Sous titre
Pas plus que le génocide des Tutsi ne peut se comprendre à l'aune des catégories telles que celles du conflit « ethnique » ou (pire) « interethnique », la société rwandaise ne saurait être décrite au prisme des groupes dits « ethniques », si l'on entend par « ethnie » un groupe défini par une langue, un territoire, une culture commune. Hutu, Tutsi et Twa existent pourtant bel et bien au Rwanda, non comme des catégories immédiatement objectivables mais comme des catégories intellectuelles et politiques ou des assignations identitaires autour desquelles se sont structurés une partie des rapports sociaux et de domination tout au long du XXe siècle. Il y eut à cet égard une racialisation de la société et de la vie politique rwandaise, portée à la fois par des savants coloniaux, soucieux de classer et hiérarchiser les populations africaines, et par les acteurs sociaux et politiques -- européens à l'époque coloniale, rwandais avant et après l'indépendance -- qui en firent une ressource politique et un outil de gestion bureaucratique de ces mêmes populations.
Résumé
The genocide of the Tutsi can only be understood as part of a long XXth century. During the colonial era, the importation of racial theories served as the basis for a rereading of history and society, making the Hutu and Tutsi categories determining factors in the identification of individuals. These categories were then incorporated by some Rwandans who put them at the center of social relations and political life. This article traces the genealogy of this racism, at the crossroads of an intellectual history of ethno-racial ideology and a history of power relations and domination.
