Fiche du document numéro 30483

Num
30483
Date
Lundi 1er août 1994
Amj
Hms
13:00:00
Auteur
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Fichier
Taille
26779
Pages
3
Sur titre
Journal de 13 heures
Titre
Hier [31 juillet] à l'issue d'une visite éclair au Rwanda, Edouard Balladur n'a pas exclu que des soldats français demeurent sur place au-delà de la date butoir du 22 août
Sous titre
À Kibumba le choléra mais aussi la dysenterie menacent.
Nom cité
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Résumé
- 60 British soldiers left Great Britain this morning. They will participate in the international effort in favor of refugees. In total London will send 600 troops over the next two weeks. Their mission: to restore infrastructure and provide medical assistance to refugees.

- The Americans are starting to arrive in Kigali. As for the French soldiers of Operation Turquoise and the humanitarian organizations, their fight is now being waged on two fronts: cholera and dysentery. Will French troops stay in Rwanda beyond August 22? This is what Edouard Balladur suggested last night [July 31] during his visit to Goma.

- Yesterday [July 31] after a lightning visit to Rwanda, to the security zone then to the Zairian border, in the refugee camps, the Prime Minister did not rule out that French soldiers remain on the spot in the- beyond the deadline of August 22. Edouard Balladur: "If the international community is not able to mobilize 3 to 4,000 men to take over, France will do nothing to make the situation worse. Quite the contrary! It will do everything to make it improve".

- Concretely, Operation Turquoise therefore risks being extended if, by August 22, sufficiently large and credible contingents have not come to replace the French soldiers. The relief is certainly coming, but slowly: the British vanguard left this morning, around thirty American soldiers are already hard at work in Kigali and 200 Ghanaians took the road today to come and relieve the French in the safe zone.

- In this area, the population is worried. She has little faith in the UN contingents that she saw at work in Kigali where they did nothing to stop the massacres. The deployment of peacekeepers to replace the French could therefore trigger a new exodus to refugee camps on the Zairian border.

- Camps where the health situation continues to deteriorate: dysentery has just broken out in most of them and the UNHCR estimates that around 20,000 people could die from it. The French soldiers for their part cite the figure of 50,000 dead since the start of the exodus.

- Every day in Goma, refugees wait for cars and buses to leave for the camps. After 15 days, they are now often unwanted in the city and we want to push them to medical centers or water and food distributions a few tens of kilometers to the north. But while they avoid the exhaustion that has killed so many on the road, the humanitarian situation in these large camps has not really improved.

- In Kibumba we only eat a handful of rice, when we can, per person. Cholera but also dysentery threaten. We defecate in the woods a few meters away. And night falls at six o'clock. Dozens of fire then light up. Suffocating smoke. Not all of them will wake up tomorrow.
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[Jean-Claude Narcy :] […] le Rwanda. 60 soldats britanniques ont quitté ce matin la Grande-Bretagne [inaudible] trois avions. Ils vont participer à l'effort international en faveur des réfugiés [on voit un avion-cargo en train d'être chargé avant de prendre son envol]. Au total Londres enverra 600 hommes au cours des deux prochaines semaines. Leur mission : eh bien, remettre en état les infrastructures, c'est-à-dire les puits, les routes, les ponts. Et puis apporter une assistance médicale aux réfugiés.

Les Américains, eux, commencent à arriver à Kigali. Quant aux soldats français de l'opération Turquoise et aux organisations humanitaires, eh bien, leur lutte se mène maintenant sur deux fronts : le choléra et la dysenterie. La que…stion reste posée ce matin : les troupes françaises resteront-elles au Rwanda au-delà du 22 août ? C'est ce qu'a… laissé entendre hier soir [31 juillet] Edouard Balladur lors de sa visite à Goma. Michel Floquet.

[Michel Floquet :] Hier [31 juillet] à l'issue d'une visite éclair au Rwanda, dans la zone de sécurité [on voit Edouard Balladur, avec derrière lui François Léotard, passer en revue des militaires français] puis à la frontière zaïroise, dans les camps de réfugiés, le Premier ministre n'a pas exclu que des soldats français demeurent sur place au-delà de la date butoir du 22 août [on voit Edouard Balladur et François Léotard, entourés de journalistes, se rendre au chevet d'un enfant malade].

[Edouard Balladur : "Si véritablement la communauté internationale n'est pas capable de mobiliser 3 à 4 000 hommes pour prendre le relais, cela voudrait dire que les bonnes paroles ne sont que de bonnes paroles et qu'elles ne sont pas suivies d'effet. Ce que je ne peux pas et ce que je ne veux pas croire. Dans ces conditions, je le répète, la France a montré son sens de ce…, de ses responsabilités et elle ne fera rien pour que la situation empire. Tout au contraire ! Elle fera tout pour qu'elle s'améliore".]

Concrètement, l'opération Turquoise risque donc d'être prolongée si, d'ici le 22 août, des contingents suffisamment nombreux et crédibles ne sont pas venus remplacer les soldats français [diffusion d'images de militaires français en action]. La relève arrive certes, mais lentement : l'avant-garde britannique est partie ce matin, une trentaine de soldats américains sont déjà à pied d'œuvre à Kigali et 200 Ghanéens ont pris la route aujourd'hui pour venir relever les Français dans la zone de sécurité.

Dans cette zone, la population est inquiète. Elle n'a guère confiance dans les contingents de l'ONU qu'elle a vu à l'œuvre à Kigali où ils n'ont rien fait pour arrêter les massacres. Le déploiement des Casques bleus en remplacement des Français [on voit un enfant jouer avec un soldat français] pourrait donc provoquer un nouvel exode vers les camps de réfugiés à la frontière zaïroise.

Des camps où la situation sanitaire ne cesse de se dégrader : la dysenterie vient de se déclarer dans la plupart d'entre eux et le HCR -- le Haut-Commissariat aux réfugiés -- estime que 20 000 personnes environ pourraient en mourir [on voit à l'image une succession de personnes souffrantes].

[Jean-Claude Narcy :] […] parvenir sur le Rwanda : 50 000 morts en effet selon les…, les militaires français, euh…, qui citent ce chiffre. 50 000 morts ! Depuis le début de l'exode. C'est le bilan, donc, dans les camps de réfugiés au Zaïre.

Des réfugiés qui ne sont pas nombreux, d'ailleurs, à rentrer au pays malgré les appels de tous côtés. Ils vivent donc toujours dans des conditions déplorables, comme le montre ce reportage de Denis Brunetti et Jean-Étienne Mach.

[Denis Brunetti :] Tous les jours à Goma, des réfugiés attendent des voitures et des cars pour partir vers les camps [on voit notamment des réfugiés qui attendent devant un bus de l'ONATRACOM]. Au bout de 15 jours, ils sont maintenant souvent indésirables en ville et on veut les pousser vers les centres médicaux ou les distributions d'eau et de nourriture à quelques dizaines de kilomètres au nord. Mais s'ils évitent l'épuisement qui en a tué tant sur la route, la situation humanitaire dans ces grands camps ne s'est pas vraiment améliorée malgré [inaudible].

Égarés, seuls ou en grande famille, ils manquent de couverture. Et eux, qui vivaient dans des maisons, en reviennent aux huttes de branchage. Ce qu'ils appellent les "blindés". Cet homme mineur [il s'agit en fait d'un homme d'une quarantaine d'années], avec ses 10 enfants, peut ainsi les loger. Lui et sa femme doivent dormir dehors. Le ravitaillement est toujours irrégulier.

[L'homme en question [il s'exprime en kinyarwanda mais ses propos sont traduits] : - "Et nous, nous allons chercher à Katale". Le traducteur : - "C'est quoi la distance ?". Le réfugié : - "Eh ben, tous les jours, euh…, je pars à six heures du matin et je reviens le soir pour l'eau".]

L'aîné de 18 ans, à l'écart, a des diarrhées, le choléra ou la dysenterie. Mais il n'a pu voir de médecin, il y avait trop d'attente [on le voit accroupi et semble très affaibli].

[Denis Brunetti : - "Et que fait-on ici de ses journées ?". Réponse du même réfugié que ci-dessus : - "Je suis…, je reste assis là-bas" [rire du traducteur].]

L'abandon, le désœuvrement, c'est aussi cette jeune femme enceinte de six mois qui n'a pas vu de médecin.

[La jeune femme [elle s'exprime en kinyarwanda mais ses propos sont traduits] : "J'ai perdu mon mari, je mange mal et je vis bien mal. Je suis inquiète pour le bébé".]

À Kibumba on ne mange qu'une poignée de riz, quand on peut, par personne. Le choléra mais aussi la dysenterie menacent. On fait ses besoins dans les bois à quelques mètres. Et la nuit tombe à six heures. Des dizaines de feu alors s'allument. Une fumée suffocante. Tous, demain, ne se réveilleront pas.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024