Citation
European Scientific Journal December 2019 edition Vol.15, No.35 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431
Rapports Diplomatiques De La Belgique Et La France
A L’egard De La Republique Democratique Du
Congo De 1990 A 1997 : Entre Stratégies
Convergentes Et Divergentes
Lous-Marie Musau Bakajika,
Politiste (Professeur à la Faculté des Sciences Sociales,
Administratives et Politiques de l’Université de Kisangani)
Roger-Charles Lelo Di-Mboko,
Politiste (Professeur Associé à la Faculté de l’Economie et de Gestion de
l’Université de Kisangani)
Bibiche Liliane Salumu Laumu Omeyaka,
Politiste (Chef de Travaux à la Faculté des Sciences Sociales,
Administratives et Politiques de l’Université de Kisangani)
Doi:10.19044/esj.2019.v15n35p190 URL:http://dx.doi.org/10.19044/esj.2019.v15n35p190
Résumé
A la suite de la Conférence de Berlin, le territoire qui constitue
l’actuelle République démocratique du Congo aujourd’hui, avait été cédé au
Roi des Belges, Léopold II sous la dénomination d’ « État indépendant du
Congo ». Lorsque cette entité fut annexée à la Belgique en 1908, la France fit
valoir son droit de préemption. Cependant, elle n’obtint pas gain de cause.
Après l’accession du Congo belge à l’indépendance, la France adopta une
attitude ambivalente, faite des stratégies diplomatiques tantôt divergentes
tantôt convergentes. Elle n’a pas ménagé d’efforts pour afficher ses ambitions
en essayant parfois de devancer la Belgique au nom de l’intérêt national.
Mots-clés: Etat, Diplomatie, Stratégie, Relations Internationales, Intérêt
National, Politique Étrangère
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Diplomatic Reports of Belguin and France towards
DRC from 1990-1997: Between Convergent and
Divergent Strategies
Lous-Marie Musau Bakajika,
Politiste (Professeur à la Faculté des Sciences Sociales,
Administratives et Politiques de l’Université de Kisangani)
Roger-Charles Lelo Di-Mboko,
Politiste (Professeur Associé à la Faculté de l’Economie et de Gestion de
l’Université de Kisangani)
Bibiche Liliane Salumu Laumu Omeyaka,
Politiste (Chef de Travaux à la Faculté des Sciences Sociales,
Administratives et Politiques de l’Université de Kisangani)
Abstract
After the Berlin conference, the territory which became the
Democratic Republic of Congo was given to the Belgians king, Leopold II,
under the name “Independent State of Congo”. When this territory was
annexed at Belgium in 1908, the Republic of France demanded its preemptive
law. But unfortunately, it failed. After the independence of Belgian Congo,
the Republic of France took up an ambivalent attitude with both convergent
and divergent diplomatic strategies. It also spared no efforts to show her
ambitious in trying to double Belgium in the name of her national interest.
Keywords: State, Diplomacy, Strategy, International Relationships, National
Interest, Foreign Policy
Introduction
La position stratégique qu’occupe la République Démocratique du
Congo, RDC en sigle, au cœur du continent africain et ses nombreuses
richesses tant du sol que du sous-sol, ont toujours suscité la convoitise des
pays étrangers, et particulièrement les puissances occidentales (les Etats unis
d’Amériques, Angleterre, France, Belgique etc.) à la recherche du leadership.
Il sied de noter que la Belgique en sa qualité d’ancienne puissance
coloniale, ne va ménager aucun effort pour préserver ses « droits acquis » sur
son ancienne colonie.
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Pour sa part, la France frustrée, d’avoir échoué dans sa tentative de
contrôler le territoire du bassin Congo lors de la conférence de Berlin qui
consacra le partage du continent Africain entre les puissances européennes,
tentera à maintes reprises de supplanter la Belgique. A ce sujet, Rwabuhihi
Gasibirege et Jyoni Karega (1986, pp. 219-225)soulignent que « six jours
après la clôture de la table ronde belgo congolaise de Bruxelles (de 20 février
1960), qui aboutit à la promesse de l’indépendance du Congo pour le 30 juin
1960, M. De Murville convoqua le Baron Jaspar, alors ambassadeur de
Belgique à Paris, pour lui faire part des intentions du gouvernement français
de ne pas considérer comme caducs les droits que l’accord des 23 et 24 avril
1884, conclu entre les représentants du Roi Léopold II et Jules Ferry, lui
reconnait à son avis sur le Congo ».
Ce même point de vue est soutenue par Colette Braeckman (1996, p.
53) lorsqu’elle affirme qu’ « [ …]Et à l’issue de la Table ronde qui jette les
bases de l’indépendance, le ministre des affaires Couve De Murville a rappelé
à la surprise générale, que si le Congo abandonné par les Belges devait
tomber aux mains d’une puissance étrangère, la France serait autorisée à
appliquer un « droit de préemption » prévu par la Conférence de Berlin. »
Cet accord, conclu à l’époque où les impérialistes européens fixaient
les règles d’occupation de l’intérieur du continent africain, prévoyait que la
France jouirait d’un droit de préemption, c’est-à-dire d’un droit prioritaire
d’acquisition sur le territoire congolais au cas où les Belges y renonceraient
par cession à une tierce puissance.
C’est pourquoi la France et la Belgique ont entretenu chacune des
rapports diplomatiques à l’égard de la RDC, tantôt caractérisés par la
convergence tantôt par la divergence pour préserver ou conquérir la préférence
des gouvernants congolais. Ces rapports étaient basés sur la préservation de
l’intérêt national respectif selon les circonstances ou les contextes. Ce qui
justifie le recours à la théorie réaliste de Hans Morgenthau (Battistella D.,
2015, pp. 28-30) qui met l’accent sur l’intérêt national dans les rapports
interétatiques.
L’objectif de cet article est de détecter et d’expliquer, non d’une
manière exhaustive, mais seulement quelques faits historiques qui ont
caractérisé l’évolution des rapports diplomatiques de ces deux États précités
avec la RDC de 1960 à 1997 en relevant les stratégies diplomatiques
convergentes et divergentes.
En vue de récolter les données de notre recherche, nous avons utilisé
les techniques suivantes : la technique documentaire et l’observation directe
désengagée. La première nous a aidé à récolter au sein des ouvrages et les
articles les informations utiles à notre objet de recherche. Quant à la seconde,
elle nous a permis de suivre l’évolution des rapports diplomatiques de deux
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Etats susmentionnés avec la RDC durant la transition sous le Président
Mobutu à travers les émissions radiotélévisées.
En ce qui concerne le traitement des informations récoltées, nous nous
sommes servi de l’analyse de contenu dans une dimension qualitative qui nous
a facilité leur interprétation en les classant en deux catégories d’analyse, à
savoir les stratégies convergentes et celles divergentes.
Concrètement, nous avons utilisé l’analyse qualitative appuyée par
l’analyse structurale (mises en sens, mises en pratique des politiques
étrangères) et l’analyse de discours prononcés par les acteurs politiques dans
les rapports diplomatiques.
Hormis l’introduction et la conclusion, l’explication de ces rapports
diplomatiques de ces deux États susmentionnés à l’égard de la République
démocratique du Congo requiert un aperçu sur les généralités sur la politique
étrangère et la diplomatie, (I). Cet aperçu sera suivi de l’analyse desstratégies
diplomatiques convergentes et divergentes des rapports Belgique-France à
l’égard de la RDC de 1960 à 1997 (II).
I. Généralités sur la politique étrangère et la diplomatie
A travers ce point nous allons définir les concepts suivants : politique
étrangère et diplomatie. La place de l’intérêt national dans la décision en
politique étrangère y sera également mise en exergue.
I.1 Définition de la politique étrangère et de la diplomatie
Les concepts de politique étrangère et de diplomatie sont liés, car l’un
conditionne l’autre. Dario Battistella définit la politique étrangère ou les
affaires étrangères comme « l’instrument par lequel un Etat tente de façonner
son environnement (externe) par la préservation des situations favorables et
par la modification des situations défavorables. (Battistella D., 2015, p. 353)».
Il s’agit donc de « l’ensemble des activités étatiques qui sont tournées vers le
dehors, c’est-à-dire qui traitent en opposition aux affaires intérieures des
problèmes qui se posent au-delà des frontières territoriales (Barrea J., 1978,
p. 30) ».
Un autre concept qui lui est proche est « diplomatie » (Barrea J., 1978,
p. 34) c’est l’art de conduire la politique étrangère d’un Etat par les moyens
politiques, notamment la négociation qui peut être conflictuelle (distributive)
ou coopérative (intégrative). D’après PradierFodère (Fodère P., 1986, p.
432) », la diplomatie éveille et évoque l’idée de « gestion des affaires
internationales, de maniement des rapports extérieurs, d’administration des
intérêts nationaux, des peuples et de leurs gouvernements dans leur contact
matériel, soit paisible soit hostile.
A ce sujet J. Barrea (1978, p. 77) distingue deux types de diplomatie :
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La diplomatie préventive : elle se borne à interposer
une force symbolique entre les belligérants. D’un côté, il y a une prise
de position en faveur d’une partie au conflit, la victoire de l’agression
de l’autre ; une simple présence symbolique des forces militaires non
combattantes ;
La diplomatie coercitive : elle est la notion par laquelle
le rapport entre la relation de puissance et le recours àla violence
physique sont quelque peu nuancés. Ils le sont par l’introduction et la
distinction entre l’épreuve des forces proprement dites qui implique un
recours effectifs à la violence à des fins militaires.
Seuls ces deux types de diplomatie nous intéressent dans cette étude14.
Il sied de noter avec (Yoko Yakembe, 1983, p. 15) que « dans le
langage courant, l’opinion publique emploie indifféremment les
expressions « diplomatie » et « politique étrangère ». Ce même avis est
partagé par (Aguiar C. et Nhouyvanosvong K., 2010, p. 10) qui
estiment que « particulièrement, le concept de politique étrangère, qui
nous intéresse tout spécialement, est fréquemment confondu avec le
concept de politique internationale, d’une part, et avec le concept de
diplomatie, d’autre part. En outre, le terme diplomatie est utilisé sans
aucune rigueur intellectuelle pour désigner des choses de nature
différente. »
Ces auteurs poursuivent leur idée en affirmant aussi que « quelquefois,
le terme diplomatie est utilisé comme synonyme de politique étrangère, mais
aussi pour désigner les moyens pacifiques, et de manière générique, les
instruments de la politique étrangère, c’est-à-dire, toute forme de négociation,
par opposition aux instruments à caractère violent, et en particulier la
guerre.»
Le but de la diplomatie est précisément de résoudre les problèmes entre
les États par des moyens qui ne font pas appel à la force ni à la contrainte, La
diplomatie est un instrument de la politique étrangère pour l’établissement
entre les détenteurs du pouvoir politique de deux États (Aguiar C. et
Nhouyvanosvong K., 2010, p. 10).
Les hommes politiques parlent habituellement des visées, des
démarches, des exploits ou des échecs de la politique étrangère de tel ou tel
pays, alors qu’en réalité il s’agit à proprement parler -et dans la pensée- de la
diplomatie pratiquée par l’un ou l’autre État (Fodère P., 1986, p. 432).
14
Il existe plusieurs autres types de diplomatie : open-diplomacy, para-diplomatie,
protodiplomatie,… décrits dans un dictionnaire des relations internationales proposé par Dario
Battistella, Franck Petiteville Marie-Claude Smouts, et Pascal Yves Vennesson (2012). Pour l’open
Diplomacy, lire Henri Kissinger, Diplomacy (trad. Marie-France de Paloméra), Diplomatie, Paris,
Fayard, 1996
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Pour sa part, Yoko Yakembe (1983, pp. 15-16) soutient que « certes,
la politique étrangère et la diplomatie sont liées par une étroite
interdépendance. Les conditions de réussite de l’une ou de l’autre, les risques
et les erreurs à éviter sur les deux plans sont, dans une large mesure, assez
proches. Ce rapprochement est à la base de fréquentes confusions ou méprises
que l’on constate dans les écrits et informations concernant la politique
étrangère ou la diplomatie.
Enfin de compte, établissant la différence entre les deux concepts, ce même
auteur fait observer que la « politique étrangère est l’ensemble des objectifs
essentiels, des principes fondamentaux et des règles directrices de l’action de
l’État hors de ses frontières. Tandis que la diplomatie est la mise en œuvre de
ces lignes maitresses, de ces optiques ? Elle est un instrument d’intervention,
un moyen d’action de la politique étrangère (Yoko Yakembe, 1983, p. 16)».
Par ailleurs, l’ouvrage de Claude Roosens, Valérie Rosoux et Tanguy
De Wilde d’Estmael (2004, pp 13-14) précise que la politique étrangère disait
Henri Simonet est « le domaine d’élection où s’appliquent les enseignements
de l’histoire et les grands mouvements venant au fond des temps, les grands
desseins aussi qui, touchent aux intérêts les plus fondamentaux et les plus
permanents des Etats ». Elle définit des objectifs, prend des décisions et
énonce des positions. Elle concerne comme Claude Roosens l’explique cidessous, « Etablissement des objectifs que tout Etat donne son action à
l’Etranger en même temps que la définition des stratégies à appliquer pour
assurer la défense de l’intérêt de l’Etat au sein du système international ».
Autrefois, elle était sous l’ancien régime le privilège jalousement gardé du
Souverain. Actuellement, elle est une part de l’action politique exercée par
des mandataires publics, responsables de leurs politiques et de leurs actions
devant une assemblée élue, au sein de laquelle au moins les principes et les
orientations générales, les lignes de force et les principaux événements, sont
publiquement analysés, débattus, au besoin approuvés ou critiqués.
La diplomatie est une autre chose. C’est l’instrument, le moyen, par lequel les
Etats, comme d’ailleurs les autres auteurs de la vie internationale s’efforcent
de faire aboutir des stratégies et leurs objectifs, faire partager ou au moins
accepter leurs positions et leurs décisions, faire avancer leurs intérêts. Elle
cherche à informer, à persuader, à convaincre. Elle choisit l’interlocuteur
approprié, pèse le moment opportun, adapte les arguments en fonction de l’un
et l’autre, cherche la formulation juste, évite celle qui heurte ou choque. Par
souci d’efficacité, elle agit parfois publiquement, mais le plus souvent de
manière discrète. Parce qu’elle se pratique depuis des siècles, la diplomatie
s’est forgée un certain nombre de règles, fruit de l’expérience et du bon sens
sur sa politique et ses motifs soit simple, clair et constant.
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I.2. Place de l’intérêt national dans la décision en politique étrangère
Les relations internationales sont caractérisées par deux courants : l’un
« idéaliste » et l’autre « réaliste » (Yoko Yakembe, 1983, p. 31).
Le courant « idéaliste » est tout à la fois téléologique, volontariste,
rationnel et utopique. Il est plus préoccupé d’un objectif à atteindre la paix …
à formuler des projets, d’organisation de la vie nationale (sécurité collective,
désarmement et gouvernement mondial) (Barrea J., 1978, p. 4).
Quant au courant « réaliste », il est partagé en deux tendances : les
« doctrinaires » qui attribuent la violence à la nature humaine elle-même, son
instinct de puissance ou d’agressivité. Les « rationalistes » qui considèrent la
violence internationale comme un produit de la structure internationale
(anarchie).
Abordant du réalisme politique Hans Morgenthau (Barrea J., 1978, pp.
4-5)retient entre autres les principes suivants :
Le concept d’intégration de la vie politique internationale est l’intérêt
national défini en termes de force ; les relations internationales sont
une compétition sans fin pour la survie par la force et la puissance.
L’intérêt national est une réalité objective et universelle. A ces
principes de base, d’autres auteurs ajoutent quelques précisions : La
doctrine réaliste tient la sécurité absolue pour impossible ;
l’accommodement des intérêts est donc une attitude « réaliste »
(Barrea J., 1978, p. 5) »
La conception objective et réaliste de l’intérêt national identifie celuici à la recherche de la « puissance politique » qui est une relation
psychologique entre ceux qui l’exercent et ceux sur lesquels il s’exerce.
Il en est de même de Ph. Braillard, qui souligne également que
« l’essence de toute relation politique interne comme internationale, est la
recherche, la lutte pour la puissance. D’où le rôle primordial dans la théorie
de H. Morgenthau (Braillard Ph., 1977, p. 17)». De surcroît, le même auteur
affirme qu’« en politique internationale cette recherche de puissance se
manifeste par l’aspiration à la puissance de diverses nations. Chacune
cherche soit à maintenir, soit à changer le statut qui conduit nécessairement
à une confirmation qu’on appelle (balance of power) et à des politiques qui
visent à conserver cet équilibre » (Braillard Ph., 1977, p. 10).
Il est à noter que le réalisme insiste sur la dimension essentiellement
conflictuelle de la politique internationale. Selon les réalistes, le principe de
souveraineté étatique condamne les Etats à une « politique de puissance ». En
l’absence d’une autorité légitime capable d’arbitrer leurs conflits d’intérêts,
les Etats doivent mobiliser leurs propres ressources politiques et stratégiques
pour assurer leur sécurité, pour réaliser leurs ambitions politiques et pour
atteindre leurs objectifs économiques (De Sernaclens P., 2002, p. 21).
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Toutefois, nous estimons que la tendance néoréaliste représentée par
Kenneth Waltz (Battistella D., 2015, pp. 32-35) est mieux indiquée pour
expliquer les stratégies à la fois convergentes et divergentes des relations
diplomatiques entre la Belgique et la France à l’égard de la RDC.
Selon S. Paquin et D. Deschênes « sa théorie est originale sans se
couper néanmoins des bases du réalisme classique, d’où son appellation de
néoréalisme (ou de structuro-réalisme). Kenneth Waltz récupère certaines
notions du réalisme classique et innove en proposant de considérer davantage
le rôle du système international dans le comportement des États. Il accepte
que les États et les grandes puissances continuent d’être les acteurs clés du
système. La prépondérance du politique par rapport à d’autres domaines et
la division interne/externe des relations internationales sont aussi partagées
entre ces deux théories. La puissance demeure l’outil privilégié dans la
conduite des affaires internationales et l’équilibre de la puissance constitue
aussi, pour les néoréalistes, le principal mécanisme qui maintient l’ordre et la
stabilité dans le système. En fin, les relations internationales sont un monde
imprévisible et compétitif entre États. (Paquin S. et Deschênes D., 2009, p. 9)»
Il importe de souligner que toutes ces considérations justifient à juste
titre les stratégies utilisées par la Belgique et la France pour tirer chaque le
meilleur parti dans le cadre de leurs relations diplomatiques avec la
République Démocratique du Congo.
II. Analyse des stratégies diplomatiques convergentes et divergentes des
rapports Belgique-France à l’égard de la RDC de 1960 à 1997
Trois grandes périodes ont marqué l’histoire politique de la
République Démocratique du Congo avant la prise du pouvoir par le feu Mzee
Laurent-Désiré Kabila. Il s’agit respectivement de :
La première République (de 1960 à 1965)
La deuxième République (de 1965 à1990)
La période de transition sous Mobutu (de 1990 à 1997)
Il convient de noter que durant ces trois périodes, la Belgique et la
France ont été, selon les nécessités de leurs intérêts nationaux respectifs tantôt
des alliés tantôt des rivaux en déployant des actions stratégiques et
diplomatiques aussi bien convergentes que divergentes.
II.1. La première République.
Nous analysons quelques stratégies diplomatiques convergentes et
divergentes de la Belgique et de la France à l’égard de la RDC de 1960 à 1997.
II.I.1. Les stratégies diplomatiques convergentes
Par stratégie, il faut entendre selon Mulumbati Ngasha « l’ensemble
des moyens que les acteurs de relations internationales utilisent dans leurs
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interactions pour contraindre leurs adversaires ou partenaires à accepter leur
volonté, à s’incliner devant les conditions qu’ils veulent leur
imposer (Mulumbati Ngasha, 2005, p. 143)».
A ce sujet, il y a lieu de noter que « la stratégie est constituée de
plusieurs moyens, notamment des moyens politiques, militaires, économiques,
démographiques, culturels, géographiques, religieux. Elle peut être globale
ou partielle selon qu’elle porte sur plusieurs ou un seul secteur de la vie
politique (Mulumbati Ngasha, 2005, p. 143)»
Par ailleurs, il convient également de souligner que les différents
acteurs de relations internationales défendent des intérêts différents, voire
opposés. Il en résulte que pour défendre ou promouvoir leurs intérêts, ils
conçoivent des stratégies différentes (Mulumbati Ngasha, 2005, p. 143).
Comme souligné précédemment, il se dégage que les rapports
diplomatiques de la Belgique et la France ont été plus caractérisées par la
rivalité pour le leadership en RDC après l’accession du Congo belge à
l’indépendance. Toutefois, il sied de relever une action posée par la France
pour préserver les intérêts belges au Congo pendant la première République.
A ce sujet, le Comité Zaïre rapporte qu’« en effet, la position de la France lors
de l’intervention des forces de l’Organisation des nations unies au Congo de
1960 à 1963 n’eût aucune influence sur le cours des événements. Le
Représentant de la France, M. Bérard s’était constamment abstenu lors de
vote des résolutions de l’ONU qui stipulaient le retrait des troupes belges et
organisaient l’action de l’ONU au Congo. La position de la France s’alignait
ainsi sur celle de la Belgique. Cependant, l’interprétation de cette attitude
relève que si la France avait agi de la sorte, c’était pour interdire à
l’Organisation des nations unies d’émettre le moindre jugement sur l’affaire
qu’il considère comme domaine réservé (Comité Zaïre, 1978, pp. 192-193).»
II.1.2. Les stratégies diplomatiques divergentes
La Belgique a été impliquée dans la sécession Katangaise. A ce propos,
M. Merlier(1962, p. 275) fait observer que « depuis le 30 juin la politique
Belge s’explique par le complot le plus machiavélique pour conserver l’union
Minière du Haut Katanga (UMHK), la Société Générale aurait conseillé au
gouvernement belge d’organiser l’anarchie au Congo. »
Par ailleurs, renchérit le même auteur « vers juin, une fuite révèlera un
nouveau projet de sécession pour le 25 juin. Dès le début de la mutinerie, le
gouvernement belge joue aussitôt cette carte, longtemps tenue en réserve…
Moïse Tshombé proclamait l’indépendance du Katanga le soir du 11 juillet
(Merlier M., 1962, p. 275). »
Pour sa part, C. Young fait également remarquer la présence d’une
main occidentale dans l’affaire du Katanga en ces termes « au Katanga, les
premiers actes du gouvernement Tshombé furent de demander l’aide des
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troupes belges en vue de désarmer et d’expulser du Katanga les détachements
de l’Armée nationale congolaise… des rapports de presse datant du début
septembre font état de 25 avions, 100 tonnes d’armes et de munitions et 89
officiers que le Katanga aurait reçus de la force publique , sans compter que
les 326 soldats et sous-officiers et 70 gendarmes belges qui seraient portés
volontaires (Young C., 1968, p. 265)».
Comme on peut le constater, les relations entre la Belgique et le
gouvernement central n’étaient pas au beau fixe comme l’a soutenu Benoit
Verhaegen(1961, pp. 454-455) en reprenant les propos de Monsieur JustinMarie Bomboko, ministre des affaires étrangères devant le Conseil de Sécurité
le 16 novembre 1961 en ces termes « le double jeu de la Belgique : d’une part,
elle invite les puissances à ne pas reconnaitre le gouvernement Tshombé et de
l’autre, les actes posés étaient en fait une reconnaissance de l’indépendance
du Katanga : assistance technique, accord de gouvernement ».
Suite à ce soutien manifeste de la Belgique à la sécession katangaise,
le gouvernement congolais décida de la rupture des relations diplomatiques
avec la Belgique (Verhaegen B., 1961, p. 455).
De son côté, la France essaya d’amadouer à la fois les acteurs de la
sécession Katangaise et les autorités du gouvernement central. A ce sujet, le
même auteur note que « la France entreprit des démarches pour prendre pied
au Katanga en évinçant l’influence belge. Il y eût deux tentatives importantes
durant le premier semestre 1961, la première tendance fut l’envoi du colonel
parachutiste français Trinquier et de six officiers français au Katanga en
février en vue d’organiser l’armée Katangaise. La deuxième tentative, eût lieu
au début avril. Le premier ministre français M. Debré chargea un
fonctionnaire français M. Bistos de porter une lettre à M. Tshombé et de lui
annoncer l’appui officiel du gouvernement français au Katanga et au SudKasaï. Le 17 avril M. Bistos déclara que la France aiderait le Katanga au
maximum et qu’elle interviendrait auprès des pays de la communauté
française (Gérard-Libois J. et Verhaegen B., 1962, p. 305)»
La duplicité de la politique française apparait parfaitement à travers la
déclaration officielle reprise par J. Gérard-Libois et B. Verhaegen selon
laquelle « la position de la France qui est d’aider à l’indépendance tous les
Etats nouveaux et, par conséquent, d’organiser dans cette perspective la
coopération avec les Etats qui le demandent. La France apporte et continuera
d’apporter, aussi longtemps que le gouvernement central de Léopoldville le
souhaitera, une aide technique et culturelle substantielle, notamment dans la
réorganisation et le renforcement des structures administratives congolaises.
Le gouvernement français espère contribuer ainsi au développement de ce
jeune pays francophone et au maintien de son unité. (Gérard-Libois J. et
Verhaegen B., 1962, p. 531)».
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Après la fin de la sécession Katangaise, les belges vont améliorer leurs
rapports avec Kinshasa comme le note J. Beys, P.H. Gendebien et B.
Verhaegen (1963, pp. 87-89)« à l’invitation du gouvernement belge, des
conversations ont eu lieu à Bruxelles les 25, 26 et 27 février, entre une
délégation congolaise présidée par Monsieur Bomboko et Monsieur Lefèvre,
premier ministre belge (…) ces conversations ont promis aux deux
gouvernements de constater la permanence des sentiments d’amitié qui
unissent le peuple congolais et le peuple belge. Les deux gouvernements ont
décidé de conclure une convention d’assistance technique…
Si la Belgique était revenue aux bons sentiments à l’égard du
gouvernement central, la France n’a pas lâché prise. En effet, après
l’investiture de Moïse Tshombé comme premier ministre en 1964, J. GérardLibois et J. Van Lierde (1964)soulignent qu’ « en moins d’un an, le général
De Gaulle reçut trois fois Moïse Tshombé. La France avait fait du Congo exbelge un des grands atouts de sa politique. C’est ainsi que le poids de la
personnalité de Général De Gaulle a pesé également pour l’admission du
Congo à l’Organisation pour la Communauté Africaine et Malgache.
Toutes ces multiples rencontres diplomatiques accréditent la thèse selon
laquelle la France était toujours intéressée par le Congo.
II.2. Pendant la Deuxième République
Lors des assises de la Table ronde économique ayant précédé
l’accession de l’ex Congo belge à l’indépendance, le capital belge veilla tout
particulièrement à garder le contrôle des affaires essentielles, afin de
poursuivre l’exploitation du Congo. Cette politique déboucha sur le
« contentieux » belgo congolais.
Selon le Comité Zaïre, depuis la fin des années 60, la France s’est
intéressée à l’ex-colonie belge, vaste marché pour ses produits de haut niveau
technologique et ses « services » (Gérard-Libois J. et Van Lierde J., 1964, p.
169).C’est pourquoi ce pays a été de plus offensif du point de vue
diplomatique au Zaïre à l’époque.
II.2.1. Les stratégies diplomatiques convergentes
La Belgique a connu la détérioration de ses relations diplomatiques
avec le Zaïre avec l’avènement au pouvoir du Président Mobutu. Par son élan
nationaliste, le nouveau Président va ressusciter la question de l’ex Union
minière du Haut-Katanga et profiter de la sortie d’un ouvrage qui lui était
hostile par un auteur belge15pour mettre hors-jeu la Belgique. Selon le Comité
Zaïre« cet ouvrage n’est pas tendre pour le chef d’État zaïrois. L’auteur
Pour la petite histoire, ce livre intitulé « l’ascension de Mobutu. Du Sergent Joseph Désiré au Général
Sese Seko» fut publié en janvier 1974 aux éditions Maspero (Paris). Son auteur est l’avocat bruxellois
Jules Chomé.
15
200
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décrit, document à l’appui, la manière dont Mobutu a pris le pouvoir, les
« obstacles » qu’il a dû éliminer, les puissances étrangères qui l’ont aidé et
les pratiques du nouveau régime. Le gouvernement français interdit la vente
du livre. Le livre fut malgré tout diffusé un peu plus tard, mais en Belgique
par les éditions « complexes ». Le Zaïre insista pour que la Belgique suive
l’exemple de la France et interdise l’ouvrage. Les affaires étrangères s’y
refusant, l’Agence Zaïre Presse lance une campagne contre la Belgique.
L’ambassadeur zaïrois à Bruxelles est rappelé à Kinshasa. Le 10 mai 1974, le
Zaïre rompt unilatéralement le traité d’amitié et fait perdre aux relations entre
le Zaïre et la Belgique tout « caractère privilégié » (Comité Zaïre, pp. 174175).
C’est à juste titre que le Comité Zaïre indique qu’ « Il est un fait que
le contentieux belgo congolais remis à l’ordre du jour au lendemain de la
prise du pouvoir par le président Mobutu va affecter les rapports entre les
deux pays… les français vont en profiter pour emporter de gros contrats de la
première phase de la construction du gigantesque barrage l’Inga. (Comité
Zaïre, 1978, pp. 174-175)»
Dans le même ordre d’idées, Colette Braeckman fait observer que
l’avènement de Giscard au pouvoir et son voyage officiel au Zaïre 1975 vont
consolider les liens en ces termes « malgré la défaite de la droite face à un
candidat de gauche, F. Mitterand, en 1981 rien ne change. L’Ambassadeur
zaïrois à Paris, Mokolo Wa Pombo, introduit les fils du nouveau président,
J.C. Mitterand (alias « papa m’a dit ») et son acolyte Jeancy Lorgeaux dans
le cercle de Mobutu père et fils (Braeckman C., Le Dinosaure, 1996, pp. 294296).
A ce sujet, A. Chauprade parle de la géo-économie des ressources
comme étant « l’une des chaînes causales à l’origine des conflits et que, de ce
fait elle est une des filières d’exploitation dans toute analyse (…) la plupart
des conflits entre les Etats concernés tiennent à la lutte pour les ressources :
matières premières, minières, agricoles ou industrielles (Chauprade A., 1999,
p. 96).
Ce même point de vue est partagé par P. Claval, lorsqu’il affirme que
« les Etats doivent pour vivre jouir des ressources suffisantes ; avoir accès à
celles qui marquent sur le territoire et disposer de marchés leur permettant de
gagner des devises indispensables pour sauver leurs importations. (Claval P.,
1996, p. 84)». Il est un fait que lorsque la production des biens augmente, tout
État a l’obligation de chercher les débouchés pour écouler sa production. C’est
ainsi que la Belgique et la France devaient respectivement lutter pour non
seulement vendre leurs productions nationales, mais aussi avoir accès aux
matières primaires du Zaïre, très riche en minerais.
Sans se laisser faire, la Belgique passa à la contre-offensive pour
récupérer sa place. Il est à noter avec le Comité zaïre que « le Zaïre est trop
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important du point de vue de la Belgique pour qu’elle abandonne son plus
important client du Tiers- monde. La normalisation s’imposait donc pour la
Belgique. Au printemps 1975, le ministre belge Leo Tindemans eût une série
des contacts discrets avec des délégués zaïrois pour résoudre des nouvelles
difficultés. Le moment de la réconciliation officielle arriva. En septembre
1975, le premier Ministre Belge se rendu à Kinshasa accompagné par le
Ministre du Commerce extérieur et des Finances» (Comité Zaïre, 1978, pp.
178-179).
Comme on peut le constater, le changement d’attitude de la Belgique
à l’égard du gouvernement de Kinshasa, peut s’expliquer par le fait qu’en
relations internationales ; il n’y a pas d’amis, il n’y a que les intérêts qui
comptent. Si la Belgique avait soutenu la sécession katangaise durant la
première République, la donne avait changé sous la deuxième République. La
Belgique n’avait plus d’autre choix si ce n’était la reprise des relations
diplomatiques avec son ancienne colonie afin d’y investir aussi.
II.2.2. Les stratégies diplomatiques divergentes
Un effort de repérage de quelques actions communes entreprises par la
France et la Belgique met en évidence les opérations militaires belges et
françaises en 1977 et 1978 pour sauver le régime Mobutu. En effet, comme
l’indique Colette Braeckman, « lors des périodes de menace de son régime,
tel fut le cas de l’invasion du Shaba par les ex-gendarmes Katangais en 1977
et 1978, les belges participèrent aux interventions militaires aux côtés de la
France » (Agir ici et suivie, 1997, p. 37).
Pour Agir ici et survie, « une fois de plus, la promptitude de
l’intervention française par rapport à l’hésitation belge, a poussé d’aucuns à
se demander pourquoi c’est la France et non les pays mieux implantés au
Zaïre comme la Belgique ou les USA, qui a pris la responsabilité d’une
intervention directe avec l’allié marocain (Comité Zaïre, 1978, pp. 196-197).»
selon certains analystes, l’intervention militaire française était une
conséquence du massacre des ressortissants français sur ordre du Président
Mobutu. Il agissait ainsi pour faire endosser cette responsabilité aux rebelles
et contraignait aussi la France à intervenir pour sauver son régime. D’autres
ont estimé que ce fut une humiliation pour la Belgique qui était restée en
retrait. En abordant cette question de l’intervention française dans sa
publication sur les rivalités occidentales en Afrique centrale-De Berlin à
Kolwezi, de Fachoda à Kisangani, Olivier Lanotte (2000, pp 51-66) l’avait
qualifié de « complexe de Kolwezi ».
Cette intervention militaire française peut s’expliquer par le fait que
la France disposait des bases militaires en Afrique dans le cadre de la France
– Afrique, notamment au Gabon, au Tchad et en République centrafricaine.
La proximité de ces pays de la République démocratique du Congo facilitait
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le déploiement des militaires français positionnés sur le continent africain
d’une manière rapide. De surcroit, la France étalait ainsi sa puissance militaire
par rapport à la Belgique.
Toutefois, selon une certaine opinion, le Président Mobutu aurait à
l’époque autorisé l’exécution des ressortissants français pour contraindre la
France d’intervenir militairement. En effet, bénéficier du soutien militaire de
la France était une option de dernière chance pour sauver son pouvoir aux
abois face à la force de frappe des troupes rebelles. Ces derniers avançaient
facilement sur le front militaire suite à des complicités internes.
II. 3 Pendant la transition
Cette période peut être subdivisée en deux périodes à savoir : la
période pacifique et la période de la guerre de l’Alliance des Forces
Démocratique pour la Libération du Congo/Zaïre.
II.3.1. La période pacifique
Par son discours du 24 avril 1990, le président Mobutu avait consacré
la démocratisation des institutions politiques. Le Zaïre tentait de nouveau
l’expérience de multipartisme. Par la suite, ce processus de démocratisation
allait entrainer des prises de position tantôt spécifiques tantôt identiques de la
part des puissances occidentales.
Au départ, l’initiative avait été accueillie favorablement par la
communauté internationale. En effet, la démocratisation du Zaïre de l’époque,
allait faciliter par effet de contagion la démocratisation de ses voisins, voire
influencer également d’autres pays africains. A titre de rappel, Frantz Fanon
(1961) avait affirmé dans son ouvrage les damnés de la Terre que l’Afrique
avait la forme d’un revolver dont la gâchette se trouvait se trouvait au pays du
Maréchal Mobutu.
II. 3.1.1. Les stratégies diplomatiques convergentes
Il sied de noter que contrairement à la deuxième République, les
actions posées dans le cadre diplomatique par la Belgique et la France ont
présenté plus de la convergence. A la suite des événements sur le campus de
Lubumbashi, appelés « Massacre des étudiants de l’Université de
Lubumbashi16», la coopération entre la Belgique et le zaïre aété suspendue.
L’organisation du 4e sommet de la Francophonie a été retirée au Zaïre.
16
Dans la nuit du 11 au 12 mai 1990, à la suite de violences qui y avaient été exercées contre
les étudiants originaires de l’Equateur résidant au campus de l’Université de Lubumbashi.
Cette opération avait fait plusieurs dizaines d’étudiants exécutés. Ces rumeurs étaient aussitôt
relayées par la presse occidentale et par l’opposition zaïroise pour inciter la Belgique à
adopter une attitude plus ferme à l’égard du régime zaïrois. Ces événements de Lubumbashi
ont favorisé le 22 juin1990 la rupture par le maréchal Mobutu de la coopération bilatérale. Par
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Face à cet événement, la République française avait pris une décision
identique à celle de la Belgique. Notons à ce sujet avec Ngbanda Zambo-Ko
que « le 25 octobre 1991, la coopération entre la France et le Zaïre a été
interrompue (Ngbanda Zambo-Ko, 1995, p. 178)»
De même, au cours de la même période, l’auteur a renchéri que « le 30
novembre 1992, il y a eu une démarche diplomatique de la troïka en faveur
des acquis de la Conférence Nationale Souveraine (Ngbanda Zambo-Ko,
1995, p. 178).Le 04 décembre 1992, ce fut la déclaration du gouvernement
belge qui se disait prêt à tous les scénarios pour amener la paix au Zaïre, y
compris l’intervention militaire (Ngbanda Zambo-Ko, 1995, pp. 178-179).
Comme on peut le noter au début du processus de démocratisation, les
intérêts respectifs de la Belgique et de la France n’étaient pas entrés en conflit.
C’est pourquoi elles ont toutes deux entrepris des actions convergentes.
II.3.1.2. La stratégie diplomatique divergente
Le Président Mobutu s’était retrouvé diplomatiquement isolé sur la
scène internationale. Il était à l’affut de n’importe quelle opportunité pouvant
lui permettre de changer son image auprès des chancelleries occidentales qui
lui exigeaient de libérer le processus de démocratisation enclenché depuis son
discours du 24 avril 1990. L’opération turquoise initiée par la France constitua
sans nul doute une occasion tant recherchée. La France lui offrit à travers
l’opération turquoise cette opportunité. Ce point de vue est soutenu
par Fréderic Lasserre et Emmanuel Gonon comme suit : « en 1994, la France
a initié l’opération turquoise pour permettre au Président Mobutu de redorer
son blason sur la scène diplomatique internationale. En effet, durant cette
opération, l’hospitalité légendaire du Zaïre avait été démontrée. Toutefois,
l’arrivée sur le sol zaïrois des militaires des ex forces armées rwandaises ainsi
que les miliciens interhamwe avec armes et munitions allaient être
préjudiciables quelques années plus tard au régime de Mobutu. (Lasserre F.
et Gonon E., 2008, p. 100)
Toujours selon ces deux auteurs, « l’opération turquoise déclenchée à
l’été 1994 pour permettre officiellement de protéger les populations civiles de
l’ouest du Rwanda, a été perçue par le Front patriotique rwandais comme une
tentative de défendre le régime hutu et de protéger la retraite des FAR ».
(Lasserre F. et Gonon E 2008, p. 100)
II.3.2.La période de la violence
Durant cette période, la rébellion de l’Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo/Zaïre avait commencé en
la suite, même si elle ne voyait pas de preuve tangibles, la Belgique ne pouvait plus faire
marche arrière au risque de perdre la face (Lanotte O., 2003, pp. 18-19).
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septembre 1996. C’est encore une fois la France qui s’est plus manifestée
diplomatiquement par rapport à la Belgique.
II.3.2.1. les stratégies diplomatiques convergentes
Les stratégies convergentes ont été inexistantes pendant la guerre de
l’AFDL dans la mesure où la structure de pression sur le régime du Maréchal
Mobutu, qualifiée de « Troïka », était devenue inopérante sur le terrain. Les
Belges étaient restés discrets, les Américains soutenaient sans état d’âme la
rébellion au détriment du Président Mobutu, leur ancien allié. Pour sa part, la
France tentait vaille que vaille de sauver le Président Mobutu.
III.3.2.2. Les stratégies diplomatiques divergentes
Nous avons démontré que durant la transition dite pacifique, la
Belgique et la France en leur qualité des membres de la Troïka occidentale,
ont posé plus des actions communes allant dans de le sens d’exercer des
pressions sur le Président Mobutu de démocratiser effectivement le
fonctionnement des institutions. Cependant, ce dernier a continué à bloquer le
processus de démocratisation. Face à cet entêtement, les deux pays membres
de la troika occidentale ont adopté des attitudes différentes.
Une chose est sûre. Au cours de cette période la Belgique est restée
discrète. Cependant, elle entreprit une action diplomatique dans le cadre de
l’union européenne. A ce sujet, Olivier Lanotte fait observer que « le 28
octobre 1996 …, le ministre belge des Affaires étrangères, Erik Derycke,
tente, sans succès, d’attirer l’attention de ses partenaires au Conseil de
Luxembourg sur l’ampleur de la crise au Kivu et sur la nécessité d’une « force
d’interposition ». L’idée du gouvernement belge serait d’ouvrir des « couloirs
humanitaires » qui puissent permettre d’approvisionner en eau et nourriture
d’environ 1, 1 millions de réfugiés et éviter ainsi la mort de milliers de gens.
L’initiative belge est un échec, et n’aboutit à aucune position commune des
quinze. » (Lanotte O., 2003, pp. 49-50)
Pour sa part, la France préféra l’option de cavalier seul, contrairement
à l’option d’une intervention communautaire proposée par la Belgique. Elle
apporta son soutien diplomatique au président Mobutu et son aide au
recrutement des mercenaires pour suppléer aux décrochages de son armée en
déroute devant l’avancée des forces rebelles.
D’après F. Lasserre et E. Gonon, « dans la guerre qui a débuté en
septembre en 1996, la France a été accusée à plusieurs reprises de vouloir
soutenir son ancien allié dans la région, le Maréchal Mobutu, d’autant plus
que Paris avait connaissance des liens des Etats-Unis avec le Rwanda et
l’Ouganda. Les mercenaires serbes recrutés par le régime Mobutu pour
intervenir en janvier – février 1997 dans la contre-offensive désastreuse de
Kinshasa, auraient été recrutés, approchés via les services secrets français.
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Plusieurs voix se sont élevées en France pour dénoncer les rivalités francoaméricaines en Afrique, du moins ce que Paris percevait comme une tentative
américaine de prendre le contrôle des pays clients de la France. » (Lasserre
F.et Gonon E., 2008, p. 100).Elle ne pouvait pas accepter facilement être
devancée par les Etats unies d’Amérique, (USA).
Suite à l’implication manifeste des Américains aux cotés de forces
rebelles, la France ne pouvait pas rester indifférente face au déroulement des
événements dans la sous-région des Grands-Lacs africains. Ce sont plus les
Américains qui sont montés au créneau pour fragiliser le pouvoir du Président
Mobutu. Ils auraient en quelque sorte parrainée la guerre de l’Alliance des
Forces Démocratiques pour la Libération du Congo. C’est à juste titre que
Colette Braeckman (1999, p. 43) souligne que « … un témoin nous a assuré
avoir vu débarquer des hommes grenouilles en face de Goma, au moment où
la ville était prise d’assaut en octobre 1996. Les services français assurent
même que les américains ont participé aux opérations et que le corps de l’un
d’entre eux aurait été retrouvé sur la ligne de contact entre les « rebelles » et
les forces de Mobutu».
Force nous est de noter que la Belgique s’était caractérisée par une
diplomatie préventive, redoutant les coûts d’une intervention militaire. La
stratégie de la France était diamétralement opposée à celle de la Belgique. A
ce sujet, François Thual (2000, p. 23) fait observer que « même si les alliances
fonctionnent bien, elles n’excluent pas pour autant des divergences.»
Conclusion
Dans cette étude, nous avions pour objectif d’analyser les stratégies
diplomatiques convergentes et divergentes qui ont caractérisé les rapports
diplomatiques de la Belgique et de la France à l’égard de la RDC de
l’indépendance à la guerre de l’AFDL.
Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes servi des techniques
documentaire et d’observation directe désengagée. La théorie réaliste des
relations internationales de Hans Morgenthau nous a facilité leur analyse.
En ce qui concerne les stratégies diplomatiques convergentes, il ressort
que :
Pendant la première République :
La France s’est abstenue lors du vote de Nations Unies pour
l’intervention de forces de l’ONUC de 1960 à 1963, sa position
s’était alignée sur celle de la Belgique.
Pendant la deuxième République :
La France et la Belgique ont sauvé le régime du président Mobutu
militairement lors de deux guerres du Shaba en 1977 et 1978.
Pendant la période de transition :
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Suite au blocage du processus de démocratisation par le président
Mobutu, la Belgique et la France,à travers la Troïka occidentale, ont exercé
des pressions pour la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine.
S’agissant des stratégies diplomatiques divergentes de deux pays, nous
avons relevé ce qui suit :
Pendant la première République :
La Belgique a été impliquée dans la sécession Katangaise à son
début.
La France a joué un double jeu entretenant des rapports tant avec le
gouvernement central qu’avec les leaders de ladite sécession.
Pendant la deuxième République :
Suite à la brouille entre la Congo et la Belgique à cause du contentieux
belgo- congolais, les français vont en profiter pour gagner le marché
de la construction de la première phase du barrage d’Inga. La Belgique
se retrouve mise à l’écart.
Il en fut de même lors de la publication en Belgique du livre de Jules
Chomé intitulé« l’ascension de Mobutu » Du sergent Joseph Désiré au
général Sese Seko en janvier 1974. Comme la France avait interdit sa
vente, elle bénéficia de plusieurs investissements au détriment de la
Belgique
Pendant la période de transition
Durant la période pacifique
Les actions convergentes : la Belgique et la France exercèrent des
pressions diplomatiques sur le régime du Président Mobutu en vue du
respect du processus de démocratisation déclenchée par son discours
présidentiel du 24 avril 1990.
L’action divergente : la France opta pour son soutien. Elle tenta de
redorer diplomatiquement le blason du Président Mobutu sur la scène
internationale à travers l’opération turquoise 17. Quant à la Belgique,
qui avait suspendu sa coopération avec la RDC, n’avait pas changé de
position. Ces stratégies divergentes renvoie à ce que Raymond Aron a
affirmé en sens vue la conduite diplomatico-stratégique est menée par
le diplomate qui parle au nom de la collectivité étatique à laquelle il
appartient et le soldat qui tue au nom de ladite collectivité (Aron R.,
2004, p. 17).
17
De 22 juin au 22 août 1994, une intervention militaire française dénommée Turquoise a été opérée à
partir du territoire zaïrois. Elle se traduisait début juillet par l’instauration d’une zone humanitaire de
sécurité au sud-Ouest du Rwanda. L’afflux de réfugiés Hutu au Kivu et l’opération turquoise avaient
permis au dinosaure d’amorcer sa rentrée politique sur la scène internationale. Réussissant à faire la
preuve qu’on ne peut se passer de lui en Afrique centrale comme à l’intérieur de son pays, le maréchal
Mobutu est apparu comme un homme de paix, le seul capable de jouer le rôle de tuteur de toute cette
zone interlacustre (Lanotte O., 2003, pp. 34-35).
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Ces stratégies diplomatiques variant en fonction de circonstances montrent à
quel point que le choix rationnel opéré par les chefs d’Etat (Morgenhau H.,
2005, pp. 4-5) est conditionné par la satisfaction de plusieurs objectifs, et
notamment « la puissance, la gloire et l’idée (Aron R., 2004, p. 81)». Cette
ambivalente diplomatique se résume en une lutte pour la puissance.
Pendant la période violente
Action convergente : la Belgique et la France n’entreprirent aucune
action convergente durant la guerre de l’alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo.
Actions divergentes : la Belgique proposa l’envoi d’une force
d’interposition dans le cadre de l’union européenne pour assister les
populations civiles victimes du conflit armé. Pour sa part, la France
aida le régime de Mobutu dans le recrutement des mercenaires serbes
en vue de combattre les troupes rebelles, aidées selon elle par les
américains. Tout compte fait, au nom du réalisme en politique
étrangère et de l’intérêt national de chaque Etat, la France et la
Belgique planifieront toujours en RDC des stratégies diplomatiques
tantôt convergentes tantôt divergentes. Pour s’en convaincre, ces deux
pays font partie actuellement du Comité international
d’accompagnement de la transition en RDC. Il est difficile de prédire
la tournure les rapports qu’entretiendront chacun de ces deux pays avec
les dirigeants de la République Démocratique du Congo dans le futur.
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