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Monsieur le Ministre, Garde des Sceaux,
La Commission DUCLERT, créée en 2019 par le Président de la République, a remis son rapport à Emmanuel MACRON le 26 mars 2021. Cette commission avait pour « mission de consulter l’ensemble des fonds d’archives français relatifs au génocide, sur la période 1990-1994, afin d’analyser le rôle et l’engagement de la France durant cette période et de contribuer à une meilleure compréhension et connaissance du génocide des Tutsi. »
Si la France ne peut se voir reprocher d’avoir été un acteur de ce génocide, le rapport établit clairement « des responsabilités lourdes et accablantes » du président François MITTERRAND et de son cercle rapproché pour avoir apporté son soutien à ceux qui commettaient le génocide contre les Tutsi. Des responsabilités avant tout « politiques », un « aveuglement » face au « régime raciste, corrompu et violent du président Juvénal HABYARIMANA » que l’Elysée a soutenu.
En trois mois, le génocide contre les Tutsi a fait plus d’un million de victimes, ce fut le dernier génocide du XXème siècle, sans doute le seul que nous aurions pu empêcher.
Monsieur le Garde des Sceaux, le temps est venu de rendre justice aux victimes de ce génocide et à leurs familles.
Il est probable que plus de trois cents personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide ont trouvé refuge en France, où elles ont bénéficié jusqu’ici d’un accueil complaisant qui ne fait pas honneur à notre culture de la démocratie et à l’Etat de droit.
Beaucoup de ces génocidaires ont même obtenu l’asile politique, contrairement à madame Agathe KANZIGA, épouse du président HABYARIMANA, contre laquelle notre association a déposé plainte en février 2007.
Certains ont changé de noms, d’autres, en obtenant la nationalité, ont opté pour un patronyme français. Tous ces génocidaires pensent échapper à leur responsabilité grâce à la France, qu’ils pensent être leur éternel soutien.
Le CPCR, suivi par d’autres associations, n’a pu déposer pendant cette période que trente plaintes qui sont toujours à l’instruction, faute de moyens nécessaires pour conduire toutes les enquêtes nécessaires.
Puisque la Cour de cassation a toujours refusé de renvoyer au Rwanda les personnes visées par des mandat d’arrêt internationaux, notre pays a le devoir de les juger. Or, en 27 ans, la justice de notre pays a jugé et condamné trois génocidaires.
Une personne sera jugée en novembre prochain, trois ont été déférées devant la Cour d’assises mais ont fait appel.
300 suspects, 30 dossiers, 3 condamnations en presque 30 ans. Ne croyez-vous pas, monsieur le Garde des Sceaux, qu’il est grand temps de donner au « Pôle crimes contre l’humanité », créé au TGI de Paris en janvier 2012, les moyens indispensables pour que justice soit rendue aux victimes du génocide des Tutsi ? Depuis cette date, de trop nombreuses autres affaires ont été confiées aux juges d’instruction français (Libéria, Sierra Léone, Syrie, terrorisme) et les ont détournés des dossiers concernant le Rwanda.
Nous vous demandons donc qu’un pôle spécifique Rwanda soit créé pour poursuivre et faire juger les génocidaires qui se cachent encore sur notre sol. Ce serait montrer aux yeux de tous la détermination de la France à assumer ses responsabilités dans ce drame, sans attendre que les protagonistes aient disparu.
Monsieur le Garde des Sceaux, nous nous sommes battus, avec des moyens réduits à la détermination de simples bénévoles, pour que ces génocidaires ne puissent pas échapper à leurs responsabilités, mais seule votre mobilisation peut empêcher de laisser la France être un refuge pour génocidaires.
En se rendant prochainement au Rwanda, le Président MACRON sera amené à prononcer des paroles fortes de vérité et de justice. Il doit pouvoir annoncer que, désormais, tous ceux qui ont pensé se cacher en France ne pourront plus échapper à la justice. Les victimes du génocide, les rescapés et leurs familles comptent sur vous. Les Français seront fiers de leur Justice.
Je vous prie de croire, Monsieur le Garde des Sceaux, en l’expression de mon profond respect.
Alain GAUTHIER, président du CPCR