Fiche du document numéro 28322

Num
28322
Date
Lundi 3 mai 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
380298
Pages
14
Titre
Rwanda, un génocide chrétien et démocratique ? Séminaire d’Emmanuel Faye “Philosophie et national-socialisme” [Commentaires]
Sous titre
Rouen, 3 mai 2021
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Source
Type
Conférence
Langue
FR
Citation
1 Rwanda 1994, le génocide des Tutsi
Nous nous interrogeons ci-après sur le génocide des Tutsi au Rwanda en
1994.
Comment les habitants de ce pays réputé très chrétien en sont venus à massacrer
leurs proches ?
Comment les puissances étrangères qui ont soutenu ou reconnu le Gouvernement
intérimaire rwandais ont-elles pu le laisser perpétrer un tel crime tout
en le laissant siéger au Conseil de sécurité des Nations unies ?
Comment un racisme entre Africains a-t-il pu naître ?
Quelles sont les idéologies à l’oeuvre dans la propagande diffusée par les
commanditaires du génocide ?
Dénonçant en plein génocide un « nazisme tropical », Jean-Pierre Chrétien
s’interrogeait sur le rôle en 1994 de puissances coloniales, la Belgique et la
France.
2 Un génocide « démocratique »
Un détour par le XIXe siècle fait remonter à la source des idéologies raciales.
Importation d’un racisme par les Européens.
Ces idéologies survivent à la Deuxième Guerre mondiale dans les pays colonisés.
L’idéal occidental de la société démocratique a été utilisé pour détruire les
fondements de la société rwandaise.
Le génocide des Tutsi a été dit « populaire » tellement nombreux ont été les
massacreurs.
Le thème essentiel de l’idéologie du génocide a été celle du peuple majoritaire
: les Hutu.
Les victimes ont été présentées comme opposées à la démocratie.
En 1933 en Allemagne, c’est bien par des procédures démocratiques que les
nazis sont arrivés au pouvoir.
1
3 UN GÉNOCIDE « CHRÉTIEN » 2
3 Un génocide « chrétien »
La mission chrétienne fait aussi interroger la rémanence de l’esprit de Croisade
et de la guerre juste, voulue par Dieu. Nous découvrons des thèmes idéologiques
et des méthodes que nous avons vu à l’oeuvre lors des massacres coloniaux,
du soulèvement militaire contre la République espagnole et lors de l’opération
Barbarossa des nazis contre le “judéo-bolchevisme” en 1941.
Les missionnaires ont fait du Rwanda leur propriété.
En 1994, les évêques soutiennent le gouvernement qui organise le génocide.
Les églises servent d’abattoirs pour la mise à mort des Tutsi.
4 Le Rwanda, source du Nil
Le géographe et astronome grec d’Alexandrie Claude Ptolémée (90 – ca. 168)
plaçait la source du Nil dans les Monts de la Lune.
Les Arabes, dont le mathématicien et géographe Al-Khwarizmi (ca. 780 - ca.
850), enrichirent la carte de Ptolémée par des noms de villes et des coordonnées.
Une copie du début du XIe siècle de cette carte se trouve à la bibliothèque
de Strasbourg. La fascination pour la civilisation égyptienne fut relancée par la
campagne d’Egypte de Bonaparte.
Les thèses de Cheikh Anta Diop sur les origines africaines de la civilisation
égyptienne font toujours scandale. Comment une civilisation aussi élaborée
avait-elle pu apparaître sur les rives du Nil en Afrique, un continent considéré
par ailleurs peuplé de sauvages ?
La recherche des sources du Nil mena à la découverte du lac Victoria par les
Anglais Speke et Burton (1863), du Rwanda par l’allemand Von Götzen (1895).
Le mythe hamitique fera des Tutsi une race supérieure venue d’Egypte puis
des envahisseurs qui ont réduit les Hutu en esclavage. Pour se libérer, les Hutu
doivent les massacrer et les renvoyer en Egypte d’où ils viennent par le plus
court chemin.
5 Les Grands Lacs, lieu d’affrontement entre puissances
européennes
Sur une carte de 1864 où figure le Rwanda, Speke désigne par « Mond Gebirge
» la région des volcans Virunga au nord du lac Kivu. Suite au Congrès
de Berlin organisé par Bismarck en 1885, l’État indépendant du Congo fut reconnu
comme propriété du roi des Belges Léopold II, la Tanzanie, le Rwanda,
le Burundi furent attribués à l’Empire allemand sous le nom d’Ostafrika, les
Britanniques prenant possession de l’Ouganda et du Soudan.
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la région des Grands Lacs était le
théâtre d’un affrontement entre puissances européennes et entre missionnaires
catholiques et protestants. Les troupes belges venues du Congo battirent les
6 PASTEURS ET AGRICULTEURS 3
troupes allemandes en 1916. On ne voit pas d’affrontement entre deux ethnies
ou races, les Hutu et les Tutsi.
Le mythe des Monts de la Lune au coeur des Ténèbres est maintenu jusqu’aujourd’hui
masquant cette perversion du Bien représenté par les valeurs de
démocratie pour les laïques ou d’amour du prochain pour les chrétiens.
6 Pasteurs et agriculteurs
Pour simplifier, les Tutsi sont des éleveurs, les Hutu des agriculteurs. Dans
toute l’Afrique de l’Est, la vache est source de richesse et constitue une monnaie
d’échange. Les propriétaires de grands troupeaux forment la classe dirigeante.
Bien pourvu en protéines animales, ils sont de taille plus grande que ceux qui ne
se nourrissent que de végétaux. Le conflit entre éleveurs nomades et agriculteurs
est omniprésent autant qu’immémorial en Afrique et dans toute société agraire.
On le voit ajourd’hui avec les conflits opposant au Sahel les Touaregs et les
Peuls aux populations sédentaires. On le retrouve dans le livre de la Genèse
avec le conflit entre Caïn l’agriculteur et Abel l’éleveur. La dispute entre les
frères a pour origine Yahvé qui accepte les offrandes de l’éleveur et rejette celle
de l’agriculteur. Dieu n’est pas végétarien et prend plaisir à manger la viande
grillée d’animaux sacrifiés. Cette histoire constitue une sorte de préfiguration
du génocide des Tutsi par des Hutu dans ce pays devenu très chrétien qu’est
devenu le Rwanda avec l’arrivée des missionnaires en 1900.
7 Un nazisme tropical
En plein génocide, le 26 avril 1994, Jean-Pierre Chrétien publie dans Libération
une tribune avec pour titre « Un nazisme tropical ». Historien de la région
des Grands Lacs, il a déjà publié des mises en garde bien avant le génocide.
Face à la « véritable Shoah africaine » qui est en cours, il dénonce les commentaires
en terme de sauvagerie africaine ou d’antagonisme séculaire entre Tutsi
et Hutu, Hamites et Bantou. Il décrit l’apparition depuis 1959 d’un véritable
racisme fondé, au Rwanda sur la démocratie des quotas ethniques de la république
hutu mise en place avec la bénédiction de la démocratie chrétienne belge,
racisme qui provoque des tueries depuis 1959. Il décrit la peur réciproque entre
Hutu et Tutsi née de la dissymétrie politique entre le Rwanda où les Hutu sont
au pouvoir et le Burundi où les Tutsi sont au pouvoir. Mais dans les deux pays,
ce sont les Tutsi qui sont les « boucs émissaires » victimes de la “majorité” ethnique,
les Hutu. Il évoque une « logique fasciste des ethnismes », un « nazisme
bantou ». Il désigne l’idéologie de type nazi, « l’antihamitisme », qui contient
tous les relents de l’antisémitisme. Il dénonce la violence raciste des “sections
d’assaut” de l’ancien parti unique MRND et de son satellite la CDR, les appels
à la purification ethnique de Kangura, les appels directs au meurtre de RTLM.
Il déplore l’aveuglement occidental « des socialistes égarés dans le populisme
racial », des démocrates-chrétiens « fanatiques de “leur” Rwanda », des associa8
HILBERG : LE GÉNOCIDE SOUS SA FORME LA PLUS PURE 4
tions de droits de l’homme intoxiquées. Certains auraient qualifié ces massacres
de « jacqueries » ou de prises de la Bastille en 1789. Il regrette « l’indéfectible
soutien français » à ce régime qui massacre. Son « hélas » est un peu faible mais
il est un des rares Français à protester.
8 Hilberg : le génocide sous sa forme la plus
pure
Dans la réédition de 2011 de son livre La destruction des Juifs d’Europe,
Raul Hilberg écrit : « Mais le génocide sous sa forme la plus pure commença au
Rwanda, pays enclavé au coeur de l’Afrique, le 7 avril 1994. En l’occurrence, le
défi lancé aux règles soigneusement élaborées après la guerre ne souffre d’aucune
ambiguïté ». 1
9 La Convention contre le génocide
La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
adoptée par les Nations unies à Paris le 9 décembre 1948 2 définit le crime de
génocide.
Article II
Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque
des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en
tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres
du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Elle implique pour les signataires :
- d’intervenir contre les auteurs de génocide (art. I)
- d’arrêter les présumés coupables (art. VI)
- de saisir les organes compétents de l’Organisation des Nations unies (art.
VIII)
- d’inscrire la définition du crime dans la législation interne (art. V). En
France, ce crime n’a été défini dans le Code pénal qu’en mars 1994.
1. Raul Hilberg [1, Tome III, p. 2240].
2. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Organisation
des Nations Unies, 9 décembre 1948. http://francegenocidetutsi.org/
Convention1948genocide.pdf
10 UNE INTERVENTION MILITAIRE À L’INSU DE L’ONU 5
10 Une intervention militaire à l’insu de l’ONU
La France décide d’une intervention militaire, dénommée Amaryllis, sans en
avertir l’ONU. Le but de l’intervention n’est pas clair. Evacuer nos ressortissants
ou voler au secours de l’armée gouvernementale rwandaise ?
Le général Quesnot informe François Mitterrand que Boutros-Ghali, secrétaire
général des Nations Unies, et le Conseil de sécurité ne seront prévenus
qu’« au moment des faits ».
11 8 avril 1994 : génocide des Tutsi
L’ordre d’opération Amaryllis reconnaît de facto que le génocide des Tutsi
commence et donne comme consigne aux militaires français d’« adopter une
attitude discrète et un comportement neutre vis-à-vis des factions rwandaises ».
Ils n’interviendront pas contre le génocide et collaboreront ni avec les Casques
bleus ni avec les troupes belges pour le faire cesser, en contravention avec la
Convention contre le génocide.
12 22 juin 1994 : opération humanitaire Turquoise
sous chapitre VII
Alors que le génocide des Tutsi est presque achevé et que le FPR est proche
de remporter une victoire militaire, le Conseil de sécurité de l’ONU autorise,
par sa résolution 929 en date du 22 juin 1994, une opération temporaire de deux
mois à but « strictement humanitaire » proposée par la France, « qui sera menée
de façon impartiale et neutre et ne constituera pas une force d’interposition entre
les parties ». Elle visera « à contribuer, de manière impartiale, à la sécurité et
à la protection des personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger au
Rwanda, étant entendu que le coût de la mise en oeuvre de cette offre sera à
la charge des États Membres concernés ». Elle sera placée sous commandement
français et agira au titre du chapitre VII, c’est-à-dire qu’elle pourra employer la
force, contrairement à la MINUAR. La résolution est rédigée par la France. Le
mot génocide ne figure pas.
13 Le 28 juin 1994 Degni-Ségui reconnaît le génocide
La Commission des Droits de l’homme de l’ONU réunie en session extraordinaire
sur le Rwanda le 25 mai 1994 avait nommé un rapporteur spécial, René
Degni Ségui, chargé d’enquêter. Dans son rapport publié le 28 juin, il conclut
au génocide des Tutsi.
Ce rapport est malvenu pour certains. Le Conseil de sécurité l’ignore et,
dans sa résolution 935, demande au Secrétaire général de former d’urgence une
14 LA FRANCE SE REFUSE À ARRÊTER LES RESPONSABLES DU GÉNOCIDE6
commission « impartiale » d’experts chargés d’enquêter, de réunir des preuves
sur « de possibles actes de génocide » et de fournir un rapport « dans les quatre
mois qui suivront sa mise en place ».
Le génocide des Tutsi a été reconnu seulement en octobre 1994, quand ses
auteurs étaient à l’abri.
14 La France se refuse à arrêter les responsables
du génocide
Le génocide étant reconnu par la Commission des Droits de l’homme de
l’ONU, la France se devait d’arrêter les présumés coupables. Elle disposait de
troupes sur place avec le droit d’utiliser la force. Le ministre des Affaires étrangères
Alain Juppé prétexta qu’il n’avait pas de mandat pour arrêter les membres
du Gouvernement intérimaire rwandais, auteurs présumés du génocide, qui sont
restés du 14 au 18 juillet 1994 dans la zone humanitaire sûre.
Sur cette dépêche de l’agence Reuters annonçant que ceux-ci seront arrêtés
s’ils viennent dans la zone humanitaire sûre, Hubert Védrine note « ce n’est pas
ce qui a été dit chez le Premier ministre ».
15 Raul Hilberg : étapes du processus génocidaire
Raul Hilberg a distingué dans l’extermination des Juifs d’Europe par les
nazis, un processus à quatre phases : la définition des victimes, l’expropriation,
la concentration et l’extermination. Au Rwanda, un processus analogue en cinq
phases peut être reconnu : la définition des victimes et le marquage, l’exclusion
et enfin la concentration et l’extermination.
La définition des victimes fait remonter loin dans l’histoire.
Au Rwanda, le processus génocidaire commence en 1931.
16 De Gobineau et la hiérarchie des races
Le marquis De Gobineau (1816-1882) dans son “Essai sur l’inégalité des
races humaines” :
- considère que le fait racial est primordial dans l’histoire des sociétés humaines.
Il identifie race et peuple, race et nation ;
- établit la hiérarchie des races avec au sommet la race blanche et en bas la
race noire, proche de l’animal mais distincte ;
- Gobineau inspirateur du nazisme ? Il n’était pas antisémite ;
- Pas de disciples en France ? Mais Tocqueville, Renan, Ferry, Lebon, Vacher
de Lapouge...
- La pensée de Gobineau aurait imprégné les explorateurs et les missionnaires.
17 LES CHAMITES 7
17 Les Chamites
De Gobineau distingue des Noirs les Chamites, descendants de Cham, qui
fut maudit dans la Bible par son père Noé. Des Chamites se seraient mélangés
aux Noirs mais garderaient quelque chose du sang de leurs pères.
Ce concept est à la base du mythe hamitique selon lequel les Hamites ou
Tutsi seraient une race supérieure venue d’Egypte ou d’Ethiopie qui a envahi la
région des Grands Lacs et réduit les autres noirs, les “Bantous” en esclavage.
Il a une vision aristocratique de l’humanité. L’élite c’est les “Arians”. Il est
opposé à la démocratie.
18 Les quatre races enseignées par l’école publique
Le livre de Gallouédec et Maurette Géographie générale, classe de seconde,
de ma mère, copie directement De Gobineau. Page 253 :
« Les Abyssins sont des Sémites. [...] Ils ont le teint blanc bien que l’ardeur
du soleil l’ait bronzé. [...] D’autres habitants de l’Afrique du Nord forment une
branche spéciale du rameau sémitique : ce sont les Hamites. Les principaux sont
les Fellahs d’Egypte et les Somalis et Gallas qui peuplent les régions environnantes
de l’Abyssinie. »
« Les Nègres constituent la partie la plus nombreuse de la population africaine.
[...] le Soudanais est capable de comprendre et d’exécuter les bonnes
méthodes agricoles.
Au contraire, d’autres Nègres, comme les Bantous de l’Afrique équatoriale,
les Bushmen, les Cafres et les Hottentots de l’Afrique du Sud représentent des
races inférieures. »
19 Trois grandes races
Demangeon, Géographie, classe de seconde, écrit en 1955 que « les géographes
divisent les hommes en trois grandes races, blanche, jaune et noire ». (page 314).
20 La « science » raciale accompagne la colonisation
européenne
- L’anthropologie physique : impasse. Mais taille Tutsi > taille Hutu.
- La notion de race n’a pas de fondement scientifique mais le racisme perdure.
- Darwinisme social. Eugénisme. Elimination des malades mentaux. Rôle des
médecins à l’époque nazie et au Rwanda en 1994.
- L’élimination des races inférieures. Massacre des Kanaks en 1878.
21 LINDQVIST : L’ÉLIMINATION DES RACES INFÉRIEURES 8
- Massacrer pour civiliser. La colonne Voulet-Chanoine conquiert le Niger
et le Tchad en couvrant ces pays de cadavres (1899). Ces deux pays restent
toujours dans le pré-carré français.
- Assimilation de groupes linguistiques à des races Aryens, Bantous (Jean-
Pierre Chrétien).
- Les scientifiques et médecins nazis ne parviennent pas à donner un fondement
scientifique au racisme.
- « Dans ces pays-là un génocide, c’est pas très important » (propos attribués
à François Mitterrand, 1994)
21 Lindqvist : l’élimination des races inférieures
Le “darwinisme social” : la destruction des races inférieures est inévitable,
c’est le corollaire du progrès et la véritable compassion des races supérieures
pour les races inférieures consiste à les aider à disparaître.
22 Lavigerie : lettre à l’abbé Soubiranne
Le fondateur des Pères blancs croit lui aussi à la disparition des races inférieures
:
Je pense, en effet, et beaucoup d’autres qui voient les choses
depuis plus longtemps que moi, dans ce pays, pensent aussi que
tous ceux d’entre eux qui resteront attachés à leurs moeurs, à leurs
préjugés, à leur fatalisme musulman, sont condamnés à disparaître
rapidement au contact d’une civilisation et d’une race supérieures.
C’est une loi historique dont l’accomplissement fatal frappe déjà tous
les yeux, en Algérie.
Partout la société arabe se désorganise profondément à notre
contact. [...] Il n’y a donc pour les indigènes ou du moins pour leurs
enfants (car je ne pense pas que l’on puisse rien obtenir des adultes),
qu’une chance de salut même humain, c’est de se fondre dans nos
rangs. 3
23 Juifs déicides
Dans le missel Lefèbvre de ma mère (Nihil obstat de 1939), je lis pour l’office
des Ténèbres du Vendredi saint dans le commentaire des Psaumes de Saint
Augustin ceci : « Ce qu’a fait Pilate pèse donc sur lui pour la part qu’il a prise
dans le déicide ». (Remarque : le mot déicide n’est pas dans le texte latin, car ce
mot n’existe pas en latin, c’est une fabrication ultérieure, ecclésiastique) Dans
3. Lettre à l’Abbé Soubiranne, 10 novembre 1869. Cf. Stefaan Minnaert, La place de l’enfant
dans la stratégie missionnaire du cardinal Lavigerie et son application au Rwanda par le
P. Brard de 1900 à 1906, Dialogue, 31 mars 2014, pp. 178-223. http://francegenocidetutsi.
org/EnfantEtStrategieMissionnaireDuCardinalLavigerie1.pdf#page=14
24 ARNO MAYER : L’OPÉRATION BARBAROSSA 9
mon missel des années 1950 du même auteur, le mot déicide a disparu de la
traduction française... après 6 millions de morts.
24 Arno Mayer : l’opération Barbarossa
L’évêque Von Galen proteste contre l’euthanasie mais applaudit à l’invasion
de l’URSS.
L’invasion de l’URSS en 1941, appelée « Opération Barbarossa », fut présentée
comme une croisade contre le Judéo-bolchevisme.
Arno Mayer fait le lien avec les massacres de Juifs dans la vallée du Rhin
lors de la première croisade et avec les horreurs de la guerre de Trente Ans.
Cette croisade a été encouragée discrètement par le Vatican en 1942.
25 Noël 1942, Pie XII
Pie XII exalte la nouvelle croisade dans son message de Noël de 1942. Il
est clair qu’il s’agit de l’opération Barbarossa des nazis contre le « Judéobolchevisme
».
26 L’arrivée des Pères blancs au Rwanda en 1900
Quoique dirigés par un français (Mgr Hirth), ils sont protégés par les Allemands
et s’imposent par leurs armes. Ils sont escortés de catéchistes armés, les
askaris.
Ils attirent d’abord les pauvres (les Hutu), mais leur but est de convertir les
chefs (tutsi).
Le Roi du Rwanda, le mwami Musinga, présenté comme aristocrate va pied
nu et habite dans une hutte de paille et de branches tressées.
27 Mission chrétienne et conquête coloniale
Au nom de la lutte contre le paganisme, les missionnaires détruisent toutes
les croyances et structures sociales anciennes. Ils obtiennent la soumission de
l’institution royale puis la détruise.
- 1931 : Mgr Classe fait renverser le mwami Musinga au profit de son fils
Rudahigwa.
- Cartes d’identité raciales. Marquage. Définition des victimes (Hilberg).
- Tutsi promus race supérieure : Hamites venus d’Egypte ou d’Ethiopie.
- Seuls des chefs tutsi sont nommés et perçoivent l’impôt.
- Consécration du Ruanda au Christ-Roi.
Le Rwanda est dirigé de fait par les Pères blancs.
Ils ont le monopole de l’enseignement. Il est réservé aux Tutsi.
Ils inventent l’écriture du kinyarwanda.
28 1959 : MGR PERRAUDIN DÉNONCE LES INÉGALITÉS 10
Ils écrivent l’histoire du Ruanda.
Ils enseignent le mythe hamitique de Gobineau-Speke.
27.1 L’Eglise scelle une nouvelle alliance avec les Hutu
Devant la montée de la revendication d’indépendance dans l’élite tutsi, les
missionnaires choisissent de promouvoir les Hutu.
Bible : Ancien testament / Nouveau testament.
Ancienne alliance / Nouvelle alliance.
Fabrication de Juifs en Afrique.
La propagande missionnaire traite les Tutsi d’envahisseurs et d’exploiteurs.
Les Tutsi sont accusés d’être des aristocrates et aussi des communistes.
1959 : La « révolution sociale »
Des pogroms contre les Tutsi orchestrés par les Belges et les missionnaires.
Spoliation, déportation ou exil des Tutsi.
Expropriation, exclusion (Hilberg)
28 1959 : Mgr Perraudin dénonce les inégalités
En 1959, l’évêque André Perraudin, un Père blanc suisse, effectue un changement
radical de la politique missionnaire en se dévouant à la « cause hutu »
sans pour autant renoncer à la vision raciale de la société rwandaise.
29 Les richesses et le pouvoir politique sont aux
mains d’une même race
Dans son mandement de carême Super omnia Caritas du 11 février 1959, il
déclare au paragraphe « Applications à la situation du Pays » :
Constatons d’abord qu’il y a réellement au Ruanda plusieurs
races assez nettement caractérisées [...] Du point de vue chrétien
les différences raciales doivent cependant se fondre dans l’unité plus
haute de la Communion des Saints. [...] Dans notre Ruanda, les différences
et les inégalités sociales sont pour une grande part liées aux
différences de races, en ce sens que les richesses d’une part et le
pouvoir politique et même judiciaire d’autre part, sont en réalité en
proportion considérable entre les mains des gens d’une même race. 4
30 Les deux républiques hutu
Dictature de Kayibanda parrainée par l’archevêque Mgr Perraudin.
4. Lettre pastorale de Mgr Perraudin, Vicaire apostolique de Kabgayi, pour le carême
de 1959, Super omnia Caritas. Cf. Vérité, Justice, Charité [2, pp. 69-70]. http:
//francegenocidetutsi.org/Perraudin11fevrier1959.pdf
31 UN RÉGIME RACISTE SOUTENU PAR LA FRANCE 11
Il parle de races et non d’ethnies.
Quotas. Exclusion des Tutsi.
Menace d’un génocide par Kayibanda : il évoque la solution finale de la
question tutsi.
1973 : campagne de déguerpissage des Tutsi.
1973 : Coup d’Etat d’Habyarimana :
- élimination de Kayibanda ;
- MRND parti unique ;
- « équilibre ethnique », quotas ;
- interdictions professionnelles ;
- quadrillage de la population par le MRND;
- refus du retour des exilés ;
- Habyarimana très dévôt et charismatique comme le roi Baudouin.
Octobre 1990 : attaque du FPR.
Intervention militaire française et belge.
Novembre 1990 : devant les massacres, les Belges partent, les Français restent.
30.1 1963 : le petit génocide de Gikongoro
Un enseignant qualifie les massacres survenus, en représailles à une incursion
d’exilés tutsi, du 24 au 28 décembre 1963 dans la région de Gikongoro de « véritable
génocide ». Dans une lettre publiée par le journal Le Monde, M. Vuillemin,
détaché par l’Unesco comme enseignant à Butare, témoigne des innombrables
scènes de violence qui ont ensanglanté l’ancien protectorat belge. M. Vuillemin
a été amené à donner sa démission, ainsi qu’un autre expert des Nations unies :
Excitées par le préfet, les bourgmestres et les commissaires du
Parmehutu, des bandes de tueurs exterminèrent systématiquement,
du 24 au 28 décembre, les Tutsis. Dans la plupart des cas, les femmes
et les enfants ont été également assommés à coups de massue ou
percés de lances. Les victimes sont le plus souvent jetées dans la
rivière après avoir été déshabillées. Le nombre total de morts est
difficile à évaluer ; on peut cependant tenir pour certain celui de
8 000, et pour probable celui de 14 000 dans la seule préfecture
de Gikongoro. Le fait qu’une extermination systématique n’a été
appliquée que dans cette préfecture prouve que ces massacres ont
été organisés ; il y a lieu de craindre qu’il en soit de même pour
d’autres préfectures, et qu’un plan de “nettoyage” soit établi. 5
31 Un régime raciste soutenu par la France
L’attaque du FPR de novembre 1990.
5. L’extermination des Tutsis, Le Monde, 4 février 1964. http://francegenocidetutsi.
org/LM4-02-1964.jpg http://francegenocidetutsi.org/Vuillemin.pdf
32 LE PLAN DE LA COLONISATION TUTSI AU KIVU 12
- FPR : exilés tutsi + opposants à la dictature.
L’Église s’insurge contre les Tutsi.
Massacres contre les Tutsi de l’intérieur.
Ces massacres révulsent l’opinion belge.
La France en profite pour prendre la place de la Belgique.
32 Le plan de la colonisation tutsi au Kivu
Publié par Kangura de novembre 1990, c’est un faux complot attribué aux
Tutsi, inspiré du Protocole des Sages de Sion.
L’idéologie du peuple majoritaire.
Une démocratie à base raciale.
33 Les dix commandements
Publiés dans Kangura de décembre 1990. En dernière page figure une photo
de François Mitterrand.
34 Définition du Tutsi comme l’ennemi
Avril 1992 : gouvernement avec l’opposition à Habyarimana.
18 août 1992 : Arusha : signature entre le FPR et le gouvernement du protocole
d’accord relatif à l’État de droit.
21 septembre 1992 : diffusion par le colonel Deogratias Nsabimana d’un
texte sur la définition de l’ennemi. Rédigé par le colonel Nsengiyumva formé en
France. Rédigé en français.
21 novembre 1992 : réunion au camp de Butotori (Gisenyi) où Richard Mugenzi
(témoin) entend Bagosora dire : « il y a un plan d’extermination des Hutu
par les Tutsi, il faut déjouer ce complot, et pour y parvenir, nous devons nous
débarrasser des Inyenzi ». 6
Dupaquier : c’est la conférence de Wannsee.
Le lendemain 22 novembre 1992, discours de Léon Mugesera à Kabaya. Il
invite les Hutu à tuer avant d’être tué, à jeter les Tutsi à la Nyabarongo, affluent
du Nil, pour qu’ils retournent là d’où ils viennent, en Abyssinie.
6. Dupaquier, L’agenda..., Ibidem, p. 195. Voir aussi le rapport Mutsinzi, op. cit., p. 15 et
TPIR, Affaire ICTR-98-41-T, Bagosora, audiences des 15, 19 mai, 15, 20 juin 1998.
35 LE 10 AVRIL 1994, LES ÉVÊQUES CATHOLIQUES DEMANDENT À LA POPULATION DE SOUTENIR 35 Le 10 avril 1994, les évêques catholiques demandent
à la population de soutenir le gouvernement
et son armée qui exécutent le génocide.
Quatre jours après l’assassinat du président Habyarimana, le 6 avril 1994,
les évêques du Rwanda demandent instamment aux autorités « de neutraliser
tous ceux qui troublent la paix ». Que veulent-ils dire par neutraliser ? Alors
que les unités d’élite de l’armée rwandaise ont déclenché le génocide le soir du
6 avril, les évêques « rendent hommage aux Forces armées du Rwanda (FAR)
qui prennent à coeur les problèmes de sécurité ». Enfin, après l’assassinat des
dirigeants politiques favorables aux accords de paix, dont le Premier ministre,
ils « se félicitent de la mise en place d’un nouveau gouvernement, auquel ils
promettent leur soutien. » 7
36 François Mitterrand a défendu la démocratie
au Rwanda
Il déclare le 22 juin 1994 devant ses ministres, dont une rescapée d’Auschwitz,
que « si ce pays devait passer sous la domination tutsie [...] il est certain que le
processus de démocratisation serait interrompu ». 8
En quelque sorte, le génocide a été justifié par la défense des valeurs démocratiques.
Mais qu’en est-il de la “démocratie” en France où le président est le seul à
décider d’actes de guerre, d’actes criminels, sans que cela soit discuté à l’assemblée
ou, après coup, dans les campagnes électorales ? Le secret et le mensonge
s’impose.
37 Conclusion
La France au Burundi soutient les Tutsi qui massacrent les Hutu (1972).
Au Rwanda, elle soutient les Hutu qui massacrent les Tutsi (1990-1994). Ce qui
compte, ce n’est pas la “race”, mais le contrôle du pays.
L’Église catholique et la France ont, pour le moins, permis le génocide des
Tutsi. Celui-ci a été déclenché par un attentat et un coup d’État qui visait à
empêcher l’application des accords de paix. Ceux-ci permettaient à des “tutsi”
de rentrer au gouvernement et de se fondre dans l’armée. La France est
probablement engagée dans cet attentat avec ces alliés extrémistes anti-tutsi.
7. Communiqué des Evêques catholiques du Rwanda signé par Mgr Thaddée Nsengiyumva,
L’Osservatore Romano, 19 avril 1994. http://francegenocidetutsi.org/
CommuniqueEveques19avril1994.png
8. Déclaration de François Mitterrand au Conseil des ministres, 22 juin 1994. http://
francegenocidetutsi.org/ConseilDesMinistres22juin1994.pdf#page=4
RÉFÉRENCES 14
Les dirigeants français de 1994 partageaient l’idéologie des auteurs du génocide.
Elle provient des intellectuels et hommes de pouvoir français du XIXe
siècle (Gobineau, Tocqueville, Renan, Lapouge, Ferry, Galliéni, Lyautey...) qui
ont justifié la colonisation, appréhendé l’histoire et la politique sous l’aspect de
la race et justifié les crimes commis par nos militaires, leurs tirailleurs et leurs
milices par la civilisation apportée par les Blancs
On retrouve le cynisme et le mépris chez François Mitterrand qui disait à
son fils Jean-Christophe : « Dans cette région des Grands Lacs les massacres
sont devenus la norme. Dans ce type de conflit ne cherche pas les bons et les
méchants, il n’existe que des tueurs potentiels ». 9
Références
[1] Raul Hilberg : La destruction des Juifs d’Europe. Folio Histoire, 2006. 3
tomes, 2e édition, 2005.
[2] Vénuste Linguyeneza : Vérité, justice, charité. Lettres pastorales et autres
déclarations des évêques catholiques du Rwanda 1956-1962. Linguyeneza
Éditeur, Waterloo, Belgique, 2001.
9. Jean-Christophe Mitterrand, Mémoire meurtrie, Plon, 2001, p. 154. http://
francegenocidetutsi.org/JCMitterrandMemoireMeurtrieP154.pdf
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