu'il y avait des problèmes de famine, etc. Enfin que c'était un pays qui n'allait pas bien, si vous voulez. Hein, ça c'était très clair. Euh, et c'est vrai que, euh, en tant que diplomate, euh, c'était, euh…, pffuu…, oui, c'était assez, euh…, assez perturbant de voir que ce pays qui n'allait pas bien, qui avait un mauvais leader, qui avait un leader qui était déconsidéré dans la région, ben c'était le pays sur lequel la France s'appuyait. Et ça, c'était…, ça été une amère déception. Ben voilà, je vous redonne la parole.

Joseph Nsengimana : Oui. Euh…, pendant cette période justement, et en lisant le livre La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, euh, 1990 à 1994, on voit que dans cette période 90-94, c'est le…, je…, je cite le rapport Duclert, euh, dans les pages essentiellement, euh, 940-neuf-cent…, euh…, soixante, euh…, mais dans cette période, le discours de la France…, le discours po…, euh…, euh, politique au haut niveau, c'est, euh…, "massacres inter…, interethniques" et "guerre civile". Vous -- il est clair également dans le même livre --, que, euh, vous avez tenu, euh…, vous avez informé, euh…, de la réalité comme rédacteur "Rwanda" essentiellement, de la réalité de…, de…, du conflit. Euh, qu'est-ce que vous avez perçu ? Qu'est-ce que vous avez…, euh, quelle information avez-vous donné à vos supérieurs ?

Antoine Anfré : Ben, ben déjà c'est-à-dire moi je…, je…, je savais en fait que le FPR n'avait pas d'autre choix que de gagner, si vous voulez. Ça, j'avais…, c'était une conviction que j'avais [sourire], euh…, qui était liée un petit peu, euh…, ben pareil, à mon expérience ougandaise. Euh, je savais que, euh, la NRA de Museveni, son fer de lance c'était en grande partie les Banyarwanda, hein, qui…, qui composaient cette NRA, euh, qui s'étaient battus depuis plus de cinq ans notamment dans le Triangle de Luweero. Je savais aussi qu'il y avait eu des massacres abominables dans le Triangle de Luweero. On parle de 300 000 morts, hein. Quand je suis arrivé, je me souviens, à…, à Kampala, euh…, y'avait à l'entrée des villages dans le Luweero, y'avait aussi des pyramides de crânes, en guise de témoignages. Bon ensuite elles ont, euh…, le…, le…, le…, le…, le régime, enfin le régime du NRA et…, a enterré les…, les…, les dépouilles. Euh, et…, et donc, j'avais perçu, si vous voulez, que…, que de toute façon, enfin je savais que les…, les Forces armées rwandaises d'Habyarimana n'étaient…, étaient incapables de tenir sans l'aide militaire française. Hein, c'est…, c'est le…, l'opération Noroît dont parle le colonel Galinié [dans son intervention précédente, NdT]. Donc la France, si vous voulez, y'a l'attaque le 1er octobre, la France réagit de manière quasi pavlovienne, c'est-à-dire vole au secours d'un régime soi-disant ami en dépêchant des militaires. Hein, donc ça a été Noroît et ça a été le DAMI, le détachement d'assistance militaire et…, et d'instruction, hein, qui, euh…, et donc, ça, ça démarre le…, le 3 octobre. Et…, et y'a une… -- 3-4 octobre --, y'a eu…, y'a notamment une colonne du FPR, parce qu'au début ça aurait dû être une guerre éclair, qui en fait est décimée par les hélicoptères parce qu'ils n'ont pas de…, de couverture anti-aérienne. Et moi en revanche je savais que c'était pas du tout une victoire définitive, que c'était…, que c'était simplement quelque chose qui allait retarder l'échéance, et que plus la guerre durerait, plus y'aurait de morts. Et plus une guerre dure, plus les morts c'est pas des militaires, c'est les civils. Euh, et en plus, on avait aussi des informations, alors…, sur, effectivement, euh, la discrimination, euh, contre les Tutsi, sur les pogroms. Euh, on savait qu'il y avait déjà eu des massacres en 59, en 62, en 63, en 73. Enfin, euh…, euh, donc il était évident que, euh, ce…, ce soutien, euh…, malheureusement aveugle et…, et…, et…, et quand même toujours de plus en plus fort… C'est-à-dire qu'à chaque fois que, euh, éventuellement les décideurs en France auraient pris une décision…, auraient pu prendre une décision, auraient pu dire : "Bon allez, peut-être que là on va trop loin, on va pas accroître le soutien militaire aux FAR, au régime d'Habyarimana", euh, même aux gendarmes, hein -- y'avait une coopé…, au début la coopération, c'était dans le domaine de la gendarmerie --, à chaque fois qu'on aurait pu…, on aurait pu essayer effectivement de réorienter complètement notre politique, en fait non : le choix qui a été fait, ça a été toujours d'accroître, euh, cette présence militaire. C'est-à-dire qu'à un moment donné, y'a eu quand même jusqu'à 800 militaires français, euh…, dans…, dans ce pays. Euh, et, si vous voulez, moi ce que je connais de…, de première main, c'est du 1er octobre 90 au 31 octobre 92. Alors quand…, quand j'arrive en fait en avril 91 à Paris, hein, après presque quatre ans en Ouganda, je me dis mon devoir, c'est d'essayer d'informer des gens qui ne savent pas. Vous voyez, des gens qui, euh, qui réagissent, euh, euh…, ben je vous l'ai dit, de manière pavlovienne, à partir d'une lecture purement "ethnique" entre guillemets de l'Afrique -- donc complètement dépassée. Une lecture marquée, je dirais, par…, par la pensée, euh, de…, je sais pas, de Gobineau et puis par des…, par des arguments qui datent de la fin du XIXème et du début…, début du XXème. Euh, et…, et…, et donc je me dis, ben faut que j'écrive, faut que je fasse des notes, euh, pour essayer, ben, de réorienter une politique qui est fautive et qui peut…, qui peut aboutir à une catastrophe, non seulement au Rwanda mais aussi dans la région. Parce que ça a eu des répercussions évidemment au Burundi, ça en a eu dans l'Est de la RDC, enfin, on n'est pas…, on n'est pas encore sorti de tout ça malheureusement. Euh, et puis en fait, euh…, ben malheureusement, je fais une première note au mois de mai. Euh…, puis j'en fait une seconde au mois de…, au mois de juillet 91 [sourire]. Euh, et puis ces notes n'ont aucun écho. Enfin, elles sont lues par ma…, ma hiérarchie mais elles sont, euh…, elles sont mises de côté. Et puis en fait elles me valent même, progressivement, une marginalisation, euh, au sein de la Direction d'Afrique. C'est-à-dire que petit à petit, euh…, alors que je suis sans doute, euh, ben, euh…, en tant que rédacteur, en tout cas celui qui connaît le mieux le dossier, euh, en fait je suis plus du tout associé à la gestion du dossier. Et…, et en revanche, je…, je…, j'assiste effectivement, bon c'est ce que dit le…, le…, notamment le colonel Galinié, euh…, au fait que ce dossier est complètement phagocyté par l'Élysée, hein, à la fois par la cellule africaine de l'Élysée, et aussi par le…, l'état-major particulier. Euh, donc avec des…, des personnalités qui sont là pour mettre en œuvre la politique qu'ils estiment être la politique décidée par le président de la République, par le Président Mitterrand. Alors c'est vrai que dans une démocratie, normalement les militaires et les fonctionnaires ils sont là pour appliquer la politique d'un…, d'un…, d'un Président démocratiquement élu, hein. Mais si cette politique aboutit à une catastrophe et peut permettre un génocide, le devoir de ces fonctionnaires -- civils ou militaires --, c'est de ne pas la mettre en œuvre. Hein, c'est ce qu'on apprend. C'est-à-dire normalement, ben, on…, on a le devoir de désobéir à un ordre qui est illégal. Et finalement, euh, une instruction qui…, qui permet d'arriver à un crime contre l'humanité, c'est par définition une instruction illégale. Et donc si vous voulez, moi, ma conviction, alors en deux mots -- après [sourire] je vous redonnerai la parole -- mais c'est que si la France militairement n'était pas intervenue avec autant de constance du 1er octobre, enfin du 3 octobre 90 jusqu'à, euh…, fin…, fin 93, hein, la fin de Noroît, bon et puis après…, euh, le FPR aurait pris le pouvoir beaucoup plus vite, y'aurait eu beaucoup moins de morts et on aurait évité effectivement le troisième grand génocide du XXème siècle. C'est-à-dire il y aurait eu certainement, euh, ça aurait pas été un champ de roses, hein, ça aurait sans doute été difficile, euh, mais il est clair que… sans cette présence militaire française qui était quand même massive à l'échelle d'un petit pays -- hein, le Rwanda c'est plus petit que la Bretagne, hein, c'est 26 000 kilomètres carrés --, euh…, les FAR qui étaient de très mauvais soldats, hein, qui ont été…, ils ont été très bons pour massacrer, pour…, pour entraîner et encadrer les Interahamwe, mais ils…, ils ont pas été bons pour se battre, ben les FAR auraient été complètement débordées par le FPR qui était très, très nettement supérieur, compte tenu aussi de l'expérience acquise, euh…, en Ouganda, euh, dans la NRA, dans le combat contre Obote, contre Okello ensuite dans le Nord de l'Ouganda. Donc…, donc c'est pour ça qu'effectivement la…, comme le dit le rapport Duclert, le…, la responsabilité de la France, elle est "lourde et accablante". Et…, et comme le dit aussi le rapport Muse -- c'est là que les…, les deux rapports se…, se rapprochent, "La France a rendu possible un génocide qui était prévisible".

Joseph Nsengimana : Euh…, merci de ces informations. Euh…, à la page, euh…, 647, euh, euh, le rapport Duclert, euh…, parle de tension sur, euh, les carrières. Est-ce que, euh, vous avez été objet de sanctions dans votre carrière parce que vous transmettiez des, euh…, des messages, euh, qui n'étaient pas considérés à cette époque par, euh, par, euh, l'Élysée ?

Antoine Anfré : Oui, alors, effectivement. Mais honnêtement j'ai un petit peu de…, de scrupules, disons, à…, enfin à…, après ce qu'on a entendu si vous voulez, hein… Avant moi y'avait vraiment -- vous en êtes vous-même, vous êtes un…, vous êtes un rescapé, vous êtes une vraie victime, vous êtes… Enfin ce que vous avez vécu c'est sans commune mesure avec, euh…, euh, avec les…, les…, les…, les quelques sanctions dont…, dont j'ai été victime. Donc, si vous voulez moi, effectivement, j'ai…, j'ai été sanctionné en ce sens qu'on m'a…, on m'a supprimé mes primes et on m'a très mal noté. Euh…, mais, enfin, c'est rien je veux dire. Enfin, c'est…, c'est désagréable quand on est fonctionnaire mais c'est absolument rien par rapport à ce qu'ont vécu… Enfin je…, je vois Madame…, je suis désolé, je…, Spéciosa, c'est ça, hein. Enfin, voilà, c'est…, c'est…, c'est…, c'est…, c'est dérisoire, moi, les…, les…, j'ai…, j'ai été effectivement un petit peu sanctionné mais c'est dérisoire par rapport aux souffrances que d'autres ont enduré. Euh, alors c'est un petit peu lamentable, hein. Ça prouve effectivement qu'on a un système, euh…, bah qui est pas…, qui est pas forcément très satisfaisant. Il faut savoir que j'ai pu quand même un peu m'en tirer -- j'ai pas été, euh…, ça m'a pas trop perturbé -- tout simplement parce que j'avais passé un concours pour…, pour accéder au cycle préparatoire au concours interne de l'ENA. Donc en fait, euh, bon j'avais une porte de sortie. C'est-à-dire que j'avais bien compris que j'avais…, j'avais plus aucun avenir à la Direction d'Afrique, euh, et qu'il fallait que je rebondisse, euh, bah en passant un concours et en…, et en ayant un grade supérieur à celui que j'avais, quoi. Euh, mais c'est vrai que rétrospectivement, je me dis que si j'avais pas réussi à faire l'ENA… Euh, parce que j'ai une notation qui était quand même assez lamentable, enfin on m'expliquait que j'étais pas loyal, que j'étais pas digne d'être fonctionnaire, j'aurais peut-être pu faire un chercheur, et encore c'était pas sûr [sourire]. Voilà enfin c'était, euh… Mais…, mais donc cette notation là m'aurait poursuivi dans ma carrière et effectivement je…, je…, euh…, j'aurais sans doute…, enfin j'aurais eu une carrière assez horizontale, quoi. Ça c'est…, c'est très clair, hein.

Joseph Nsengimana : Euh…, pour conclure ce…, cet, euh, ce témoignage en somme, euh, il est clair -- à partir de ce que nous avons suivi de cette soirée et à partir, euh, du témoignage vivant, euh…, de Son Excellence Monsieur l'ambassadeur Antoine Anfré --, il est clair que la France savait. Au plus haut sommet de la pyramide, la France savait et elle recevait des informations -- Galinié l'a dit, euh…, Antoine vient de le dire --, elle recevait des informations correctes sur la situation, sur ce qui se passait ici. Donc si la France ne l'a pas fait, en fait, ils ont choisi. Et je pense que c'est tout ce que l'on peut dire de cette situation. Je vous remercie. [Il s'adresse ensuite à Antoine Anfré] Merci.

Antoine Anfré : Merci [applaudissements de l'assistance].
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