Fiche du document numéro 28026

Num
28026
Date
Samedi 27 mars 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
14084
Pages
2
Urlorg
Sur titre
L'éditorial
Titre
Là où tout se sait
Nom cité
Source
DNA
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Malgré ses 1 200 pages et les quelque 8 000 documents exhumés des archives, le rapport de la commission Rwanda dirigée par l’historien Vincent Duclert n’est pas la fin de l’histoire. Il n’en est que l’un des socles, de loin pas le seul.

Le travail scientifique rendu au président de la République vendredi est certes imparfait, mais il est cependant essentiel. Le soupçon empoisonne les relations entre Paris et Kigali depuis bientôt trois décennies et il alimente un ressentiment anti-français qui irrigue depuis longtemps toute l’Afrique subsaharienne. Le temps est largement venu d’affronter ce passé trop proche pour qu’on puisse prétendre l’enfouir.

Malgré ses 1 200 pages et les quelque 8 000 documents exhumés des archives, le rapport de la commission Rwanda dirigée par l’historien Vincent Duclert n’est pas la fin de l’histoire. Il n’en est que l’un des socles, de loin pas le seul.

Le travail scientifique rendu au président de la République vendredi est certes imparfait, mais il est cependant essentiel. Le soupçon empoisonne les relations entre Paris et Kigali depuis bientôt trois décennies et il alimente un ressentiment anti-français qui irrigue depuis longtemps toute l’Afrique subsaharienne. Le temps est largement venu d’affronter ce passé trop proche pour qu’on puisse prétendre l’enfouir.

La France le doit aux 800 000 victimes de ce génocide, à leurs familles, à l’État rwandais, mais elle le doit aussi à ses concitoyens et à ses propres soldats qui ont été pris en otage par le politique et une partie de leur hiérarchie. Surtout, elle se le doit à elle-même, à ce qu’elle est ou prétend être. Car si le rapport conclut, peut-être hâtivement, en tout cas en outrepassant son champ de compétence, que Paris n’est pas « techniquement » complice du génocide, on avouera que la frontière entre soutien actif et complicité est tout de même bien mince. Et que surtout, ce n’est pas le rôle des historiens que de décider ce qui relève de la complicité. Il existe des juges et des juridictions, y compris internationales, pour cela.

Ce que réaffirme ce rapport, c’est que la France a délibérément ignoré les alertes de ses services de renseignement, qu’elle a sciemment soutenu un régime raciste, corrompu et meurtrier, qu’elle a armé les futurs génocidaires et continué à les armer avant et pendant les massacres. Qu’elle les a protégés et est même allée jusqu’à exfiltrer les plus influents qui, pour certains, ont été recueillis par Paris.

Il y a à tout le moins matière à réflexion et à questions pour ceux qui étaient alors en poste et qui, aujourd’hui encore, continuent à défendre l’idée d’un État qui s’est peut-être égaré, mais qui était uniquement mû par des considérations humanitaires au cœur d’un abominable chaos. Ce schéma ne tient plus.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024