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À la suite du rapport remis fin mars sur l’implication de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, un arrêté rend accessibles de nombreux documents. Un geste fort, mais encore insuffisant pour le travail des historiens.
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C’est une avancée pour tous les citoyens français, concrétisée par un arrêté en date du 6 avril. En ce jour anniversaire du génocide des Tutsis et au lendemain de la remise d’un rapport accablant sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, d’importantes archives relatives à cette période sont désormais accessibles. Une décision qui « s’inscrit dans le cadre de l’engagement pris par le président de la République de créer les conditions favorables à la poursuite du travail de compréhension du rôle et de l’engagement de la France au Rwanda », confirme l’Élysée dans un communiqué.
Il s’agit de trois ensembles de documents. Les archives de l’ancien président François Mitterrand et celles de son premier ministre Édouard Balladur tout d’abord, comprenant par exemple les comptes rendus du conseil des ministres, notes des conseillers ou télégrammes diplomatiques. Les copies des documents consultés par la commission présidée par l’historien Vincent Duclert, ensuite, désormais accessibles aux Archives nationales. « C’est un geste fort, puisqu’il s’agit de documents de moins de 50 ans, non communicables selon la loi, et très souvent classifiés », souligne celui-ci.
Ce sont donc deux verrous qui sautent, sachant qu’un troisième protégeait les archives de François Mitterrand, l’accord de sa mandataire Dominique Bertinotti, dont la mission s’est achevée en janvier. « Tout le monde pourra ainsi lire les documents qui nous ont permis de conclure à un aveuglement continu et à une faillite politique, sans qu’aucun document ne permette de fonder une complicité de génocide », considère Vincent Duclert. Le dernier point fait débat, depuis la publication du rapport, au sein des chercheurs comme des rescapés.
Accéder à des fonds complets, une exigence scientifique
Saluant un pas important « pour les citoyens », François Robinet, qui travaille sur l’implication de la France, relativise la portée de cette ouverture des archives : « En tant qu’historien, je ne peux pas fonder mon travail sur des copies sélectionnées sans connaître le fonds complet duquel elles proviennent. C’est la base d’un travail scientifique. »
Selon lui, il aurait fallu donner accès à l’ensemble des fonds disponibles, notamment ceux du Service historique des armées, qui contiennent par exemple « les journaux de marche de l’armée française ». D’autant que Vincent Duclert affirme que son équipe a pu consulter tous les documents classifiés et les dupliquer. « Pourquoi dans ce cas ne pas choisir la dérogation générale utilisée pour les fonds Mitterrand et Balladur ? », questionne François Robinet, qui souhaite aussi que soient ouvertes les archives avant 1990 et après 1994.
Le refus de l’Assemblée nationale
Reste les archives auxquelles la commission n’a pu avoir accès. Vincent Duclert retient essentiellement le refus, non motivé, du président de l’Assemblée nationale, concernant les archives de la mission d’information parlementaire sur le Rwanda conduite par Paul Quilès en 1998. « Ce serait important que ce temple de la démocratie annonce à son tour une ouverture, appuie l’historien. La commission se tient bien sûr prête à expertiser ces archives. »
À défaut, l’accès à de précieuses informations resterait empêché, comme « les auditions à huis clos », confirme François Robinet, qui conclut : « Cette ouverture des archives est un pas important d’un point de vue politique et symbolique mais en termes de recherche, nous sommes encore au milieu du gué. »